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Quelle soutenabilité de la dette

Quelle soutenabilité de la dette 

 

Le nouvel outil de l’OFCE, Debtwatch, permet d’établir plusieurs scénarios qui tiennent compte d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Par Xavier Timbeau, Sciences Po ; Elliot Aurissergues, Sciences Po et Éric Heyer, Sciences Po (dans la Tribune, extrait)

 

Des scénarios intéressants qui permettent  une approche méthodologique plus pointue de la dette et son évolution selon environnement. Reste cependant le problème central, le maintien de taux d’intérêt bas par les banques centrales qui viendraient s’opposer à la prise en compte par les marchés de l’inflation réelle . La question se pose est de savoir si les banques centrales peuvent maintenir des taux bas par exemple de 2 % si l’inflation était trois à quatre fois supérieures. NDLR

 

Le financement des mesures d’urgence face à la pandémie de la Covid-19 a conduit à élever le niveau de la dette publique en France à près de 120 % du PIB, soit près de 20 points de plus en un an. Cela effraie, mais il ne faut pas paniquer pour autant. Et pour ne pas paniquer, rien de tel qu’une approche raisonnée. C’est pourquoi nous proposons Debtwatch et une nouvelle approche de la soutenabilité de la dette.

La méthode est de simuler le plus grand nombre d’évolutions possibles de la dette publique, en jouant sur les hypothèses à la base de chaque simulation. Ces hypothèses peuvent s’appuyer sur des régularités du passé (la loi d’Okun, la courbe de Phillips, etc.) ou sur des a priori, fondés ou non. Elles peuvent quantifier des risques (plus ou moins de croissance) comme des engagements sur d’autres politiques (les politiques monétaires ou la croissance qui découlerait d’un plan d’innovation).

L’application Debtwatch est ainsi conçue pour faire fonctionner un modèle économique qui traduit ces hypothèses et utilise la puissance de calcul moderne pour mettre à la disposition de tous les moyens de raisonner sur les dettes publiques de 15 grands pays développés. Le but de tous ces calculs est de déterminer les efforts nécessaires pour atteindre une cible en un temps donné et de juger de l’acceptabilité des hausses d’impôt, des baisses de dépenses ou de l’évolution du chômage.

La modélisation, les simulations et les données historiques nous livrent aujourd’hui quelques enseignements :

D’abord, la dette publique est élevée dans beaucoup de pays, à des niveaux jamais atteints presque partout. Ce n’est pas une fatalité, puisque certains pays échappent à la dette, en particulier l’Allemagne. Mais si la dette est presque partout au plus haut, la charge d’intérêt est presque partout au plus bas. En France, il faut remonter à 1980 pour retrouver une charge d’intérêt aussi basse qu’aujourd’hui en % du PIB. En 1980, la dette publique était de 20 % du PIB ! Avant 1980, aussi loin que remontent les comptes nationaux publiés par la France (1949), la charge d’intérêt représentait en moyenne 1 point de PIB, pas très loin de l’étiage actuel.

La clef de ce mystère est la chute vertigineuse des taux d’intérêt amorcée avec le passage à l’euro, mais surtout conséquence de la baisse de l’inflation et du ralentissement progressif de la croissance économique depuis la fin du rattrapage économique de la France de l’après-guerre. Nous sommes passés d’une situation de croissance nominale forte (prix comme volume) à une période de croissance faible. Là où la dette coûtait cher mais restait soutenable en raison de la croissance, nous sommes maintenant dans une période de croissance faible, voire très faible, et donc de dette élevée mais dont la charge d’intérêt reste réduite.

On pourrait penser que c’est artificiel, et que les taux d’intérêt vont remonter, qu’ils sont très bas parce que la politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne (BCE). Il y a du vrai, mais nous sommes aussi dans une période dans laquelle il existe peu d’actifs sûrs, la tentative de produire des actifs synthétiques appuyés sur les titres privés s’étant soldée par un échec aux proportions dantesques (la crise de 2008 peut d’ailleurs se résumer à ça) et le nombre de fournisseurs d’actifs sûrs publics se réduisant plutôt dans le monde.

L’euro, sa banque centrale, son droit supra-national, et la cohésion à peine forcée entre les États restent les piliers d’une stabilité que s’arrachent les fonds de pension de toute la planète. Ils doivent assurer le capital de leurs épargnants pour des périodes allant jusqu’à 40 ans ; et ils n’ont pas beaucoup de choix. En tout cas, leur besoin d’actifs – plusieurs fois le PIB mondial – laisse de la marge pour les passifs publics. Ainsi, les taux souverains sont bas et c’est un privilège exorbitant dont il ne faut pas se priver d’user.

Debtwatch nous permet de préciser tout cela : stabiliser la dette publique de la France au niveau actuel, en ramenant la part des dépenses publiques dans le PIB à ce qu’elles étaient en 2009, c’est-à-dire en effaçant toutes les traces du « quoiqu’il en coûte », tout en maintenant les taux souverains à un niveau très bas – prolongeant la situation de pénurie d’actifs sûrs – ne demande aucun ajustement particulier (c’est la simulation que vous pouvez reproduire et modifier en tapant « pgtgv » dans la barre de recherche de Debtwatch, un outil ouvert car le débat sur la dette publique doit être transparent et ouvert : le code de Debtwatch est donc librement accessible).

C’est acceptable socialement et possible économiquement. Si les taux souverains venaient à augmenter et s’établissaient à 3,6 points par an (contre 0,2 % par an aujourd’hui), la charge d’intérêt remonterait au cours des prochaines 30 années lentement, du fait d’une maturité plutôt longue de la dette publique française, mais resterait plus faible que le poids des intérêts d’avant l’euro (simulation « kxyor » sur Debtwatch). Il faut de la défiance des marchés financiers, et donc une crise profonde en zone euro, pour construire des scénarios plus durs.

Réduire la dette publique est en revanche très coûteux. Pour ramener la dette publique à la situation d’avant l’épidémie, il faudrait augmenter les impôts (ou réduire les dépenses) de plus de 3 points de PIB, un peu moins que la moitié de la TVA (« fsunl »).

Certes, au bout de quelques années, on pourra les réduire à nouveau (l’arithmétique de la dette est désagréable) mais l’effort apparaît conséquent. Et la protection contre une hausse de taux est assez faible, puisque, l’économie d’intérêts en cas de hausse des taux souverains à 3,6 points ne serait que de 0,6 point de PIB. C’est aujourd’hui 15 milliards d’euros, soit la moitié de la dépense publique pour la culture et les cultes. Ce n’est pas rien, mais c’est ce qu’il faut mettre en regard du coût correspondant.

Enfin, notons qu’un retour à 60 % du PIB de dépense publique demanderait du sang et des larmes ( « eqiot »).

Il nous prémunirait contre 1,8 point de PIB de charge d’intérêt en plus, soit un cinquième des sommes perçues au titre de l’impôt sur le revenu et la CSG. À vous de juger si cela en vaudrait la peine.

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(*) Par Xavier Timbeau, Économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Sciences Po ; Elliot Aurissergues ; Chargé d’étude à l’OFCE, Sciences Po et Éric Heyer, Directeur à l’OFCE, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Xavier Timbeau, Elliot Aurissergues et Éric Heyer

Inflation et dette : l’ Allemagne critique la BCE

Inflation et dette : l’ Allemagne critique la BCE

 

 

La politique très accommodante de la banque centrale européenne est de plus en plus critiquée en Allemagne qui redoute en particulier une vague d’inflation. La banque centrale est critiquée pour sa grande générosité en matière de rachat d’actifs qui encourage les déficits budgétaires et la dette. En outre le maintien d’un taux voisin de zéro inondera de liquidités qui affaiblissent l’euro.

Une politique accommodante qui passe de moins en moins bien auprès de la population et de la presse allemande, alors que comme ailleurs en Europe les prix s’enflamment. En octobre, l’inflation en rythme annuel atteignait ainsi 4,6 % dans la première économie du Vieux Continent. Et 4,1 % dans la zone euro en septembre, soit son plus haut niveau depuis treize ans. De ce point de vue la présidente Christine Lagarde et très critiquée en Allemagne qui craint par-dessus tout de l’inflation.

