Archive pour le Tag 'Dépendance'

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Russie: Un échec économique et une dépendance du pétrole

Russie: Un échec économique et une dépendance du pétrole

 

Si le système financier de la Russie n’est pas en déshérence, le modèle économique du pays demeure trop dépendant des recettes provenant du pétrole ou du gaz, estime le professeur d’économie Julien Vercueil, dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

 L’économie de la Russie commence à ressentir les effets de l’aventurisme militaire du maître du Kremlin. Le 28 février 2022, la Banque centrale de Russie a élevé son taux directeur à 20 %, le rouble a décroché de 30 % tandis que les autorités financières renonçaient à rouvrir le MOEX, principale place financière de Moscou, le temps de prendre les mesures d’atténuation qui pouvaient encore l’être. Depuis le jeudi 24 février, jour de l’invasion de l’Ukraine, les particuliers font la queue devant les distributeurs automatiques et les bureaux de change pour récupérer une partie de leurs avoirs, dans une atmosphère d’incertitude déjà connue à plusieurs reprises depuis la dissolution de l’Union soviétique.

Cette fois, ce n’est pas la chute des cours du pétrole qui est en cause : ils sont au plus haut. C’est la principale différence avec les crises financières de 1998, 2008-2009 ou 2014-2015 qui ont secoué le pays sur fond de chute des cours. Le problème vient aujourd’hui du secteur financier, dont on se demande s’il sera capable de tenir le choc des sanctions occidentales : déconnexion partielle du système Swift [un dispositif de messagerie électronique sécurisée qui permet les transactions bancaires entre les pays], accès interdit aux refinancements en dollars et en euros pour plusieurs acteurs bancaires majeurs et surtout restriction drastique des possibilités pour la Banque centrale de Russie de mobiliser ses réserves en devises, qui atteignent plus de 630 milliards de dollars.

Le système financier russe est atypique. Il s’est construit à la va-vite dans les années 1990 et reste aujourd’hui dominé par les banques, dont les principales sont publiques. Les marchés financiers sont étroits – le président Dmitri Medvedev [président de la Fédération de 2008 à 2012, puis du gouvernement de 2012 à 2020] rêvait de faire de Moscou une place financière majeure en Europe mais il n’y est pas parvenu – et dépendent fortement des valeurs énergétiques et bancaires. Quelques grandes banques privées (Alfa-Bank, Rosbank, filiale de la Société générale) subsistent également, aux côtés de plusieurs centaines de petites entités ayant pour principale activité d’assurer les flux de liquidités pour les entreprises dont elles dépendent. La Banque centrale de Russie et la VEB, une banque publique de « développement » qui investit dans les infrastructures et gère une partie des fonds souverains russes, complètent le paysage.

Economie France: Trop de dépendance extérieure

Economie France: Trop de dépendance extérieure

 

Le retour à une production sur le territoire national rendrait possible une croissance sans contrainte extérieure, rappelle l’économiste Gérard Fonouni dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

L’activité économique semble repartie en France grâce à la relance économique et à l’intervention de l’Etat durant la crise sanitaire. Le produit intérieur brut (PIB), après – 8 % en 2020, a rebondi à 7 % en 2021 et pourrait se stabiliser à 3,2 % à la mi-2022, selon l’Insee, ce qui est un très bon signe pour notre économie. Le taux de marge des entreprises non financières s’est élevé à 34,2 % en 2021. Ce taux inédit et très encourageant pourrait être bénéfique pour la croissance économique et pour l’emploi, à condition qu’il s’accompagne d’une hausse généralisée des salaires.

La consommation des ménages reste dynamique sur cette même période. Ces divers facteurs laissent espérer une progression de l’investissement privé et une réduction du chômage pour 2022. Quant aux prix, leur augmentation fait craindre le retour de l’inflation. Le taux d’inflation pourrait dépasser le seuil de 3 % en 2022 et amoindrir la compétitivité de l’économie française. En effet, les comptes extérieurs ne se redressent pas ; bien au contraire, ils se dégradent. Le déficit de la balance commerciale a atteint 84,7 milliards d’euros en 2021. Les exportations ne parviennent toujours pas à couvrir les importations malgré toutes les aides sociales et fiscales accordées aux entreprises par les pouvoirs publics durant la crise du Covid-19.


Ce déficit commercial traduit la mauvaise performance de notre économie par rapport à la concurrence étrangère. Il s’explique par la forte progression du coût des importations inhérente à la hausse du prix du pétrole et des matières premières. Il s’explique aussi par l’accroissement des importations des produits d’équipement, métallurgiques et manufacturés, lié à la reprise économique mondiale. Cette dégradation est paradoxale. Elle est à la fois une bonne nouvelle, traduisant une demande intérieure en hausse grâce à la consommation malgré un retour de l’inflation. Et une mauvaise nouvelle, soulignant, à l’intérieur du pays, la quasi-inexistence de l’industrie dans le secteur des biens d’équipement.

