Vers une pénurie d’essence ?
Avec les menaces de grève annoncée dans certaines raffineries la question se pose de savoir si le pays risque d’être confronté à une pénurie d’essence. En réalité les réserves sont largement suffisantes satisfaire les besoins des consommateurs notamment des automobilistes. Le problème c’est que cette menace de rationnement éventuel du carburant se conjugue avec de graves dysfonctionnements dans les transports collectifs. Du coup, c’est plutôt la panique des automobilistes remplissant préventivement leur réservoir qui pourrait créer une situation de crise. Pour l’instant, la situation des raffineries est loin d’être dramatique. Surtout en raison de la possibilité d’utiliser les stocks stratégiques
En France, les stocks stratégiques sont gérés par le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers instauré par la loi Billardon du 31 décembre 1992. Chaque société distribuant des carburants en France doit mettre à disposition en permanence un volume équivalent à 29,5 % de ses ventes de l’année précédente (soit légèrement plus que les 90 jours demandés par l’AIE). La loi prévoit également que la France dispose de 55 jours de réserves de carburant aviation
Les stocks stratégiques instaurés par la loi de 1992 sont entièrement financés par les sociétés pétrolières qui mettent à la consommation. Une partie, 15 % en moyenne en 2017, est assurée directement par les sociétés. Le reste, 85 %, est réalisé par une filiale commune de statut entièrement privé, la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS).
Contrairement aux réserves américaines ou japonaises, regroupées dans des dépôts de très grande taille, la RSP française est éparpillée dans 235 sites de stockage répartis sur l’ensemble du territoire. Un important dépôt souterrain existe cependant à Manosque, géré par Géosel. Dans les faits, les stocks collectifs de la SAGESS, entièrement financés par endettement, seuls réellement mobilisables en cas de crise, sont répartis sur 81 sites dont la vocation mixte, commerciale et stratégique, contribue à l’immédiate disponibilité des stocks. Pour l’instant quelques raffineries sont affectées par des mouvements sociaux.
La raffinerie de Lavéra à Martigues (Bouches-du-Rhône) a commencé à être mise à l’arrêt par ses salariés en grève hier lundi 23 décembre et un appel à l’arrêt des salariés de celle de Grandspuits (Seine-et-Marne), en région parisienne, a été lancé. A La Mède, le dépôt pétrolier de Total est complètement arrêté depuis le 5 décembre, précise l’AFP. Mardi 24 décembre au matin, l’application Essence&Co relevait 361 stations en rupture partielle (au moins un carburant manquant) et 123 stations en rupture totale. C’est donc bien moins que lors des précédents blocages, début décembre, avec près de 800 stations qui étaient à cours d’au moins un carburant. Le nombre de stations en rupture totale progresse lentement: elles étaient 108 lundi midi, 121 à 17h et donc 119 au dernier pointage d’Esssence&Co un peu plus tard dans la matinée de ce 24 décembre.
C’est avant tout la crainte d’une pénurie qui la provoque: début décembre, on constatait par exemple des stations en rupture dans des zones qui n’étaient pourtant pas concernées par des blocages de dépôts de carburant. Dans ce contexte, il est recommandé de ne pas effectuer de « pleins de précaution ». Le gouvernement se montre ainsi rassurant, estimant que « la logistique pétrolière en France est robuste puisqu’elle repose sur un réseau dense de 200 dépôts, reliés aux raffineries par oléoducs, par voie fluviale, maritime ou ferroviaire » et que »seuls deux dépôts sur 200 connaissent des difficultés temporaires dans leurs expéditions, et tous les autres dépôts assurent normalement leur fourniture de produits vers les stations-services ».
Le ministère de la Transition écologique et solidaire tient aussi à rassurer: « Toutes les raffineries de France métropolitaine continuent à produire, et six raffineries sur sept assurent leurs expéditions normalement ». Au gouvernement, la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne appelle les automobilistes au calme, et assure que, dans la majorité des cas, le fonctionnement des raffineries et dépôts ne donne lieu à aucune inquiétude, à moins qu’un effet de panique des conducteurs à la pompe ne bouscule cet équilibre., Une hypothèse qui n’est pas impossible quand la ministre en question gère la situation depuis sa résidence de vacances à Marrakech.