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La désindustrialisation, pourquoi ?

 La désindustrialisation, pourquoi ?

Dans son dernier livre, le président de la Banque publique d’investissement, Nicolas Dufourcq, s’appuie sur les témoignages de 47 personnalités du monde économique pour développer les raisons qui, selon lui, ont mené au démantèlement de l’industrie française.

De 1980 à 2020, nous avons assisté à la mondialisation de l’économie, un phénomène quasi unique à ce jour, avec comme point d’orgue l’entrée de la Chine en 2001 à l’Organisation mondiale du commerce, qui a achevé de transformer l’empire du Milieu en plus grande usine de la planète.

En parallèle, de 1995 à 2015, la France a connu une désindustrialisation massive et sans précédent, observe le président de la Banque publique d’investissement, Nicolas Dufourcq, dans son dernier livre. L’un ne va pas sans l’autre. Et un mot couramment employé dans les années 1990 résume ces errements passés : « fabless », c’est-à-dire une entreprise « sans usine ».

Mais l’homme d’affaires – qui s’appuie sur les témoignages de 47 personnalités, dont des entrepreneurs (Laurent Burelle, de Plastic Omnium, Xavier Fontanet, d’Essilor…), des politiques (Jean-Pierre Chevènement, Alain Madelin…), des syndicalistes (Marcel Grignard, de la CFDT…), des hauts fonctionnaires (Louis Gallois, François Villeroy de Galhau…), des économistes (Laurence Boone…) – entend aller plus loin dans l’analyse, car il existe une exception hexagonale.

La France a été plus rapidement et plus en profondeur que ses voisins européens – comme l’Allemagne, l’Italie et la Suisse – dans cette voie de la désindustrialisation, avant d’amorcer un rétropédalage. L’auteur avance d’ailleurs une raison originale, structurelle – liée à la prise de décision très verticale chez nous –, mais aussi idéologique : « Les grands groupes français étaient exposés aux influences anglo-saxonnes, via leurs sièges parisiens, leurs banques, leurs consultants et leurs actionnaires, tous mondialistes, tous favorables aux délocalisations et au “fabless”. » Or nos voisins sont « moins libéraux et moins influençables, parce que provinciaux », écrit-il, avant d’ajouter : « La culture du bon sens et le souci de l’ancrage territorial allemand, italien, suisse les ont protégés. »

Les chiffres sont en effet éloquents : il y a aujourd’hui 7,5 millions d’emplois dans l’industrie allemande, contre 2,7 millions dans l’industrie française.

Nicolas Dufourcq pointe que, en vingt ans, la France a perdu le tiers de ses effectifs, alors que l’Allemagne est restée stable.

Mais un autre phénomène est tout aussi saisissant : « Les ventes par les filiales françaises se sont substituées aux exportations qui étaient faites auparavant depuis l’Hexagone », constate M. Dufourcq. Cet excédent généré par les services et les revenus nets des investissements directs à l’étranger permet de compenser le déficit du commerce extérieur français.

Balance commerciale : le signe de la désindustrialisation

Balance commerciale : le signe de la désindustrialisation

 

Signe de la désindustrialisation, les importations augmentent toujours plus vite que les exportations et la France affiche 84,7 milliards d’euros de déficit de son commerce extérieur observe  Béatrice Madeline dans le Monde.

Si la position de la France s’écroule en matière de biens par contre elle s’améliore concernant les services. Le problème est que l’économie mondiale repose encore sur une certaine matérialité. En France le choix plus ou moins conscient a été de miser sur la dématérialisation et les services. Le problème est que cela a entraîné la décomposition de l’industrie, le déaménagements du territoire mais aussi la dette puisqu’il faut bien emprunter pour compenser le déficit des flux financiers du commerce international NDLR