En effet, la théorie des avantages comparatifs, fondée sur la doctrine du libre-échange, a poussé l’économie française à se spécialiser dans les productions les plus rentables et à importer celles qui le sont moins. Ce choix stratégique industriel a rendu notre système économique fortement dépendant à l’égard de nombreux produits fabriqués à l’étranger, notamment en Chine, alors qu’il avait tout le potentiel pour les produire sur le territoire.

Dépendance et aides à domicile : Un manque de considération et de valorisation

Dépendance et aides à domicile : Un manque de considération et de valorisation

 

Le manque de reconnaissance envers les professionnels de l’accompagnement risque d’entraîner une grave fuite de personnel, alertent Luc Carvounas, président de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, et Marie-Reine Tillon, présidente de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles, dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

Les révélations parues dans le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), sont consternantes. Elles posent de nombreuses questions sur l’accompagnement de nos aînés, son financement, son organisation. De fait, si certains gestionnaires d’Ehpad privés commerciaux aux pratiques inadmissibles ont ainsi défrayé la chronique, ces révélations rappellent que l’autonomie de tous est une question de société et de citoyenneté. On ne saurait la cantonner à la seule dimension de l’hébergement. Pour mémoire, l’accompagnement de nos aînés se fait d’abord et surtout à domicile. Si ce dernier est organisé de manière bien différente qu’en établissement, il renvoie néanmoins à des enjeux transversaux tels que les besoins en personnels et la valorisation des métiers du prendre-soin. Or, de nombreuses marges de progrès demeurent.

Les différents plans gouvernementaux qui ont fait de l’accompagnement à domicile une ambition politique depuis près de vingt ans reposent ainsi sur l’implication de plus de 550 000 salariés, essentiellement des femmes. Or, toutes ne sont pas logées à la même enseigne. Des différences de statuts subsistent entre les aides à domicile, selon qu’elles travaillent pour les secteurs associatif, privé ou public. A métier et compétences égales, les professionnels du secteur public sont aujourd’hui pénalisés de manière injuste et flagrante.

Le maintien à domicile est plébiscité et vanté pour ses atouts, et ce sans avoir besoin des comparaisons avec les pratiques scandaleuses de l’hébergement en établissement. Il concourt à la mise en œuvre d’une politique plus inclusive pour les personnes en situation de handicap. Certes coûteux en matière de politiques publiques (crédit d’impôt, exonération de charges sociales), il génère également des recettes fiscales et de l’activité économique non délocalisable.

Les perspectives démographiques rendent nécessaires des investissements en matière d’adaptation des logements, d’aides à la mobilité, de services mais aussi de formation d’intervenants en nombre suffisant. Pour rappel, le rapport Libault de 2019 estime les besoins du secteur à plus de 150 000 emplois en équivalents temps plein du fait du seul vieillissement de la population d’ici à 2030.

Les élus locaux sont bien placés pour prendre la mesure de ces constats. Ils le sont au titre de leur mission de prévention, de réponse aux besoins d’équipements et de services de proximité, et ce en coordination avec leurs partenaires associatifs. Ils le sont plus encore au regard de leur rôle de maintien du lien social entre et envers leurs habitants, et parmi eux les plus âgés.

Age et dépendance : quelle politique ?

Age et dépendance : quelle politique ?

 

L’affaire des Ehpad du groupe Orpea est devenue une affaire politique, il n’est pas trop tard pour que le grand âge devienne un thème de la campagne présidentielle estime un papier du Monde.

 

 

 

La publication de l’enquête Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), dans laquelle le journaliste Victor Castanet dénonce d’importants dysfonctionnements dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea a provoqué un vif émoi. A raison. Les accusations sont graves et les faits rapportés particulièrement sordides.

Le livre décrit un système implacable dans lequel les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents seraient « rationnés » pour gonfler la rentabilité d’Orpea, une entreprise leader de son secteur et cotée à la Bourse de Paris. Les manquements révélés par le journaliste se limitent-ils à un « souci d’organisation », comme l’avance la direction, ou bien font-ils partie intégrante d’un modèle économique dévoyé au détriment du bien-être, de la santé, voire de la vie des résidents, comme le livre le donne à penser ? Il est encore trop tôt pour trancher.

A ce stade, il faut se méfier des généralités : beaucoup d’Ehpad, malgré des moyens insuffisants, continuent de remplir une mission difficile mais indispensable à la société. Reste que le nombre de familles qui ont été ou qui sont confrontées au sujet de la maltraitance en maison de retraite doit nous alerter sur les dysfonctionnements du système.

