Pour des placements au service du développement durable
Nicolas Mackel, PDG de Luxembourg for Finance milite pour des placements au service du développement durable dans l’Opinion
Tribune
On peut réprouver les apprentis « traders », ces jeunes investisseurs petits porteurs qui ont fait souffler un vent de panique sur les marchés face aux fonds spéculatifs en coordonnant, via les médias sociaux, la montée en flèche du prix de l’action de GameStop.
Cependant, tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’une histoire extraordinaire. On parle déjà du film qui pourrait en être tiré – une histoire moderne de David contre Goliath avec une touche financière. J’espère surtout que nous tirerons plus de cette expérience qu’un bon film bientôt disponible sur Netflix.
Quelles leçons tirer du phénomène GameStop ? Les investisseurs particuliers deviennent de plus en plus puissants sur les marchés financiers occidentaux grâce à la technologie. La pandémie n’a fait qu’accélérer cette tendance. Lorsque ces petits investisseurs se rallient à une cause, ils peuvent être efficaces pour mettre en œuvre des changements rapides et significatifs.
Imaginez maintenant un instant que vous puissiez concentrer ce pouvoir – l’enthousiasme et la loyauté dont ces milliers de petits investisseurs ont fait preuve – et le libérer sur les marchés financiers. Comment dirigeriez-vous ce pouvoir fantastique au service d’un changement positif ? Certains aimeraient sans doute voir d’autres géants de la finance s’effondrer. Mais pourquoi ne pas chercher à orienter ce potentiel vers un objectif plus important ?
A travers une combinaison de réglementation, d’incitation et pourquoi pas d’intérêt moral, il pourrait être mis au service de la question cruciale de la relance et de la reconstruction du « monde d’après ». Nous savons que des centaines de millions de dollars sont transmis de la génération des « baby-boomers » à leurs enfants désormais adultes.
Les enquêtes indiquent que la grande majorité des « millennials » souhaite investir dans des placements au service du développement durable. Toutefois, combien d’entre eux ont réellement effectué ce type d’investissements ? Le résultat est très différent. Ainsi, seuls 41 % (Morgan Stanley) des jeunes adultes avaient investi dans des entreprises ou des fonds visant des résultats sociaux et environnementaux positifs fin 2019.
Ce chiffre a probablement augmenté en 2020, parallèlement à l’utilisation croissante des plateformes de trading dédiées aux particuliers et à la baisse de l’âge moyen de leurs utilisateurs, mais l’écart entre la perception et la réalité demeure important.
Imaginez la puissance de millions d’investisseurs particuliers dans le monde, qui pourraient se rallier à la cause des actions menées par les entreprises, ou s’en débarrasser, en fonction de leurs performances au service d’un monde plus durable
Le rôle de la finance. Les marchés des capitaux et, plus généralement les services financiers, ont un rôle important à jouer pour désamorcer la bombe à retardement qu’est le changement climatique, mais aussi pour tenter de réduire les inégalités sociales que la pandémie a mises en exergue : inégalité des salaires et des conditions de vie, mouvement trop lent en faveur de la diversité et de l’inclusion, et manque d’infrastructures de soins.
Les gouvernements, les banques centrales, les régulateurs et de nombreux investisseurs institutionnels sont déjà bien avancés et s’efforcent de s’attaquer à ces problèmes, en plaçant l’investissement durable et responsable au cœur du fonctionnement futur des marchés financiers : critères de diversité imposés pour les comités exécutifs des entreprises, levées de fonds pour les infrastructures écologiques, émissions d’obligations vertes, stratégies industrielles durables. Dans le cadre de son plan de relance, la Commission européenne a ainsi affecté un montant considérable de 550 milliards d’euros à des projets écologiques.
Les citoyens au cœur du processus. Il s’agit d’un mouvement important et coordonné entre les Etats nations et les services financiers, qui progressent bien. Mais les citoyens en sont encore largement absents. Imaginez la puissance de millions d’investisseurs particuliers dans le monde, qui pourraient se rallier à la cause des actions menées par les entreprises, ou s’en débarrasser, en fonction de leurs performances au service d’un monde plus durable.