Pour le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, c’est « le problème économique qu’il nous reste à régler dans les dix prochaines années ». Alors que la France affiche une croissance de 7 % pour 2021, supérieure à celle de ses principaux voisins, des créations d’emplois florissantes et que le chômage recule, le commerce extérieur reste l’ombre au tableau économique. Le déficit commercial de la France s’est en effet de nouveau aggravé sur l’année écoulée, à 84,7 milliards d’euros, selon les données des douanes publiées mardi 8 février. Il pulvérise le précédent record de 75 milliards d’euros, atteint en 2011. Une dégradation préoccupante, alors que l’impératif de la souveraineté face aux grands pays producteurs comme la Chine n’a jamais été autant mis en avant

Par rapport à 2020, où il avait atteint 64,2 milliards d’euros, le déficit commercial s’est donc creusé d’une vingtaine de milliards en grande partie en raison de l’alourdissement de la facture énergétique, passée de 25,2 milliards d’euros en 2020 à 43,1 en 2021.

France: les ravages de la désindustrialisation

France: les ravages de la désindustrialisation

Déjà auteur du remarquable « Archipel français », paru en 2019, où il décrivait la lente atomisation d’un pays à l’unité vacillante, le politologue Jérôme Fourquet signe donc, avec, cette fois, le journaliste et essayiste Jean-Laurent Cassely, « La France sous nos yeux », un instantané exceptionnel de lucidité et de clarté réalisé à l’aide d’une compilation inédite de statistiques, celles de l’Insee ou des grands organismes afférents, naturellement, mais aussi avec le secours d’une batterie de données qu’il a fallu chercher dans les tréfonds des multiples banques de data disponibles.

On en ressort avec le nombre de piscines construites sur le sol français, le nombre de visiteurs du zoo de Beauval, le profil des amateurs de Kebab ou celui des néoruraux de la Drôme – nouveau département hype du moment – sans oublier l’incroyable décryptage de la France périphérique, aussi appelée « France Plaza » par les auteurs, du nom du célèbre agent immobilier devenu star de la télé.

Que trouve-t-on au fil de ces indicateurs souvent originaux mais jamais loufoques mis bout à bout ? Une vision à la fois macro et micro de notre territoire, presque à hauteur d’homme et loin de la seule froideur et du funeste penchant des statisticiens pour la moyennisation.

Dire que les auteurs révèlent, à l’occasion, une grande tendance qui nous aurait échappé serait exagéré. Comme nous tous, ils constatent les ravages au long cours de la désindustrialisation, la transformation de notre pays en vaste zone de chalandise prise d’assaut d’abord par la grande distribution puis par les entrepôts du type de ceux d’Amazon, ou encore les bouleversements de la métropolisation conjugués à la lassitude urbaine qui, considérablement dopée par le télétravail de masse né du Covid-19, conduit aujourd’hui à un exode important des citadins vers les campagnes.

Ce qu’ils montrent, en revanche, c’est l’incroyable brutalité et rapidité avec lesquelles ces évolutions se sont produites, pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire, voici l’exemple maintes fois raconté de l’Alcatel « sans usines », ce « fabless » devenu une folie française dans les années 2000, une folie dont s’empara le patron de l’époque Serge Tchuruk. Dans un tableau édifiant reproduit dans le livre, on se rend compte qu’entre 1995 et 2013 le groupe fermera ou cédera pas moins de 17 usines sur le territoire. Autant de plaies béantes ouvertes dans la plupart des zones concernées, autant de décisions qui, au nom d’une vision quasi suicidaire, précipiteront la chute du groupe.

Voici aussi la France d’Intermarché et consorts, lequel Intermarché se déploiera au rythme hallucinant de deux ouvertures par semaine entre 1980 et 1990, redessinant, comme tous ses rivaux distributeurs, les abords des villes, transformant les flux de transports, améliorant le pouvoir d’achat des classes modestes, modifiant radicalement les codes de l’alimentation.

La France d’Amazon

Voici enfin, en 2020, la France d’Amazon, symbole de la victoire absolue du secteur tertiaire mais dont les élus locaux sont loin de se plaindre, bien au contraire. Car cette France des entrepôts, qui offrent au regard leur rectangle grisâtre dans les campagnes, est à nouveau synonyme d’emplois, singulièrement dans des régions sinistrées par la disparition de l’industrie. Les chiffres, retrouvés par nos auteurs, sont édifiants : en quinze ans, l’emploi dans le secteur de l’entreposage et de la manutention aura augmenté de plus de 50 %.