L’un d’eux concerne le rôle joué par le secteur privé. Faute de financements publics suffisants, l’activité a dû s’ouvrir à un certain nombre d’entreprises. Elles ont certes permis de développer des capacités d’accueil pour accompagner le vieillissement de la population, mais beaucoup d’investissements ont été réalisés dans une logique purement financière. Aujourd’hui en pleine expansion, le secteur privé lucratif propose en moyenne des tarifs plus élevés de 40 % que le public, avec 10 % à 15 % de personnel en moins. Or il est évident que le bien-être des résidents est proportionnel à la densité de l’encadrement.

Ensuite, chaque établissement, quel que soit son statut, touche le même montant de financement public par les agences régionales de santé (ARS) et les départements, l’hébergement étant à la charge des résidents. C’est sur ce poste que le secteur privé assure sa rentabilité, sans proposer pour autant de meilleures prestations. Le modèle économique reste focalisé sur l’immobilier, moins sur les besoins des personnes âgées. Les financements publics ont théoriquement une contrepartie : le contrôle régulier des établissements par les ARS. Dans la pratique, selon le livre, ces contrôles sont trop laxistes et aléatoires pour empêcher les abus.

Depuis des années, la dépendance attend sa loi de financement. Malgré quelques avancées comme des revalorisations salariales, des créations de postes et de nouveaux investissements, le pouvoir actuel n’a pas dérogé à cette procrastination sur le plan législatif. Pourtant, les projections démographiques montrent que le besoin d’ouverture de places en Ehpad va s’accélérer.

Deux choix sont possibles. Soit une prise en charge collective qui permettra d’alléger le fardeau financier pour les familles tout en garantissant de meilleures prestations – la limite politique de cette solution est qu’elle implique une augmentation des prélèvements sociaux –, soit continuer à déléguer la mission à un secteur privé lucratif, plus cher que le public mais incapable de garantir de meilleures prestations, le tout financé en grande partie par des fonds publics qui restent mal contrôlés. Il n’est pas trop tard pour que la question du grand âge s’invite dans la campagne présidentielle.

Dépendance-Aides et soins à domicile: insuffisants (Cour des comptes)

Dépendance-Aides et soins  à domicile: insuffisants  (Cour des comptes)

 

Selon l’état des pathologies, les personnes âgées peuvent avoir le choix entre le maintien à domicile ou les EHPAD. Le coût du maintien à domicile est moitié moins que celui dans un EHPAD. Le problème est que l’offre d’aide et de soins est notoirement insuffisant.

« Le virage domiciliaire » souvent annoncé par les pouvoirs publics reste « peu abouti », a constaté la Cour des comptes dans un rapport sur les soins à domicile publié lundi.

Depuis 2005, de grands plans nationaux ont « sensiblement » augmenté l’offre de soins permettant le maintien à domicile des personnes âgées mais elle reste faible.

Il existe 2125 structures de soins à domicile en France, pouvant s’occuper de 126.600 personnes. Cela représente 20 places pour 1000 personnes âgées de 75 ans et plus, contre 102 places en Ehpad, selon la Cour des comptes.

Cette offre de places devra s’adapter pour « répondre au choc démographique lié au vieillissement de la population », tout en tenant compte des coûts publics respectifs des différentes modalités de soins, a relevé l’institution de la rue Cambon.

En conservant les pratiques actuelles, environ 108.000 places supplémentaires en Ehpad seront nécessaires à horizon 2030, selon une estimation de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Il faudrait créer en parallèle environ 25.000 places en services de soins infirmiers à domicile, a estimé la Cour des comptes. Le vieillissement de la population entraînera également un fort accroissement des besoins en personnels pour les services de soins à domicile et les services d’aides à domicile. Il faudrait recruter environ 82.000 équivalents temps plein d’ici à 2030, alors que ces métiers souffrent d’un « manque d’attractivité » lié à la « pénibilité au travail », pointe la Cour des comptes.

Par ailleurs, le choc démographique ne sera « pas homogène » sur l’ensemble du territoire, ce qui plaide pour « une programmation et une régulation fines, au moins au niveau des départements », selon l’institution. Elle recommande de développer des outils pour mieux connaître les besoins et les coûts liés aux soins.

Société : une trop grande dépendance à l’économie ?

Société : une trop grande dépendance à l’économie ?

« En donnant la priorité à l’économie, nous nous mettons dans des situations dangereuses » (David Wengrow)

 

 

L’anthropologue David Graeber (1961-2020) et l’archéologue David Wengrow publient « Au commencement était… » (éd. Les Liens qui libèrent) , une « nouvelle histoire de l’humanité » qui remet en cause nombre de certitudes sur les origines des sociétés humaines et leurs inégalités sociales.  ( dans la Tribune)

 La rationalité scientifique, les droits de l’homme et la démocratie. Vous considérez que cette conception est sujette à caution. Pourtant, les données sur la baisse de la violence, l’amélioration de la vie dans les sociétés occidentales peuvent être constatées. Que reprochez-vous à Steven Pinker?

