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Dette : La France sous oxygène financière

Dette : La France sous oxygène financière

D’une manière générale, il est d’usage de parler de l’endettement de l’État et moins de l’endettement privé. Pour l’État, effectivement la dette s’est envolée puisqu’elle représentait 100 % du PIB annuel fin 2019 et avec la crise a atteint maintenant 120 %., Soit autour de 500 milliards supplémentaires. Certains experts et responsables gouvernementaux objectent que cet endettement n’aggrave pas la situation financière puisqu’on peut emprunter à des taux zéro. Pire que la charge financière relative au remboursement a plutôt tendance à diminuer de ce fait. Ce qui est exact mais il faudra bien un jour rembourser le capital.

Le taux d’endettement des entreprises françaises, lui,  est nettement supérieur à la moyenne européenne. Il s’élève à 73,5 % du PIB, contre une moyenne de 60,9 % pour la zone euro. Là aussi la crise a fortement fait progresser la dette privée. Pour l’instant le phénomène est largement masqué par les prêts garantis par l’État mais qui devront un jour être remboursés. Or d’après certaines enquêtes 10 et 20 % des entreprises ne seront pas en capacité de les rembourser. Pourtant le gouvernement a incité à étaler le remboursement éventuellement sur plusieurs années.

Pour faire face au choc économique lié à la crise du coronavirus, le Gouvernement a mis en oeuvre dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises, à hauteur de 300 milliards €.

Il est ouvert à toutes les entreprises jusqu’au 30 juin 2021 partout sur le territoire et ce quelles que soient leur taille et leur forme juridique (PME, ETI, agriculteurs, artisans, commerçants, professions libérales, entreprise innovante, micro-entrepreneur, association, fondation,…). Certaines SCI, les établissements de crédits et sociétés de financement sont exclus.

Les entreprises peuvent souscrire un prêt garanti par l’État auprès de leur établissement bancaire habituel ou depuis le 6 mai 2020 auprès de plateformes de prêt ayant le statut d’intermédiaire en financement participatif. Pour l’essentiel dans ce cas, le PGE est régi par les mêmes règles que lorsqu’il est souscrit auprès d’une banque.

Le montant du prêt peut atteindre jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires 2019 ou 2 années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019. Aucun remboursement n’est exigé la 1ère année. 2 à 4 mois avant la date anniversaire du PGE, le chef d’entreprise prendra la décision sur le remboursement : il pourra décider de rembourser immédiatement son prêt, de l’amortir sur 1 à 5 ans supplémentaires, ou de mixer les 2.

Dans le cadre du dialogue approfondi et régulier auquel les banques invitent leurs clients avant qu’ils ne prennent cette décision, les banques s’engagent à proposer de façon personnalisée les modalités d’amortissement qui correspondent le mieux à la situation du client et à ses besoins.

Ainsi, il sera possible d’intégrer dans la phase d’amortissement une nouvelle période d’un an où seuls les intérêts et le coût de la garantie d’État seront payés, en restant dans une durée totale de prêt de 6 ans (durée maximale voulue par la Commission Européenne).

S’agissant des taux, les petites et moyennes entreprises qui souhaitent étaler le remboursement de leurs PGE pourront bénéficier de taux bancaires compris entre 1 % et 2,5 % en fonction du nombre d’années de remboursement. Dans les conditions actuelles de taux, les banques se sont engagées à proposer une tarification maximale de :

  • 1 à 1,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2022 ou 2023,
  • 2 à 2,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2024 à 2026, coût de la garantie de l’État compris.

La garantie de l’État couvre un pourcentage du montant du capital, intérêts et accessoires restant dus de la créance jusqu’à la d’échéance de son terme, sauf à ce qu’elle soit appelée avant lors d’un événement de crédit. Ce pourcentage est fixé à :

  • 90 % pour les entreprises qui, lors du dernier exercice clos, ou si elles n’ont jamais clôturé d’exercice, au 16 mars 2019, emploient en France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliards €,
  • 80 % pour les autres entreprises qui, lors du dernier exercice clos, réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliards € et inférieur à 5 milliards €,
  • 70 % pour les autres entreprises.

Les banques se sont engagées à distribuer massivement, à prix coûtant, les prêts garantis par l’État pour soulager sans délai la trésorerie des entreprises et des professionnels. Elles examineront toutes les demandes qui leur seront adressées et leur apporteront une réponse rapide.

Néanmoins, toutes les entreprises, en particulier les plus grandes, qui ne respecteraient pas leurs obligations en termes de délais de paiement, n’auront pas accès à cette garantie de l’État pour leurs crédits bancaires.

Dette : l’amortissement par l’inflation

Dette : l’amortissement par l’inflation

Il est clair que l’énorme dette des pays favorisée par la distribution de masse de liquidités des banques centrales ne pourra être amortie rapidement. Il faudra au moins 20 à  30 ans pour amortir et à condition d’y affecter des ressources précises sinon les trous ne feront que s’agrandir. Par ailleurs il est aussi improbable de rembourser cette dette avec des hausses d’ impôts qui tuerait  immédiatement l’économie pour des années. Ne reste alors que la solution historiquement utilisée à savoir l’amortissement progressif par l’inflation qui réduit la dette des emprunteurs mais évidemment en plus le pouvoir d’achat des épargnants et des salariés quand les salaires ne suivent pas.

 

C’est pourtant vraisemblablement l’hypothèse la plus probable car la masse de liquidités du à la machine à billets  qui s’emballe ne reflète plus la richesse réelle produite. Du coup, il faudra nécessairement des ajustements entre richesse réelle et sa représentation monétaire. Certains économistes s’alarment enfin du risque d’inflation, à cause des plans de relance massifs qui ont été déclenchés. C’est vrai. Ainsi, ce weekend a été adopté le gigantesque plan de relance américain, 1.700 milliards d’euros, avec un chèque de 1.200 euros pour la quasi-totalité des ménages. Le tout financé intégralement par de l’emprunt, largement auprès de la banque centrale, c’est à dire de la création d’argent. Et c’est le cas aussi en Europe, au Royaume-Uni, au Japon. Il est tout à fait possible que cela fasse repartir l’inflation dans les années qui viennent.

Alors évidemment, l’inflation peut être bonne pour l’économie. La difficulté, c’est de ne faire que « un peu » d’inflation. On ne contrôle pas précisément ces phénomènes, qui peuvent s’emballer. Mais c’est vrai que 5% par an, ça ne serait pas forcément un problème. Cela permettrait de réduire assez vite la valeur de la dette accumulée dans la zone euro. Exactement comme nous l’avons fait après la Seconde Guerre mondiale, où c’est l’inflation qui a permis de se débarrasser de la dette du conflit.