Le problème évidemment c’est que la banque centrale européenne à peu près la même stratégie que la banque fédérale américaine. Progressivement on va réduire le volume des rachats d’actifs mais le relèvement des taux n’est pas à l’heure du jour avant l’été 2022 voire au-delà. La grande question de savoir les marchés qui constatent une augmentation des prix des matières premières et de l’énergie ne vont pas s’écarter de la doctrine des banques centrales concernant les perspectives d’inflation et leur maîtrise.

Une dette publique soutenable ?

Une dette publique soutenable ?

Le nouvel outil de l’OFCE, Debtwatch, permet d’établir plusieurs scénarios qui tiennent compte d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Par Xavier Timbeau, Sciences Po ; Elliot Aurissergues, Sciences Po et Éric Heyer, Sciences Po (dans la Tribune, extrait)

 

Le financement des mesures d’urgence face à la pandémie de la Covid-19 a conduit à élever le niveau de la dette publique en France à près de 120 % du PIB, soit près de 20 points de plus en un an. Cela effraie, mais il ne faut pas paniquer pour autant. Et pour ne pas paniquer, rien de tel qu’une approche raisonnée. C’est pourquoi nous proposons Debtwatch et une nouvelle approche de la soutenabilité de la dette.

La méthode est de simuler le plus grand nombre d’évolutions possibles de la dette publique, en jouant sur les hypothèses à la base de chaque simulation. Ces hypothèses peuvent s’appuyer sur des régularités du passé (la loi d’Okun, la courbe de Phillips, etc.) ou sur des a priori, fondés ou non. Elles peuvent quantifier des risques (plus ou moins de croissance) comme des engagements sur d’autres politiques (les politiques monétaires ou la croissance qui découlerait d’un plan d’innovation).

L’application Debtwatch est ainsi conçue pour faire fonctionner un modèle économique qui traduit ces hypothèses et utilise la puissance de calcul moderne pour mettre à la disposition de tous les moyens de raisonner sur les dettes publiques de 15 grands pays développés. Le but de tous ces calculs est de déterminer les efforts nécessaires pour atteindre une cible en un temps donné et de juger de l’acceptabilité des hausses d’impôt, des baisses de dépenses ou de l’évolution du chômage.

La modélisation, les simulations et les données historiques nous livrent aujourd’hui quelques enseignements :

D’abord, la dette publique est élevée dans beaucoup de pays, à des niveaux jamais atteints presque partout. Ce n’est pas une fatalité, puisque certains pays échappent à la dette, en particulier l’Allemagne. Mais si la dette est presque partout au plus haut, la charge d’intérêt est presque partout au plus bas. En France, il faut remonter à 1980 pour retrouver une charge d’intérêt aussi basse qu’aujourd’hui en % du PIB. En 1980, la dette publique était de 20 % du PIB ! Avant 1980, aussi loin que remontent les comptes nationaux publiés par la France (1949), la charge d’intérêt représentait en moyenne 1 point de PIB, pas très loin de l’étiage actuel.

La clef de ce mystère est la chute vertigineuse des taux d’intérêt amorcée avec le passage à l’euro, mais surtout conséquence de la baisse de l’inflation et du ralentissement progressif de la croissance économique depuis la fin du rattrapage économique de la France de l’après-guerre. Nous sommes passés d’une situation de croissance nominale forte (prix comme volume) à une période de croissance faible. Là où la dette coûtait cher mais restait soutenable en raison de la croissance, nous sommes maintenant dans une période de croissance faible, voire très faible, et donc de dette élevée mais dont la charge d’intérêt reste réduite.

On pourrait penser que c’est artificiel, et que les taux d’intérêt vont remonter, qu’ils sont très bas parce que la politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne (BCE). Il y a du vrai, mais nous sommes aussi dans une période dans laquelle il existe peu d’actifs sûrs, la tentative de produire des actifs synthétiques appuyés sur les titres privés s’étant soldée par un échec aux proportions dantesques (la crise de 2008 peut d’ailleurs se résumer à ça) et le nombre de fournisseurs d’actifs sûrs publics se réduisant plutôt dans le monde.

L’euro, sa banque centrale, son droit supra-national, et la cohésion à peine forcée entre les États restent les piliers d’une stabilité que s’arrachent les fonds de pension de toute la planète. Ils doivent assurer le capital de leurs épargnants pour des périodes allant jusqu’à 40 ans ; et ils n’ont pas beaucoup de choix. En tout cas, leur besoin d’actifs – plusieurs fois le PIB mondial – laisse de la marge pour les passifs publics. Ainsi, les taux souverains sont bas et c’est un privilège exorbitant dont il ne faut pas se priver d’user.

Debtwatch nous permet de préciser tout cela : stabiliser la dette publique de la France au niveau actuel, en ramenant la part des dépenses publiques dans le PIB à ce qu’elles étaient en 2009, c’est-à-dire en effaçant toutes les traces du « quoiqu’il en coûte », tout en maintenant les taux souverains à un niveau très bas – prolongeant la situation de pénurie d’actifs sûrs – ne demande aucun ajustement particulier (c’est la simulation que vous pouvez reproduire et modifier en tapant « pgtgv » dans la barre de recherche de Debtwatch, un outil ouvert car le débat sur la dette publique doit être transparent et ouvert : le code de Debtwatch est donc librement accessible).

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C’est acceptable socialement et possible économiquement. Si les taux souverains venaient à augmenter et s’établissaient à 3,6 points par an (contre 0,2 % par an aujourd’hui), la charge d’intérêt remonterait au cours des prochaines 30 années lentement, du fait d’une maturité plutôt longue de la dette publique française, mais resterait plus faible que le poids des intérêts d’avant l’euro (simulation « kxyor » sur Debtwatch). Il faut de la défiance des marchés financiers, et donc une crise profonde en zone euro, pour construire des scénarios plus durs.

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Réduire la dette publique est en revanche très coûteux. Pour ramener la dette publique à la situation d’avant l’épidémie, il faudrait augmenter les impôts (ou réduire les dépenses) de plus de 3 points de PIB, un peu moins que la moitié de la TVA (« fsunl »).

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Certes, au bout de quelques années, on pourra les réduire à nouveau (l’arithmétique de la dette est désagréable) mais l’effort apparaît conséquent. Et la protection contre une hausse de taux est assez faible, puisque, l’économie d’intérêts en cas de hausse des taux souverains à 3,6 points ne serait que de 0,6 point de PIB. C’est aujourd’hui 15 milliards d’euros, soit la moitié de la dépense publique pour la culture et les cultes. Ce n’est pas rien, mais c’est ce qu’il faut mettre en regard du coût correspondant.

Enfin, notons qu’un retour à 60 % du PIB de dépense publique demanderait du sang et des larmes ( « eqiot »).

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Il nous prémunirait contre 1,8 point de PIB de charge d’intérêt en plus, soit un cinquième des sommes perçues au titre de l’impôt sur le revenu et la CSG. À vous de juger si cela en vaudrait la peine.

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(*) Par Xavier Timbeau, Économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Sciences Po ; Elliot Aurissergues ; Chargé d’étude à l’OFCE, Sciences Po et Éric Heyer, Directeur à l’OFCE, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Xavier Timbeau, Elliot Aurissergues et Éric Heyer

La dette: une priorité ? d’après Mosconi

La dette: une priorité ? d’après Mosconi

Mosconi président de la Cour des Comptes est évidemment dans son rôle rappelé la nécessité de faire face à la dette. Mais de là à considérer que cette dette est une priorité pour le pays est en contradiction autant avec les déséquilibres budgétaires qui ne font que s’accroître qu’avec l’amplification de l’endettement total. L’endettement global est en effet passé de 100 % du PIB avant la pandémie à près de 115 % et rien n’indique qu’on ne pourra inverser ce rapport ou même modifier cette tendance avant des années surtout avec les différents promesses électorales des différents candidats.La question ne se reposera sérieusement que le jour où les taux d’intérêt recommenceront à s’envoler. Aujourd’hui les taux bas favorisent au contraire l’accroissement de l’endettement

Les chiffres de la croissance et de l’emploi sont rassurants. Tout va-t-il mieux en France?
Notre pays sort de la crise dans une situation économique plutôt favorable. La croissance française est l’une des plus fortes d’Europe. Le taux prévu après le troisième trimestre de 2021, de 6,6%, est inattendu… Et c’est heureux! Il signifie notamment que les Français ont commencé à consommer la surépargne accumulée pendant la crise. Ces bonnes nouvelles ont incité le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), que je préside également, à considérer comme plausible la prévision d’une croissance à 4% pour 2022. Mais des incertitudes demeurent.