DAVID WENGROW - Steven Pinker dans « Le Triomphe des Lumières » et « La part d’ange en nous » avance l’argument que, avant les Lumières, il n’y avait que deux options pour une société humaine : vivre dans un État non démocratique et hautement inégalitaire mais où le recours à la violence était monopolisé plus ou moins efficacement par le gouvernement ; ou bien vivre au sein de ce qu’il appelle les sociétés tribales où la violence règne partout, son principal exemple étant celui des Yanomami, un peuple vivant dans la forêt amazonienne au Brésil, à la frontière du Venezuela. Ce sont les alternatives à travers lesquelles il nous demande de voir toute l’histoire humaine. Le message que je retiens du livre de Pinker, c’est que la violence de l’État, particulièrement celle, expansionniste, des États européens au cours des derniers siècles, est différente de celle des anciens empires et des anciens royaumes parce que, bien qu’elle était destructrice pour les non-Européens, elle les exposait également à ce qu’il considère comme l’unique réussite européenne des Lumières à savoir la démocratie et l’ordre rationnel dans des sociétés de grande taille.

Dans notre livre, nous soutenons que c’est une thèse erronée. Nous montrons, à partir de plusieurs exemples, que ce que Pinker appelle la condition tribale n’a jamais caractérisé la majorité des sociétés humaines non contrôlées par l’Etat. Ces sociétés ont vécu sous de nombreuses autres formes, certaines très violentes, d’autres qui ne l’étaient pas. Et nombre d’entre elles avaient des organisations politiques très élaborées.

En ce qui concerne la démocratie, nous montrons également que loin d’être une création spécifique aux Lumières européennes, elle a existé sous diverses formes dans les Amériques précolombiennes et dans l’Afrique subsaharienne. En fait, dans la plus grande partie du monde, la prise de décision n’a pas pris la forme d’un pouvoir autoritaire ou d’élections concurrentielles.

Si l’on compare les sociétés de l’Europe à l’aube des Lumières aux plus grandes sociétés des Amériques, ces dernières étaient en avance non seulement en matière de valeurs et de culture politique, mais également en termes de conditions matérielles comme l’hygiène, l’urbanisme et le rapport à l’environnement. En fait, les thèses de Pinker résument la compréhension de l’histoire que nous souhaitons questionner en tant qu’archéologue et anthropologue. Il n’est pas le seul à avancer ces opinions mais il a le mérite de les exposer de façon très claire, raison pour laquelle nous nous concentrons sur ses livres.

Vous évoquez le cas de Jean-Jacques Rousseau, qui lui-même était à la fois un défenseur des Lumières, mais aussi un de leurs plus sévères critiques, notamment dans son « Discours sur l’origine de l’inégalité entre les hommes ». Comment analysez-vous son positionnement?

Rousseau est une figure paradoxale. Selon l’époque, il est considéré soit comme le champion des libertés, soit comme quelqu’un de naïf, de rêveur, responsable des principaux épisodes tragiques de la terreur révolutionnaire. Mais ce n’est pas la question centrale de notre thèse. A nos yeux, l’importance de Rousseau réside dans la reprise de ses idées par des auteurs contemporains qui ont écrit des livres d’histoire extrêmement ambitieux reprenant le cadre de son second discours pour présenter des preuves modernes liées à l’histoire humaine et à l’histoire antique.

Or ces auteurs sélectionnent les passages qui les arrangent. Adopter aujourd’hui l’argumentation de Rousseau qui prétend qu’avant l’invention de l’agriculture humaine, les sociétés humaines étaient essentiellement pacifiques et égalitaires, c’est ignorer une nombre important de preuves qui réfutent cela. Mais c’est aussi le cas dans l’autre sens. Dire comme Steven Pinker – qui lui se réfère à Thomas Hobbes – que les sociétés humaines étaient originellement violentes et concurrentielles, c’est aussi ignorer les données qui contredisent cette vision. Ces simplifications de l’histoire humaine ne sont pas corroborées

L’Europe malade de la dépendance économique chinoise

Par Jonathan Holslag, spécialiste des relations internationales, dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

Décembre 1858 : le journal satirique Le Charivari publie la caricature d’un gros bourgeois chinois avalant de l’opium servi par un marchand européen. L’empire du Milieu se trouve alors littéralement à genoux, dépendant de l’opium importé de l’Ouest. Pourtant, des réformateurs chinois avaient averti de cette dangereuse dépendance. « Si l’agression militaire peut ruiner un peuple, suggérait l’entrepreneur Zheng Guanying (1842-1922), il est clair que l’agression commerciale peut ruiner un peuple invisiblement. »

2021 : le vent aurait-il tourné ? L’Europe serait-elle à son tour tombée dans le piège de la décadence et de la dépendance auxquelles la Chine a échappé par son ambitieuse politique d’industrialisation ? L’Europe sera-t-elle capable de résister à l’offensive commerciale de Pékin, qui sera inévitablement suivie par la croissance de son influence politique et militaire ? Le problème de l’Europe n’est même pas qu’elle ne voit pas le péril, mais qu’elle ne sait plus comment réagir.

