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Cacao : Les dessous de la flambée des prix

Cacao : Les dessous de la flambée des prix 

On voudrait croire à une meilleure rémunération des agriculteurs et agricultrices. Il n’en est rien, cette flambée est avant tout le symptôme boursier d’un secteur qui va mal et maltraite les cacaoculteurs. Elle révèle ainsi une baisse de la production en Afrique de l’Ouest, principale région cacaoyère, du fait de sécheresse, des maladies et autres ravages causés, en large partie, par le réchauffement climatique. Mais aussi, et surtout, elle témoigne de la pauvreté endémique d’une majorité des cacaoculteurs et donc, du manque de moyens pour entreprendre la transition agroécologique, les actions d’adaptation et ainsi faire face au réchauffement climatique. Sans oublier les agriculteurs et agricultrices qui, peu à peu, depuis des décennies, ont arrêté une activité très peu rémunératrice.

 

tribune par un collectif * dans La Tribune

Malgré une hausse jusqu’à 190% en un an du prix du cacao à la Bourse, celles et ceux qui le produisent en ont à peine vu la couleur. Nous, représentants de réseaux de producteurs et productrices de cacao d’Afrique de l’Ouest, appelons les législateurs et les industriels des pays consommateurs européens à une responsabilité partagée pour que les agriculteurs et agricultrices vivent décemment de leur travail, condition indispensable pour pérenniser la production… et votre tablette de chocolat.

Ce 1er octobre, qui célèbre la Journée mondiale des producteurs et productrices de cacao a une teinte particulière. En 2024, la Bourse a vu s’envoler les cours du cacao pour atteindre des records historiques jamais observés depuis 1977, date du dernier record à 5.500 dollars la tonne… il y a près de cinquante ans. Si certains ont pu profiter de prix plus avantageux, cette tendance nous alerte. Elle vient en réalité révéler des failles structurelles d’un secteur qui s’est développé sur des pratiques d’achat avec des prix tellement bas qu’ils ne couvrent même pas les coûts de production et ceux du dérèglement climatique. Les agriculteurs et agricultrices ne peuvent donc pas vivre décemment et encore moins investir dans des pratiques agricoles durables.

L’année 2024 a été particulièrement révélatrice de la volatilité des cours du cacao et de l’impact du réchauffement climatique. Le prix de la tonne de cacao s’est envolé avec un pic de 12.261 dollars atteint le 19 avril 2024 à la Bourse de New-York, soit une hausse de plus de 190 % sur un an. Cette tendance sur les marchés boursiers s’explique en partie par la baisse significative de la production (14,2 % sur la saison 2023-2024) à l’échelle mondiale (ICCO), en particulier en Côte d’Ivoire et au Ghana, les deux principaux pays producteurs de cacao. Cette baisse est directement liée aux conséquences du réchauffement climatique sur les plantations cacaoyères : phénomène El Niño, maladies des cacaoyers, intempéries excessives… Or, la majorité des producteurs et productrices de cacao, fragilisée par des décennies de pratiques de prix d’achat du cacao trop bas, n’a pas été en mesure d’investir dans des pratiques agroécologiques pour favoriser la résilience de leur exploitation. Face à des phénomènes climatiques qui seront amenés à s’amplifier par leur fréquence et leur impact et viendront accentuer le manque de visibilité sur les prix, la pérennité du secteur est menacée et avec, les ressources des millions de familles vivant de la culture cacaoyère.

La pauvreté endémique des producteurs et productrices -dont la majorité ne touche pas un revenu suffisant pour vivre décemment – a été identifiée comme l’une des principales causes de déforestation liée à la culture du cacao (2). Et pour cause, les sols des forêts détruites sont plus productifs, mais cela est de courte durée. Or, le Règlement européen de lutte contre la déforestation qui entrera en vigueur fin 2024 exige des marques de chocolat qu’elles démontrent que le cacao qu’elles achètent ne provient pas de parcelles déforestées. Pour prouver leur conformité, nos coopératives doivent mettre en place des systèmes de traçabilité qui sont extrêmement coûteux. Les frais à engager peuvent monter jusqu’à 37.000 euros d’investissement initial et 62.000 euros annuels d’après une étude réalisée en 2024 (1).

Cette même étude démontre que les coopératives les mieux préparées sont celles bénéficiant d’une certification de commerce équitable, c’est-à-dire qui garantissent des prix minimums couvrant les coûts de production, des primes pour des projets communautaires, et qui participent à des programmes d’appui. Nous, producteurs et productrices de coopératives engagées dans le commerce équitable, observons les apports de la démarche sur nos revenus et notre capacité à investir pour une plus grande résilience de nos exploitations. L’interdiction de la déforestation dans les exigences des certifications, mais aussi la formation de nos membres pour la mise en place de pratiques d’agroforesterie, de diversification des cultures et de traçabilité sont autant de facteurs décisifs pour être la mise en conformité de nos exploitations. Cependant, les volumes achetés aux conditions du commerce équitable restent trop faibles – à peine 5% des volumes mondiaux – pour que les coopératives aient les fonds suffisants pour une transition agroécologique qui assure la pérennité du secteur.

Le coût de la traçabilité, de la mise en conformité avec les normes européennes et de la lutte contre le changement climatique ne doit pas reposer uniquement sur nous, le premier maillon de la chaîne, alors même que seulement 11% du prix d’une tablette de chocolat revient aux cacaoculteur contre 70% aux marques et aux distributeurs (2). Nous appelons l’industrie du chocolat et les pouvoirs publics des pays consommateurs européens à s’engager pour une responsabilité partagée et garantir un revenu décent pour les agriculteurs et agricultrices afin de lutter contre la déforestation et plus largement contre les conséquences du réchauffement climatique.

Nous appelons l’industrie à mettre en place des relations commerciales basées sur le paiement d’un prix de référence qui garantisse un revenu vital aux agriculteurs et agricultrices, à augmenter leurs volumes certifiés en commerce équitable et à appliquer l’article 11 du Règlement européen de lutte contre la déforestation dans le partage équitable du coût de la mise en conformité comme atténuation des risques.

Nous appelons les pouvoirs publics à définir et mettre en œuvre des politiques publiques qui intègrent les enjeux de rémunération vitale, à signer la Déclaration pour un salaire et revenu vital européenne et à intégrer des critères de commerce équitable obligatoires dans la commande publique. Nous saluons les régions et villes qui l’ont déjà fait !

Si l’année 2024 a débuté par une montée des revendications agricoles partout en Europe, nous appelons à ce qu’elle se termine par une prise de conscience globale que la rémunération décente des agriculteurs et des agricultrices du monde entier doit être au cœur de relations commerciales plus justes, elles-mêmes beaucoup plus efficaces que les injonctions verbales dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Sources :

 

 

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(*) Signataires :

  • Blaise Desbordes, Max Havelaar France
  • Benjamin Francklin Kouamé, Président du comité de Gestion de la SCOOPS ECAM Yamoussoukro Côte d’Ivoire
  • Sanata Thiero, DG de la Coopérative SCOOPS SAHS Côte d’Ivoire
  • Yesson Moussa Yeo, Directeur de la Coopérative Yeyasso de Man Côte d’Ivoire
  • Bley Fortin, Président du Conseil d’Administration du RICE

Cop 28: les dessous de la négociation

Cop 28: les dessous de la négociation

Enseignant-chercheur dans les domaines de l’économie de l’environnement et de l’économie du développement, j’ai la chance de vivre à Dubaï ma sixième Conférence des Parties (COP) d’affilée. Ma première participation a été financée par l’université à titre exploratoire en 2017, puis j’ai disposé d’un mandat de la part de la présidence de mon université, l’Université Côté d’Azur, pour en développer la stratégie en 2018. L’Université Côte d’Azur a été ainsi été accréditée en 2020 avec le statut d’observateur pour la COP26 de Glasgow. À l’occasion des COP23, 24 et 25, j’ai ainsi porté la casquette de représentant de mon université et de négociateur pour la Tunisie, dont je faisais partie de la délégation officielle au titre de ma double nationalité française et tunisienne. Cette année, je participe à nouveau à titre de négociateur pour la Tunisie et comme invité à plusieurs événements parallèles internationaux. Un statut qui permet d’accéder à la zone dite « bleue » du Sommet, réservée aux délégations nationales, aux organismes onusiens et aux ONG observatrices, et où se déroulent les négociations officielles de la COP28. A contrario, la zone dite « verte », elle, est ouverte sur accréditation à toutes les parties prenantes.


Par Adel Ben Youssef
Prof.Dr., Université Côte d’Azur dans The Conversation

L’événement, désormais surmédiatisé, attire de plus en plus de monde sous l’effet de la préoccupation croissante du grand public face aux impacts de plus en plus visibles du changement climatique. Alors que la COP23 n’avait attiré que quelque vingt mille participants à Bonn, la COP de Dubaï a battu tous les records avec plus de 90 000 participants.

En dépit de toutes les critiques adressées au processus de négociations internationales, vivre de l’intérieur la construction d’un régime international en matière de changement climatique a constitué une expérience extraordinaire pour l’enseignant-chercheur que je suis. Le monde de la recherche aurait tout intérêt à être davantage impliqué dans ce processus complexe.

Rappelons d’abord que les négociations climatiques ne sont pas seulement le fruit des quelques journées où se déroule la Conférence des Parties (COP). Elles sont le reflet de travail intense réalisé tout le long de l’année de manière quasi continue, dont la COP ne représente que le moment culminant.

À chaque début de COP, les parties commencent par se mettre d’accord sur un menu des négociations – un agenda de travail. Dès lors que l’agenda est accepté et validé, chaque point de l’agenda fait alors l’objet d’une négociation en parallèle.

En moyenne, plus d’une vingtaine de négociations sont menées en parallèle. Cela nécessite des moyens et des ressources humaines importantes pour les États participants, qui doivent chacun disposer d’une équipe technique de haut niveau maîtrisant tous les points et capable de se coordonner entre elle et avec les autres pays.

Si les pays développés arrivent à aligner des diplomates de profession, les pays en développement quant à eux recourent surtout à la société civile, aux experts et aux universitaires, qui sont ensuite épaulés dans ces négociations. Cela m’a permis de rencontrer plusieurs collègues des quatre coins du monde à la table des négociations.

Durant la première semaine de la COP se déroulent ainsi plusieurs sessions de négociations techniques – au moins six séances d’une heure chacune. Mais les négociations se font également informelles pour mieux avancer. Des réunions bilatérales, des réunions informelles se déroulent jusqu’à tard dans la nuit pour débloquer des points durs des négociations et faire converger les points de vue. Ceci a été le cas à plusieurs reprises cette année sur l’article 6.

Le sultan Ahmed al Jaber, président de la COP28, s’exprimant le 30 novembre lors de l’ouverture du sommet. Présidence de la République du Bénin, CC BY-NC-ND
À la fin de la première semaine, les négociations passent à un niveau politique réservé aux ministres des pays représentés. Cette seconde phase admet une logique différente où les codes diplomatiques changent. La présidence de la COP a un rôle important dans ce processus, car des enjeux géopolitiques sont alors considérés. Les accords sur le climat deviennent alors une partie d’un échiquier d’accords internationaux plus complexes où la logique environnementale n’est pas toujours la première.

À la fin de la COP, un bilan est dressé et les progrès et les résultats font l’objet d’une déclaration finale. En général, plusieurs points de la négociation resteront en suspens jusqu’à l’année suivante. En dépit de toutes les critiques adressées à ce processus long, si l’on croit à la démocratie et aux règles internationales, il n’existe pas d’autres chemins pour arriver à bâtir un régime juridique international en matière de climat.

Dès lors commence la partie suivant des négociations, moins visible, mais tout aussi stimulante. En début d’année suivante, le dialogue se poursuit entre les différentes parties pour les faire converger vers une solution consensuelle. Une tâche difficile pour un processus à 198 parties qui fonctionne avec la règle de l’unanimité, même si cette règle est de plus en plus décriée.