 

Lesquelles?
La situation sanitaire reste fragile : jeudi, l’Organisation mondiale de la santé a indiqué que l’Europe redevenait l’épicentre de l’épidémie. La situation économique mondiale est aussi incertaine, compte tenu de la montée des prix de l’énergie, par exemple. Ces facteurs pourraient pousser notre croissance à la baisse. Heureusement d’autres peuvent la stimuler, comme le plan d’investissement. A ce stade, ces éléments s’équilibrent, mais tout n’est pas gagné sur le long terme.

La forte croissance actuelle pourrait-elle n’être qu’une bulle?
La crise a considérablement complexifié nos prévisions économiques : il est plus difficile de savoir! La croissance 2022 sera solide, mais nous devons muscler nos fondamentaux, pour assurer à long terme notre croissance potentielle – celle qui est indépendante de la conjoncture. Comme la Cour des comptes l’a recommandé en juin, il nous faut poursuivre nos investissements dans la transition écologique, numérique, dans l’éducation, les compétences, l’innovation et la recherche. Nous ne resterons sans doute pas durablement à des taux à 4 ou 6% : ce sont des niveaux de rattrapage. Ne pensons pas que nous vivons forcément de nouvelles Trente Glorieuses. La croissance de demain dépendra de nous!

Le gouvernement agit-il assez en faveur du désendettement?
Je reste très vigilant sur la situation de nos finances publiques. Le plan d’investissement, le plan compétences, l’indemnité inflation ont augmenté le déficit prévu pour 2022, à 5% du PIB. Ce taux est plus important que la moyenne de la zone euro. Notre dette publique reste aussi à un niveau élevé : 115% du PIB pour 2021, 113,5% pour 2022. Dans son avis du 3 novembre, le HCFP a souligné un point critique : les nouvelles recettes générées par la croissance et l’augmentation de la masse salariale ne sont pas affectées au désendettement mais à des dépenses nouvelles et à des baisses d’impôts. Or, je le redis : nous devrons honorer le rendez-vous de la diminution de la dette publique. Après les échéances démocratiques du printemps, il faudra que la France choisisse cette pente, pour ne pas décrocher de ses partenaires qui, eux, ont engagé ce mouvement. Nous devons préserver la confiance des investisseurs. Il ne s’agit de jouer ni les oiseaux de mauvais augure ni les prophètes de l’austérité : c’est une question de crédibilité et de souveraineté pour la France comme pour la zone euro.

Le gouvernement a promis d’affecter le surplus de recettes fiscales – 3 à 5 milliards d’euros – au désendettement…
Jusqu’à présent, cela n’a pas été le cas. Les recommandations formulées par le HCFP sont un appel à le faire, et je me réjouis des engagements pris en ce sens. A l’avenir, le désendettement doit être l’une de nos principales préoccupations.

Quelles sont les réformes structurelles prioritaires pour assurer ce désendettement?
Deux piliers sont essentiels : la croissance, qui nécessite des investissements dans les secteurs clés que j’évoquais. Et la maîtrise des dépenses publiques qui représentent aujourd’hui plus de 59% du PIB. Il nous faut réfléchir aux moyens de dépenser moins, tout en étant plus performants et plus équitables. A travers la publication, d’ici à la fin de l’année, de notes structurelles, nous avons lancé des réflexions sur les minima sociaux, la justice, la police, le logement, l’éducation, la santé… Des réformes pour faire mieux et plus juste sans dépenser plus sont possibles. Celle des retraites est incontournable. Elle devra être négociée collectivement, équitable et étalée dans le temps.

Certains vous accusent, avec ces propositions, d’endosser un rôle trop politique à cinq mois de la présidentielle. Que répondez-vous?
La Cour des comptes est une institution indépendante et impartiale, elle se garde de toute intervention dans le débat politique. Ce qui ne signifie pas qu’elle est la Grande Muette. Elle contribue à l’information des citoyens, comme la Constitution le prévoit.

Le 30 novembre, la mise en disponibilité d’une magistrate de la Cour des comptes, Sarah Knafo, également proche conseillère du polémiste Eric Zemmour, prendra fin, sauf reconduction. Reviendra-t-elle travailler à vos côtés?
En tant que premier président, j’ai édicté une règle : tout magistrat de la Cour des comptes qui prendra une part ostensible, officielle dans la campagne d’un candidat à l’élection présidentielle, quel qu’il soit, doit se mettre en disponibilité. Pour protéger sa réputation, et celle de l’institution. Cette règle s’applique à tous, pas seulement à Mme Knafo.

Dette publique: Jusqu’où ?

 Dette publique: Jusqu’où ?

 

Xavier Timbeau,  Directeur de l’OFCE, s’interroge sur La soutenabilité de la dette et propose une méthodologie d’analyse différente mais qui ne répond cependant pas clairement la question

Tribune.

 

La crise sanitaire et celle de 2008 ont pour point commun une hausse substantielle de la dette publique. En France, entre 2008 et 2009, elle a été de plus de 11 points de produit intérieur brut (PIB) ; de 2019 à 2020, elle a été supérieure à 18 points. Les stabilisateurs automatiques et les politiques discrétionnaires permettent de socialiser le choc, de briser les enchaînements récessifs et d’éviter le pire. Cette socialisation est nécessaire, mais elle a une contrepartie : contrôler la dette publique.

La défiance des marchés financiers ou celle des autres Etats membres de l’Union européenne pourrait déclencher une crise de financement, une hausse des taux d’intérêt souverains et une politique d’austérité. Celle-ci serait conduite uniquement pour assurer les prêteurs que la restructuration de la dette n’aura pas lieu. Mais si les prêteurs craignent le défaut, ils ne se prononcent pas sur la stabilité des finances publiques, la pertinence d’une stratégie de dépense, de fiscalité ou de redistribution. C’est une menace forte pour les démocraties que contraindre les choix de finances publiques à des raisons de court terme.

Regarder le futur

En zone euro, cette question se double de l’héritage du pacte de stabilité etde croissance. Son intention était de garantir, par des règles simples et transparentes, un cadre qui dépolitise le sujet. Le résultat aura été des règles simplistes, qui ont été considérablement complexifiées après la crise des dettes souveraines pour trouver des voies détournées de les améliorer. Mais le pacte de stabilité n’est pas le seul problème.

La doctrine de la Banque centrale européenne a été construite sur la discipline de marché­ – les taux souverains de marché révèlent le jugement des épargnants sur la soutenabilité de la dette. En union monétaire, cette doctrine ne peut pas fonctionner puisque les épargnants fuient vers le pays de la zone qui leur paraît le plus sûr au moindre soupçon et que leur appréciation de la soutenabilité est partielle (au mieux). C’est pourquoi cette doctrine a volé en éclats en 2012 lorsque la crise des dettes souveraines a atteint son paroxysme.

 

Il faut donc traiter la question des dettes publiques et de leur soutenabilité de façon raisonnée. C’est pourquoi l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a mis au point DebtWatch, une application en ligne qui permet de simuler les économies et leur dette publique.

La définition de la soutenabilité que nous proposons n’est pas celle, habituelle, qui consiste à se désoler de l’augmentation passée de la dette ou de la répétition des déficits. La soutenabilité doit en effet être appréciée en regardant le futur, aussi incertain soit-il. La méthode est donc de simuler le plus grand nombre d’évolutions possible de la dette publique, en faisant varier les hypothèses économiques. Ces hypothèses peuvent s’appuyer sur des théories économiques, ou sur des analyses empiriques. Le point important est d’assumer l’incertitude de la trajectoire future de la dette en fonction des mécanismes économiques futurs.

Dette: Ne pas croire au Père Noël du taux zéro perpétuel

Dette: Ne pas croire au Père Noël du taux zéro perpétuel

 

L’économiste Stéphanie Villers dénonce, dans une tribune au « Monde », « l’irresponsabilité politique » des partisans du « quoi qu’il en coûte » qui laissent croire que les dérives budgétaires françaises peuvent se pérenniser impunément (extrait)

Tribune.