L’inflation, c’est plutôt favorable à ceux qui sont endettés, parce que cela réduit le poids des engagements du passé, par rapport aux revenus du présent, qui progressent grâce à la hausse des prix. Et c’est plutôt défavorable à l’épargnant, parce que cela réduit aussi, dans le même temps, la valeur de l’argent accumulé. Comme pour tout phénomène économique, il y a des gagnants et des perdants de l’inflation.

Dette: des comités d’experts pour remplacer le vide du gouvernement et de l’administration ?

Dette: des comités d’experts pour remplacer le vide du gouvernement et de l’administration ?

 

 

On peut être vraiment surpris que le gouvernement multiplie les comités et autres groupes d’experts à propos des questions financières et notamment de la dette. En effet il ne manque pas de moyens et peut-être même de compétences au sein de l’administration pour analyser la situation presque quotidiennement et proposer des stratégies.

La preuve sans doute que le gouvernement manque cruellement de perspectives voire même de capacité d’analyse. Du coup, il externalisé sa responsabilité dans des comités d’experts peut-être pour leur faire porter le chapeau d’une éventuelle austérité.

Pourtant la question n’est pas aussi compliquée qu’il y paraît, il faut juste un peu de courage. Il est clair que la France a laissé filer plus que d’autres le déficit budgétaire en même temps que la dette qui atteint maintenant 120 % du PIB (20 points supplémentaire en un an) . La dérive qu’on attribue aux virus ne pourra être amortie  sur une période courte.

La seule manière est donc de la cantonner non pas pour l’oublier mais pour prévoir les modalités de son amortissement progressif sur 20 ,30 ou 40 ans avec une affectation précise des ressources destinées à cet amortissement. Parallèlement évidemment lorsque la reprise sera là le gouvernement pourra reprendre son travail de modernisation structurelle pour réduire les dépenses, mieux équilibrer le budget et  la dette d’avant Covid.

 

Annulation de la dette publique: des risques

Annulation de la dette publique:  des risques

Une chronique dans l’Opinion de Emmanuel Combe, professeur à Skema business school et vice-président de l’Autorité de la concurrence.

 

 

« L’histoire nous a maintes fois montré que les difficultés juridiques s’effacent devant les accords politiques » : telle est la conclusion de l’appel lancé par une centaine d’économistes en faveur d’une annulation de la dette-Covid contractée par la BCE.

Pour ce qui est de l’argument historique, il est factuellement juste mais largement sorti de son contexte. L’histoire contemporaine regorge certes d’exemples d’Etats ayant annulé leur dette – à l’image du Mexique en 1861 ou de l’Union soviétique à la fin de 1917 – mais ces décisions sont intervenues souvent à la suite d’un changement de régime politique : il s’agissait de solder un héritage « illégitime » du passé, fondé sur la dictature ou le colonialisme.

Une doctrine juridique sur la « dette odieuse » a même été élaborée dès 1927 par Sack, considérant qu’une dette contractée par un régime contre l’intérêt de ses propres citoyens « n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir ». Force est de constater que nous ne sommes pas aujourd’hui dans ce cas de figure : nous avons en Europe des gouvernements démocratiquement élus, qui ont fait le choix de contracter une dette non pour oppresser leur population mais pour faire face à l’une des plus graves crises économiques depuis 1929. Comparaison n’est pas toujours raison.

Les acteurs économiques se diront que si l’Europe est capable d’annuler les 25 % de dette détenue par la BCE, pourquoi ne ferait-elle pas de même demain sur les 75 % détenue directement par des acteurs privés ?

Crédibilité. Pour ce qui est de l’argument de la toute-puissance du politique, il omet de rappeler qu’il y a un coût économique à faire et défaire les traités. Pour bien le comprendre, il faut revenir à la notion de « crédibilité » : une politique économique est considérée comme crédible si elle obéit à des règles claires et constantes, qui sont annoncées à l’avance et permettent aux agents d’anticiper le comportement futur des pouvoirs publics. Changer les règles du jeu au cours du jeu, ne serait-ce qu’une seule fois, revient à renier ses propres engagements. Le décideur politique réalisera certes un gain à court terme mais il aura perdu toute crédibilité aux yeux des acteurs économiques.

Ainsi, dans le cas de la dette Covid, ces derniers se diront que si l’Europe est capable d’annuler les 25 % de dette détenue par la BCE, pourquoi ne ferait-elle pas de même demain sur les 75 % détenue directement par des acteurs privés ? La sanction économique sera aussi simple que redoutable : comme ils n’auront plus confiance, les investisseurs privés exigeront une prime de risque. Même dans un environnement de taux structurellement bas, les taux d’emprunt seront élevés, faute d’une confiance suffisante.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder ce qui s’est passé avec la Grèce, suite à l’épisode de restructuration de sa dette en mars 2012. Les marchés obligataires ont eu la mémoire longue et la dent dure : la Grèce devra attendre juillet 2017 avant de retrouver un accès direct aux marchés de capitaux ; elle ne devra son sauvetage pendant ces cinq années qu’à la faveur des plans d’aide du FMI et de l’Union européenne. Il est donc imprudent d’exiger une annulation de la dette détenue par la BCE. Cette demande est d’autant plus infondée que cette dette Covid ne coûte rien aux Etats européens, puisque les taux d’intérêt qu’ils versent à la BCE… leur sont ensuite reversés.

Remboursement de la dette : le faux débat

Remboursement de la dette : le faux débat

 

 Un collectif de plus de quatre-vingt économistes et chercheurs de différents pays, parmi lesquels Daniela Gabor, Jacques Généreux, Pierre-Cyrille Hautcœur, Marc Lavoie, Thomas Porcher et Adam Tooze répondent, dans une tribune au « Monde », à la proposition de cent cinquante de leurs collègues d’annuler la dette détenue par la Banque centrale européenne.

Tribune. Alors que la sortie de la crise sanitaire n’est pas en vue, la petite musique de l’austérité commence à se faire entendre. L’Etat s’est porté au chevet d’une économie entravée par les restrictions sanitaires, mais, selon certains, il faudrait déjà rembourser la dette nouvellement contractée par des coupes dans les retraites et les services publics, ainsi que par des hausses d’impôts pour le plus grand nombre.

Rien ne serait plus mortifère. La dégradation de la situation sociale, la reconstruction de nos services publics et la nécessité urgente d’une bifurcation écologique exigent que soit lancé sans attendre un grand plan d’investissement public. Plus généralement, l’Etat doit se doter de la capacité de répondre aux besoins sociaux, écologiques et sanitaires, et cela demande des moyens.