Des séminaires régionaux ou mondiaux sont organisés, ainsi que des réunions virtuelles, des négociations techniques, à l’issue desquelles des propositions techniques sont rédigées par les parties et les observateurs. Entre deux COP, les organes subsidiaires des organes de prise de décision – le conseil scientifique et technologique (SBSTA) et l’organe de mise en œuvre (SBI) – se réunissent au mois de juin à Bonn, en Allemagne. Ces réunions, moins médiatiques que la COP annuelle, sont essentielles pour bâtir les consensus et préparer au mieux les négociations formelles. Il n’est pas rare que certains points de négociations s’articulent sur plusieurs années, au long de plusieurs COP successives.

C’est ici que le monde académique pourrait davantage intervenir pour faciliter la prise en compte de l’expertise scientifique, à mon sens. Depuis 2017, j’observe de plus en plus d’enseignants-chercheurs impliqués dans le processus de tous les pays (parties). Mais pour l’heure, les universités anglophones restent les mieux positionnées sur ce créneau : c’est par exemple un professeur de l’Université du Cap, Harald Winkler, par ailleurs expert pour le GIEC, qui joue le rôle de facilitateur sur la question du bilan mondial de l’accord de Paris (global stocktake).

À titre personnel, j’ai pu observer les négociations sur les « pertes et dommages » (loss and damages) jusqu’à l’opérationnalisation du fonds associé et les premières promesses de 300 millions de dollars lors de la COP28.

En tant que chercheur, participer à la COP me permet d’assurer deux rôles : celui d’expert de mon domaine en économie de l’environnement et du développement d’une part, et celui d’ambassadeur de mon université d’autre part.

Ainsi, je suis fier de contribuer modestement à éclairer certaines questions comme celles liées aux migrations climatiques, à l’évaluation des désastres climatiques ou encore au rôle de la technologie dans la résolution du problème climatique. La COP me permet aussi de donner de la visibilité à mes travaux, d’enrichir ma palette de compétences – notamment en finance climatique organisant des événements sur des sujets liés à mes recherches scientifiques à l’intention des négociateurs pendant le sommet – ainsi que de faire évoluer le contenu de mes cours et séminaires.

Cette participation m’a aussi aidé à identifier de nouveaux sujets de recherche émergents, dont certains ont débouché sur des publications internationales et des doctorats. À titre d’exemple, une de mes doctorantes travaille sur les impacts du changement climatique sur le secteur du tourisme avec un accent sur les solutions technologiques. Ce sujet a été identifié lors des COP23 et 24, puis proposé en 2021. Depuis, plusieurs articles scientifiques à ce sujet ont été publiés.

Et c’est ici que le rôle du chercheur expert devient celui d’ambassadeur pour son institution, en particulier à l’heure où les universités sont sommées elles aussi d’atteindre la neutralité carbone. Ainsi, dès la fin de la COP23 et ma première participation, j’ai proposé un plan de développement de l’action climatique à l’université. Et deux années plus tard, l’université est devenue un membre accrédité en tant qu’observateur. Elle envoie aujourd’hui une délégation de six personnes participer à la COP, pour la troisième année consécutive.

À titre personnel, je souhaiterais travailler sur la mise en place d’un réseau des enseignants-chercheurs négociateurs dans les COP. Ces derniers sont des acteurs à part entière dans la lutte contre le changement climatique. Longtemps associés uniquement au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ils sont de nos jours à tous les étages de la négociation climatique.

Cette COP28 donnera-t-elle lieu à des annonces spectaculaires ? À mon avis, elle a tout d’une COP de transition. Elle permettra vraisemblablement de finaliser le cadre de l’accord de Paris, dont notamment certains dispositifs comme le bilan mondial (Global Stocktake), qui doit voir l’inventaire des contributions déterminées au plan national (NDC) déclarées par les États. Les approches coopératives et non coopératives sur les marchés des droits d’émissions carbone, encadrés par l’article 6 de l’accord de Paris, doivent encore être précisées.

Sur le plan de la finance climatique, qu’il s’agisse d’adaptation ou des pertes et dommages, les progrès sont plus incertains. Alors que 100 milliards de dollars ont été promis aux pays du Sud en matière de pertes et dommage, l’accord de Paris ne comporte aucun objectif chiffré en matière de financement de l’adaptation, qui reste le parent pauvre. Or, actuellement, les coûts de l’adaptation sont en hausse constante pour les pays en développement. Et les discussions techniques de la première semaine n’ont pas débouché sur des avancées significatives pour l’instant.

Pour combler l’écart en matière de financement, dès le premier jour de la COP gouvernements, les entreprises, les investisseurs et les philanthropes ont pris des engagements et des déclarations historiques. Ces engagements, quoique spectaculaires, restent en deçà des espérances pour décarboniser l’économie mondiale.

Dans un échange de messages privés sur la finance climat entre négociateurs, un négociateur a envoyé : « Trop d’acronymes circulent. Vous êtes un vétéran de la COP si vous pouvez comprendre NCQG, LTF, MWP, JTWP, LDF, SNLD, SBI, SBSTA, KP, KCI, RM, LM, MOI, ETF, SCF, GCF, GEF, CIF, FIF, etc., sans froncer les sourcils. »

Je crains de maîtriser désormais tous ces acronymes et leurs implications : NCQG pour « New Collective Quantified Goal of Finance », LTF pour « Long Term Finance », SCF pour « Standing Committee of Finance », GCF pour « Green Climate Fund »… Il faut bien cela pour transmettre le flambeau aux générations suivantes de jeunes chercheurs.

Croissance mondiale 2023: en dessous des moyennes habituelles

Croissance mondiale 2023: en dessous des moyennes habituelles

Le Fonds monétaire international (FMI) s’attend à ce que la croissance économique mondiale passe sous les 3% en 2023 et reste autour de cette barre pour les cinq prochaines années, a déclaré jeudi sa directrice générale Kristalina Georgieva, évoquant en outre des risques accrus de détérioration de la conjoncture. Le FMI n’avait pas publié d’aussi faibles prévisions à moyen terme depuis 1990, bien en dessous de la croissance moyenne de 3,8% observée au cours des deux dernières décennies. Pour rappel, la croissance a été de 3,4% en 2022.

Des mesures monétaires et budgétaires énergiques prises pour faire face à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine ont permis d’éviter une situation bien pire ces dernières années, a assuré Kristalina Georgieva, mais les perspectives de croissance restent faibles à cause de l’inflation. « Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient et que l’inflation reste élevée, une reprise vigoureuse reste insaisissable, ce qui compromet les perspectives de tous, en particulier les personnes et les pays les plus vulnérables », a-t-elle observé.

Kristalina Georgieva a indiqué que l’Inde et la Chine devraient représenter la moitié de la croissance mondiale cette année, mais qu’environ 90% des économies avancées verraient leur taux de croissance diminuer.

Emmanuel Macron et les dessous de l’affaire McKinsey

Emmanuel  Macron et les dessous de l’affaire  McKinsey 

Depuis la publication, le 17 mars dernier, du rapport du Sénat sur la question, les travaux de la commission d’enquête ont fait naître polémiques et fausses informations, reprises et alimentées par les concurrents d’Emmanuel Macron, que le JDD s’attache à démêler.

 

À noter toutefois que le principal reproche qu’on peut formuler à l’égard de ce scandale d’État c’est d’avoir dépensé une somme phénoménale d’un milliard représentant des milliers d’experts consultants alors que dans le même temps la France entretient des milliers de hauts fonctionnaires qui ont précisément pour mission de diriger, d’orienter, de contrôler l’administration et ses fonctions régaliennes. La France de ce point de vue est l’un des pays qui compte le plus de hauts fonctionnaires au monde ( l’ENA étant l’exemple plus symbolique fournisseur de ce personnel). L’autre reproche, c’est que Macron gouvernant seul et ne voulant surtout pas de parti se sert d’un consultant comme conseil en stratégie politique; un conseil payé par le contribuable. NDLR

 

Pourquoi y a-t-il une polémique sur McKinsey ?

En raison d’un rapport mettant en évidence l’utilisation importante des cabinets de conseil sous le quinquennat Macron. Tout part du rapport sénatorial rendu public le 17 mars. Une commission d’enquête, créée en novembre 2021, a étudié l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques au cours du dernier quinquennat. Le président de la commission, le sénateur LR Arnaud Bazin et la rapporteure, la communiste Éliane Assassi, ont mis en évidence une augmentation notable des dépenses liées au cabinet de conseil, qui sont passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021. Il s’agit d’un « phénomène tentaculaire » selon le rapport.

 
 

Très vite après la publication du rapport, le débat s’est focalisé sur McKinsey, un de ces cabinets de conseil, pour plusieurs raisons :

- Des liens supposés avec Emmanuel Macron. Ce qui a remis au goût du jour l’image du « président des riches » , proche des élites économiques ;

 
- le fait que les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, selon les conclusions du rapport sénatorial* ;

- le fait que l’entreprise McKinsey était déjà apparue dans le débat public pour son intervention dans la campagne vaccinale française.

En pleine campagne présidentielle , le sujet est vite apparu comme explosif et tous les adversaires du président-candidat, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Eric Zemmour, se sont emparés de l’affaire. Pourtant, le président de la commission d’enquête, le Républicain Arnaud Bazin, avait précisé dès le début vouloir rendre ses travaux « en mars 2022, avant le premier tour de l’élection présidentielle », sachant que la commission a 6 mois pour rendre son rapport. Les travaux avaient débuté en novembre 2021, et dès le départ, la commission a la temporalité en tête : « Nous nous sommes interrogés, avec Arnaud Bazin, parce que cela nous faisait rendre le rapport en plein cœur des élections législatives, ce qui aurait été pire. Il y a une sorte « d’alignement des planètes », mais nous n’avions pas du tout l’objectif de pirater la séquence électorale, cela n’a rien à voir. », assure au JDD la rapporteure, Éliane Assassi.

Que font ces cabinets de conseil ?

Des missions variées, pour des résultats « inégaux ». Dans le rapport du Sénat, il est écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics », mais les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes : pendant la crise sanitaire , il leur a notamment été confié « la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire… » comme le détaille le Sénat.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information »; « stratégie des systèmes d’information » ; « étude de projets applicatifs », ou encore « urbanisation et expertise technique ».

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères  

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

(Rapport du Sénat)

Mais le Sénat dénonce également des missions trop coûteuses pour des résultats « inégaux », comme pour la mission confiée à McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, qui a coûté 496 800 euros. Pourtant évaluée comme « satisfaisante » par la direction interministérielle de la transformation publique, le produit de cette mission « se résume à une compilation – certes conséquente – de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques, notamment de l’OCDE », tance le Sénat, ajoutant que la valeur ajoutée semble alors « réduite », alors que les consultants facturent leur journée à 3 312 euros. Une mission qui n’a pas eu de suites concrètes selon le Sénat, le ministère de l’Éducation nationale ayant lui-même reconnu qu’il n’était « pas possible de déterminer les conséquences directes » du travail effectué par McKinsey.

Lire aussi - Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Quel est le poids de McKinsey et des cabinets de conseil dans les commandes publiques ?

Assez léger. 20 cabinets de conseils se partagent 55 % du marché du conseil pour les ministères selon les chiffres du Sénat. Le cabinet McKinsey n’y représente qu’1 % de ce marché entre 2018 et 2020, la même part que Kantar. Le groupe français Eurogroup est le premier avec 10 % du marché, le second, également français, est Capgemini (5 %).

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020  

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

(Rapport du Sénat)

Lors du point presse du gouvernement sur le sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, a balayé toute interdépendance entre État et cabinets de conseils, en précisant que ceux-ci ne représentaient que « 0,3 % de la masse salariale totale de l’État ».

Il faut cependant souligner que le recours aux cabinets de conseil a été important pendant la crise sanitaire, et que la société McKinsey a totalisé pendant cette période 12,3 millions d’euros de contrats au cours de la période, le plaçant en tête des commandes.

Quel est le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey ?

Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey ont travaillé pour la campagne Macron de 2017. Des liens existent ainsi entre McKinsey et Emmanuel Macron. Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey, était un soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Il avait également signé en 2016 un chapitre du livre de Thomas Cazenave, directeur adjoint de cabinet du ministre à Bercy, intitulé L’État en mode start-up. L’ouvrage avait été préfacé par Emmanuel Macron.