 

La campagne électorale s’ouvre sur une surenchère de promesses budgétaires illusoires. Les candidats n’évoquent pas une réalité inquiétante : les 425 milliards d’euros dépensés pendant la crise Covid pour maintenir notre appareil productif et notre niveau de vie ont augmenté la dette publique française de 15 points de PIB.

Nous voilà au niveau de la dette italienne avant la crise de 2012 (118 % du PIB). Pour l’instant, grâce à l’action de la Banque centrale européenne (BCE), la France finance ses emprunts à taux d’intérêt nul, une vraie aubaine pour penser les investissements d’avenir. Pour autant, à plus long terme, nul ne connaît les conditions de marché qui permettront de refinancer ces dettes arrivées à échéance.

Ainsi, il demeure bien imprudent de croire que l’ère Covid nous ouvre la voie de l’endettement infini à taux zéro pour financer des programmes économiques démagogiques. L’augmentation des taux d’intérêt fait partie des hypothèses à forte probabilité. Cette hausse des taux pèsera sur les budgets à venir de l’Etat et l’amputera de sa capacité à soutenir l’économie du moment.

Faire fi de ce risque futur frôle l’irresponsabilité politique. C’est notre appartenance à la zone euro qui, grâce à la rigueur des pays du « nord » (Allemagne, Pays-Bas, Autriche), nous permet de rassurer nos prêteurs sur notre capacité à conserver le cap en matière budgétaire. Sans la « rigueur » germanique (la sous-évaluation de l’euro bénéficie à la compétitivité de l’Allemagne), nous n’aurions pu nous financer à des taux si attractifs.

Ainsi, les programmes économiques se doivent de partir de ce postulat – les atouts de notre adhésion à la zone euro – pour proposer un programme économique transparent, légitime et de bon sens. A partir de fin 2022, nos engagements budgétaires envers Bruxelles vont être de nouveau scrutés de près.

 

Rappelons que le pacte de stabilité, qui impose une certaine forme de rigueur budgétaire, n’a été que suspendu pour gérer l’urgence de la crise sanitaire. Il s’agira en outre de démontrer à nos partenaires que les 40 milliards d’euros de subventions européennes accordées dans le cadre du plan « Next Generation UE » ont bien été investis dans les secteurs concernés (transition écologique, numérique, etc.) et n’ont pas été utilisés à financer des dépenses courantes telles que la baisse d’impôts ou la hausse des dépenses sociales.

Jusqu’à présent, nous avons été épargnés par la foudre des marchés financiers alors que nous avons continué à maintenir des budgets invariablement déficitaires. Or, à partir de 2012, l’Italie et l’Espagne, sans parler de la Grèce, ont dû revoir drastiquement leurs dépenses sociales à la baisse au moment de la crise des dettes souveraines.

Dette américaine : Yellen veut encore crever le plafond

Dette américaine : Yellen veut encore crever le plafond

 

La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen veut relever encore le plafond de la dette pour  financer les énormes plans de soutien à l’économie.Or depuis 1960, le Congrès a autorisé à 78 reprises ce relèvement;  De sorte qu’aujourd’hui la dette environ 28 000 milliards de dollars.

Un endettement proportionnellement au moins trois fois supérieur à celui de la France qui figure aussi en tête dans le palmarès des pays endettés. La dette et le déficit des Etats-Unis ont grimpé en flèche pendant la pandémie de Covid-19 car le gouvernement a adopté trois plans massifs de dépenses face à la crise économique.

La dette et le déficit des Etats-Unis ont grimpé en flèche pendant la pandémie de Covid-19 car le gouvernement a adopté trois plans massifs de dépenses face à la crise économique. Un défaut de paiement des Etats-Unis provoquerait également une déflagration financière. En 2011, l’agence de notation Standard and Poor’s avait ainsi retiré au pays sa note «AAA», qui leur permettait en principe d’emprunter sur les marchés au coût minimum, sanctionnant de longs mois de blocage politique sur le relèvement du plafond de la dette. Le problème aujourd’hui c’est que les agences de notation ne réagissent plus face à la montée de l’endettement dans de nombreux pays. Cela d’autant plus que les banques centrales continuent de délivrer des masses de liquidités à taux proches de zéro. Mais pour les États-Unis la forte inflation déjà constatée va comme par le passé constituer une manière d’amortir une partie de l’endettement.

Dette entreprise : l’URSSAF pour un étalement

Dette entreprise : l’URSSAF pour un étalement

Le directeur général des Urssaf annonce dans l’Opinion un nouveau plan d’étalement des dettes sociales qui pourra durer jusqu’à trois ans pour éviter un maximum de faillites Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti ont présenté la semaine dernière un plan de contingence pour aider les entreprises surendettées mais viables, à passer le mauvais cap de la sortie de crise. Parmi les solutions avancées, un nouvel étalement des dettes fiscales et sociales. Yann-Gaël Amghar, directeur des Urssaf, en détaille les contours.

 

Quel rôle a joué l’Urssaf durant la crise ?

Un rôle d’amortisseur économique et social. Quelques jours seulement après l’allocution du président de la République du 12 mars 2020, nous avons mis en place ce que nous n’avions jamais fait auparavant : des reports d’échéance sans procédure ni pénalité pour les employeurs et une suspension des cotisations des indépendants pour six mois. En quelques jours, 4 milliards d’euros de trésorerie ont été offerts aux entreprises. Très vite, nous sommes arrivés à plus de 20 milliards d’euros de reports. Parallèlement, des aides financières ont été versées à plus d’un million d’indépendants. Depuis quinze mois, nous sommes en première ligne pour soutenir les employeurs et les travailleurs indépendants.

Et sur le volet social ?

En quinze jours, nous avons mis en place un système d’activité partielle pour les employés à domicile qui n’existait pas le 15 mars. Nous avons bien sûr contribué à financer le système de santé et de sécurité sociale, confronté à une forte hausse des dépenses. Les Urssaf ont été un amortisseur économique et social dans la crise. Nous serons moteur dans la sortie de crise.

A combien se montent les reports de charge aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous avons reporté 11,5 milliards d’euros pour les employeurs et 7 milliards pour les indépendants. Nous atteindrons bientôt les 20 milliards. Notre objectif est d’éviter au maximum les défaillances d’entreprises. Pour cela, nous allons leur proposer un dispositif nouveau de plan d’apurement de dette.

En quoi va-t-il consister ?

Ce dispositif sera novateur à plusieurs égards. D’abord nous allons être proactifs. Les entreprises n’auront aucune démarche à faire. Toutes les entreprises en dette avec les Urssaf vont recevoir un plan d’étalement exceptionnel, qui en fonction de la taille de la dette sociale pourra durer jusqu’à trois ans, quand ces facilités ne sont accordées en temps normal que pour quelques mois. Ensuite, nous ferons du cas par cas en fonction du niveau d’endettement de l’entreprise. Enfin, le chef d’entreprise ou le travailleur indépendant pourra éventuellement négocier ce plan, qui n’est qu’une proposition de notre part. Nous sommes dans un dialogue avec l’entreprise.

Quand enverrez-vous les premières propositions ?

Nous en avons déjà envoyé à 240 000 entreprises. Nous enchaînerons à partir de juillet avec les travailleurs indépendants. Nous commençons par les dossiers les plus simples, les entreprises les moins fragilisées par la crise. Pour les autres, nous attendons de voir comment se passe la reprise et comment vont se stabiliser leurs dettes avant de proposer quoi que ce soit. Ce volet préventif est essentiel. Il doit nous permettre d’éviter à un maximum d’entreprise de passer par des plans de continuité plus contraignants.

Combien d’entreprises sont concernées ?

Toutes celles qui ont une dette vis-à-vis de l’Urssaf, soit plus de 800 000 employeurs et près de 1,5 million d’indépendants. Je rappelle que nous n’avons rien prélevé sur les indépendants de mars à août 2020. Quand nous avons repris les prélèvements en septembre/octobre, c’était avec des échéances divisées par deux. Puis en novembre/décembre, nous avons à nouveau suspendu les paiements pour tous. Nous avons repris depuis début 2021, à l’exception des secteurs en difficulté et des entreprises qui nous ont signalé être en difficulté.