 

Certes, l’Europe et la France ont empêché le géant des télécoms Huawei de se nicher dans leurs réseaux 5G. Une loi française de 2020 a exclu l’entreprise des parties vitales du réseau et des grandes villes. Mais cela n’a pas stoppé la « route de la soie numérique ». Orange, par exemple, a affirmé son intention de poursuivre sa coopération avec Huawei pour maximiser sa marge de manœuvre dans les autres Etats membres et pénétrer le marché africain. L’opérateur français s’est associé avec une autre entreprise chinoise pour tirer un câble sous-marin du Pakistan à Marseille…

La limitation des activités de Huawei n’est qu’une bataille dans la vaste guerre de pouvoir économique et, plus largement, de domination mondiale. L’Europe tend à se focaliser sur des batailles limitées et à ne prendre que des mesures limitées, alors que la stratégie chinoise est de long terme et globale. Sur le contrôle des investissements stratégiques, la réponse européenne paraît forte, mais sa mise en œuvre dépend de chaque Etat membre, qui manquent souvent de moyens et de volonté. De plus, l’approche chinoise devient plus inventive, utilisant les fonds d’entreprises intermédiaires ou se limitant à des participations minoritaires.

L’Europe se fie à ses mesures de défense commerciale, comme les procédures antidumping, alors même qu’elles sont rarement utilisées et que la Chine recourt beaucoup à d’autres moyens pour promouvoir ses exportations, comme les crédits à l’export, la manipulation de sa monnaie, sa politique industrielle et la protection de son vaste marché pour renforcer sa place centrale dans les chaînes de production. Pour l’Europe, le commerce reste une matière technocratique ; pour la Chine, c’est une question stratégique.

Dépendance: Une enveloppe de 400 millions…. sans financement

 Dépendance: Une enveloppe de 400 millions…. sans financement

D’après le premier ministre lui-même, le coût du plan dépendance coût devrait dépasser les 400 millions d’euros en 2022.Rien de précis n’est prévu pour son financement qui se fera essentiellement par la dette. Chacun ne peut que se réjouir de cette orientation met une nouvelle fois encore une orientation budgétaire qui ne repose pas sur des ressources.

« Notre premier objectif, c’est de permettre le maintien à domicile le plus longtemps possible », a assuré Jean Castex, soulignant que cette stratégie était « deux fois gagnante, pour les personnes comme pour nos finances publiques ».  Le Premier ministre a ainsi promis une augmentation pour les professionnels de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD), en instaurant un tarif plancher de 22 euros pour une heure d’intervention d’aide à domicile, pour les personnées âgées comme pour celles en situation de handicap.

. Parmi ces annonces, le Premier ministré a déclaré vouloir recruter 10 000 soignants dans les Ehpad « d’ici cinq ans ». D’ici 2023, le gouvernement veut également soutenir les astreintes de nuit dans ces établissements.

Ces mesures devraient représenter un « effort global de plus de 400 millions d’euros » en faveur de l’aide aux personnes âgées en perte d’autonomie, à domicile ou en établissements, a résumé Jean Castex. Le budget alloué à ces services devrait toutefois « monter progressivement en charge » pour atteindre « 1,3 milliard d’euros en 2025″ a assuré le Premier ministre.

Le Liban est sous dépendance du Hezbollah

Le Liban est sous dépendance du  Hezbollah

Pour le politologue franco-libanais, Antoine Basbous, c’est le parti islamiste Hezbollag qui, dans les faits, a pris le pouvoir. Il alerte mercredi au micro d’ »Europe Soir » sur la situation du pays. 

INTERVIEWUn an jour pour jour après les explosions qui ont tué plus de 200 personnes à Beyrouth, le Liban traverse l’une des plus grandes crises politique et économique de son histoire. Mercredi, une visioconférence internationale, co-présidée par Emmanuel Macron, a été organisée pour apporter une réponse humanitaire à ce que traverse le pays. Mais pour le politologue fanco-libanais, Antoine Basbous, cela n’est pas suffisant. Ce spécialiste du monde arabe et de l’islam était l’invité d’Europe 1 mercredi soir.