Illusion technique

Dans cette situation, certains de nos collègues, avec qui nous partageons par ailleurs beaucoup, proposent la solution suivante : il suffirait que la Banque centrale européenne (BCE) annule les titres de dette publique qu’elle détient. Selon eux, cela permettrait de recouvrer des marges de manœuvre budgétaire, et ce, sans léser personne.

Même si cette contribution a permis d’alimenter le débat, nous ne partageons pas leur analyse.

Cette proposition revient à fétichiser le ratio dette/produit intérieur brut (PIB) alors que la signature française n’est pas menacée. Elle vide même le message d’une annulation de sa force subversive. Elle ne donne aucune marge de manœuvre nouvelle, bien au contraire. Derrière l’illusion technique, sa radicalité n’est que de façade : on n’annule pas les rapports de force d’un trait comptable. Pourquoi donc perdre du capital politique sur une telle proposition, qui détourne des enjeux de la période ?

Le terme « annulation par la BCE » frappe les imaginaires mais ne correspond pas à la réalité. Cette dette n’est pas détenue directement par la BCE, mais par les banques centrales nationales (à travers l’Eurosystème). Cela signifierait, par exemple, que la Banque de France renoncerait à sa créance sur l’Etat français. Or, le capital de la Banque de France est détenu à 100 % par l’Etat : il s’agirait donc d’annuler une dette… que nous avons envers nous-mêmes. Comment croire qu’une telle opération puisse avoir un impact réel, positif et durable sur les finances publiques ?

Pas de seuil critique

L’Etat, dont la durée de vie est illimitée, fait « rouler sa dette » : il réemprunte afin de rembourser les titres arrivant à échéance. La question centrale est donc celle du refinancement, c’est-à-dire les conditions des nouveaux emprunts, et en particulier des taux d’intérêt qui peuvent varier pour des raisons institutionnelles, économiques et politiques. Or, les taux sur la dette souveraine française sont négatifs pour les durées d’emprunt en dessous de vingt ans, et proches de zéro au-delà.

Dette : Marine Lepen refuse de l’annuler

Dette : Marine Lepen refuse de l’annuler

« Une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. A partir du moment où un Etat souverain fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées » (tribune de Marine Lepen)

 

De question de spécialistes, la dette est devenue un sujet omniprésent dans les gazettes et autour des tables familiales. Quelques observations de bon sens me semblent pouvoir contribuer au débat.

En premier lieu, les bilans des banques centrales dans le monde ont quintuplé depuis la crise de 2008. La pandémie n’a fait qu’accentuer le mouvement. Les interventions de la Banque centrale européenne (BCE) se traduisent par des acquisitions de titres d’Etat et d’entreprises à son actif et par la constitution de réserves créées ex nihilo à son passif. Les titres sont achetés sur le marché secondaire, la BCE ne pouvant financer directement les Etats. Mais cela revient au même. Rien n’empêche pour la BCE de conserver ces titres de façon indéfinie, de les transformer en dettes perpétuelles, voire même de les compenser avec les réserves comptables (équivalant à une annulation de dettes). Nous sommes dans la droite ligne de la théorie monétaire moderne post-keynésienne.

Mais la réalité ne se laisse pas facilement appréhender quelle que soit la théorie économique. Encore faut-il qu’il y ait un consensus sur tel ou tel traitement de la dette, car la monnaie repose d’abord sur la confiance.

«L’importance d’une dette publique ne peut se juger que par rapport à la capacité d’une nation de la rembourser. La référence au PIB n’est pas le bon indicateur de la capacité de remboursement de la sphère publique»

Economie de fonds propres. ​En second lieu, le débat public se focalise sur des chiffres, tous plus effrayants les uns que les autres (« une dette de 120 % du PIB » soit 2 670 milliards d’euros, « le besoin de financement de la France s’élève à 282 milliards d’euros en 2021 »). Or, l’importance d’une dette publique ne peut se juger que par rapport à la capacité d’une nation de la rembourser. La référence au PIB n’est pas le bon indicateur de la capacité de remboursement de la sphère publique. Celle-là doit être appréciée par rapport aux marges de manœuvre permettant de couvrir le service de la dette : excédents budgétaires, réduction des dépenses publiques, augmentation des impôts et refinancement de la dette.

Les taux sont faibles aujourd’hui (0,593 % à 50 ans), voire négatifs sur les échéances courtes. L’Agence France Trésor « roule » la dette publique avec une belle technicité mais le risque d’une remontée des taux à terme, alourdissant significativement le service de la dette, ne doit pas être sous-estimé.

En troisième lieu, la dette d’une nation s’apprécie globalement, dettes publiques et dettes privées. Or, le gonflement des dettes privées en France est tout aussi préoccupant. En 2018, elle correspondait déjà à 265 % du PIB (155 % pour l’Allemagne). Même sur la dette privée, nous sommes en décalage avec l’Allemagne. Les 130 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) accentuent le problème. J’ai déjà eu l’occasion de proposer des dispositifs permettant de renforcer massivement les fonds propres des entreprises. Le meilleur remède à la dette, ce sont les fonds propres. La France doit impérativement passer d’une économie de dettes à une économie de fonds propres.

En quatrième lieu, il y a une grande différence entre une dette détenue majoritairement par les investisseurs institutionnels non résidents (c’est le cas de la France) et une dette détenue majoritairement par des nationaux (c’est le cas du Japon, avec pourtant une dette publique de 240 % du PIB). Le degré d’indépendance du pays est en jeu. Nous irons dans le sens d’une plus forte détention de la dette publique française par les investisseurs français, particuliers ou institutionnels, tout en préservant la diversité souhaitable des investisseurs. La signature France sera préservée et confortée.

« Nous devons mettre la France sur un chemin de croissance. Ceci implique des investissements de long terme dans les infrastructures, les technologies, les secteurs de souveraineté industrielle, l’aménagement du territoire, la transition énergétique et environnementale »

Souveraineté. Mon approche sur la dette est pragmatique.

Oui, une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. A partir du moment où un Etat souverain fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées. La Banqueroute des Deux Tiers de 1797 est un précédent révolutionnaire lointain qui n’a pas vocation à se renouveler dans notre France contemporaine. Qui paie ses dettes s’enrichit.

Oui, nous devons mettre la France sur un chemin de croissance. Ceci implique des investissements de long terme dans les infrastructures, les technologies clés, les secteurs de souveraineté industrielle, l’aménagement du territoire, la transition énergétique et environnementale. Leur financement sera vertueux, avec de la bonne dette et de vrais fonds propres. Le contraire d’une politique d’austérité mais avec une réelle maîtrise budgétaire dans la durée. Des investissements qui permettent des retombées économiques et sociales, des externalités positives, au bénéfice du bien commun mais aussi une lutte déterminée contre toutes les sortes de fraudes qui nuisent aux honnêtes citoyens.