Karim Tadjeddine apparaît dans les MacronLeaks avec son adresse mail de McKinsey. Devant le Sénat, il a reconnu que « l’utilisation de l’adresse électronique de l’entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne ». Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey se sont également investis sur leur temps libre dans la campagne électorale de 2017. L’entreprise n’a pas joué de rôle en tant que tel.

Le gouvernement a-t-il eu plus de recours aux cabinets de conseil que dans les quinquennats précédents ? Et par rapport aux autres pays européens ?

La pratique de recourir aux cabinets de conseil n’est pas inédite. Cependant, le rapport du Sénat examine le recours aux cabinets de conseil seulement pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’en 2018, la pratique est mal connue, car mal-documentée : les ministères ne disposeraient pas des chiffres antérieurs à 2018, à cause d’un changement de logiciel, c’est la raison avancée à la commission d’enquête sénatoriale. Elle a donc dû se rabattre sur des approximations qui se fondent sur des chiffres transmis par la Fédération européenne des associations de conseil en organisation, qui prend en compte les prestations réalisées pour l’ensemble de la sphère publique, dont les collectivités territoriales, contrairement à l’angle choisi par les sénateurs.

Ils jugent toutefois que ces chiffres permettent de se rendre compte de la tendance à la hausse dans le marché du conseil au secteur public depuis 2007 : il aurait ainsi gagné plus de 40 % entre 2005 et 2018, selon la fédération. C’est avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de l’État menée par Nicolas Sarkozy, que s’initie cette hausse : un rapport d’information de l’Assemblée nationale, dont la rapporteure est la députée LREM Cendra Motin, relève que « le niveau des dépenses consacrées au conseil double ainsi entre 2007 et 2010 ». Le rapport sénatorial confirme « une hausse sensible entre 2007 et 2010 à la faveur de la RGPP », comme le montre ce graphique.

Chiffres d'affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public  

Chiffres d’affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

(Rapport du Sénat)

Pendant le mandat de François Hollande , si la modernisation de l’action publique se poursuit, le recours aux cabinets de conseil semble baisser, avant de connaître une remontée depuis 2018.

En comparaison avec les autres pays européens : en France, il est « historiquement limité » selon le Sénat. Pour l’année 2018, dernière année de comparaison citée par le Sénat, les cabinets de conseils font un chiffre d’affaires de 3 143 millions d’euros en Allemagne, et 2 640 millions d’euros au Royaume-Uni, contre seulement 657 millions d’euros en France. Selon le rapport de l’Assemblée, pour 2019, ce chiffre s’élève à 814 millions d’euros en France. « Le montant d’achats de prestations de conseil par le secteur public rapporté aux dépenses de personnel dans le secteur public en France, demeure l’un des plus faibles de l’Union européenne. Il est de 0,27 % en France contre 1,25 % en Allemagne et 1,47 % au Danemark », précise le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale (voir le graphique ci-dessous).

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l'Union européenne  

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l’Union européenne

(Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale)

McKinsey a-t-il conseillé au gouvernement de baisser les APL de 5 euros ?

Non, McKinsey n’est pas à l’origine de la baisse des APL de 5 euros. Cette partie de la polémique part d’une déclaration de la rapporteure de la commission d’enquête, Éliane Assassi lors de la présentation du rapport : elle mentionnait « une prestation de 4 millions d’euros de McKinsey pour mettre en oeuvre la réforme des APL, cette même réforme qui réduisait les aides de 5 euros par foyer ». La sénatrice confond deux réformes, car, dans son rapport, la commission d’enquête se réfère à une réforme du mode de calcul des APL, et à une prestation commandée à McKinsey à partir de 2018, pour une réforme qui devait s’appliquer en janvier 2019. Le cabinet est sollicité pour un premier audit à l’automne 2018, et le sera à plusieurs reprises par la suite, la réforme prenant plus de temps que prévu, « à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire » selon les sénateurs.

Cette réforme, qui met en place le calcul « en temps réel » des APL, n’a rien à voir avec la baisse de cinq euros décidée en juillet 2017 par le gouvernement, bien avant le début de la mission de McKinsey. Interrogée par le JDD, Éliane Assassi reconnaît que le rapport ne parle pas de la baisse de 5 euros, mais bien du changement du mode de calcul, mais regrette « l’utilisation politicienne du rapport », et pointe « les interprétations politiques » qui en ont été faites. Mais pour la communiste, c’est aussi le « manque de transparence » de la part du gouvernement qui a alimenté cette fausse nouvelle. Car le détail n’est pas passé inaperçu, et a été repris par plusieurs personnalités politiques, comme Xavier Bertrand, ou Adrien Quatennens.

D’autres candidats ont-ils eu recours à des cabinets de conseils dans leur fonction exécutive ?

Oui. Xavier Bertrand, conseiller spécial de Valérie Pécresse , avait dénoncé le 23 mars l’affaire McKinsey comme « un scandale d’État », en assurant que si Valérie Pécresse était élue, elle cesserait de faire appel aux cabinets de conseil, sur l’antenne de Franceinfo. Une semaine plus tard sur LCI, la candidate n’a pas tenu exactement le même propos : « Par définition, je ne suis pas contre à ce qu’il y ait des partenariats entre le public et le privé. (…) Cela dépendra pour quelles missions, mais évidemment pas à ces niveaux de montants. » Valérie Pécresse a aussi admis avoir eu recours à un cabinet de conseil alors qu’elle était ministre de l’Enseignement Supérieur en 2008, pour la « réorganisation du ministère », et pas pour la réforme des universités. Par contre, l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités territoriales n’a pas été analysée par le Sénat qui s’est concentré sur le quinquennat d’Emmanuel Macron et sur le pouvoir exécutif.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot , a également été épinglée par L’Opinion pour avoir eu recours à des cabinets de conseil alors qu’elle était ministre de François Hollande, pour des dépenses estimées à 68,5 millions d’euros. Delphine Batho conteste l’accusation.

*Le 26 mars, le cabinet McKinsey a réaffirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’optimisation fiscale.

Politique: Macron et les dessous de l’affaire McKinsey

Politique: Macron et les dessous de l’affaire  McKinsey 

Depuis la publication, le 17 mars dernier, du rapport du Sénat sur la question, les travaux de la commission d’enquête ont fait naître polémiques et fausses informations, reprises et alimentées par les concurrents d’Emmanuel Macron, que le JDD s’attache à démêler.

 

À noter toutefois que le principal reproche qu’on peut formuler à l’égard de ce scandale d’État c’est d’avoir dépensé une somme phénoménale d’un milliard représentant des milliers d’experts consultants alors que dans le même temps la France entretient des milliers de hauts fonctionnaires qui ont précisément pour mission de diriger, d’orienter, de contrôler l’administration et ses fonctions régaliennes. La France de ce point de vue est l’un des pays qui compte le plus de hauts fonctionnaires au monde ( l’ENA étant l’exemple plus symbolique fournisseur de ce personnel). L’autre reproche, c’est que Macron gouvernant seul et ne voulant surtout pas de parti se sert d’un consultant comme conseil en stratégie politique; un conseil payé par le contribuable. NDLR

Pourquoi y a-t-il une polémique sur McKinsey ?

En raison d’un rapport mettant en évidence l’utilisation importante des cabinets de conseil sous le quinquennat Macron. Tout part du rapport sénatorial rendu public le 17 mars. Une commission d’enquête, créée en novembre 2021, a étudié l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques au cours du dernier quinquennat. Le président de la commission, le sénateur LR Arnaud Bazin et la rapporteure, la communiste Éliane Assassi, ont mis en évidence une augmentation notable des dépenses liées au cabinet de conseil, qui sont passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021. Il s’agit d’un « phénomène tentaculaire » selon le rapport.

Très vite après la publication du rapport, le débat s’est focalisé sur McKinsey, un de ces cabinets de conseil, pour plusieurs raisons :

- Des liens supposés avec Emmanuel Macron. Ce qui a remis au goût du jour l’image du « président des riches » , proche des élites économiques ;

- le fait que les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, selon les conclusions du rapport sénatorial* ;

- le fait que l’entreprise McKinsey était déjà apparue dans le débat public pour son intervention dans la campagne vaccinale française.

En pleine campagne présidentielle , le sujet est vite apparu comme explosif et tous les adversaires du président-candidat, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Eric Zemmour, se sont emparés de l’affaire. Pourtant, le président de la commission d’enquête, le Républicain Arnaud Bazin, avait précisé dès le début vouloir rendre ses travaux « en mars 2022, avant le premier tour de l’élection présidentielle », sachant que la commission a 6 mois pour rendre son rapport. Les travaux avaient débuté en novembre 2021, et dès le départ, la commission a la temporalité en tête : « Nous nous sommes interrogés, avec Arnaud Bazin, parce que cela nous faisait rendre le rapport en plein cœur des élections législatives, ce qui aurait été pire. Il y a une sorte « d’alignement des planètes », mais nous n’avions pas du tout l’objectif de pirater la séquence électorale, cela n’a rien à voir. », assure au JDD la rapporteure, Éliane Assassi.

Que font ces cabinets de conseil ?

Des missions variées, pour des résultats « inégaux ». Dans le rapport du Sénat, il est écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics », mais les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes : pendant la crise sanitaire , il leur a notamment été confié « la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire… » comme le détaille le Sénat.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information »; « stratégie des systèmes d’information » ; « étude de projets applicatifs », ou encore « urbanisation et expertise technique ».

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères 

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

(Rapport du Sénat)

Mais le Sénat dénonce également des missions trop coûteuses pour des résultats « inégaux », comme pour la mission confiée à McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, qui a coûté 496 800 euros. Pourtant évaluée comme « satisfaisante » par la direction interministérielle de la transformation publique, le produit de cette mission « se résume à une compilation – certes conséquente – de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques, notamment de l’OCDE », tance le Sénat, ajoutant que la valeur ajoutée semble alors « réduite », alors que les consultants facturent leur journée à 3 312 euros. Une mission qui n’a pas eu de suites concrètes selon le Sénat, le ministère de l’Éducation nationale ayant lui-même reconnu qu’il n’était « pas possible de déterminer les conséquences directes » du travail effectué par McKinsey.

Lire aussi - Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Quel est le poids de McKinsey et des cabinets de conseil dans les commandes publiques ?

Assez léger. 20 cabinets de conseils se partagent 55 % du marché du conseil pour les ministères selon les chiffres du Sénat. Le cabinet McKinsey n’y représente qu’1 % de ce marché entre 2018 et 2020, la même part que Kantar. Le groupe français Eurogroup est le premier avec 10 % du marché, le second, également français, est Capgemini (5 %).

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020 

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

(Rapport du Sénat)

Lors du point presse du gouvernement sur le sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, a balayé toute interdépendance entre État et cabinets de conseils, en précisant que ceux-ci ne représentaient que « 0,3 % de la masse salariale totale de l’État ».

Il faut cependant souligner que le recours aux cabinets de conseil a été important pendant la crise sanitaire, et que la société McKinsey a totalisé pendant cette période 12,3 millions d’euros de contrats au cours de la période, le plaçant en tête des commandes.

Quel est le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey ?

Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey ont travaillé pour la campagne Macron de 2017. Des liens existent ainsi entre McKinsey et Emmanuel Macron. Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey, était un soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Il avait également signé en 2016 un chapitre du livre de Thomas Cazenave, directeur adjoint de cabinet du ministre à Bercy, intitulé L’État en mode start-up. L’ouvrage avait été préfacé par Emmanuel Macron.

Karim Tadjeddine apparaît dans les MacronLeaks avec son adresse mail de McKinsey. Devant le Sénat, il a reconnu que « l’utilisation de l’adresse électronique de l’entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne ». Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey se sont également investis sur leur temps libre dans la campagne électorale de 2017. L’entreprise n’a pas joué de rôle en tant que tel.

Le gouvernement a-t-il eu plus de recours aux cabinets de conseil que dans les quinquennats précédents ? Et par rapport aux autres pays européens ?