Pour serrer au plus près l’impact de ces multiples ruptures sur l’attractivité de telle ou telle portion de notre territoire, Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely ont eu l’idée d’analyser le trafic généré sur Wikipédia par toutes les communes qui y sont répertoriées. Bilan, une transformation profonde des hiérarchies où la France triple A d’autrefois n’est plus forcément celle d’aujourd’hui. La perte d’influence du Lubéron au profit de Biarritz, l’incroyable réveil de Bordeaux, l’engouement pour La Rochelle ou Avignon contrastent avec cette France « gris foncé » allant de la Haute-Normandie à la Picardie en passant par la Franche-Comté ou le sud de l’Alsace.

La « démoyennisation »

La France d’aujourd’hui est celle de la « démoyennisation », affirment les auteurs. La polarisation est partout, y compris dans la même famille de consommation. Le burger peut-être premium comme il peut être « popu ». Le camping, mode de tourisme populaire par excellence, a désormais ses fans bobos. Et la France d’en haut a plus souvent qu’autrefois l’occasion de rencontrer celle d’en bas sur Leboncoin. Impossible, ici, de rendre compte en détail d’un livre foisonnant. En creux, ce sont évidemment les transformations sociales à l’oeuvre, pas toujours bien comprises, qui sont décortiquées. « L’écart entre le pays tel qu’il se présente désormais à nos yeux et les représentations que nous en avons est abyssal », écrivent les auteurs. C’est pourquoi ce livre est indispensable.

Par Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely. Editions du Seuil, 483 pages, 23 euros

Bridgestone: le symbole de la désindustrialisation

Bridgestone: le symbole de la désindustrialisation

 

La tribune du maire de Cannes, vice président de l’association des maires de France dans l’Opinion à propos du processus de désindustrialisation.

 

 

 

 

 

Le fabricant japonais de pneumatiques Bridgestone a annoncé le mois dernier vouloir entamer des discussions en vue de la fermeture de son usine de Béthune (Pas-de-Calais) en raison de la faiblesse de la demande et d’une forte concurrence. Cette usine, mise en service en 1961 et d’une capacité de production d’environ 17 000 pneus par jour, emploie 863 personnes.

La fermeture annoncée de l’usine Bridgestone à Béthune est d’abord un drame humain. Toutes les familles concernées vont subir de plein fouet les conséquences sociales de cette décision. Elle est aussi le symbole de la faillite de l’Etat en matière de politique industrielle depuis des décennies.

Car, ne nous y trompons pas : ce plan social, qui concerne les 863 employés du seul site français du fabricant de pneumatiques japonais, n’a que peu à voir avec la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Il a tout à voir avec des choix économiques et fiscaux qui se sont révélés mortifères pour l’industrie nationale et pour l’emploi depuis plus de trente ans.

En 2020, nous comptons déjà près de 400 plans de ce type, si injustement appelés « plans de sauvegarde de l’emploi » dans un vocabulaire technocratique qui ne tient plus aucun compte des réalités humaines depuis longtemps. C’est davantage que l’année dernière à la même époque et se réfugier derrière la crise sanitaire reviendrait à nier une évidence.

Les chiffres sont bien connus et ils sont saisissants. En quarante ans, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB de la France a été divisée par plus de deux. Elle n’est plus que de 10 % aujourd’hui. Le nombre d’emplois a suivi la même pente dévastatrice avec plus de deux millions d’emplois perdus dans le secteur industriel sur la même période.

Si certains de ces plans sociaux marquent davantage les esprits – on se souvient de Gandrange, de Florange ou encore, en pleine campagne présidentielle 2017, de l’usine Whirlpool d’Amiens – la plupart ne mobilisent pas autant l’intérêt des médias et des politiques, sinon locaux.