Les faillites d’entreprises ont baissé de 40 % l’année dernière en partie parce que les Urssaf ont arrêté de lancer des procédures de recouvrement devant les tribunaux de commerce. Allez-vous continuer ?

Nous continuerons de suspendre les procédures de recouvrement forcé tant que l’économie ne se sera pas remise sur pied. Bien sûr, nous surveillerons les effets d’aubaines et les distorsions de concurrence. La lutte contre le travail dissimulé continue, et dans ce cas le recouvrement forcé s’applique.

La crise a-t-elle modifié votre façon de travailler, d’appréhender les entreprises ?

La crise a été pour nous un accélérateur de transformation, tant en interne avec le télétravail qu’avec les entreprises. En quelques jours, nous avons basculé l’essentiel de nos 16000 collaborateurs en télétravail. Et ça a très bien marché. Nous allons tirer les enseignements de cette expérience avec davantage d’autonomie pour les collaborateurs, ce qui donnera aussi plus de souplesse dans la relation avec les usagers.

Qu’avez-vous fait des contrôleurs si les procédures ont été suspendues ?

Nous avons procédé à des changements temporaires de postes, plus orientés vers le conseil et l’accompagnement. Nos collaborateurs, qui sont en temps normal devant les tribunaux ou les contrôles, ont mené pendant le premier confinement d’autres missions. Ainsi, 90 % des appels ont été pris en charge en 2020, un taux supérieur aux années précédentes. Tout le monde à l’Urssaf a été fier d’assurer la survie des entreprises dans la crise.

Les Urssaf sont devenus pro-business ? On a du mal à le croire !

Il y a pourtant eu une véritable prise de conscience collective. Aider les chefs d’entreprise au téléphone, gérer l’action sociale des travailleurs indépendants a changé le regard de collaborateurs. La crise a été un facteur d’accélération de la transformation culturelle en interne. Nous avons aussi ce retour des entreprises : la crise a changé leur regard sur l’Urssaf.

Il faut donc s’attendre à moins de contrôle et plus d’accompagnement à l’avenir ?

Soyons clairs : il n’est pas question de relâcher le contrôle. Notre mission est de protéger le financement de la protection sociale des salariés. Mais dans le cadre de la relation de confiance, nous avons par exemple lancé la « visite conseil » qui s’adresse aux jeunes entreprises, en général un an après leur création. Un agent se déplace dans l’entreprise pour faire un diagnostic des erreurs qui ont pu être commises, sans redressement. Cela permet à l’entreprise de se sécuriser et nous permet, si nous revenons trois ans plus tard et que nous constatons les mêmes manquements, de prouver que l’entreprise était au courant.

La dette en hausse mais coût plus bas

La dette en hausse mais coût plus bas

Anthony Requin de l’Agence France Trésor (AFT) explique que le montant de la dette qui ne cesse de monter n’est pas trop inquiétant car son coût est plus bas .(Ceci étant  il faudra quand même la rembourser y compris quand les taux seront plus élevés NDLR)

 

Interview dans la Tribune

 

LA TRIBUNE – Vingt ans après la création de l’Agence France Trésor, comment ses missions ont-elles évolué ?

ANTHONY REQUIN - Elles sont intactes. Le cœur de mission de l’agence n’a pas évolué. La gestion de la dette et de la trésorerie de l’État sont restées les principales missions de l’AFT. En 2017, il y a un eu un rapprochement avec la CADES, la caisse d’amortissement de la dette sociale, en charge de financer et d’amortir la dette sociale en France, l’AFT étant désormais chargée de conduire les opérations de marché pour le compte de la CADES. Ce qui a plus évolué en revanche est la taille des encours de dette sous gestion, la taille et celle des montants à financer chaque année.

Comment les effectifs de l’AFT ont-ils évolué depuis une vingtaine d’années ?

Nous sommes actuellement 47, en comptant les effectifs de la CADES mis à disposition de l’AFT. Sur le périmètre pré-rapprochement CADES, l’Agence France Trésor en tant que telle emploie environ 40 personnes, soit 5 de plus qu’il y a 10 ans du fait du renforcement de certaines fonctions support (dans le juridique, l’informatique, le contrôle interne ou la stratégie).

Justement, vous manipulez des milliards avec une relative petite équipe ?

L’Agence France Trésor améliore et modernise continuellement sa structure, ses outils de travail, notamment informatiques, et ses procédures aux évolutions des pratiques de marché, ce qui lui a permis de faire des économies d’échelle considérables.

Comment les besoins de financement de l’Etat ont-ils évolué sur les deux dernières décennies ?

Avant la grande crise financière de 2008, les programmes de financement de l’État étaient – autour de – mais légèrement inférieurs à 100 milliards d’euros par an. Il y a eu un changement de palier par la suite, avec une fourchette d’émission de titres à moyen long terme comprise entre 170 et 190 milliards d’euros au cours de la période 2009-2017. En 2019, on atteignait les 200 milliards d’euros et avec la crise Covid, on a atteint les 260 milliards d’euros.

La signature de la dette française semble avoir la confiance des investisseurs malgré la crise.

La France reste bien notée par les agences de notation. Le choc causé par la Covid-19 a touché l’ensemble des pays et pas seulement la France. Donc du point de vue des agences de notation, la France ne subit pas un choc spécifique, même si c’est un choc qui a affecté particulièrement le modèle productif français, au vu de sa spécialisation sectorielle (aéronautique, automobile, tourisme). Mais le risque est tout autant dans la sévérité du choc initial que dans les modalités de la sortie du choc.

Il faudra attendre un peu que la poussière retombe pour voir si la France s’avère plus ou moins touchée que d’autres pays. Tout va dépendre de la capacité du modèle productif français à se relever rapidement et à pouvoir fonctionner à nouveau à plein régime. Le gouvernement s’y emploie avec les plans de relance français et européen. Il y des motifs d’espérance. Ainsi les données économiques du troisième trimestre 2020 ont montré une forte capacité de rebond de l’économie française.

Les agences de notation et les investisseurs, au-delà de l’impact de la crise sur les ratios de dette, tiennent aussi compte de ses conditions de financement. De ce point de vue, la BCE a joué un rôle important en abaissant le coût de la dette. La dette est certes beaucoup plus élevée mais elle coûte beaucoup moins cher qu’au début des années 2000. Du point de vue des agences de notation, la France est entrée dans la crise avec une situation des finances publiques pas encore complètement rétablies mais elle bénéficie d’une flexibilité financière importante en témoigne sa capacité d’accès aux marchés de capitaux, à des taux d’intérêt très faibles et elle bénéficie d’une maturité moyenne de sa dette plutôt élevée. Lors de cette crise, la France a pu bénéficier de taux beaucoup plus attractifs que lors du choc de 2008-2009 où les taux étaient entre 3% et 4%. La France traverse cette crise avec des conditions d’emprunt bien plus faibles et une maturité d’émissions pour les opérations de l’année bien plus élevée. Tous ces éléments constituent des coussins de protection pour l’avenir.

La politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) a beaucoup changé sur la dernière décennie. Estimez-vous que la Banque centrale sort de son rôle ?

Non, il y a assez de gardiens du temple institutionnellement dans le système pour assurer qu’elle ne sorte pas de son rôle. La Banque centrale européenne nous apporte beaucoup de sécurité par son action dans l’exécution des ces programmes de financement à des conditions de taux extraordinairement faibles. Nous avons confiance en cette institution qui a montré ses capacités à pouvoir s’adapter à différentes crises et à apporter à chaque fois la bonne réponse. Cette politique monétaire apporte de la confiance aux différents acteurs de marché.

Etes-vous inquiet de la fin programmée du PEPP ?

Je ne doute pas de la capacité de la BCE à gérer adroitement le prochain virage qui sera celui de la normalisation monétaire. Les gouverneurs de la banque centrale l’ont déjà montré par le passé. Entre 2018 et 2019, le PSPP (the Public Sector Purchase Programme) était progressivement passé d’un rythme d’achats de titres de dette de 80 milliards d’euros à zéro et cela s’était bien passé sans choc abrupt sur les marchés. Les taux avaient même continué à baisser.