Non, les générations futures n’auront pas à subir l’impéritie de quatre décennies de mauvaise gestion publique. C’est une question d’équité. C’est aussi une question de lutte contre les inégalités. Nous favoriserons en tout état de cause les solutions qui assureront le respect de notre pacte social.

Oui, enfin, l’approche budgétaire qui prévaut au sein de la sphère publique française doit profondément évoluer. J’aurai l’opportunité dans les mois qui viennent de développer les principes qui permettront de rendre compatible la dette publique française avec les ambitions de la nation et la nécessaire protection des Français. Cette approche est appelée à impliquer l’ensemble des acteurs institutionnels, économiques, monétaires et financiers, avec lesquels un chemin de croissance soutenable est à construire et à faire prospérer. Une bonne gestion de la dette publique est au cœur de notre souveraineté.

Marine Le Pen est présidente du Rassemblement national.

Le dangereux déni de dette (Jean Pisani-Ferry)

Le dangereux déni de dette (Jean Pisani-Ferry)

 

Ce qui est malsain, avec la proposition d’annuler la dette, c’est le déni de réalité consistant à affirmer que l’Etat peut effacer une partie de ses engagements sans que cela ne coûte à personne, estime l’économiste dans sa chronique au Monde. .

Chronique.

 

En arrivant à la Maison Blanche, Joe Biden a trouvé une dette publique de 27 000 milliards de dollars (22 380 milliards d’euros) et un déficit public de 3 600 milliards de dollars. Sa première décision a pourtant été d’engager un plan de soutien de 1 900 milliards, qui viendra s’ajouter aux 900 milliards votés en décembre 2020 à l’initiative de son prédécesseur. Au total, 13 points de produit intérieur brut (PIB), financés par endettement, vont être injectés dans l’économie américaine au cours des mois à venir.

En France, comme dans la zone euro, un soutien budgétaire de l’ordre de 4 % du PIB a permis en 2020 de maintenir le revenu moyen des ménages. En 2021, l’effort dépendra de la situation sanitaire, mais la mécanique restera la même. Le plan européen apportera peut-être un demi-point de PIB supplémentaire. Même en comptant des stabilisateurs automatiques plus puissants, on restera très en deçà des 13 points de PIB américains.

Outre-Atlantique, l’initiative Biden fait controverse : ce plan, disent les critiques, sollicite à l’excès des marges de croissance plus limitées qu’on ne le croit, et risque de déboucher sur une poussée inflationniste. Mais l’augmentation de la dette publique n’alarme personne.

En France, en revanche, où pourtant la dette est plus faible (115 % du PIB au lieu de 129 %), c’est paradoxalement sur celle-ci que se concentrent les débats. Le premier ministre Jean Castex a chargé une commission de préparer le redressement des comptes. Certains envisagent un recul de l’âge de la retraite. Les avocats de l’impôt fourbissent leurs armes. Le cantonnement a ses partisans. Et un petit groupe d’économistes mène campagne pour une annulation des 3 000 milliards d’euros d’obligations d’Etat détenues par la Banque centrale européenne (BCE).

Ces discussions sont prématurées. Avec maintenant le spectre d’une persistance de la pandémie, personne ne sait quand la situation reviendra à la normale. Dans ce contexte, l’impératif est ailleurs : amplifier la réponse sanitaire, continuer à protéger le revenu des personnes, prévenir le décrochage des plus vulnérables, préserver les entreprises.

En raison du niveau des taux, et grâce à l’action de la BCE, les Etats peuvent s’y consacrer sans se soucier de leurs conditions d’emprunt. Le premier risque pour la France n’est pas que cette crise la laisse trop endettée, c’est qu’elle la laisse industriellement et socialement anémiée.

Annulation la dette Covid : guerre de religion entre certains économistes de gauche et certains économistes de droite

Annulation la dette Covid :  guerre de religion  entre certains économistes de gauche et certains économistes de droite

 

Le journal la Tribune fait état d’une opposition entre ce qu’on peut appeler les économistes annulateurs de dettes  et les économistes conservateurs. En fait il, s’agit du clivage classique entre les économistes de gauche étatistes et les économistes pro européens. En effet derrière l’idée d’annuler la dette vise à  mettre en difficulté la Banque centrale et même la monnaie unique ; donc l’union économique elle-même. On peut difficilement comprendre de tels clivages dans une discipline comme l’économie qui n’est pas une science exacte mais qui quand même devrait montrer un minimum de pertinence scientifique. En réalité, les fondements de la science économique sont suffisamment évasifs pour permettre l’invasion de la discipline par une religion politique.

Il s’agit en effet bien d’une guerre de religion et non d’une approche de nature très scientifique. Ceci étant,  la discipline de l’économie permet au moins un enregistrement des faits passés et du présent mais demeure très approximative sur les scénarios d’évolution en raison précisément de la difficulté à  modéliser des réactions souvent imprévisibles des acteurs économiques. On peut faire des hypothèses mais c’est tout.

Pour schématiser,  c’est donc une guerre de religion surtout qui oppose les économistes à propos de l’annulation de la dette. Pour comparer on pourrait prendre le milieu médical. Dans ce milieu, il n’y a pas de médecins de gauche et de médecins de droite, pas de traitement de gauche et de traitement de droite.

 

Cette politisation de la discipline économique discrédite une approche pourtant indispensable. En outre,  l’enjeu est moins cette querelle théologique de l’annulation de la dette que celle d’un contenu et du volume d’un plan de relance qui n’est pas tout à fait à la hauteur des enjeux au niveau européen.

Dette : les solutions de Mélenchon

Dette : les solutions de Mélenchon

 

Dans une longue tribune Mélenchon explique ses solutions pour la dette. On notera toutefois qu’au-delà des arguments politiques, la solution proposée paraît un peu simpliste.

 

« La BCE pourrait transformer ces titres en « dette perpétuelle » ou en dettes à très longs termes ou les suspendre définitivement. » Déclare Mélenchon. D’abord les hypothèses sont très larges autant que vagues et font  l’impasse sur le faite que la crédibilité de la banque pourrait être très affectée. En clair le système financier autour de l’euro pourrait s’écrouler.