Désindustrialisation. Sur ces questions, la démagogie l’emporte trop souvent. A droite comme à gauche on se dit « indigné » ou « scandalisé » et on continue d’adopter des postures étatistes à chaque fermeture d’usine ou délocalisation, alors même que cette approche étatiste, faite de subventions de circonstances alimentées par les prélèvements les plus élevés de l’OCDE, a conduit notre industrie à l’échec.

Nos gouvernements successifs s’empressent de répondre à chaque problème par un traitement social qui coûte cher, ne résout rien et alimente la spirale délétère de la perte de responsabilité privée et de la hausse de la dépendance publique, source de surfiscalité, de surendettement et de dégradation de la compétitivité du pays

Certains en viennent même à appeler à la nationalisation de l’usine concernée. Or, si la question de la participation de l’Etat dans certains secteurs stratégiques pour la souveraineté du pays peut se poser, il n’est ici pas question de cela mais des mauvais choix effectués par nos gouvernements successifs qui s’empressent de répondre à chaque problème par un traitement social qui coûte cher, ne résout rien et alimente la spirale délétère de la perte de responsabilité privée et de la hausse de la dépendance publique, source de surfiscalité, de surendettement et de dégradation de la compétitivité du pays.

Pour « traiter » ce qui est visible médiatiquement et relève du théâtre politique, on maltraite tout le tissu économique invisible qui fait la réalité entrepreneuriale et sociale de la France.

Nous ne parviendrons jamais à lutter contre le processus de désindustrialisation à l’œuvre depuis les années 80 sans prendre enfin le contre-pied de ces mesures aussi démagogiques qu’inefficaces et finalement destructrices.

Pour ce faire, cessons enfin de surtaxer le capital, de surdensifier le Code du travail, de créer chaque année de nouvelles normes qui nous pénalisent vis-à-vis de nos concurrents internationaux ; développons les infrastructures de communication et des formations professionnelles en phase avec les réalités entrepreneuriales ; rapprochons les charges de celles de nos voisins qui ont une politique sociale efficace ; stimulons la recherche et la mise en réseaux des entreprises ; veillons à de bonnes externalités (transports, logement, accueil des enfants, etc.) ; soutenons le marketing territorial pour créer des flux économiques positifs.

Compétitivité dégradée. Surtout, nous devons mettre fin à cette spécificité nationale des impôts de production qui pèsent en France d’un poids considérable par rapport à nos partenaires et concurrents. La dégradation substantielle de la compétitivité de notre économie réside en grande partie dans ce constat alarmant relevé récemment par le Conseil d’Analyse Economique : les impôts de production représentent 3,7 % de la valeur ajoutée des entreprises en France contre 0,8 % en Allemagne. En Europe, seule la Grèce prélève davantage !

Dans son budget 2021, le gouvernement a prévu une baisse de 10 milliards de ces impôts mais qui concerne principalement la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sans toucher à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qui accable pourtant les entreprises dès le premier euro de chiffre d’affaires et dont la suppression aurait été bien plus pertinente. De plus, la CVAE permettant le financement des collectivités locales, la question se pose, une fois de plus, de l’autonomie fiscale de celles-ci et au bout du compte de leur capacité à peser sur la réindustrialisation du pays.

Désigner le Covid-19 comme étant le seul responsable des plans sociaux qui vont encore frapper des milliers de Français dans les mois qui viennent ne serait pas honnête et ne permettrait pas d’enrayer ce terrible processus. Nous devons enfin être lucides. Nous devons dépasser le registre de l’émotion pour proposer de vraies solutions. Nous devons faire le choix de la liberté microéconomique et de la régulation stratégique macroéconomique.

Cela nécessite un peu de courage, un langage de vérité et une vraie volonté d’agir plutôt que de s’indigner. A défaut, nous entendrons encore et toujours les mêmes et sempiternels refrains, jusqu’à ce que le rideau tombe définitivement et que la France du travail mette la clé sous la porte.

David Lisnard est maire de Cannes (06) et Vice-Président de l’Association des Maires de France (AMF).




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