Urgences: Buzyn promet des mesurettes là où il faut un grenelle
Environ 200 services mobilisés à la mi-août dans toute la France (195 selon le ministère, 220 selon le collectif Inter-Urgences) contre 80 deux mois plus tôt. La prime de 70 millions est évidemment une goutte d’eau pas du tout à la hauteur de l’enjeu. Rappelons par exemple que lors du dernier plan canicule c’est plus de 500 millions qui avaient été mis sur la table. Tout d’ailleurs est loin d’être résolu avec des moyens financiers. Il faut notamment une vaste négociation pour redistribuer les taches et désengorger le service des urgences devenus aujourd’hui une véritable Cour des miracles. Bref il est nécessaire d’engager une sorte de Grenelle des urgences précédées d’un audit généralisé du fonctionnement des hôpitaux publics.
La fréquentation des services a doublé en dix ans. Plus de 21,4 millions de passages y ont été recensés en 2017, un chiffre en hausse de 2,1% sur un an. Inédit par son ampleur, le mouvement démarré mi-mars à Paris après une série d’agressions n’a cessé de s’étendre. Le personnel des urgences réclame 10.000 emplois supplémentaires, une augmentation de salaire de 300 euros et l’arrêt des fermetures de lits dans les hôpitaux. Il est indiscutable que les conditions de travail dans les services d’urgence sont devenues intenables et que parfois elles mettent même la vie des patients en danger.
Ceci étant, c’est la conséquence de l’organisation du système sanitaire caractérisé notamment par l’affaiblissement du nombre de généralistes non seulement dans les zones denses mais aussi en zone rurale. Il n’y a plus de généralistes susceptibles d’intervenir et du coup, les patients sont orientés de façon systématique vers les urgences qui doivent traiter de vraies pathologies, aussi des dérèglements psychiques et sociaux. La responsabilité en incombe à l’État qui a réduit le nombre de médecins, aussi aux médecins eux-mêmes qui dans nombre de cas n’acceptent désormais les malades que sur rendez-vous et certains jours de la semaine. Des médecins qui se comportent pour certains comme des fonctionnaires. D’ailleurs nombre d’entre eux choisissent la fonction publique. D’autres préfèrent opter pour des spécialités qui ménagent le temps de travail et les congés par rapport à des généralistes à l’ancienne qui travaillent 10 ou 12 heures par jour.
La responsabilité en incombe aussi aux patients eux-mêmes et à leurs familles. Souvent au moindre petit bobo par exemple dans les maisons de retraite (là aussi on manque d’infirmières et de médecins), on oriente vers le service des urgences. Un service des urgences devenue une véritable cour des miracles : des victimes de brutalité, des ivrognes, des clochards, des blessés légers et de vraies pathologies graves. Le système de santé est en cause, la société également mais l’organisation des hôpitaux aussi. En effet, ce n’est pas parce que le service des urgences est débordé qu’il faut s’interdire de faire un audit sur le fonctionnement d’un hôpital devenu une sorte d’usine sans cohérence de gestion où les difficultés du personnel soignant cachent trop souvent l’improductivité de nombre d’autres services, d’autres agents.