 

La tribune de Mélenchon

 

M. Adame Lagarde devrait aller au Louvre. Elle ferait un saut jusqu’à la stèle où est gravée le Code d’Hammurabi. D’accord, ce n’est pas un un texte tendre. « oeil pour oeil dent pour dent » c’est sévère ! Mais le même réalisme cruel s’exprime d’une autre façon à propos des dettes. Le cas traité est celui du débiteur confronté à une inondation ou à une catastrophe. Le souverain de l’an 1750 avant notre ère dit que ce débiteur « ne rendra pas de blé au créancier, trempera dans l’eau sa tablette, et ne donnera pas l’intérêt de cette année ». Tremper dans l’eau votre tablette, madame Lagarde ! Effacez les dettes publiques détenues par la BCE. Car sinon comme le débiteur inondé, le moment sera vite venu ou faute de pouvoir payer, le débiteur vous infligera sa banqueroute totale. Effacez ! Nous en avons besoin aujourd’hui pour sortir de la crise créée par la pandémie et restaurer la capacité d’action de l’État.

Destruction du système social ?

Car cette crise a ajouté de la dette à la dette, non pour financer l’avenir mais pour tenter de sauver le présent. En vain. Les dettes publiques atteindront bientôt le niveau qu’elles avaient à la fin de la seconde guerre mondiale. Et les dettes privées ont d’ores et déjà atteint des niveaux inconnus jusque-là dans l’histoire. D’abord sidérés, les amis de l’austérité sans fin se ressaisissent. Pour les uns, il faudra payer, quoi qu’il en coûte, car ne pas payer ses dettes, c’est pécher. Dette est un mot sacré pour eux. Et payer quoi qu’il en coute un acte de foi.

Pour les autres, c’est autre chose. Voilà l’occasion rêvée de continuer leur destruction du système social sous prétexte du manque d’argent. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne ont déjà commencé leur danse du scalp. Ici, les retraites, là les services publics, la grande braderie pourra bientôt recommencer sous prétexte de dette. Tous ces sacrifices seraient complètement inutiles. Même avec 10 milliards par an d’excédent budgétaire on arriverait à rien. Il faudrait 270 ans pour solder la dette ! Compter sur le retour magique de la « croissance » est tout aussi illusoire. Avec 1,5 points de croissance par an entièrement affectés à rembourser, nous viendrons à bout de notre dette en 248 ans. Bref, payer cette dette, c’est obliger plusieurs générations de français à se sacrifier pour un fétiche.

« Nous libérer du boulet de la dette »

Nous répétons pourtant depuis plus de dix ans que de telles dettes ne se remboursent pas. Ou alors seulement par la dévaluation, l’hyper-inflation ou la guerre. Qui en veut ? Mais les gouvernements libéraux ont-ils encore une capacité à penser librement les leçons de l’histoire ? Sont-ils capables de s’arracher à leur dogme pour penser la réalité ? Que faire donc ? J’ai présenté à l’assemblée nationale un projet de résolution sur ce thème. En vain. Le 6 mai 2020, nous avons déjà été nombreux – responsables des principaux partis d’opposition d’Europe – à affirmer qu’il fallait nous « libérer du boulet de la dette » [1].

Oui on peut se libérer de ce fardeau ! Pour cela, il existe un moyen simple, radical et puissant : nous servir de la Banque centrale européenne et de son pouvoir absolu sur la monnaie qu’elle édite. Une banque centrale est un créancier particulier, insensible aux pertes, jamais à court d’argent. Depuis plus de trente ans désormais, les monétaristes ont pourtant tout fait pour soustraire ce pouvoir à la délibération collective et démocratique. Et pourtant elle peut tout. Il faut qu’elle agisse avant qu’il soit trop tard !

Car la crise de 2008 et la pandémie ont eu un effet inattendu pour les monétaristes et les néolibéraux : la BCE a dû intervenir sans cesse pour contenir les taux d’intérêts, sauver les banques et permettre aux États d’emprunter à des taux raisonnables. Du coup elle a fini par accumuler près de 25 % de la dette publique des États de la zone euro. Et cela alors même qu’elle n’a pas le droit de fournir directement les États ! C’est le comble : elle a fait des achats massifs de titres de dette publique à des acteurs financiers privés. Quelle usine à gaz coûteuse pour tous ! Ces titres, conservés dans son bilan ne lui servent à rien. Mais les États doivent quand même les rembourser à leur échéance, soit en s’endettant davantage soit en prélevant des impôts.

Annulation des dettes publiques

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Notre solution est simple : annuler ces titres de dettes publiques. Il n’en coûtera pas un euro a qui que ce soit. Personne ne serait spolié par cette solution. Rien ne s’y oppose. Ni en droit, ni dans les faits. Car une annulation n’est pas un financement monétaire et ne tombe pas sous le coup de l’article 123 du Traité de fonctionnement de l’Union qui le proscrit. L’article 32.4 du protocole annexé au traité européen permet même explicitement à la BCE de compenser les pertes des banques centrales nationales – qui porteront l’annulation – en recourant à la création monétaire.

La BCE pourrait transformer ces titres en « dette perpétuelle » ou en dettes à très longs termes ou les suspendre définitivement. La formule importe peu. Ce qui compte c’est l’effort dont tout le monde sera soulagé. Les sommes dégagées par l’annulation permettraient aux États d’investir pour la bifurcation écologique et le progrès humain.

Car ils ne le font pas, même lorsqu’ils peuvent emprunter à taux négatifs, comme depuis 2015. Dans les cinq années qui ont précédé la pandémie, la dette publique moyenne des pays de la zone euro a même été réduite de 91 à 84 % du PIB, entraînant dans sa chute l’investissement public qui n’a même pas retrouvé son niveau de 2008 ! Et ce ne sont pas les squelettiques plans de relance établis au niveau européen – moins de 3 % du PIB européen étalés sur plusieurs années – qui changeront la donne.

Une solution à portée de main

Je n’aborde pas ici les autres aspects que pour ma part je juge indispensable au redéploiement d’une finance productive et innovante en Europe. Je n’évoque donc pas la nécessité d’un pôle public financier ni le changement de statut de la banque centrale que je crois indispensable. Ni la politique fiscale qui s’imposerait. Ils sont nécessaires pour sortir durablement les États de la main des marchés financiers. Je m’efforce de montrer qu’une solution raisonnable est à portée de main pour éviter le naufrage humain et social que représente le maintien de la politique actuelle.

Ce circuit pourrait aussi être une solution pour solder les dettes privées insolvables accumulées par de nombreuses petites entreprises pendant la crise. Face à une vision sacrificielle de la monnaie gérée par des idéologues, je crois au contraire à un bien-être collectif maîtrisé. Pour cela il nous faut des investissements utiles pour réaliser la bifurcation écologique et sociale de l’appareil productif et des normes de la consommation. C’est ce dont ont besoin avant tout nos peuples après quatre décennies de politique restrictive. L’annulation indolore des dettes que nous nous devons à nous-mêmes via notre banque centrale ouvrirait un nouveau cycle d’investissement urgent en nous libérant du poids du passé et d’un futur enchainé au remboursement sans fin.

