Anticor : Encore trop dépendant du gouvernement
Les membres de l’Observatoire de l’éthique publique, des juristes et des élus politiques proposent, dans une tribune au « Monde », de confier la procédure d’agrément, de renouvellement et de suspension des associations anticorruption à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Tribune.
Le renouvellement de l’agrément par le gouvernement de l’association Anticor a défrayé la chronique ces dernières semaines. Il est indispensable de réformer la procédure d’agrément des associations anticorruption pour l’avenir. La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, prochainement en discussion au Parlement, en offre l’occasion.
Anticor dispose de deux agréments qui lui permettent de mener à bien ses missions statutaires de lutte contre la corruption.
Le premier, délivré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), lui permet de saisir cette autorité administrative indépendante d’une violation de la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique concernant les élus (manquements à leurs obligations de déclaration, conflits d’intérêts, etc.).
Une avancée incontestable
Le second, lourd de conséquences juridiques, est délivré par le garde des sceaux et lui permet, depuis 2015, de saisir les tribunaux en tant que partie civile dans les affaires de corruption, de trafic d’influence, de recel ou encore de blanchiment. Ce précieux sésame, délivré seulement à trois associations en France (Anticor, Sherpa et Transparency France) pour une durée de trois ans renouvelables, leur permet de déclencher directement l’instruction pour ces infractions (le cas échéant en passant outre un classement sans suite par le parquet, comme dans l’affaire des sondages de l’Elysée).
Une telle habilitation, créée par la loi du 6 décembre 2013, constitue une avancée incontestable dans la lutte contre les conflits d’intérêts puisqu’elle limite le risque d’enterrement politique des affaires de corruption, particulièrement lorsqu’elles concernent la majorité au pouvoir.
Or l’agrément et son renouvellement dépendent du garde des sceaux, conformément au décret de 2014 qui crée cette procédure. Alors que Nicole Belloubet, en 2018, avait aisément renouvelé une première fois l’agrément d’Anticor, la situation s’annonçait d’emblée différente pour ce deuxième renouvellement fin 2020 puisque le nouveau garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, faisait l’objet d’une plainte pour prise illégale d’intérêt… déposée par Anticor le 9 octobre 2020. Le ministre n’avait donc d’autre choix que de se déporter sur le dossier, en le confiant au premier ministre.
Le conflit d’intérêts n’a néanmoins pu être évité qu’en apparence, puisque l’instruction du dossier continuait à être effectuée par les services du ministère de la justice et qu’il existe une solidarité politique entre le premier ministre et les membres de son gouvernement.