La pratique de recourir aux cabinets de conseil n’est pas inédite. Cependant, le rapport du Sénat examine le recours aux cabinets de conseil seulement pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’en 2018, la pratique est mal connue, car mal-documentée : les ministères ne disposeraient pas des chiffres antérieurs à 2018, à cause d’un changement de logiciel, c’est la raison avancée à la commission d’enquête sénatoriale. Elle a donc dû se rabattre sur des approximations qui se fondent sur des chiffres transmis par la Fédération européenne des associations de conseil en organisation, qui prend en compte les prestations réalisées pour l’ensemble de la sphère publique, dont les collectivités territoriales, contrairement à l’angle choisi par les sénateurs.

Ils jugent toutefois que ces chiffres permettent de se rendre compte de la tendance à la hausse dans le marché du conseil au secteur public depuis 2007 : il aurait ainsi gagné plus de 40 % entre 2005 et 2018, selon la fédération. C’est avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de l’État menée par Nicolas Sarkozy, que s’initie cette hausse : un rapport d’information de l’Assemblée nationale, dont la rapporteure est la députée LREM Cendra Motin, relève que « le niveau des dépenses consacrées au conseil double ainsi entre 2007 et 2010 ». Le rapport sénatorial confirme « une hausse sensible entre 2007 et 2010 à la faveur de la RGPP », comme le montre ce graphique.

Chiffres d'affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public 

Chiffres d’affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

(Rapport du Sénat)

Pendant le mandat de François Hollande , si la modernisation de l’action publique se poursuit, le recours aux cabinets de conseil semble baisser, avant de connaître une remontée depuis 2018.

En comparaison avec les autres pays européens : en France, il est « historiquement limité » selon le Sénat. Pour l’année 2018, dernière année de comparaison citée par le Sénat, les cabinets de conseils font un chiffre d’affaires de 3 143 millions d’euros en Allemagne, et 2 640 millions d’euros au Royaume-Uni, contre seulement 657 millions d’euros en France. Selon le rapport de l’Assemblée, pour 2019, ce chiffre s’élève à 814 millions d’euros en France. « Le montant d’achats de prestations de conseil par le secteur public rapporté aux dépenses de personnel dans le secteur public en France, demeure l’un des plus faibles de l’Union européenne. Il est de 0,27 % en France contre 1,25 % en Allemagne et 1,47 % au Danemark », précise le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale (voir le graphique ci-dessous).

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l'Union européenne 

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l’Union européenne

(Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale)

McKinsey a-t-il conseillé au gouvernement de baisser les APL de 5 euros ?

Non, McKinsey n’est pas à l’origine de la baisse des APL de 5 euros. Cette partie de la polémique part d’une déclaration de la rapporteure de la commission d’enquête, Éliane Assassi lors de la présentation du rapport : elle mentionnait « une prestation de 4 millions d’euros de McKinsey pour mettre en oeuvre la réforme des APL, cette même réforme qui réduisait les aides de 5 euros par foyer ». La sénatrice confond deux réformes, car, dans son rapport, la commission d’enquête se réfère à une réforme du mode de calcul des APL, et à une prestation commandée à McKinsey à partir de 2018, pour une réforme qui devait s’appliquer en janvier 2019. Le cabinet est sollicité pour un premier audit à l’automne 2018, et le sera à plusieurs reprises par la suite, la réforme prenant plus de temps que prévu, « à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire » selon les sénateurs.

Cette réforme, qui met en place le calcul « en temps réel » des APL, n’a rien à voir avec la baisse de cinq euros décidée en juillet 2017 par le gouvernement, bien avant le début de la mission de McKinsey. Interrogée par le JDD, Éliane Assassi reconnaît que le rapport ne parle pas de la baisse de 5 euros, mais bien du changement du mode de calcul, mais regrette « l’utilisation politicienne du rapport », et pointe « les interprétations politiques » qui en ont été faites. Mais pour la communiste, c’est aussi le « manque de transparence » de la part du gouvernement qui a alimenté cette fausse nouvelle. Car le détail n’est pas passé inaperçu, et a été repris par plusieurs personnalités politiques, comme Xavier Bertrand, ou Adrien Quatennens.

D’autres candidats ont-ils eu recours à des cabinets de conseils dans leur fonction exécutive ?

Oui. Xavier Bertrand, conseiller spécial de Valérie Pécresse , avait dénoncé le 23 mars l’affaire McKinsey comme « un scandale d’État », en assurant que si Valérie Pécresse était élue, elle cesserait de faire appel aux cabinets de conseil, sur l’antenne de Franceinfo. Une semaine plus tard sur LCI, la candidate n’a pas tenu exactement le même propos : « Par définition, je ne suis pas contre à ce qu’il y ait des partenariats entre le public et le privé. (…) Cela dépendra pour quelles missions, mais évidemment pas à ces niveaux de montants. » Valérie Pécresse a aussi admis avoir eu recours à un cabinet de conseil alors qu’elle était ministre de l’Enseignement Supérieur en 2008, pour la « réorganisation du ministère », et pas pour la réforme des universités. Par contre, l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités territoriales n’a pas été analysée par le Sénat qui s’est concentré sur le quinquennat d’Emmanuel Macron et sur le pouvoir exécutif.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot , a également été épinglée par L’Opinion pour avoir eu recours à des cabinets de conseil alors qu’elle était ministre de François Hollande, pour des dépenses estimées à 68,5 millions d’euros. Delphine Batho conteste l’accusation.

*Le 26 mars, le cabinet McKinsey a réaffirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’optimisation fiscale.

Macron -Les dessous de l’affaire McKinsey

Macron -Les dessous de l’affaire  McKinsey 

.Depuis la publication, le 17 mars dernier, du rapport du Sénat sur la question, les travaux de la commission d’enquête ont fait naître polémiques et fausses informations, reprises et alimentées par les concurrents d’Emmanuel Macron, que le JDD s’attache à démêler.

 

À noter toutefois que le principal reproche qu’on peut formuler à l’égard de ce scandale d’État c’est d’avoir dépensé une somme phénoménale d’un milliard représentant des milliers d’experts consultants alors que dans le même temps la France entretient des milliers de hauts fonctionnaires qui ont précisément pour mission de diriger, d’orienter, de contrôler l’administration et ses fonctions régaliennes. La France de ce point de vue est l’un des pays qui compte le plus de hauts fonctionnaires au monde ( l’ENA étant l’exemple plus symbolique fournisseur de ce personnel). L’autre reproche, c’est que Macron gouvernant seul et ne voulant surtout pas de parti se sert d’un consultant comme conseil en stratégie politique; un conseil payé par le contribuable. NDLR

 

Pourquoi y a-t-il une polémique sur McKinsey ?

En raison d’un rapport mettant en évidence l’utilisation importante des cabinets de conseil sous le quinquennat Macron. Tout part du rapport sénatorial rendu public le 17 mars. Une commission d’enquête, créée en novembre 2021, a étudié l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques au cours du dernier quinquennat. Le président de la commission, le sénateur LR Arnaud Bazin et la rapporteure, la communiste Éliane Assassi, ont mis en évidence une augmentation notable des dépenses liées au cabinet de conseil, qui sont passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021. Il s’agit d’un « phénomène tentaculaire » selon le rapport.

 
 

Très vite après la publication du rapport, le débat s’est focalisé sur McKinsey, un de ces cabinets de conseil, pour plusieurs raisons :

- Des liens supposés avec Emmanuel Macron. Ce qui a remis au goût du jour l’image du « président des riches » , proche des élites économiques ;

 
- le fait que les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, selon les conclusions du rapport sénatorial* ;

- le fait que l’entreprise McKinsey était déjà apparue dans le débat public pour son intervention dans la campagne vaccinale française.

En pleine campagne présidentielle , le sujet est vite apparu comme explosif et tous les adversaires du président-candidat, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Eric Zemmour, se sont emparés de l’affaire. Pourtant, le président de la commission d’enquête, le Républicain Arnaud Bazin, avait précisé dès le début vouloir rendre ses travaux « en mars 2022, avant le premier tour de l’élection présidentielle », sachant que la commission a 6 mois pour rendre son rapport. Les travaux avaient débuté en novembre 2021, et dès le départ, la commission a la temporalité en tête : « Nous nous sommes interrogés, avec Arnaud Bazin, parce que cela nous faisait rendre le rapport en plein cœur des élections législatives, ce qui aurait été pire. Il y a une sorte « d’alignement des planètes », mais nous n’avions pas du tout l’objectif de pirater la séquence électorale, cela n’a rien à voir. », assure au JDD la rapporteure, Éliane Assassi.

Que font ces cabinets de conseil ?

Des missions variées, pour des résultats « inégaux ». Dans le rapport du Sénat, il est écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics », mais les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes : pendant la crise sanitaire , il leur a notamment été confié « la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire… » comme le détaille le Sénat.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information »; « stratégie des systèmes d’information » ; « étude de projets applicatifs », ou encore « urbanisation et expertise technique ».

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères 

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères 

(Rapport du Sénat)

Mais le Sénat dénonce également des missions trop coûteuses pour des résultats « inégaux », comme pour la mission confiée à McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, qui a coûté 496 800 euros. Pourtant évaluée comme « satisfaisante » par la direction interministérielle de la transformation publique, le produit de cette mission « se résume à une compilation – certes conséquente – de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques, notamment de l’OCDE », tance le Sénat, ajoutant que la valeur ajoutée semble alors « réduite », alors que les consultants facturent leur journée à 3 312 euros. Une mission qui n’a pas eu de suites concrètes selon le Sénat, le ministère de l’Éducation nationale ayant lui-même reconnu qu’il n’était « pas possible de déterminer les conséquences directes » du travail effectué par McKinsey.

Lire aussi - Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Quel est le poids de McKinsey et des cabinets de conseil dans les commandes publiques ?

Assez léger. 20 cabinets de conseils se partagent 55 % du marché du conseil pour les ministères selon les chiffres du Sénat. Le cabinet McKinsey n’y représente qu’1 % de ce marché entre 2018 et 2020, la même part que Kantar. Le groupe français Eurogroup est le premier avec 10 % du marché, le second, également français, est Capgemini (5 %).

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020 

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020 

(Rapport du Sénat)

Lors du point presse du gouvernement sur le sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, a balayé toute interdépendance entre État et cabinets de conseils, en précisant que ceux-ci ne représentaient que « 0,3 % de la masse salariale totale de l’État ».

Il faut cependant souligner que le recours aux cabinets de conseil a été important pendant la crise sanitaire, et que la société McKinsey a totalisé pendant cette période 12,3 millions d’euros de contrats au cours de la période, le plaçant en tête des commandes.

Quel est le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey ?

Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey ont travaillé pour la campagne Macron de 2017. Des liens existent ainsi entre McKinsey et Emmanuel Macron. Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey, était un soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Il avait également signé en 2016 un chapitre du livre de Thomas Cazenave, directeur adjoint de cabinet du ministre à Bercy, intitulé L’État en mode start-up. L’ouvrage avait été préfacé par Emmanuel Macron.

Karim Tadjeddine apparaît dans les MacronLeaks avec son adresse mail de McKinsey. Devant le Sénat, il a reconnu que « l’utilisation de l’adresse électronique de l’entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne ». Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey se sont également investis sur leur temps libre dans la campagne électorale de 2017. L’entreprise n’a pas joué de rôle en tant que tel.

Le gouvernement a-t-il eu plus de recours aux cabinets de conseil que dans les quinquennats précédents ? Et par rapport aux autres pays européens ?

La pratique de recourir aux cabinets de conseil n’est pas inédite. Cependant, le rapport du Sénat examine le recours aux cabinets de conseil seulement pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’en 2018, la pratique est mal connue, car mal-documentée : les ministères ne disposeraient pas des chiffres antérieurs à 2018, à cause d’un changement de logiciel, c’est la raison avancée à la commission d’enquête sénatoriale. Elle a donc dû se rabattre sur des approximations qui se fondent sur des chiffres transmis par la Fédération européenne des associations de conseil en organisation, qui prend en compte les prestations réalisées pour l’ensemble de la sphère publique, dont les collectivités territoriales, contrairement à l’angle choisi par les sénateurs.