Annulation Dette de la BCE : le risque d’une explosion

Annulation Dette de la BCE : le risque d’une explosion

 

L’ancien banquier Jean-Michel Naulot exprime la crainte, dans une tribune au « Monde », que l’idée d’une annulation de la dette de la Banque centrale européenne sape la confiance dans cette institution.

Tribune. Le débat sur l’annulation des dettes publiques prend de l’ampleur. Une centaine d’économistes, animés par une juste cause, l’écologie et la justice sociale, proposent d’effacer 2 500 milliards d’euros de dettes détenues par la Banque centrale européenne (BCE) et d’investir ce montant dans une relance vertueuse. Leur projet est de restaurer des marges de manœuvre pour investir. Comment une telle proposition ne retiendrait-elle pas l’attention ?

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, y a répondu de manière très claire : « Ce serait une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des Etats. Cette règle constitue l’un des piliers fondamentaux de l’euro » (JDD, 7 février 2021). Cependant, venant d’une dirigeante qui expliquait au moment de la crise de 2010 que « nous avons violé toutes les règles [de l’Union européenne] parce que nous voulions serrer les rangs et sauver réellement la zone euro » (Wall Street Journal, 18 décembre 2010), la réponse risque d’être un peu courte pour dissuader les avocats de l’annulation. Le débat autour de l’annulation de dette va bien au-delà de la problématique des traités.

Pour la BCE, renoncer au remboursement d’une dette dans le cadre d’un accord avec les Etats, ce serait enregistrer une lourde perte, comme n’importe quelle banque qui aurait prêté à un client défaillant. Ce serait faire apparaître au bilan des fonds propres négatifs de plus de 2 000 milliards d’euros, un montant qui ne serait pas vraiment de l’épaisseur du trait – de l’ordre du produit intérieur brut (PIB) de la France.

Quelles en seraient les conséquences ? Personne, absolument personne, ne peut répondre à cette question. Pourquoi ? Parce que cette expérience serait inédite et qu’elle toucherait à l’essentiel, la solidité de l’institution monétaire, donc à la confiance qu’elle inspire. Or, sans la confiance, c’est tout le système économique qui risque de s’effondrer.

 

Contrairement à une idée répandue, l’autorité d’une banque centrale est fragile. Elle ne dispose d’aucun pouvoir relevant de la magie. Elle n’a pas le pouvoir de distribuer de la monnaie comme on distribue des cadeaux. Elle crée de la monnaie comme n’importe quelle banque commerciale. Jusqu’à la crise de 2008, c’étaient même les banques commerciales qui créaient, de très loin, l’essentiel de la monnaie. 

Point absolument capital, la création monétaire, quelle que soit son origine, est toujours effectuée contre une reconnaissance de dette et celle-ci doit être honorée. Lorsque survient une crise, la Banque centrale joue le rôle de prêteur en dernier ressort : elle irrigue le système bancaire en prêtant des liquidités, certes sans limite, mais elle ne fait que prêter.

Dette: proposition d’annulation simpliste

Dette: proposition d’annulation simpliste

le Monde répond par un édito à la proposition simpliste des 150 économistes qui demandent l’annulation de la dette.

 

Les crises sont toujours propices pour faire émerger des réponses simples à des questions compliquées. Le débat sur la dette accumulée par les membres de l’Union européenne (UE) auprès de la Banque centrale européenne (BCE) pour faire face aux conséquences de la pandémie n’échappe pas à cette tentation.

Qui va payer ? Une tribune publiée dans Le Monde, vendredi 5 février, par 150 économistes prône une solution radicale : l’annulation de 2 500 milliards d’euros de créances. C’est à se demander pourquoi personne n’y avait pensé avant. Mais, comme toutes les évidences, l’idée risque de se heurter à la réalité. Sa mise en œuvre pourrait créer plus de désordre qu’elle ne résoudrait de problèmes, à commencer par la remise en cause de l’intégrité de l’UE.

La BCE, par un mécanisme de rachat des titres émis par les Etats sur les marchés financiers, se retrouve détentrice d’une dette colossale. Pour ces économistes, il suffirait de l’effacer, avec pour seule contrepartie, pour les membres de l’UE, d’investir les mêmes montants dans la reconstruction écologique et sociale. « Inenvisageable ! », a répondu Christine Lagarde, la présidente de la BCE, dans une interview au Journal du dimanche.

Le premier argument invoqué est celui du droit : le traité de Lisbonne prévoit que la BCE est juridiquement indépendante des Etats et qu’il lui est interdit de financer ces derniers. L’annulation de la dette ferait voler en éclats ce principe et déboucherait sur une crise de l’euro aux conséquences potentiellement explosives. La crédibilité de la monnaie unique serait ruinée. Ce précédent compromettrait pendant des décennies notre capacité à emprunter pour nos dépenses courantes.

 « L’Europe ne peut plus se permettre d’être systématiquement bloquée par ses propres règles », rétorquent les économistes. Certes, mais à condition que les Etats membres acceptent de modifier les traités européens, décision qui nécessite une unanimité, qui est aujourd’hui introuvable.

L’Allemagne et les Pays-Bas, qui ont déjà consenti avec difficulté à une mutualisation des dettes pour mettre sur pied un plan de relance européen de 750 milliards d’euros, opposeraient le refus sans appel d’une annulation globale. Celle-ci serait vécue comme un encouragement à l’impéritie des Etats les moins vertueux aux dépens des plus rigoureux.

Le débat sur l’annulation de la dette est d’autant plus théorique qu’un Etat ne la rembourse jamais intégralement. Il émet de nouveaux emprunts pour couvrir ceux arrivés à échéance. La vigilance doit porter sur la capacité du pays à assurer le paiement des intérêts de la dette. Or, avec la faiblesse des taux, cette charge n’a jamais été aussi basse en proportion du PIB. Pourquoi déclencher un séisme avec l’annulation de la dette, alors que la situation est pour l’instant soutenable ? La réponse n’est pas tant économique que politique.