Si une surveillance et une réglementation appropriées étaient mises en place, ils pourraient faire pression d’une manière inédite. Les consommateurs ont ouvert la voie à travers la consommation : en délaissant certaines marques et certains produits qui ne correspondent pas à une pratique éthique et équitable. Ils forcent ainsi les entreprises à changer leurs conditions de travail, leurs sources d’approvisionnement, leurs chaînes d’approvisionnement ou leurs émissions de carbone.
L’ajout de la puissance de leurs décisions d’investissement financier ferait une différence encore plus significative. Ainsi, lorsque le phénomène GameStop ne fera plus parler de lui et que cette population d’investisseurs retournera sur les forums Reddit, espérons qu’ils verront la possibilité de tourner leur pouvoir collectif vers des actions beaucoup plus cruciales pour l’avenir de tous. Ce film aurait alors une fin heureuse.
Nicolas Mackel est PDG de Luxembourg for Finance, l’agence de développement de la place financière du Luxembourg
Comment restreindre le développement des maisons individuelles
Comment restreindre le développement des maisons individuelles
Comment atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols sinon en réduisant le développement des maisons individuelles s’interroge un collectif dans une tribune au Monde.
Tribune. Le 20 juin, la convention citoyenne pour le climat a remis ses propositions au président de la République. Plusieurs d’entre elles visent à stopper le processus d’artificialisation des sols et participent de l’objectif de « des maisons individuelles » (ZAN) promu par le gouvernement dans le plan biodiversité de juillet 2018. Cet objectif ne peut être que partagé. Il suppose toutefois que tous les acteurs de l’aménagement et de la construction – collectivités, urbanistes, aménageurs, architectes, promoteurs immobiliers et constructeurs –, mais aussi que la société dans son ensemble, changent profondément de logiciel.
Depuis toujours, les villes se sont développées au détriment des espaces naturels et agricoles. Selon les chiffres de l’Agence européenne de l’environnement, la France est le pays européen avec le plus haut niveau d’artificialisation des sols : 47 km² pour 100 000 habitants, contre 41 km2 en Allemagne et 29 km² aux Pays-Bas, pourtant plus densément peuplés que l’Hexagone. Cette pratique n’est plus soutenable.
Tout d’abord, l’artificialisation des sols doit pouvoir s’apprécier à différentes échelles, en tenant compte des diversités géographique, économique et sociale des territoires. Il ne peut y avoir de baromètre unique. C’est pourquoi l’objectif ZAN doit contribuer à une ambition plus globale : celle d’une stratégie de développement propre à chaque territoire, fondée sur une vision de long terme, transversale et partenariale, associant habitants, élus, services et opérateurs.
Cette stratégie doit permettre de dépasser le primat donné à la maison individuelle et assumer la construction d’une ville qui conjugue densité, qualité de vie et qualité environnementale. Cependant, il faudra veiller à ce que cet objectif ZAN ne se traduise pas, en particulier dans les zones tendues, par une raréfaction de l’offre de logements, au détriment des classes moyennes ou modestes et des primo-accédants.
Pour cela, il faut inventer des modèles économiques de l’aménagement qui favorisent la transformation de la ville sur elle-même. Aujourd’hui, il est plus complexe, risqué et onéreux de reconstruire la ville sur la ville plutôt que de l’étendre, alors que les lieux propices à la mutation urbaine ne manquent pas : friches industrielles, zones commerciales en entrée de ville, zones d’activité économique vieillissantes, etc. Par ailleurs, les financements publics devront soutenir en priorité les opérations de recyclage urbain, afin que ces dernières deviennent la règle. Le défi est immense : entre 2006 et 2014, seulement 43 % des surfaces nouvellement construites l’ont été sur des terrains déjà urbanisés.
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