Ils jugent toutefois que ces chiffres permettent de se rendre compte de la tendance à la hausse dans le marché du conseil au secteur public depuis 2007 : il aurait ainsi gagné plus de 40 % entre 2005 et 2018, selon la fédération. C’est avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de l’État menée par Nicolas Sarkozy, que s’initie cette hausse : un rapport d’information de l’Assemblée nationale, dont la rapporteure est la députée LREM Cendra Motin, relève que « le niveau des dépenses consacrées au conseil double ainsi entre 2007 et 2010 ». Le rapport sénatorial confirme « une hausse sensible entre 2007 et 2010 à la faveur de la RGPP », comme le montre ce graphique.

Chiffres d'affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public 

Chiffres d’affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public 

(Rapport du Sénat)

Pendant le mandat de François Hollande , si la modernisation de l’action publique se poursuit, le recours aux cabinets de conseil semble baisser, avant de connaître une remontée depuis 2018.

En comparaison avec les autres pays européens : en France, il est « historiquement limité » selon le Sénat. Pour l’année 2018, dernière année de comparaison citée par le Sénat, les cabinets de conseils font un chiffre d’affaires de 3 143 millions d’euros en Allemagne, et 2 640 millions d’euros au Royaume-Uni, contre seulement 657 millions d’euros en France. Selon le rapport de l’Assemblée, pour 2019, ce chiffre s’élève à 814 millions d’euros en France. « Le montant d’achats de prestations de conseil par le secteur public rapporté aux dépenses de personnel dans le secteur public en France, demeure l’un des plus faibles de l’Union européenne. Il est de 0,27 % en France contre 1,25 % en Allemagne et 1,47 % au Danemark », précise le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale (voir le graphique ci-dessous).

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l'Union européenne 

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l’Union européenne 

(Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale)

McKinsey a-t-il conseillé au gouvernement de baisser les APL de 5 euros ?

Non, McKinsey n’est pas à l’origine de la baisse des APL de 5 euros. Cette partie de la polémique part d’une déclaration de la rapporteure de la commission d’enquête, Éliane Assassi lors de la présentation du rapport : elle mentionnait « une prestation de 4 millions d’euros de McKinsey pour mettre en oeuvre la réforme des APL, cette même réforme qui réduisait les aides de 5 euros par foyer ». La sénatrice confond deux réformes, car, dans son rapport, la commission d’enquête se réfère à une réforme du mode de calcul des APL, et à une prestation commandée à McKinsey à partir de 2018, pour une réforme qui devait s’appliquer en janvier 2019. Le cabinet est sollicité pour un premier audit à l’automne 2018, et le sera à plusieurs reprises par la suite, la réforme prenant plus de temps que prévu, « à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire » selon les sénateurs.

Cette réforme, qui met en place le calcul « en temps réel » des APL, n’a rien à voir avec la baisse de cinq euros décidée en juillet 2017 par le gouvernement, bien avant le début de la mission de McKinsey. Interrogée par le JDD, Éliane Assassi reconnaît que le rapport ne parle pas de la baisse de 5 euros, mais bien du changement du mode de calcul, mais regrette « l’utilisation politicienne du rapport », et pointe « les interprétations politiques » qui en ont été faites. Mais pour la communiste, c’est aussi le « manque de transparence » de la part du gouvernement qui a alimenté cette fausse nouvelle. Car le détail n’est pas passé inaperçu, et a été repris par plusieurs personnalités politiques, comme Xavier Bertrand, ou Adrien Quatennens.

D’autres candidats ont-ils eu recours à des cabinets de conseils dans leur fonction exécutive ?

Oui. Xavier Bertrand, conseiller spécial de Valérie Pécresse , avait dénoncé le 23 mars l’affaire McKinsey comme « un scandale d’État », en assurant que si Valérie Pécresse était élue, elle cesserait de faire appel aux cabinets de conseil, sur l’antenne de Franceinfo. Une semaine plus tard sur LCI, la candidate n’a pas tenu exactement le même propos : « Par définition, je ne suis pas contre à ce qu’il y ait des partenariats entre le public et le privé. (…) Cela dépendra pour quelles missions, mais évidemment pas à ces niveaux de montants. » Valérie Pécresse a aussi admis avoir eu recours à un cabinet de conseil alors qu’elle était ministre de l’Enseignement Supérieur en 2008, pour la « réorganisation du ministère », et pas pour la réforme des universités. Par contre, l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités territoriales n’a pas été analysée par le Sénat qui s’est concentré sur le quinquennat d’Emmanuel Macron et sur le pouvoir exécutif.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot , a également été épinglée par L’Opinion pour avoir eu recours à des cabinets de conseil alors qu’elle était ministre de François Hollande, pour des dépenses estimées à 68,5 millions d’euros. Delphine Batho conteste l’accusation.

*Le 26 mars, le cabinet McKinsey a réaffirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’optimisation fiscale.

Macron et les dessous de l’affaire McKinsey

Macron et les dessous de l’affaire  McKinsey 

Depuis la publication, le 17 mars dernier, du rapport du Sénat sur la question, les travaux de la commission d’enquête ont fait naître polémiques et fausses informations, reprises et alimentées par les concurrents d’Emmanuel Macron, que le JDD s’attache à démêler.

 

À noter toutefois que le principal reproche qu’on peut formuler à l’égard de ce scandale d’État c’est d’avoir dépensé une somme phénoménale d’un milliard représentant des milliers d’experts consultants alors que dans le même temps la France entretient des milliers de hauts fonctionnaires qui ont précisément pour mission de diriger, d’orienter, de contrôler l’administration et ses fonctions régaliennes. La France de ce point de vue est l’un des pays qui compte le plus de hauts fonctionnaires au monde ( l’ENA étant l’exemple plus symbolique fournisseur de ce personnel). L’autre reproche, c’est que Macron gouvernant seul et ne voulant surtout pas de parti se sert d’un consultant comme conseil en stratégie politique; un conseil payé par le contribuable. NDLR

 

Pourquoi y a-t-il une polémique sur McKinsey ?

En raison d’un rapport mettant en évidence l’utilisation importante des cabinets de conseil sous le quinquennat Macron. Tout part du rapport sénatorial rendu public le 17 mars. Une commission d’enquête, créée en novembre 2021, a étudié l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques au cours du dernier quinquennat. Le président de la commission, le sénateur LR Arnaud Bazin et la rapporteure, la communiste Éliane Assassi, ont mis en évidence une augmentation notable des dépenses liées au cabinet de conseil, qui sont passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021. Il s’agit d’un « phénomène tentaculaire » selon le rapport.

 
 

Très vite après la publication du rapport, le débat s’est focalisé sur McKinsey, un de ces cabinets de conseil, pour plusieurs raisons :

- Des liens supposés avec Emmanuel Macron. Ce qui a remis au goût du jour l’image du « président des riches » , proche des élites économiques ;

 
- le fait que les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, selon les conclusions du rapport sénatorial* ;

- le fait que l’entreprise McKinsey était déjà apparue dans le débat public pour son intervention dans la campagne vaccinale française.

En pleine campagne présidentielle , le sujet est vite apparu comme explosif et tous les adversaires du président-candidat, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Eric Zemmour, se sont emparés de l’affaire. Pourtant, le président de la commission d’enquête, le Républicain Arnaud Bazin, avait précisé dès le début vouloir rendre ses travaux « en mars 2022, avant le premier tour de l’élection présidentielle », sachant que la commission a 6 mois pour rendre son rapport. Les travaux avaient débuté en novembre 2021, et dès le départ, la commission a la temporalité en tête : « Nous nous sommes interrogés, avec Arnaud Bazin, parce que cela nous faisait rendre le rapport en plein cœur des élections législatives, ce qui aurait été pire. Il y a une sorte « d’alignement des planètes », mais nous n’avions pas du tout l’objectif de pirater la séquence électorale, cela n’a rien à voir. », assure au JDD la rapporteure, Éliane Assassi.

Que font ces cabinets de conseil ?

Des missions variées, pour des résultats « inégaux ». Dans le rapport du Sénat, il est écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics », mais les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes : pendant la crise sanitaire , il leur a notamment été confié « la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire… » comme le détaille le Sénat.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information »; « stratégie des systèmes d’information » ; « étude de projets applicatifs », ou encore « urbanisation et expertise technique ».

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

(Rapport du Sénat)

Mais le Sénat dénonce également des missions trop coûteuses pour des résultats « inégaux », comme pour la mission confiée à McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, qui a coûté 496 800 euros. Pourtant évaluée comme « satisfaisante » par la direction interministérielle de la transformation publique, le produit de cette mission « se résume à une compilation – certes conséquente – de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques, notamment de l’OCDE », tance le Sénat, ajoutant que la valeur ajoutée semble alors « réduite », alors que les consultants facturent leur journée à 3 312 euros. Une mission qui n’a pas eu de suites concrètes selon le Sénat, le ministère de l’Éducation nationale ayant lui-même reconnu qu’il n’était « pas possible de déterminer les conséquences directes » du travail effectué par McKinsey.

Lire aussi - Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Quel est le poids de McKinsey et des cabinets de conseil dans les commandes publiques ?

Assez léger. 20 cabinets de conseils se partagent 55 % du marché du conseil pour les ministères selon les chiffres du Sénat. Le cabinet McKinsey n’y représente qu’1 % de ce marché entre 2018 et 2020, la même part que Kantar. Le groupe français Eurogroup est le premier avec 10 % du marché, le second, également français, est Capgemini (5 %).

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

(Rapport du Sénat)

Lors du point presse du gouvernement sur le sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, a balayé toute interdépendance entre État et cabinets de conseils, en précisant que ceux-ci ne représentaient que « 0,3 % de la masse salariale totale de l’État ».

Il faut cependant souligner que le recours aux cabinets de conseil a été important pendant la crise sanitaire, et que la société McKinsey a totalisé pendant cette période 12,3 millions d’euros de contrats au cours de la période, le plaçant en tête des commandes.

Quel est le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey ?

Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey ont travaillé pour la campagne Macron de 2017. Des liens existent ainsi entre McKinsey et Emmanuel Macron. Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey, était un soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Il avait également signé en 2016 un chapitre du livre de Thomas Cazenave, directeur adjoint de cabinet du ministre à Bercy, intitulé L’État en mode start-up. L’ouvrage avait été préfacé par Emmanuel Macron.

Karim Tadjeddine apparaît dans les MacronLeaks avec son adresse mail de McKinsey. Devant le Sénat, il a reconnu que « l’utilisation de l’adresse électronique de l’entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne ». Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey se sont également investis sur leur temps libre dans la campagne électorale de 2017. L’entreprise n’a pas joué de rôle en tant que tel.

Le gouvernement a-t-il eu plus de recours aux cabinets de conseil que dans les quinquennats précédents ? Et par rapport aux autres pays européens ?

La pratique de recourir aux cabinets de conseil n’est pas inédite. Cependant, le rapport du Sénat examine le recours aux cabinets de conseil seulement pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’en 2018, la pratique est mal connue, car mal-documentée : les ministères ne disposeraient pas des chiffres antérieurs à 2018, à cause d’un changement de logiciel, c’est la raison avancée à la commission d’enquête sénatoriale. Elle a donc dû se rabattre sur des approximations qui se fondent sur des chiffres transmis par la Fédération européenne des associations de conseil en organisation, qui prend en compte les prestations réalisées pour l’ensemble de la sphère publique, dont les collectivités territoriales, contrairement à l’angle choisi par les sénateurs.

Ils jugent toutefois que ces chiffres permettent de se rendre compte de la tendance à la hausse dans le marché du conseil au secteur public depuis 2007 : il aurait ainsi gagné plus de 40 % entre 2005 et 2018, selon la fédération. C’est avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de l’État menée par Nicolas Sarkozy, que s’initie cette hausse : un rapport d’information de l’Assemblée nationale, dont la rapporteure est la députée LREM Cendra Motin, relève que « le niveau des dépenses consacrées au conseil double ainsi entre 2007 et 2010 ». Le rapport sénatorial confirme « une hausse sensible entre 2007 et 2010 à la faveur de la RGPP », comme le montre ce graphique.

Chiffres d'affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

Chiffres d’affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

(Rapport du Sénat)

Pendant le mandat de François Hollande , si la modernisation de l’action publique se poursuit, le recours aux cabinets de conseil semble baisser, avant de connaître une remontée depuis 2018.