Avant de savoir comment rembourser la dette, il faudrait que les Etats membres se mettent d’accord sur la façon de dépenser les sommes empruntées. Six mois après la signature du plan de relance européen, les discussions sur son allocation tardent à déboucher. Il est impératif d’accélérer. Autre priorité : la révision des règles du pacte de stabilité, qui limitent de façon stricte les écarts budgétaires. Avec la crise, elles ont été suspendues jusqu’à fin 2021. Le débat sur leur assouplissement paraît plus urgent et plus utile que celui d’une annulation de la dette, dont l’efficience dans le contexte actuel est loin de sauter aux yeux, sauf à vouloir dynamiter l’UE.

La dette plombe surtout l’avenir des PME

La dette plombe surtout l’avenir des PME

Les deux économistes Joseph Baines et Sandy Brian Hager montrent dans une tribune au « Monde » que les exigences des investisseurs mettent en péril les petites entreprises et favorisent les plus grandes

Tribune.

 

Bien avant que le Covid-19 ne secoue le monde, les grandes économies s’inquiétaient de l’augmentation de la dette des entreprises. Lorsque la pandémie a frappé pour la première fois, il semblait que le jour du jugement dernier des firmes surendettées était enfin arrivé. La dévastation causée par le Covid-19 n’allait-elle pas déclencher une vague de faillites et faire courir au système financier mondial le risque d’un nouvel effondrement majeur ?

Cet effondrement du marché de la dette des entreprises, attendu de longue date, ne s’est pourtant pas produit, du moins pas encore. Bien que les taux de défaillances d’entreprises aient augmenté dans le monde entier en 2020, les mesures sans précédent prises par les banques centrales pour soutenir les marchés du crédit par l’achat direct d’obligations d’entreprises ont jusqu’à présent permis d’éviter la catastrophe.

Mais elles ont eu un coût important. En 2020, les émissions de titres de créance des entreprises ont atteint des niveaux record, ce qui alimente les craintes que les banques centrales n’aient fait que retarder l’inévitable. Ces mesures semblent également alimenter une reprise « en forme de K », car les fortunes des entreprises divergent beaucoup. Les achats des banques centrales ont été fortement orientés vers des titres de créance de bonne qualité émis par de grandes entreprises aux bilans plus solides.

Ainsi, alors que les géants de l’économie empruntent des sommes considérables à des taux d’intérêt historiquement bas, les petites entreprises ont du mal à lever des fonds qui leur permettraient de traverser la pandémie. En fait, l’idée même d’une reprise « en forme de K » est trompeuse, ne serait-ce que parce qu’elle occulte le fait que l’économie est « en forme de K » depuis des décennies.

Comme le montrent nos recherches sur les Etats-Unis, la situation financière des grandes entreprises s’est constamment améliorée depuis le début des années 1980, pendant que les petites entreprises tombaient dans une situation de détresse financière de plus en plus aiguë (« The Great Debt Divergence and its Implications for the Covid-19 Crisis : Mapping Corporate Leverage as Power », Joseph Baines et Sandy Brian Hager, New Political Economy, 6 janvier 2021). La pandémie n’est donc que le dernier épisode d’une polarisation de longue date des revenus des sociétés aux Etats-Unis.

L’examen des données financières à long terme des sociétés non financières américaines révèle une étonnante divergence dans les fortunes des sociétés selon leur taille. L’endettement des 10 % des entreprises les plus grandes (en chiffre d’affaires) a augmenté depuis le milieu des années 1980, tandis que la part du service de cette dette (intérêts versés) dans leur chiffre d’affaires a diminué. En raison de ces conditions d’emprunt favorables, les marges bénéficiaires des grandes entreprises sont ainsi passées d’une moyenne de 4,9 % dans les années 1980 à 7,1 % dans les années 2010.

 

L’annulation de la dette : la nouvelle martingale

L’annulation de la dette : la nouvelle martingale

Après la lettre d’une centaine d’économistes qui appellent à l’annulation des dettes publiques pourrait bien apparaître une lettre  d’une autre centaine d’économistes défendant le contraire. En effet le monde des économistes est partagé entre deux religions les libéraux d’un côté et les étatistes de l’autre avec dans chaque camp évidemment des EXTREMISTES. Cela fait davantage penser à des clivages politiques qu’à  différences d’approche scientifiques. 

 

De toute manière,  l’économie est une science très approximative, certes utile voire indispensable mais qui ne peut prétendre détenir la vérité. Ainsi certains économistes semblent avoir soudain trouvé la martingale. Celle qui consiste tout simplement à annuler les dettes dans un contexte d’endettement tout à fait exceptionnel. Ce simplisme peut surprendre surtout de la part d’experts qui sont loin de manquer d’intelligence mais il y a évidemment derrière des arrière-pensées politiques pour mettre en cause non seulement la politique intérieure mais aussi le principe même de l’Europe

 

Le raisonnement est simple puisqu’on ne parvient pas à rembourser pourquoi ne pas annuler ce remboursement.  Le seul détail,  c’est que les Etats ne peuvent fonctionner sans emprunter. Ne pas rembourser la dette inciterait donc les prêteurs à ne plus souscrire à la demande de dettes des Etats. Cela signifierait par exemple qu’on ne peut plus payer les fonctionnaires ou les retraites. Faire reprendre les dettes des Etats par la banque centrale européenne constitue aussi une illusion.

 

En effet, cette dette devrait quand même être remboursée aux prêteurs avec évidemment une monnaie de singe qui affecterait la crédibilité de l’euro. Ce que serait précisément recherchent  certains économistes qui contestent non seulement la monnaie européenne mais l’existence même de l’Europe. Par ailleurs il faut observer qu’avec beaucoup d’équilibre la banque centrale européenne offre déjà une grande souplesse et manifeste même un grand accommodement en reprenant une partie des emprunts d’État et en fournissant des liquidités aux banques pour que ces mêmes Etats puissent continuer d’emprunter y compris un taux presque zéro voire négatif. Mais il y a forcément des limites à faire tourner la planche à billets.

 

Dette mondiale : 100 % du PIB

Dette mondiale : 100 % du PIB

Une dette à 100 % du PIB ne dira pas grand-chose à nombre de profanes. Pourtant il s’agit d’une envolée considérable qui correspond à la multiplication des emprunts contraints notamment des Etats ( mais pas seulement) pour faire face à la crise économique.

Pour schématiser à outrance , disons que le monde a déjà consommé par avance 100 % de sa richesse nationale annuelle. Partout, les plans de soutien se sont développés. Le montant total du PIB mondial est évalué à environ 85 000 milliards et les plans de soutien ont atteint de leur de 15 000 milliards et l’addition n’est pas terminée , pas plus que la pandémie.

En gros, la dette mondiale a augmenté de 20 %, comme en France d’ailleurs. Mais il y a des écarts autour de la moyenne avec des états complètement englués financièrement et d’autres plus solides comme l’Allemagne par exemple.