Comment expliquez-vous la baisse tendancielle des taux ?

Les économistes ont beaucoup étudié cette question et c’est encore un objet de débat académique, mais beaucoup y voient la manifestation de tendances structurelles qui ont conduit à l’affaiblissement à la fois de la composante des tendances inflationniste et de la composante réelle des taux. Parmi les facteurs structurels les plus fréquemment cités, on peut mentionner dans les économies développées la baisse des gains de productivité tendanciels qui a affaibli le taux de croissance, l’insertion progressive dans le commerce international de grandes économies disposant d’une main d’œuvre abondante qui exerce une pression à la baisse sur les prix, de même que l’exacerbation de la concurrence sous l’effet de ruptures technologiques, de l’action des régulateurs sectoriels et de la baisse des barrières douanières, ou encore les changements affectant les modes de fixation des salaires, l’érosion du pouvoir de négociation des salariés dans certaines économies. Enfin, le vieillissement démographique et l’accentuation des inégalités dans certains pays qui peuvent être à l’origine d’un surcroît d’épargne.

S’agissant des évolutions futures, il n’est pas évident de déterminer avec certitude l’évolution des taux nominaux à long terme. Actuellement, sous l’effet de la réouverture des économies post-pandémie et des stimuli budgétaires et monétaires actuels, on constate une légère remontée des taux d’intérêt, alimentée par la hausse de la composante réelle et la révision à la hausse des anticipations d’inflation. À moyen terme, d’autres facteurs comme la nouvelle donne démographique à l’œuvre au sein de certaines grandes économies qui conduit à la baisse de leur population active pourraient également jouer un rôle, de même que la relocalisation de certaines chaînes de valeurs si ce mouvement venait à se confirmer. La question demeure de savoir si ces évolutions seront suffisantes pour contrer les facteur structurels évoqués précédemment qui avaient conduit à une baisse continue des taux et de l’inflation ces quarante dernières années.

Il faudra également qu’intervienne une normalisation de politique monétaire, à rebours des politiques menées depuis 2008, et pour certaines économies menées depuis le début des années 2000. Or, à ce jour, nous n’avons pas d’exemple abouti de normalisation complète de politique monétaire. Le processus de normalisation qui avait été engagé par la Réserve Fédérale américaine fin 2017 a été interrompu avec la crise sanitaire, et  cette interruption avait de facto commencé dès l’automne 2019 du fait des perturbations sur le processus de formation de certains taux d’intérêt intervenus concomitamment à la réduction de la taille de bilan de la Fed.

En ce moment, les débats sur les risques d’inflation font rage. Ces poussées inflationnistes représentent-elles un risque pour vous ?

Elles représentent aussi pour nous en tant qu’agence d’émission une opportunité. Ces poussées relancent ainsi l’intérêt pour les émissions de titres indexés sur l’inflation. Pendant les phases de récession, ces titres suscitent plutôt un moindre intérêt des investisseurs. C’est un marché assez procyclique dans son fonctionnement. Quand les tensions inflationnistes surgissent, davantage d’investisseurs souhaitent se protéger contre le risque inflationniste et cela suscite un regain d’intérêt et d’appétit pour des titres indexés sur l’inflation, qui sont dès lors mieux valorisés. La demande pour ces produits est en train de renaître. La manifestation de cette demande nous a ainsi conduit à lancer jeudi 20 mai une nouvelle OAT à 10 ans indexée sur l’inflation française.

Par qui sont détenus les titres de la dette française ?

La Banque centrale européenne détient environ 30% du stock des titres émis par l’État. Pour le reste, plusieurs enquêtes permettent d’avoir des informations. S’agissant des détenteurs résidents, qui représentent 50% du total, nous avons une image assez précise grâce à une enquête régulièrement menée par la Banque de France. Il s’agit d’établissements de crédits, des assureurs, des gestionnaires d’actifs, des banques commerciales et des institutions publiques comme la Banque de France au titre des actions de politique d’achat d’actifs menées par la BCE déjà mentionnée. Pour les non-résidents, nous nous basons essentiellement sur une enquête du FMI. Pour schématiser, on estime à environ 25% la quotité de détenteurs en zone euro et 25% hors zone euro sur le stock.

Comment l’agence s’est-elle adaptée aux OAT vertes ?

Ce lancement a été un vrai défi. La France ambitionne d’être à l’avant-garde des politiques de transition énergétique. Ces politiques vont mobiliser énormément d’investissements et de capitaux. Les marchés financiers doivent accompagner ce mouvement. L’argent public ne suffira pas. Il faut que ce soit un mouvement global. L’intuition politique est de montrer que les États peuvent financer leur transition énergétique à travers les marchés de capitaux. Les États précurseurs qui vont s’engager vont pouvoir structurer la gestion d’actifs verts. L’approche de la France a ensuite été suivie par la Belgique, l’Irlande, les Pays-Bas ou encore le Chili, plus récemment par l’Allemagne en attendant l’Espagne et le Royaume-Uni.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Remboursement de la dette sociale des entreprises: un nouveau délai de trois ans

Remboursement de la dette sociale des entreprises: un nouveau délai de trois ans

« La dette sociale pourra être étalée pour ceux qui sont le plus en difficulté jusqu’à trois ans », a déclaré mercredi Bruno Le Maire sur CNews.

Cette dette sociale représente 12 milliards d’euros. Le ministre de l’économie prévoit un étalement qui pourra aller de 24 à 36 mois », a-t-il ajouté.

Pour les secteurs les plus affectés par la crise (tourisme, sport, culture, évènementiel), le fonds de solidarité compensera 40 % de la perte de chiffre d’affaires en juin, 30 % en juillet et 20 % en août, dans la limite d’un plafond de 20 % du chiffre d’affaires réalisé avant la crise.

Annulation de dette : Identifier les entreprises viables de celles qui ne le sont pas

Annulation de dette : Identifier les entreprises viables de celles qui ne le sont pas

Le ministre de l’économie a déclaré que certaines dettes de certaines entreprises dans certaines conditions. Reste à préciser ses conditions « On peut étudier des abandons de dette, à condition d’expliquer que c’est tout à fait exceptionnel », estime dans l’Opinion Thierry Millon, directeur des études du cabinet Altares

 

Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, songe à annuler « au cas par cas » une partie de la dette Covid des entreprises. Est-ce indispensable ?

Le ministre a surtout répété qu’il ne fallait pas interrompre brutalement les aides aux entreprises, mais envisager leur retrait progressif. C’est la clé si l’on veut éviter une épidémie soudaine de faillites, doublée d’une crise sociale. Mais cela ne va pas suffire. Il va falloir distinguer les entreprises viables de celles qui ne le sont pas. Et les accompagner, là aussi au cas par cas, davantage qu’on ne le fait aujourd’hui. Parmi les accompagnements, on peut bien évidemment étudier des abandons de dette, à condition d’expliquer que c’est tout à fait exceptionnel. L’Etat ne peut pas accepter l’effacement d’une dette sans justifier le pourquoi du comment.

La dette est le principal problème des entreprises ?

Le premier temps de la pandémie a été celui de l’inquiétude concernant la liquidité. La question a été réglée par les aides diverses et variées. Le deuxième temps – aujourd’hui – est celui du retour de l’activité, et de son ampleur. Le troisième temps sera celui de la dette, une fois la croissance revenue. A ce moment-là, on verra si cette croissance permet de retrouver naturellement les financements nécessaires à l’allègement de la dette. Vouloir la supprimer a priori, sans avoir pu tester les effets positifs du retour de l’activité, n’est pas envisageable. En revanche, il y a bien un mur de la dette qui grandit, il faut s’y préparer. Je rappelle que vous pouvez encore solliciter des PGE jusqu’à la fin du mois de juin, sans parler du nouveau report possible des cotisations sociales.

Selon vos décomptes, 8 entreprises sur 10 se présentant devant un tribunal fin mars, ont été liquidées, c’est affolant !