 Emmanuel Macron a annoncé mercredi une aide de 100 millions d’euros au Liban pour aider le pays à sortir de la crise économique et politique dans laquelle il est embourbé. Mais selon le politologue libanais Antoine Basbous, « le problème est ailleurs ». « Ce pays est colonisé par l’Iran à travers le Hezbollah. Le parti politique a sélectionné des dirigeants qui sont des télégraphistes chez lui pour diluer et déliter l’identité libanaise, et la remplacer », avance ce spécialiste du monde arabe et de l’islam.

Depuis la catastrophe, il y a un an, il n’y a plus de gouvernement au Liban. Et pour le politologue, cela profite au parti religieux islamiste, le Hezbollah. De la présidence de la République à l’Assemblée, en passant par le chef du gouvernement, « tous les pouvoirs » sont contrôlés aujourd’hui par le Hezbollah, s’alarme Antoine Basbous. Pourtant, depuis le « Pacte national » de 1943, le Liban est organisé selon un système confessionnaliste : les chrétiens maronites, musulmans chiites et sunnites doivent se partager les plus hauts postes de l’Etat.

Pour « sauver » le Liban, Antoine Basbous ne voit qu’une seule solution : « un mandat international pour le soustraire à cette tutelle iranienne ». Le Hezbollah est également responsable, selon lui, de l’explosion du port de Beyrouth, un an auparavant. « Ces 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium, qui les a acheminés ? Qui les a protégés ? Qui a permis à Assad de venir prélever ces barils d’explosifs et de les balancer sur sa population ? C’est le Hezbollah. Et qui empêche aujourd’hui l’enquête de progresser ? C’est évidemment le Hezbollah », clame le politologue.

Société-Espionnage et Pégasus: le risque de la dépendance technologique

Société-Espionnage et Pégasus: le risque de la dépendance  technologique

 

Pour Alain Bauer , criminologue,« Cette affaire indique un processus de rupture structurelle dans la maîtrise des technologies de l’interception et dans le contrôle des exportations de ces technologies » (extrait ,dans l’Opinion)

 

Les informations fournies par le journalisme de révélation concernant le logiciel Pegasus du Groupe NSO ont provoqué de nombreuses réactions indignées, souvent à juste titre, parfois relevant d’un registre que Pandore avait dû oublier dans un recoin de son bagage, l’hypocrisie.

Depuis l’ouverture des lettres à la vapeur par les ancêtres des renseignements généraux dans les wagons postaux des chemins de fer et l’utilisation des « écouteurs » installés près des demoiselles du téléphone, tout ce qui s’imprime se copie et tout ce qui se communique s’écoute. Etats d’abord, au nom de leur souveraineté nationale, gouvernements ensuite au nom de leur durabilité politique, très grandes entreprises enfin au nom de leurs enjeux économiques… Les opérations d’interception et de renseignement sont aussi vieilles que l’humanité.

Sous-traitance. Pour autant, l’affaire Pegasus indique un processus de rupture structurelle dans la maîtrise des technologies de l’interception et dans le contrôle des exportations de ces technologies. Depuis les révélations Snowden (lui-même consultant privé pour la NSA), on a pu constater l’importance de la sous-traitance des opérations de sécurité à des opérateurs plus ou moins privés. Il en est ainsi depuis toujours avec les armées privées, les mercenaires d’antan étant avantageusement remplacés par des forces supplétives comme Executive Outcome du temps de l’ancienne Afrique du Sud ou KMS pour le Royaume-Uni, plus récemment Blackwater (devenu Academi) pour les États-Unis, Wagner pour la Russie, HXZXA pour la Chine, Amarante pour la France.

Ce qui semble avoir bouleversé les anciens équilibres, c’est l’apparition d’opérateurs technologiques de pointe, souvent issus des services publics de renseignement, commercialisant des outils intrusifs à la hauteur des enjeux sécuritaires d’une époque marquée par le terrorisme et le retour des tensions internationales. Palantir en fut et en reste l’expression la plus visible, en termes d’exploitation et d’analyse du renseignement. Mais d’autres opérateurs se sont développés dans le secteur hautement intrusif de l’interception non judiciaire, bien mieux maîtrisée par les pouvoirs publics.

«  Les logiciels NSO, nés dans les boutiques de l’unité 8200 de l’armée israélienne, sont loin d’être les seuls disponibles sur les marches commerciaux  »

Les logiciels NSO, nés dans les boutiques de l’unité 8200 de l’armée israélienne, sont loin d’être les seuls disponibles sur les marches commerciaux : HackingTeam, GammaGroup, Ability, Verint, Intellexa et des dizaines d’autres sont positionnés sur ces marchés plus ou moins contrôlés par les Etats. Ils en profitent pour assurer une offre technologique mondiale qui sert aussi leurs intérêts souverains, de près comme de loin.