La problématique de la dette mondiale est à peu près la même que celle concernant l’Europe et la France en particulier. La question est de savoir si une telle dette qui d’ailleurs pourrait encore être augmentée avec les nouvelles mesures de soutien économique de 2021 est soutenable, pendant combien de temps et comment. Sans doute comme d’habitude avec la résurgence de l’inflation et des taux d’intérêt sans parler des risques d’éclatement d’une partie du système financier.

Dette : l’Allemagne également pour ?

  • Dette  : l’Allemagne également pour ?
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  • En Allemagne officiellement commence à mettre en cause le principe qui limite le déficit budgétaire à 0,35 % du PIB. Dans le Figaro, l’‘économiste Nicolas Goetzmann explique ce possible revirement.
  • - En quoi consiste le débat outre-Rhin ?
  • NICOLAS GOETZMANN- L’équilibre budgétaire est un principe de valeur constitutionnelle Outre-Rhin. La règle d’or selon laquelle « les recettes et les dépenses doivent s’équilibrer » est en effet inscrite dans la loi fondamentale de la République fédérale (Art 115). Elle est renforcée en 2009, par la loi « Schuldenbremse » (« frein à l’endettement »), votée par la droite (CDU/CSU) et par la gauche (SPD).
  • La chancelière Angela Merkel a pris ses distances avec les propos du chef de la chancellerie, expliquant que la CDU continuerait de se ranger derrière la rigueur budgétaire
    • L’assouplissement des règles, évoqué en cette période de Covid-19, est avant tout une question politique en Allemagne. La discussion prend de l’ampleur ces derniers mois. Elle sera présente en vue des élections fédérales allemandes en septembre prochain, avec des volontés différentes selon les partis politiques.
    • Toutefois, au sein même de la CDU, parti majoritaire, les réactions négatives n’ont déjà pas tardé à pleuvoir après les propos du chef de la chancellerie. Dans la matinée, Eckhardt Rehberg, le monsieur Budget du parti, a notamment expliqué que la CDU continuerait de se ranger derrière la rigueur budgétaire. Il a indiqué que Helge Braun avait simplement exprimé une «opinion personnelle». Quelques plus tard, la chancelière Angela Merkel a également pris ses distances avec les propos du chef de la chancellerie, affirmant que son «opinion personnelle» n’était en rien celle du parti. En temps normal pourtant, il est rare que Helge Braun s’exprime sur ces sujets sans l’aval de la chancelière allemande.
    • Cela aurait-il une portée historique ?
      • Cette décision aurait bien une portée historique. Depuis le vote de la loi en 2009 au lendemain de la crise financière, il n’y a pas eu de précédent. Ces dernières années, la question ne s’était finalement pas posée car l’Allemagne était en excédent budgétaire.
      • Néanmoins, le ministre des Finances Olaf Scholz avait déjà évoqué l’idée en mars dernier. Il estimait surtout que le niveau d’investissement public en Allemagne est bien trop faible. Cela représente un véritable problème en terme du besoin du pays en infrastructures.
      • Cette année, le taux d’emprunt de l’Allemagne à dix ans se situe à -0.55%. En somme, les investisseurs paient pour prêter de l’argent. Il serait absurde de ne pas profiter de cette situation pour relever l’investissement public et accroître les potentiels de croissance du pays. Le « frein à l’endettement » peut constituer un obstacle pour la relance économique du pays.
      • Techniquement est-ce possible ?
        • Helge Braun estime qu’il est préférable de modifier la constitution allemande sur le déficit structurel, plutôt que de suspendre à plusieurs reprises la règle d’or à travers le parlement. Dans des circonstances exceptionnelles, le gouvernement fédéral peut demander à la chambre des députés l’autorisation de dépasser le seuil des 0,35%. En 2020, la rigueur budgétaire allemande a été mise à bas par la crise. Le pays a lancé son plan de 130 milliards d’euros pour des investissements d’avenir et une relance de la consommation, faisant alors sauter la règle du frein à l’endettement.
        • Techniquement, une telle modification de la constitution est possible. Seulement, pour réviser la constitution en Allemagne, il faut obtenir une majorité de deux tiers des députés. Dans les faits, cela semble très compliqué. Il me paraît ainsi peu probable que l’Allemagne entreprenne cette révision constitutionnelle.
        • Je pense que nous assisterons plutôt à une indulgence temporaire face à la crise, comme nous l’observons aujourd’hui au niveau européen. Les règles budgétaires issues du pacte de stabilité européen (stabilité des prix, 3% de déficit maximum, 60% d’endettement maximum également) ont été suspendues pour 2020 et 2021. Au printemps, la Commission européenne examinera si une prolongation de suspension est souhaitable pour 2022. Le Portugal, qui a pris la présidence du Conseil de l’UE en début d’année, a expliqué qu’il était préférable que les pays reviennent à leur niveau de PIB de 2019 avant de prôner à nouveau la rigueur budgétaire.
        • À mon sens, ces règles budgétaires et monétaires constituent un sérieux frein à la relance économique de l’UE. Elles sont à l’origine du déclassement européen, face aux États-Unis et à la Chine qui continuent de miser sur des investissements massifs. De 2008 à fin 2019, la croissance européenne fut comprise entre 8 et 9% en moyenne, face à un niveau de 22% aux États-Unis.
        • Comment la France doit-elle regarder ce débat Outre-Rhin ?
        • Pour comprendre le débat, il faut aussi considérer l’approche de l’Allemagne au niveau européen. Des processus européens sont en cours, avec à la fois la revue du pacte européen de croissance et la revue de politique monétaire de la BCE, dont le résultat doit être annoncé en fin d’année 2021. S’il y a un assouplissement de la politique monétaire au niveau européen pour soutenir la croissance, l’Allemagne en tant qu’Etat-membre aurait moins besoin d’assouplir ses règles budgétaires nationales pour relever ses investissements publics. Mais ce scénario demeure peu probable.
          • Je dirais que la France doit regarder favorablement le débat outre-Rhin. Les Allemands sont rigoureux, mais le conservatisme français est bien réel. Si l’on considère les dépenses publiques en milliards d’euros, et non par rapport au PIB, la progression a été plus importante en Allemagne qu’en France ces dix dernières années.
          • En Allemagne comme en France avec la crise du Covid, une augmentation d’impôts à moyen terme pourrait se présenter comme seule solution si on ne change pas les doctrines budgétaires. Pour relancer nos économies après la crise, il ne faut pas reproduire les politiques d’austérité du passé. Il ne faut plus avoir peur de dépasser les déficits, car le niveau de confiance du marché sur les dettes européennes est bien parti pour durer.

 

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