Oui et cela traduit une détresse financière, morale et psychologique. Il faut aussi apprendre à accompagner financièrement tous ceux qui se sont battus pendant la pandémie, et qui ont perdu. La particularité de cette crise est que le nombre de créations d’entreprises a continué à augmenter en 2020. Il y a aujourd’hui en France davantage d’entrepreneurs qu’en 2019, sur un marché réduit puisque l’économie s’est fortement contractée. Avec plus de monde autour d’un gâteau moins gros, il faut choisir : se partager des parts plus petites, ou bien empêcher que tout le monde puisse s’asseoir autour de la table. Le darwinisme devrait prévaloir, la discrimination se fera naturellement lorsque les aides seront débranchées, même progressivement. Ce qui annonce une autre spécificité de cette crise. En 2009 (subprimes) et en 2014 (crise de la dette en Europe), la France a battu des records de faillites avec 65 000 défaillances chaque fois. Il n’y en a eu « que » 32 000 l’an dernier, et probablement entre 40 000 et 45 000 cette année. En revanche, c’est loin d’être terminé. Il n’y a pas suffisamment de faillites aujourd’hui pour affoler le monde, et c’est tant mieux. Mais elles vont s’étaler sur plusieurs années.

La crise de la Covid a révélé l’existence d’entreprises zombies. Est-ce l’occasion d’un grand ménage ?

Cette crise est effectivement un révélateur. Est qualifiée de « zombie » une entreprise âgée d’au moins dix ans, qui n’a pas pu rembourser sa dette financière avec son exploitation pendant trois ans consécutifs. Dans cette définition très contrainte de l’OCDE, on comptabilise déjà 63 000 entreprises. Sans compter celles, beaucoup plus jeunes et donc structurellement plus fragiles, qui parviennent à traverser la Covid uniquement grâce aux aides ! Depuis des années, l’argent facile a aidé l’émergence de structures non créatrices de valeur, mais qui sont aussi capables d’entraîner leurs partenaires dans leur chute. Une faillite sur 4 est liée à un problème de paiements. Gare à l’effet de ciseau, et à l’effet domino, lors de la reprise. Lorsque les hôtels et les restaurants par exemple, devront sortir de la trésorerie pour se relancer. Les zombies vont être en première ligne, ce qui nous ramène à la question de l’accompagnement social. Je rappelle qu’une défaillance menace quatre emplois.

États-Unis : une dette supportable

États-Unis : une dette supportable

Une dette de 23 000 milliards soit un peu moins de 10 fois plus que celle de la France est tout à fait supportable d’après la Fed qui considère que la montée en charge de l’endettement est largement compensée par la faiblesse des taux. Finalement le même raisonnement qu’en France ou ailleurs en Europe mais avec des masses de liquidités mises au service de l’économie autrement plus importantes : récemment un plan de 1900 milliards pour soutenir l’économie et un autre plan de 2000 milliards pour développer les infrastructures et les moderniser.

 

Le déficit budgétaire atteindra un peu moins de 2.300 milliards de dollars cette année, soit quelque 900 milliards de dollars de moins qu’en 2020, tandis que la dette nationale va grimper à 22.500 milliards de dollars, soit 102,3% du PIB. (Ce déficit n’inclut pas toutefois les deux plans récemment lancés déjà évoqués de 1900 milliards et de 2000 milliards dont la mise en œuvre sera pour partie étalée sur plusieurs exercices).

 

À titre de comparaison la dette française atteint déjà  110 % du PIB.

 

On  estime que le déficit va se réduire progressivement jusqu’en 2024 pour tomber à 905 milliards de dollars, puis augmentera à nouveau pour atteindre près de 1.900 milliards en 2031. Le ratio dette sur PIB atteindra alors à cet horizon 107,2%, son plus haut niveau jamais atteint.

Dans le même temps l’Europe aura mobilisé autour de 750 milliards est encore avec des retards dus à la nécessité de faire entériner le plan par chacun des Etats.

 

«La dette augmente significativement plus rapidement que l’économie et c’est par définition insoutenable», en revanche «le niveau actuel de la dette est très viable», a déclaré mercredi Jerome Powell, lors d’une conversation virtuelle organisée par l’Economic club de Washington. «Ce n’est pour l’instant pas la préoccupation principale, mais il s’agit toutefois d’une préoccupation importante sur laquelle nous devrons, je crois, nous pencher de nouveau lorsque l’économie sera solide», a-t-il souligné.

 

Jerome Powell a également indiqué une nouvelle fois qu’il était «très improbable» que la Fed relève ses taux d’intérêt avant 2022, alors que l’inflation a commencé en mars à s’accélérer et que ce mouvement devrait se poursuivre pendant plusieurs mois.

Pays pauvres : Les pièges de la dette chinoise

Pays pauvres : Les pièges de la dette chinoise

 

Un rapport rendu public fin mars livre des éclaircissements sur les conditions d’emprunt exigées par le premier pays créancier au monde envers des pays à bas revenus, relève dans sa chronique Julien Bouissou, journaliste au « Monde ».

 

 

Chronique.

Des chercheurs américains et allemands viennent de mettre la main sur un trésor. Ils ont déniché, dans les tréfonds d’Internet et des archives des administrations publiques, une centaine d’accords de prêts passés entre la Chine et vingt-quatre pays à bas revenus, entre 2000 et 2020, pour un total de 36,6 milliards de dollars (31 milliards d’euros). Ces documents valent de l’or car on ne sait pas grand-chose sur les conditions d’emprunt exigées par le premier pays créancier au monde, lesquelles ont fait l’objet de nombreuses études, ou plutôt, il faut bien l’admettre, de nombreuses spéculations.

Les uns soutiennent que la dette chinoise est un piège destiné à obtenir des concessions géostratégiques dans des pays en faillite, les autres qu’elle donne de l’oxygène à des pays pauvres désertés par les créanciers. Le rapport rédigé par quatre centres de recherche, dont le laboratoire AidData du collège américain William & Mary, le Center for Global Development et le Peterson Institute for International Economics, tous deux basés à Washington, et le Kiel Institute for the World Economy d’Allemagne, devrait alimenter les discussions entre pays membres du G20. Ils se réunissent justement cette semaine pour aborder notamment la question de la dette des pays pauvres, qui a dangereusement augmenté depuis le début de la crise économique liée à la pandémie du Covid-19.


Non seulement les conditions d’emprunt doivent rester confidentielles, mais les montants des prêts aussi

Selon le rapport intitulé « How China Lends » (« Comment la Chine prête ») et rendu public fin mars, les créanciers chinois rédigent des clauses de confidentialité qui dépassent de loin les exigences généralement formulées par les pays créanciers ou les banques de développement. Non seulement les conditions d’emprunt doivent rester confidentielles, mais les montants des prêts aussi. Une confidentialité qui pose de sérieux problèmes de transparence, puisque les gouvernements doivent cacher à leurs contribuables les sommes que ces derniers devront rembourser tôt ou tard. Cette opacité complique aussi les procédures de restructuration collective de dette. Comment les créanciers d’un pays au bord du défaut de paiement peuvent-ils évaluer sa solvabilité ou ses capacités de remboursement s’il leur manque une partie des informations ?

Demandes inhabituelles

A l’abri du regard des autres créanciers, Pékin formule d’autres demandes inhabituelles. Les trois quarts de leurs contrats comportent ainsi une clause de non-participation aux restructurations de dette menées par le Club de Paris. Or, ce club des grandes nations créancières avait patiemment mis au point, au fil des ans, un ensemble de règles pour coordonner les plans de restructuration ou d’annulation de dette, dont l’une consiste à ne pas favoriser un créancier plutôt qu’un autre. La Chine a dynamité ce principe d’équité, ce qui lui permet d’exiger de ses débiteurs d’être remboursée en priorité en cas de problème.

« La dette insoutenable des pays pauvres »

« La dette insoutenable des pays pauvres »

La Plate-forme française dette & développement (PFDD) qui regroupe une trentaine d’organisations de la société civile appelle, dans une tribune au « Monde », la France à défendre un cadre universel de traitement des dettes et demande une réforme en profondeur de l’architecture internationale de la dette des pays pauvres.

Tribune.

 

Les chefs d’Etat du monde entier sont invités, lundi 29 mars, à se réunir à l’ONU pour discuter de la réforme de l’architecture internationale de la dette. La communauté internationale a aujourd’hui la possibilité d’enfin apporter des réponses structurelles, alors que la crise économique mondiale déclenchée par la pandémie de Covid-19 sévit depuis plus d’un an, et plonge les pays pauvres dans une situation chaque jour plus critique, plombée par des niveaux de dette insoutenables.