En comparaison avec les autres pays européens : en France, il est « historiquement limité » selon le Sénat. Pour l’année 2018, dernière année de comparaison citée par le Sénat, les cabinets de conseils font un chiffre d’affaires de 3 143 millions d’euros en Allemagne, et 2 640 millions d’euros au Royaume-Uni, contre seulement 657 millions d’euros en France. Selon le rapport de l’Assemblée, pour 2019, ce chiffre s’élève à 814 millions d’euros en France. « Le montant d’achats de prestations de conseil par le secteur public rapporté aux dépenses de personnel dans le secteur public en France, demeure l’un des plus faibles de l’Union européenne. Il est de 0,27 % en France contre 1,25 % en Allemagne et 1,47 % au Danemark », précise le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale (voir le graphique ci-dessous).

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l'Union européenne

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l’Union européenne

(Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale)

McKinsey a-t-il conseillé au gouvernement de baisser les APL de 5 euros ?

Non, McKinsey n’est pas à l’origine de la baisse des APL de 5 euros. Cette partie de la polémique part d’une déclaration de la rapporteure de la commission d’enquête, Éliane Assassi lors de la présentation du rapport : elle mentionnait « une prestation de 4 millions d’euros de McKinsey pour mettre en oeuvre la réforme des APL, cette même réforme qui réduisait les aides de 5 euros par foyer ». La sénatrice confond deux réformes, car, dans son rapport, la commission d’enquête se réfère à une réforme du mode de calcul des APL, et à une prestation commandée à McKinsey à partir de 2018, pour une réforme qui devait s’appliquer en janvier 2019. Le cabinet est sollicité pour un premier audit à l’automne 2018, et le sera à plusieurs reprises par la suite, la réforme prenant plus de temps que prévu, « à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire » selon les sénateurs.

Cette réforme, qui met en place le calcul « en temps réel » des APL, n’a rien à voir avec la baisse de cinq euros décidée en juillet 2017 par le gouvernement, bien avant le début de la mission de McKinsey. Interrogée par le JDD, Éliane Assassi reconnaît que le rapport ne parle pas de la baisse de 5 euros, mais bien du changement du mode de calcul, mais regrette « l’utilisation politicienne du rapport », et pointe « les interprétations politiques » qui en ont été faites. Mais pour la communiste, c’est aussi le « manque de transparence » de la part du gouvernement qui a alimenté cette fausse nouvelle. Car le détail n’est pas passé inaperçu, et a été repris par plusieurs personnalités politiques, comme Xavier Bertrand, ou Adrien Quatennens.

D’autres candidats ont-ils eu recours à des cabinets de conseils dans leur fonction exécutive ?

Oui. Xavier Bertrand, conseiller spécial de Valérie Pécresse , avait dénoncé le 23 mars l’affaire McKinsey comme « un scandale d’État », en assurant que si Valérie Pécresse était élue, elle cesserait de faire appel aux cabinets de conseil, sur l’antenne de Franceinfo. Une semaine plus tard sur LCI, la candidate n’a pas tenu exactement le même propos : « Par définition, je ne suis pas contre à ce qu’il y ait des partenariats entre le public et le privé. (…) Cela dépendra pour quelles missions, mais évidemment pas à ces niveaux de montants. » Valérie Pécresse a aussi admis avoir eu recours à un cabinet de conseil alors qu’elle était ministre de l’Enseignement Supérieur en 2008, pour la « réorganisation du ministère », et pas pour la réforme des universités. Par contre, l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités territoriales n’a pas été analysée par le Sénat qui s’est concentré sur le quinquennat d’Emmanuel Macron et sur le pouvoir exécutif.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot , a également été épinglée par L’Opinion pour avoir eu recours à des cabinets de conseil alors qu’elle était ministre de François Hollande, pour des dépenses estimées à 68,5 millions d’euros. Delphine Batho conteste l’accusation.

*Le 26 mars, le cabinet McKinsey a réaffirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’optimisation fiscale.

Politique-Les dessous de l’affaire McKinsey

Politique-Les dessous de l’affaire  McKinsey 

.Depuis la publication, le 17 mars dernier, du rapport du Sénat sur la question, les travaux de la commission d’enquête ont fait naître polémiques et fausses informations, reprises et alimentées par les concurrents d’Emmanuel Macron, que le JDD s’attache à démêler.

 

À noter toutefois que le principal reproche qu’on peut formuler à l’égard de ce scandale d’État c’est d’avoir dépensé une somme phénoménale d’un milliard représentant des milliers d’experts consultants alors que dans le même temps la France entretient des milliers de hauts fonctionnaires qui ont précisément pour mission de diriger, d’orienter, de contrôler l’administration et ses fonctions régaliennes. La France de ce point de vue est l’un des pays qui compte le plus de hauts fonctionnaires au monde ( l’ENA étant l’exemple plus symbolique fournisseur de ce personnel). L’autre reproche, c’est que Macron gouvernant seul et ne voulant surtout pas de parti se sert d’un consultant comme conseil en stratégie politique; un conseil payé par le contribuable. NDLR

 

Pourquoi y a-t-il une polémique sur McKinsey ?

En raison d’un rapport mettant en évidence l’utilisation importante des cabinets de conseil sous le quinquennat Macron. Tout part du rapport sénatorial rendu public le 17 mars. Une commission d’enquête, créée en novembre 2021, a étudié l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques au cours du dernier quinquennat. Le président de la commission, le sénateur LR Arnaud Bazin et la rapporteure, la communiste Éliane Assassi, ont mis en évidence une augmentation notable des dépenses liées au cabinet de conseil, qui sont passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021. Il s’agit d’un « phénomène tentaculaire » selon le rapport.

 
 

Très vite après la publication du rapport, le débat s’est focalisé sur McKinsey, un de ces cabinets de conseil, pour plusieurs raisons :

- Des liens supposés avec Emmanuel Macron. Ce qui a remis au goût du jour l’image du « président des riches » , proche des élites économiques ;

 
- le fait que les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, selon les conclusions du rapport sénatorial* ;

- le fait que l’entreprise McKinsey était déjà apparue dans le débat public pour son intervention dans la campagne vaccinale française.

En pleine campagne présidentielle , le sujet est vite apparu comme explosif et tous les adversaires du président-candidat, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Eric Zemmour, se sont emparés de l’affaire. Pourtant, le président de la commission d’enquête, le Républicain Arnaud Bazin, avait précisé dès le début vouloir rendre ses travaux « en mars 2022, avant le premier tour de l’élection présidentielle », sachant que la commission a 6 mois pour rendre son rapport. Les travaux avaient débuté en novembre 2021, et dès le départ, la commission a la temporalité en tête : « Nous nous sommes interrogés, avec Arnaud Bazin, parce que cela nous faisait rendre le rapport en plein cœur des élections législatives, ce qui aurait été pire. Il y a une sorte « d’alignement des planètes », mais nous n’avions pas du tout l’objectif de pirater la séquence électorale, cela n’a rien à voir. », assure au JDD la rapporteure, Éliane Assassi.

Que font ces cabinets de conseil ?

Des missions variées, pour des résultats « inégaux ». Dans le rapport du Sénat, il est écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics », mais les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes : pendant la crise sanitaire , il leur a notamment été confié « la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire… » comme le détaille le Sénat.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information »; « stratégie des systèmes d’information » ; « étude de projets applicatifs », ou encore « urbanisation et expertise technique ».

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

(Rapport du Sénat)

Mais le Sénat dénonce également des missions trop coûteuses pour des résultats « inégaux », comme pour la mission confiée à McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, qui a coûté 496 800 euros. Pourtant évaluée comme « satisfaisante » par la direction interministérielle de la transformation publique, le produit de cette mission « se résume à une compilation – certes conséquente – de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques, notamment de l’OCDE », tance le Sénat, ajoutant que la valeur ajoutée semble alors « réduite », alors que les consultants facturent leur journée à 3 312 euros. Une mission qui n’a pas eu de suites concrètes selon le Sénat, le ministère de l’Éducation nationale ayant lui-même reconnu qu’il n’était « pas possible de déterminer les conséquences directes » du travail effectué par McKinsey.

Lire aussi - Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Quel est le poids de McKinsey et des cabinets de conseil dans les commandes publiques ?

Assez léger. 20 cabinets de conseils se partagent 55 % du marché du conseil pour les ministères selon les chiffres du Sénat. Le cabinet McKinsey n’y représente qu’1 % de ce marché entre 2018 et 2020, la même part que Kantar. Le groupe français Eurogroup est le premier avec 10 % du marché, le second, également français, est Capgemini (5 %).

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

(Rapport du Sénat)

Lors du point presse du gouvernement sur le sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, a balayé toute interdépendance entre État et cabinets de conseils, en précisant que ceux-ci ne représentaient que « 0,3 % de la masse salariale totale de l’État ».

Il faut cependant souligner que le recours aux cabinets de conseil a été important pendant la crise sanitaire, et que la société McKinsey a totalisé pendant cette période 12,3 millions d’euros de contrats au cours de la période, le plaçant en tête des commandes.

Quel est le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey ?

Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey ont travaillé pour la campagne Macron de 2017. Des liens existent ainsi entre McKinsey et Emmanuel Macron. Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey, était un soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Il avait également signé en 2016 un chapitre du livre de Thomas Cazenave, directeur adjoint de cabinet du ministre à Bercy, intitulé L’État en mode start-up. L’ouvrage avait été préfacé par Emmanuel Macron.

Karim Tadjeddine apparaît dans les MacronLeaks avec son adresse mail de McKinsey. Devant le Sénat, il a reconnu que « l’utilisation de l’adresse électronique de l’entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne ». Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey se sont également investis sur leur temps libre dans la campagne électorale de 2017. L’entreprise n’a pas joué de rôle en tant que tel.

Le gouvernement a-t-il eu plus de recours aux cabinets de conseil que dans les quinquennats précédents ? Et par rapport aux autres pays européens ?

La pratique de recourir aux cabinets de conseil n’est pas inédite. Cependant, le rapport du Sénat examine le recours aux cabinets de conseil seulement pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’en 2018, la pratique est mal connue, car mal-documentée : les ministères ne disposeraient pas des chiffres antérieurs à 2018, à cause d’un changement de logiciel, c’est la raison avancée à la commission d’enquête sénatoriale. Elle a donc dû se rabattre sur des approximations qui se fondent sur des chiffres transmis par la Fédération européenne des associations de conseil en organisation, qui prend en compte les prestations réalisées pour l’ensemble de la sphère publique, dont les collectivités territoriales, contrairement à l’angle choisi par les sénateurs.

Ils jugent toutefois que ces chiffres permettent de se rendre compte de la tendance à la hausse dans le marché du conseil au secteur public depuis 2007 : il aurait ainsi gagné plus de 40 % entre 2005 et 2018, selon la fédération. C’est avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de l’État menée par Nicolas Sarkozy, que s’initie cette hausse : un rapport d’information de l’Assemblée nationale, dont la rapporteure est la députée LREM Cendra Motin, relève que « le niveau des dépenses consacrées au conseil double ainsi entre 2007 et 2010 ». Le rapport sénatorial confirme « une hausse sensible entre 2007 et 2010 à la faveur de la RGPP », comme le montre ce graphique.

Chiffres d'affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

Chiffres d’affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

(Rapport du Sénat)

Pendant le mandat de François Hollande , si la modernisation de l’action publique se poursuit, le recours aux cabinets de conseil semble baisser, avant de connaître une remontée depuis 2018.

En comparaison avec les autres pays européens : en France, il est « historiquement limité » selon le Sénat. Pour l’année 2018, dernière année de comparaison citée par le Sénat, les cabinets de conseils font un chiffre d’affaires de 3 143 millions d’euros en Allemagne, et 2 640 millions d’euros au Royaume-Uni, contre seulement 657 millions d’euros en France. Selon le rapport de l’Assemblée, pour 2019, ce chiffre s’élève à 814 millions d’euros en France. « Le montant d’achats de prestations de conseil par le secteur public rapporté aux dépenses de personnel dans le secteur public en France, demeure l’un des plus faibles de l’Union européenne. Il est de 0,27 % en France contre 1,25 % en Allemagne et 1,47 % au Danemark », précise le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale (voir le graphique ci-dessous).