Il conviendrait donc désormais, outre le renforcement des outils de contrôle que sont la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou la Délégation parlementaire au renseignement (DPR) pour les utilisations nationales, que toute exportation de logiciels de surveillance fasse l’objet d’une information préalable des outils réglementaires et parlementaires mis en place depuis la loi Renseignement imposée par le président Sarkozy sur une idée initialement développée par Michel Rocard.

De plus, afin d’éviter un affaiblissement de souveraineté et afin de ne pas se trouver en dépendance technologique, il conviendrait que l’Etat intervienne rapidement afin de ne pas laisser à des opérateurs étrangers le contrôle d’entreprises françaises affaiblies par des mesures judiciaires en cours visant des exportations de technologies pourtant autorisées vers des pays dont la conception des droits humains semble plus que discutable.

Les questions de renseignement méritent plus que des imprécations, des incantations et des lamentations. La justice doit faire son travail en établissant les responsabilités réelles des opérations menées. Le gouvernement doit faire le sien en sécurisant ses réseaux de communication (cryptage obligatoire, numéro virtuel…) et surtout en mettant à l’abri les développeurs nationaux qui seront les garants de la souveraineté numérique.

Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Shanghai. Il publiera prochainement un  «  Dictionnaire des espionnes et des espions  » (Gründ).

Espionnage-Pégasus: le risque de la dépendance technologique

Espionnage-Pégasus: le risque de la dépendance  technologique

 

Pour Alain Bauer , criminologue,« Cette affaire indique un processus de rupture structurelle dans la maîtrise des technologies de l’interception et dans le contrôle des exportations de ces technologies » (extrait ,dans l’Opinion)

 

Les informations fournies par le journalisme de révélation concernant le logiciel Pegasus du Groupe NSO ont provoqué de nombreuses réactions indignées, souvent à juste titre, parfois relevant d’un registre que Pandore avait dû oublier dans un recoin de son bagage, l’hypocrisie.

Depuis l’ouverture des lettres à la vapeur par les ancêtres des renseignements généraux dans les wagons postaux des chemins de fer et l’utilisation des « écouteurs » installés près des demoiselles du téléphone, tout ce qui s’imprime se copie et tout ce qui se communique s’écoute. Etats d’abord, au nom de leur souveraineté nationale, gouvernements ensuite au nom de leur durabilité politique, très grandes entreprises enfin au nom de leurs enjeux économiques… Les opérations d’interception et de renseignement sont aussi vieilles que l’humanité.

Sous-traitance. Pour autant, l’affaire Pegasus indique un processus de rupture structurelle dans la maîtrise des technologies de l’interception et dans le contrôle des exportations de ces technologies. Depuis les révélations Snowden (lui-même consultant privé pour la NSA), on a pu constater l’importance de la sous-traitance des opérations de sécurité à des opérateurs plus ou moins privés. Il en est ainsi depuis toujours avec les armées privées, les mercenaires d’antan étant avantageusement remplacés par des forces supplétives comme Executive Outcome du temps de l’ancienne Afrique du Sud ou KMS pour le Royaume-Uni, plus récemment Blackwater (devenu Academi) pour les États-Unis, Wagner pour la Russie, HXZXA pour la Chine, Amarante pour la France.

Ce qui semble avoir bouleversé les anciens équilibres, c’est l’apparition d’opérateurs technologiques de pointe, souvent issus des services publics de renseignement, commercialisant des outils intrusifs à la hauteur des enjeux sécuritaires d’une époque marquée par le terrorisme et le retour des tensions internationales. Palantir en fut et en reste l’expression la plus visible, en termes d’exploitation et d’analyse du renseignement. Mais d’autres opérateurs se sont développés dans le secteur hautement intrusif de l’interception non judiciaire, bien mieux maîtrisée par les pouvoirs publics.

«  Les logiciels NSO, nés dans les boutiques de l’unité 8200 de l’armée israélienne, sont loin d’être les seuls disponibles sur les marches commerciaux  »

Les logiciels NSO, nés dans les boutiques de l’unité 8200 de l’armée israélienne, sont loin d’être les seuls disponibles sur les marches commerciaux : HackingTeam, GammaGroup, Ability, Verint, Intellexa et des dizaines d’autres sont positionnés sur ces marchés plus ou moins contrôlés par les Etats. Ils en profitent pour assurer une offre technologique mondiale qui sert aussi leurs intérêts souverains, de près comme de loin.

Il conviendrait donc désormais, outre le renforcement des outils de contrôle que sont la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou la Délégation parlementaire au renseignement (DPR) pour les utilisations nationales, que toute exportation de logiciels de surveillance fasse l’objet d’une information préalable des outils réglementaires et parlementaires mis en place depuis la loi Renseignement imposée par le président Sarkozy sur une idée initialement développée par Michel Rocard.

