Déserts médicaux : un revenu de trois SMIC après 12 ans d’études
C’est sûr on va recruter dans les déserts médicaux en promettant aux jeunes médecins un revenu des trois SMIC (un peu plus) après 12 ans d’études (au moins). Marisol Touraine rêve, elle se croit à l’ENA où on règle les problèmes à coup de décrets. Il faudra continuer à accepter d’ aller à hôpital de la ville chef lieu de département dans beaucoup de régions. Recherche jeunes médecins généralistes très motivés pour s’installer en plein désert médical. C’est - presque - la petite annonce que la ministre de la Santé Marisol Touraine a publiée sous forme de décret dans le Journal officiel du 15 août. Pour lutter contre le nombre déclinant de praticiens dans les zones «sous-dotées», selon la terminologie officielle, elle veut ouvrir deux cents postes de «praticiens territoriaux de médecine générale». Pour les volontaires, c’est la garantie de gagner net 3640 euros par mois, soit plus de trois fois le smic. Si le médecin gagne moins, l’État comble la différence. Ce niveau de rémunération est dans la norme de la profession: il s’agit du salaire de début de carrière dans les hôpitaux. Pour débloquer cette manne, le jeune doit toutefois réaliser 165 actes médicaux par mois minimum, ne pas facturer de dépassements d’honoraires et participer aux gardes de nuit. «Cette aide permettra aux jeunes installés de créer leur patientèle plus sereinement», se félicite le syndicat des internes en médecine générale ISNAR-IMG. Le plus intéressant n’est cependant pas le revenu minimum garanti. Le contrat prévoit en effet une petite révolution dans le monde de la médecine libérale: des congés maternité et maladie. Ce dernier est toutefois assorti de sept jours de carence contre trois pour les salariés et zéro pour les fonctionnaires. «C’est la première fois que des médecins libéraux pourront en bénéficier, insiste Julien Poimboeuf, président de l’ISNAR-IMG. C’est d’ailleurs le cœur de l’incitation de cette mesure qui vise les jeunes.» Les syndicats de médecins rêvent d’ailleurs déjà de généraliser cette mesure à tous les praticiens libéraux. Ces avantages suffiront-ils pour autant à attirer les deux cents praticiens visés? Les jeunes médecins ont pour la plupart obtenu leur diplôme dans une grande ville, où ils ont déjà construit leur vie. Ils ne rêvent pas d’aller s’installer dans des zones rurales éloignées ou dans des banlieues difficiles, les deux profils types des déserts médicaux. Or, quinze postes sont à pourvoir dans les départements les plus en manque d’Ile-de-France, comme la Seine-Saint-Denis, et vingt-quatre dans les contrées les plus reculées de Rhône-Alpes. D’autre part, les jeunes qui s’installent en libéral ont en moyenne 38 ans. «Quid de leurs conjoints et enfants?, s’interroge Michel Chassang, président du premier syndicat de médecins, la CSMF. Car un désert médical, c’est d’abord un désert tout court: pas de service public, pas de collège ou de lycée pour les enfants, pas de travail pour le conjoint.» Si, malgré tout, Marisol Touraine réussit à recruter 200 jeunes médecins, elle ne fera pas disparaître les déserts médicaux pour autant. Son dispositif ne règle en rien - mais ce n’est pas son but non plus - le problème des spécialistes en grande pénurie, tels que les ophtalmologistes et les anesthésistes.