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l'Union européenne

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l’Union européenne

(Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale)

McKinsey a-t-il conseillé au gouvernement de baisser les APL de 5 euros ?

Non, McKinsey n’est pas à l’origine de la baisse des APL de 5 euros. Cette partie de la polémique part d’une déclaration de la rapporteure de la commission d’enquête, Éliane Assassi lors de la présentation du rapport : elle mentionnait « une prestation de 4 millions d’euros de McKinsey pour mettre en oeuvre la réforme des APL, cette même réforme qui réduisait les aides de 5 euros par foyer ». La sénatrice confond deux réformes, car, dans son rapport, la commission d’enquête se réfère à une réforme du mode de calcul des APL, et à une prestation commandée à McKinsey à partir de 2018, pour une réforme qui devait s’appliquer en janvier 2019. Le cabinet est sollicité pour un premier audit à l’automne 2018, et le sera à plusieurs reprises par la suite, la réforme prenant plus de temps que prévu, « à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire » selon les sénateurs.

Cette réforme, qui met en place le calcul « en temps réel » des APL, n’a rien à voir avec la baisse de cinq euros décidée en juillet 2017 par le gouvernement, bien avant le début de la mission de McKinsey. Interrogée par le JDD, Éliane Assassi reconnaît que le rapport ne parle pas de la baisse de 5 euros, mais bien du changement du mode de calcul, mais regrette « l’utilisation politicienne du rapport », et pointe « les interprétations politiques » qui en ont été faites. Mais pour la communiste, c’est aussi le « manque de transparence » de la part du gouvernement qui a alimenté cette fausse nouvelle. Car le détail n’est pas passé inaperçu, et a été repris par plusieurs personnalités politiques, comme Xavier Bertrand, ou Adrien Quatennens.

D’autres candidats ont-ils eu recours à des cabinets de conseils dans leur fonction exécutive ?

Oui. Xavier Bertrand, conseiller spécial de Valérie Pécresse , avait dénoncé le 23 mars l’affaire McKinsey comme « un scandale d’État », en assurant que si Valérie Pécresse était élue, elle cesserait de faire appel aux cabinets de conseil, sur l’antenne de Franceinfo. Une semaine plus tard sur LCI, la candidate n’a pas tenu exactement le même propos : « Par définition, je ne suis pas contre à ce qu’il y ait des partenariats entre le public et le privé. (…) Cela dépendra pour quelles missions, mais évidemment pas à ces niveaux de montants. » Valérie Pécresse a aussi admis avoir eu recours à un cabinet de conseil alors qu’elle était ministre de l’Enseignement Supérieur en 2008, pour la « réorganisation du ministère », et pas pour la réforme des universités. Par contre, l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités territoriales n’a pas été analysée par le Sénat qui s’est concentré sur le quinquennat d’Emmanuel Macron et sur le pouvoir exécutif.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot , a également été épinglée par L’Opinion pour avoir eu recours à des cabinets de conseil alors qu’elle était ministre de François Hollande, pour des dépenses estimées à 68,5 millions d’euros. Delphine Batho conteste l’accusation.

*Le 26 mars, le cabinet McKinsey a réaffirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’optimisation fiscale.

Les dessous de l’affaire McKinsey

Les dessous de l’affaire  McKinsey 

.Depuis la publication, le 17 mars dernier, du rapport du Sénat sur la question, les travaux de la commission d’enquête ont fait naître polémiques et fausses informations, reprises et alimentées par les concurrents d’Emmanuel Macron, que le JDD s’attache à démêler.

 

À noter toutefois que le principal reproche qu’on peut formuler à l’égard de ce scandale d’État c’est d’avoir dépensé une somme phénoménale d’un milliard représentant des milliers d’experts consultants alors que dans le même temps la France entretient des milliers de hauts fonctionnaires qui ont précisément pour mission de diriger, d’orienter, de contrôler l’administration et ses fonctions régaliennes. La France de ce point de vue est l’un des pays qui compte le plus de hauts fonctionnaires au monde ( l’ENA étant l’exemple plus symbolique fournisseur de ce personnel). L’autre reproche, c’est que Macron gouvernant seul et ne voulant surtout pas de parti se sert d’un consultant comme conseil en stratégie politique; un conseil payé par le contribuable. NDLR

Pourquoi y a-t-il une polémique sur McKinsey ?

En raison d’un rapport mettant en évidence l’utilisation importante des cabinets de conseil sous le quinquennat Macron. Tout part du rapport sénatorial rendu public le 17 mars. Une commission d’enquête, créée en novembre 2021, a étudié l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques au cours du dernier quinquennat. Le président de la commission, le sénateur LR Arnaud Bazin et la rapporteure, la communiste Éliane Assassi, ont mis en évidence une augmentation notable des dépenses liées au cabinet de conseil, qui sont passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021. Il s’agit d’un « phénomène tentaculaire » selon le rapport.

Très vite après la publication du rapport, le débat s’est focalisé sur McKinsey, un de ces cabinets de conseil, pour plusieurs raisons :

- Des liens supposés avec Emmanuel Macron. Ce qui a remis au goût du jour l’image du « président des riches » , proche des élites économiques ;

- le fait que les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans, selon les conclusions du rapport sénatorial* ;

- le fait que l’entreprise McKinsey était déjà apparue dans le débat public pour son intervention dans la campagne vaccinale française.

En pleine campagne présidentielle , le sujet est vite apparu comme explosif et tous les adversaires du président-candidat, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Eric Zemmour, se sont emparés de l’affaire. Pourtant, le président de la commission d’enquête, le Républicain Arnaud Bazin, avait précisé dès le début vouloir rendre ses travaux « en mars 2022, avant le premier tour de l’élection présidentielle », sachant que la commission a 6 mois pour rendre son rapport. Les travaux avaient débuté en novembre 2021, et dès le départ, la commission a la temporalité en tête : « Nous nous sommes interrogés, avec Arnaud Bazin, parce que cela nous faisait rendre le rapport en plein cœur des élections législatives, ce qui aurait été pire. Il y a une sorte « d’alignement des planètes », mais nous n’avions pas du tout l’objectif de pirater la séquence électorale, cela n’a rien à voir. », assure au JDD la rapporteure, Éliane Assassi.

Que font ces cabinets de conseil ?

Des missions variées, pour des résultats « inégaux ». Dans le rapport du Sénat, il est écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics », mais les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes : pendant la crise sanitaire , il leur a notamment été confié « la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire… » comme le détaille le Sénat.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information »; « stratégie des systèmes d’information » ; « étude de projets applicatifs », ou encore « urbanisation et expertise technique ».

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

Evolution des dépenses de conseil en informatique des ministères

(Rapport du Sénat)

Mais le Sénat dénonce également des missions trop coûteuses pour des résultats « inégaux », comme pour la mission confiée à McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, qui a coûté 496 800 euros. Pourtant évaluée comme « satisfaisante » par la direction interministérielle de la transformation publique, le produit de cette mission « se résume à une compilation – certes conséquente – de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques, notamment de l’OCDE », tance le Sénat, ajoutant que la valeur ajoutée semble alors « réduite », alors que les consultants facturent leur journée à 3 312 euros. Une mission qui n’a pas eu de suites concrètes selon le Sénat, le ministère de l’Éducation nationale ayant lui-même reconnu qu’il n’était « pas possible de déterminer les conséquences directes » du travail effectué par McKinsey.

Lire aussi - Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Quel est le poids de McKinsey et des cabinets de conseil dans les commandes publiques ?

Assez léger. 20 cabinets de conseils se partagent 55 % du marché du conseil pour les ministères selon les chiffres du Sénat. Le cabinet McKinsey n’y représente qu’1 % de ce marché entre 2018 et 2020, la même part que Kantar. Le groupe français Eurogroup est le premier avec 10 % du marché, le second, également français, est Capgemini (5 %).

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

Répartition du marché du conseil aux ministères entre 2018 et 2020

(Rapport du Sénat)

Lors du point presse du gouvernement sur le sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes Publics, a balayé toute interdépendance entre État et cabinets de conseils, en précisant que ceux-ci ne représentaient que « 0,3 % de la masse salariale totale de l’État ».

Il faut cependant souligner que le recours aux cabinets de conseil a été important pendant la crise sanitaire, et que la société McKinsey a totalisé pendant cette période 12,3 millions d’euros de contrats au cours de la période, le plaçant en tête des commandes.

Quel est le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey ?

Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey ont travaillé pour la campagne Macron de 2017. Des liens existent ainsi entre McKinsey et Emmanuel Macron. Karim Tadjeddine, responsable du pôle secteur public de McKinsey, était un soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Il avait également signé en 2016 un chapitre du livre de Thomas Cazenave, directeur adjoint de cabinet du ministre à Bercy, intitulé L’État en mode start-up. L’ouvrage avait été préfacé par Emmanuel Macron.

Karim Tadjeddine apparaît dans les MacronLeaks avec son adresse mail de McKinsey. Devant le Sénat, il a reconnu que « l’utilisation de l’adresse électronique de l’entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne ». Plusieurs consultants ou anciens de McKinsey se sont également investis sur leur temps libre dans la campagne électorale de 2017. L’entreprise n’a pas joué de rôle en tant que tel.

Le gouvernement a-t-il eu plus de recours aux cabinets de conseil que dans les quinquennats précédents ? Et par rapport aux autres pays européens ?

La pratique de recourir aux cabinets de conseil n’est pas inédite. Cependant, le rapport du Sénat examine le recours aux cabinets de conseil seulement pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Jusqu’en 2018, la pratique est mal connue, car mal-documentée : les ministères ne disposeraient pas des chiffres antérieurs à 2018, à cause d’un changement de logiciel, c’est la raison avancée à la commission d’enquête sénatoriale. Elle a donc dû se rabattre sur des approximations qui se fondent sur des chiffres transmis par la Fédération européenne des associations de conseil en organisation, qui prend en compte les prestations réalisées pour l’ensemble de la sphère publique, dont les collectivités territoriales, contrairement à l’angle choisi par les sénateurs.

Lire aussi - « Un phénomène tentaculaire » : le Sénat attaque le recours aux cabinets de conseils par l’État

Ils jugent toutefois que ces chiffres permettent de se rendre compte de la tendance à la hausse dans le marché du conseil au secteur public depuis 2007 : il aurait ainsi gagné plus de 40 % entre 2005 et 2018, selon la fédération. C’est avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de l’État menée par Nicolas Sarkozy, que s’initie cette hausse : un rapport d’information de l’Assemblée nationale, dont la rapporteure est la députée LREM Cendra Motin, relève que « le niveau des dépenses consacrées au conseil double ainsi entre 2007 et 2010 ». Le rapport sénatorial confirme « une hausse sensible entre 2007 et 2010 à la faveur de la RGPP », comme le montre ce graphique.

Chiffres d'affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

Chiffres d’affaires réalisé par les entreprises du secteur du conseil en secteur public

(Rapport du Sénat)

Pendant le mandat de François Hollande , si la modernisation de l’action publique se poursuit, le recours aux cabinets de conseil semble baisser, avant de connaître une remontée depuis 2018.

En comparaison avec les autres pays européens : en France, il est « historiquement limité » selon le Sénat. Pour l’année 2018, dernière année de comparaison citée par le Sénat, les cabinets de conseils font un chiffre d’affaires de 3 143 millions d’euros en Allemagne, et 2 640 millions d’euros au Royaume-Uni, contre seulement 657 millions d’euros en France. Selon le rapport de l’Assemblée, pour 2019, ce chiffre s’élève à 814 millions d’euros en France. « Le montant d’achats de prestations de conseil par le secteur public rapporté aux dépenses de personnel dans le secteur public en France, demeure l’un des plus faibles de l’Union européenne. Il est de 0,27 % en France contre 1,25 % en Allemagne et 1,47 % au Danemark », précise le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale (voir le graphique ci-dessous).

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l'Union européenne

Dépenses publiques en prestation de conseil dans différents pays de l’Union européenne

(Rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale)

McKinsey a-t-il conseillé au gouvernement de baisser les APL de 5 euros ?