Si la communauté internationale saisit cette opportunité et engage cette nécessaire réforme de l’architecture internationale de la dette, elle peut contribuer à sauver les objectifs du développement durable, et lutter contre la pauvreté et les inégalités mondiales. Si elle ne le fait pas, elle condamne les populations des pays en développement à une nouvelle décennie perdue.

Les pays pauvres sont gravement touchés par la crise. Les impacts socio-économiques de la pandémie pourraient perdurer des années, voire des décennies. Un demi-milliard de personnes pourraient tomber dans la pauvreté, entraînant une augmentation des inégalités sociales, économiques et de genre.

Les niveaux d’endettement de ces pays, qui atteignaient déjà des niveaux record avant la pandémie (deux fois plus élevés qu’à la veille de la crise financière de 2008), sont devenus complètement insoutenables dans le contexte de crise actuel. Beaucoup consacrent déjà une plus grande part de leurs maigres ressources au remboursement de leur dette qu’à la santé ou à l’éducation.

Le Ghana, par exemple, dépense 11 fois plus pour honorer le service de sa dette que pour ses dépenses de santé. Si des mesures ambitieuses ne sont pas adoptées, des ressources publiques vitales vont continuer d’être dépensées pour rembourser les créanciers de ces pays (pays riches, banques multilatérales, banques privées et fonds d’investissement) au détriment des besoins sociaux, économiques ou de santé des populations.

En avril 2020, Emmanuel Macron plaidait pour des annulations massives de la dette africaine. Sous l’impulsion de la France, le Groupe des vingt pays les plus riches (G20) a lancé une initiative de suspension du service de la dette (ISSD) puis adopté un cadre commun de traitement des dettes des pays pauvres.

Hélas, ces deux mécanismes sont très loin d’apporter des réponses réelles à la crise. Pensés par et pour ces pays créanciers, ils sont destinés à simplement reporter et rééchelonner les paiements de dettes d’un nombre limité de pays pauvres, et ne prévoient aucun moyen de contraindre les créanciers privés et multilatéraux à participer.

La contribution de Mélenchon ( dans l’Opinion)

«Rembourser la dette n’est pas sérieux » pour Mélenchon

 

 

 

Ce n’est pas la déclaration d’un curé de campagne où le plaidoyer d’un pratiquant de  bistrot après trois ou quatre tournées d’apéritif mais celle de Mélenchon l’un des principaux candidats à la présidentielle en 2022. Une déclaration qui en dit long sur la connaissance économique et financière des responsables de ce pays et qui explique pour une part la décomposition économique française. À noter l’impasse totale faite sur la confiance et le comportement  des opérateurs économiques qui pourtant sont les vrais régulateurs des valeurs d’une monnaie et au-delà de la croissance. Ou l’illustration utopique que la politique peut se substituer à eux ou la résurgence d’un système communiste. Au rythme de ces déclarations fumeuses Mélenchon qui pourtant avait fait 20 % aux récentes présidentielles pourrait dégringoler à moins de 10 % en 2022. On objectera que certains économistes de gauche soutiennent cette idée mais faut-il rappeler que la quasi-totalité des économistes ont toujours manqué les rendez-vous de l’histoire avec les plus grandes révolutions économiques, sociales,  technologiques ou encore géopolitiques.

 

La contribution de Mélenchon ( dans l’Opinion)

 

« Une dette, ça se rembourse », assène Bruno Le Maire à propos des 2 600 milliards d’euros de dettes de l’Etat français. De son côté, le gouverneur de la banque de France agite la menace d’une sortie de l’euro pour tancer les partisans d’une annulation. Nouvelle bonne élève du système, Marine Le Pen aussi explique dans une tribune à l’Opinion : « Une dette doit être remboursée ». Elle y voit même « un aspect moral essentiel ». Autant d’actes de foi aveuglée à la version la plus stricte de l’ordo-libéralisme : l’économie aurait des lois qu’aucune décision politique ne saurait modifier. Ridicule ! Et intenable.

La dette détenue par la Banque centrale européenne sera annulée tout simplement parce qu’elle ne pourra jamais être payée. La seule question posée est de savoir si ce sera dans l’ordre et le calme ou dans la crise et la chienlit. Car comment rembourser ? « Par la croissance » ? Aux conditions actuelles, avec 1,5 % de hausse du PIB par an, il faudrait 248 ans pour finir de payer. Avec un excédent budgétaire annuel ? Il faudrait 270 ans, au prix d’un excédent annuel de 10 milliards d’euros. Comment obtenir un tel résultat ? Forcément par de nouvelles coupes dans les services publics et les allocations, d’une part, et des hausses d’impôts, d’autre part.

Dans l’histoire, de tels niveaux de dette n’ont été soldés que par la banqueroute, la guerre ou l’inflation. Qui en veut? Qui a intérêt à un tel chaos?

Diminuer les prestations et les revenus ? Impossible. Ce serait agresser la classe moyenne du pays sur qui repose l’essentiel de l’effort fiscal. Une autre option serait d’imposer les très grandes fortunes. Mais pour quoi faire ? Nous avons besoin de leur argent pour d’autres choses. Pour participer au bien commun, à la reconstruction de l’hôpital public, de l’école, pour financer la bifurcation écologique. Rembourser la dette ne peut être l’unique projet des deux prochains siècles. Surtout pour maintenir une fiction comptable : l’équilibre du bilan de la BCE. Assez de bobards ! Dans l’histoire, de tels niveaux de dette n’ont été soldés que par la banqueroute, la guerre ou l’inflation.

Qui en veut ? Qui a intérêt à un tel chaos ? Pour l’éviter, je porte depuis avril dernier, comme divers économistes, une solution immédiate, tranquille et sans perdant. Depuis 2015, la BCE a acheté sur le marché près de 20 % de la dette de l’Etat français. Ce contournement des règles des traités européens que je conteste par ailleurs ne nous émancipe pas de devoir continuer à rembourser cette dette. Et donc à emprunter sur les marchés financiers pour le faire. Il faut donc que la banque centrale annule cette dette. Pas un investisseur ne sera lésé.

 

Projet idéologique. Cette annulation peut prendre la forme d’une transformation en dette perpétuelle à taux nul comme je l’ai défendu en juin 2020 dans une résolution parlementaire. Je lis que ces remboursements reviennent ensuite aux Etats actionnaires de la BCE. On peut pour autant penser que ce n’est pas un jeu à somme nulle puisque la Banque de France ne le publie pas. J’entends que les taux d’intérêt étant nuls ou négatifs, nous aurions avantage à rembourser par de nouveaux emprunts. Donc c’est déjà une dette perpétuelle. Mais quelle stupéfiante désinvolture ! Comme si les taux étaient désormais prévisibles sur dix ans par ceux-là mêmes qui ont été incapables de prédire quoi que ce soit un an avant quelque événement que ce soit ! Comme si les agences de notation avaient disparu, et l’obligation faite aux banques d’aligner les taux sur leurs décrets !

A mes yeux, le thème du remboursement de la dette est un prétexte pour reprendre le projet idéologique de démantèlement du secteur public et d’extension de l’aire du secteur privé. C’est irresponsable. D’autant que s’y ajoute aujourd’hui le problème de la dette privée. Elle contient un effet domino d’effondrement brûlant après l’épisode Covid. Il faut mettre en route le congélateur de dettes. Ou bien accepter de brûler avec.

Car pendant ce temps, nous entrons dans la décennie décisive pour l’humanité. C’est notre dernière chance pour faire bifurquer le modèle de production, de consommation et d’échange, pour le rendre compatible avec les limites planétaires et les rythmes de la nature. Comment réaliser les investissements écologiques nécessaires si nous sommes soumis constamment au chantage à la dette ? S’en libérer est la condition préalable pour mener une politique économique en rupture avec les vieilles recettes de malheur des libéraux. Un projet réaliste pour le futur n’est pas de rembourser la dette mais de construire la société de l’entraide.

Jean-Luc Mélenchon est député des Bouches-du-Rhône et président du groupe parlementaire La France insoumise à l’Assemblée nationale.

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