Non, McKinsey n’est pas à l’origine de la baisse des APL de 5 euros. Cette partie de la polémique part d’une déclaration de la rapporteure de la commission d’enquête, Éliane Assassi lors de la présentation du rapport : elle mentionnait « une prestation de 4 millions d’euros de McKinsey pour mettre en oeuvre la réforme des APL, cette même réforme qui réduisait les aides de 5 euros par foyer ». La sénatrice confond deux réformes, car, dans son rapport, la commission d’enquête se réfère à une réforme du mode de calcul des APL, et à une prestation commandée à McKinsey à partir de 2018, pour une réforme qui devait s’appliquer en janvier 2019. Le cabinet est sollicité pour un premier audit à l’automne 2018, et le sera à plusieurs reprises par la suite, la réforme prenant plus de temps que prévu, « à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire » selon les sénateurs.

Cette réforme, qui met en place le calcul « en temps réel » des APL, n’a rien à voir avec la baisse de cinq euros décidée en juillet 2017 par le gouvernement, bien avant le début de la mission de McKinsey. Interrogée par le JDD, Éliane Assassi reconnaît que le rapport ne parle pas de la baisse de 5 euros, mais bien du changement du mode de calcul, mais regrette « l’utilisation politicienne du rapport », et pointe « les interprétations politiques » qui en ont été faites. Mais pour la communiste, c’est aussi le « manque de transparence » de la part du gouvernement qui a alimenté cette fausse nouvelle. Car le détail n’est pas passé inaperçu, et a été repris par plusieurs personnalités politiques, comme Xavier Bertrand, ou Adrien Quatennens.

D’autres candidats ont-ils eu recours à des cabinets de conseils dans leur fonction exécutive ?

Oui. Xavier Bertrand, conseiller spécial de Valérie Pécresse , avait dénoncé le 23 mars l’affaire McKinsey comme « un scandale d’État », en assurant que si Valérie Pécresse était élue, elle cesserait de faire appel aux cabinets de conseil, sur l’antenne de Franceinfo. Une semaine plus tard sur LCI, la candidate n’a pas tenu exactement le même propos : « Par définition, je ne suis pas contre à ce qu’il y ait des partenariats entre le public et le privé. (…) Cela dépendra pour quelles missions, mais évidemment pas à ces niveaux de montants. » Valérie Pécresse a aussi admis avoir eu recours à un cabinet de conseil alors qu’elle était ministre de l’Enseignement Supérieur en 2008, pour la « réorganisation du ministère », et pas pour la réforme des universités. Par contre, l’utilisation des cabinets de conseil par les collectivités territoriales n’a pas été analysée par le Sénat qui s’est concentré sur le quinquennat d’Emmanuel Macron et sur le pouvoir exécutif.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot , a également été épinglée par L’Opinion pour avoir eu recours à des cabinets de conseil alors qu’elle était ministre de François Hollande, pour des dépenses estimées à 68,5 millions d’euros. Delphine Batho conteste l’accusation.

*Le 26 mars, le cabinet McKinsey a réaffirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’optimisation fiscale.

COVID France : en dessous de la barre des 3000 soins intensifs

COVID France : en dessous de la barre des 3000 soins intensifs

Le nombre de malades du Covid-19 recensés dans les services de réanimation continue de reculer, passant sous la barre des 3000 personnes ce dimanche, selon les derniers chiffres de Santé publique France. Une première depuis le 24 janvier dernier.

2993 personnes se trouvent actuellement en soins critiques, contre 3028 malades samedi et 3104 vendredi. Ces services ont admis 43 nouveaux patients en raison du Covid-19 ces dernières 24 heures.

Actuellement 16.775 patients atteints du coronavirus sont accueillis dans les hôpitaux français, contre 16.847 samedi et 17.272 vendredi. 199 personnes ont été hospitalisées au cours des dernières 24 heures.

Entre samedi et dimanche, 44 personnes sont, par ailleurs, mortes du Covid-19 à l’hôpital.

Temps de travail fonctionnaires : bien en dessous des 35 heures

Temps de travail fonctionnaires : bien en  dessous des 35 heures

 

 

 

La France qui se caractérise déjà par un nombre de fonctionnaires record en Europe  se singularise aussi par des durées du travail très en dessous de la durée légale pour les intéressés. Encore ne s’agit-il que des durées théoriques car dans la pratique, la durée réelle est encore plus réduite. Sans parler évidemment de la productivité qui dans nombre de secteurs est comme les montres de Salvador Dali : très molles (Même s’il existe des exceptions comme dans certains postes dans les hôpitaux ou à la Poste. d’après un rapport officiel  remis à la ministre de la Fonction en moyenne, les fonctionnaires travaillent 1.584 heures par an, soient 23 heures de moins que la durée légale (1.607 heures) et 110 heures de moins que les salariés du privé. Principale explication à ces écarts: le travail le dimanche ou la nuit ainsi que les astreintes qui sont plus fréquentes dans la fonction publique que dans le privé et sont souvent compensés par des jours de RTT. Les infirmières de nuit dans les hôpitaux voient ainsi leur durée de travail ramenée à 32h30 par semaine et les policiers qui ont des horaires atypiques bénéficient d’un régime spécial. Mais le rapport pointe aussi les abus. Les agents administratifs des universités continuent de profiter de quelque 9 semaines de congés par an pour 1.550 heures annuelles. Les fonctionnaires du Conseil économique et social s’activent sur une base annuelle inférieure à 1.402 heures et on trouve jusqu’à 10 régimes horaires différents dans un même Ministère… Les collectivités locales sont les moins regardantes sur le temps de travail de leurs employés. Le maire d’une commune de plus de 25.000 habitants a même avoué payer ses fonctionnaires sur la base de 1.607 heures par an, alors qu’ils ne travaillent en réalité que 1.537 heures…Et encore une fois il s’agit des heures théoriques. Pas étonnant que la France détient le triste record des prélèvements obligatoires qui plombe la compétitivité et l’emploi privé.

Croissance : la consommation des ménages en dessous des attentes en août

Croissance : la consommation des ménages en dessous des attentes en août

 

Il se confirme que la croissance ne repart pas vraiment en France si l’on s’en tient à l’évolution de la consommation des ménages en dessous des attentes. Comme déjà indiqué les français se serrent la ceinture concernant la consommation des produits alimentaires. Ce qui par parenthèse remet aussi en cause la fiabilité de l’indice des prix calculés par l’INSEE car la structure de consommation ce modifie. Du coup le pouvoir d’achat des ménages est surestimé. La consommation des ménages français en biens est ressortie en-dessous des attentes au cours de l’été, progressant de 0,3% au mois de juillet puis se stabilisant en août, selon les données publiées mercredi par l’Insee. L’institut a dans le même temps confirmé à +0,4% le chiffre de juin. Les 15 économistes interrogés par Reuters attendaient en moyenne un indicateur en hausse de 0,4% en août après une progression de 0,1% en juillet. « La consommation mesurée sur les trois derniers mois progresse de 0,7% par rapport aux trois mois précédents », précise l’Insee dans son communiqué. Après une hausse en juin, la consommation en biens fabriqués continue de progresser au même rythme en juillet (+0,4 %) puis se stabilise en août, à un plus haut niveau depuis mars 2011. Les dépenses en biens durables sont stables en juillet et en août. Les achats de biens d’équipement du logement progressent fortement en juillet (+2,1% après +0,5% en juin) puis se stabilisent en août. Ils sont en hausse de 1,9% sur ces trois mois, relativement aux trois mois précédents, portés notamment par les achats d’équipements de communication. En revanche, les achats d’automobiles se replient en juillet (-1,3%) après quatre mois consécutifs de hausse, puis sont stables en août. Les achats en textile, habillement et cuir accélèrent lors des soldes de juillet (+2,0% après +0,3% en juin), avant de fléchir en août (-0,3%). Sur les trois derniers mois, ils restent en hausse par rapport aux trois mois précédents (+2,0%). Les dépenses en autres biens fabriqués baissent légèrement en juillet (-0,2%) puis se redressent en août (+0,4%). Après une hausse en juin (+0,7%), la consommation de produits alimentaires se replie légèrement en juillet (-0,3%) et en août (-0,2%). La consommation de tabac limite la baisse en juillet, mais l’accentue en août. Après un léger recul en juin (-0,3%), la consommation d’énergie augmente à nouveau en juillet (+1,5%) et en août (+0,4%).

Les dessous du rachat d’Alstom par General Electric (France inter)

Les dessous du rachat d’Alstom par General Electric (France inter)

Au moment où la société Alstom négociait avec Général Electric la vente de sa branche énergie, le groupe français faisait l’objet de poursuites judiciaires dans une affaire de corruption aux Etats Unis. Plusieurs responsables politiques et industriels sont aujourd’hui convaincus que ce contentieux a pesé dans la négociation.  Depuis plusieurs années, les autorités américaines enquêtent sur le groupe Alstom. Grâce à une fuite, le département américain de la Justice a appris que des pots de vins auraient été très certainement versés par Alstom en 2003 en Indonésie pour obtenir un contrat de 118 millions dans le cadre de la construction d’une centrale à charbon.  Le 15 avril 2013, Frederic Pierucci, le vice-président monde de la division chaudière d’Alstom est interpellé aux États Unis. Il va effectuer 14 mois de détention dans une prison de haute sécurité. Trois autres cadres (dont un ancien très haut dirigeant du groupe) sont également poursuivis. Au siège d’Alstom en France, l’état-major est inquiet. Le FBI a débloqué des moyens considérables pour mener à terme ces investigations. Une vingtaine d’enquêteurs est mobilisée. Un infiltré chez Alstom a réussi à siphonner l’intégralité des échanges mails.  Jusqu’à quel niveau de la hiérarchie va remonter la justice américaine ? C’est dans ce contexte tendu qu’arrive la proposition d’achat de la société américaine Général Electric. Même si, officiellement, la direction dément le moindre lien entre les négociations avec l’un des géants de l’énergie et cette affaire de corruption, en interne, certains cadres de très haut niveau ne partagent pas le même avis. Nous avons pu en rencontrer deux qui ont accepté de nous faire part de leur sentiment de manière confidentielle.  Au sein de l’état-major d’Alstom, je peux vous dire que tout le monde sait parfaitement que les poursuites américaines ont joué un rôle déterminant dans le choix de vendre la branche énergie. (…) Lors des négociations secrètes, curieusement, une personne a été associée tout de suite à la discussion.  Il s’agit de Keith Carr, le directeur des affaires juridiques. C’est étrange car normalement sa principale mission c’est de traiter le règlement des affaires de corruption. Des cadres ne sont pas les seuls à avoir eu des doutes. Au sein du cabinet d’Arnaud Montebourg, on s’est également interrogé sur ces poursuites américaines. Un petit commando de trois conseillers techniques a été mobilisé trois semaines. Les conseillers ont même demandé à leur ministre d’activer les grandes oreilles françaises, les services secrets, pour vérifier si Alstom n’était pas victime d’une déstabilisation. Mais Arnaud Montebourg, pour des raisons politiques, n’a pas donné suite.  D’autres responsables politiques ont encore aujourd’hui de gros doutes, comme Daniel Fasquelle, député UMP, vice-président de la commission des affaires économiques de l’assemblée nationale : Le dossier Alstom est une incroyable mystification. On a trompé les Français. En aucun cas on a sauvé Alstom et il faut quand même s’interroger sur les difficultés d’Alstom aux Etats Unis et les procès en cours. Le rachat par Général Electric, c’était aussi une façon commode pour Alstom de se sortir du piège judiciaire dans lequel la société est tombée aux Etats Unis.  L’accord passé avec le groupe américain prévoit que Général Electric reprend la totalité du passif (y compris pénal) d’Alstom, donc les conséquences des poursuites judiciaires. Un passif que ne souhaitait pas récupérer en revanche l’autre repreneur possible, l’Allemand Siemens.  À combien vont se monter en définitive les amendes qu’Alstom va devoir verser à la justice américaine ? Selon l’agence Bloomberg, une transaction pourrait être finalisée dans les prochains jours. Alstom se verrait infliger une amende d’un montant de 700 millions de dollars. Si ce chiffre est confirmé, il s’agirait de la plus grosse pénalité jamais infligée à une entreprise par la justice américaine dans une affaire de corruption internationale. 

Lu dans France inter.




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