Lamentations. De plus, afin d’éviter un affaiblissement de souveraineté et afin de ne pas se trouver en dépendance technologique, il conviendrait que l’Etat intervienne rapidement afin de ne pas laisser à des opérateurs étrangers le contrôle d’entreprises françaises affaiblies par des mesures judiciaires en cours visant des exportations de technologies pourtant autorisées vers des pays dont la conception des droits humains semble plus que discutable.

Les questions de renseignement méritent plus que des imprécations, des incantations et des lamentations. La justice doit faire son travail en établissant les responsabilités réelles des opérations menées. Le gouvernement doit faire le sien en sécurisant ses réseaux de communication (cryptage obligatoire, numéro virtuel…) et surtout en mettant à l’abri les développeurs nationaux qui seront les garants de la souveraineté numérique.

Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Shanghai. Il publiera prochainement un  «  Dictionnaire des espionnes et des espions  » (Gründ).

Dépendance : Un financement partiel par l’assurance

Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance, propose dans une tribune au « Monde » la création d’un « nouveau contrat de complémentaire santé responsable » qui pourrait ne coûter que quelques euros de plus par mois.

 

Tribune.

The Father, film de Florian Zeller, tout juste sorti en salle, aborde un sujet ambitieux : décrire, de l’intérieur, le déclin cognitif d’un vieil homme et faire ressentir aux spectateurs son angoisse devant la perte de contrôle. Pari réussi, le film a déjà remporté deux Oscars et les hommages unanimes de la critique. Au-delà du talent de l’équipe de réalisation, ce succès s’explique par le fait qu’il traite d’une réalité qui touche intimement toutes les familles : le grand âge et la dépendance.

En France, les personnes en perte d’autonomie seront 20 000 de plus chaque année d’ici à 2030, et 40 000 au-delà. Aujourd’hui, au moins un Français de plus de 45 ans sur dix accompagne déjà un proche dans cette situation. Pour autant, l’organisation de la prise en charge des personnes âgées dépendantes reste insuffisante.


Le gouvernement a certes envoyé un signal en créant une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à la perte d’autonomie. La ministre déléguée en charge de l’autonomie [Brigitte Bourguignon] a récemment réaffirmé sa volonté de mettre une réforme sur les rails dès cette année. Mais personne ne sait encore comment ce futur modèle sera piloté… et surtout financé. Une chose est sûre : nous sommes tous concernés par le défi de la transition démographique.

 

Le manque de réponses satisfaisantes aux besoins engendrés par la perte d’autonomie suscite une grande frustration chez nos compatriotes. Selon une étude Louis Harris (2018), 85 % des Français estiment que les pouvoirs publics ne prennent pas assez en considération cette question majeure de société. Maintien à domicile ou accès à un établissement spécialisé, les deux options restent toujours difficiles à assumer financièrement pour la plupart des familles.

 

L’enjeu est tel qu’il appelle aujourd’hui la mobilisation de tous. Les assureurs, qui disposent d’une solide expérience en la matière, doivent naturellement faire partie de la solution.

Le meilleur moyen d’offrir un service de qualité au moindre au coût reste de mutualiser au maximum le risque, car plus nombreuses sont les personnes couvertes, plus faible est le coût de la garantie. C’est la raison pour laquelle les assureurs proposent une réponse concrète pour relever le défi du financement de la perte d’autonomie. Un dispositif qui, grâce à une large mutualisation et une approche intergénérationnelle, permettrait une prise en charge immédiate des personnes entrant en dépendance, sans période de carence, et qui intégrerait à la fois le versement d’une rente et une palette de services à domicile.

Le financement de la dépendance

 

 

 

Françoise Forette, médecin, conseillère scientifique de l’International Longevity Center, plaide, dans une tribune au « Monde », pour la mise en place d’une cotisation dépendance obligatoire et universelle, d’un faible montant.

 

Tribune. L’annonce d’une cinquième branche autonomie de la Sécurité sociale est porteuse d’espoir, mais l’absence de financement substantiel et pérenne en fait une coquille vide. Aucune solution proposée n’est satisfaisante. L’augmentation de la CSG, couteau suisse de l’Etat, est toujours la première évoquée ; mais, impopulaire, elle n’identifie ni ne sanctuarise les fonds recueillis. Les autres sources (liquidation de patrimoine, viager classique ou amélioré…), déjà largement utilisées par les personnes âgées, sont insuffisantes pour couvrir les besoins. Les assurances privées proposent des solutions acceptables, mais non obligatoires et souscrites trop tard, elles offrent des prestations trop modestes en regard de cotisations élevées difficilement supportables. En outre, les exigences réglementaires de solvabilité face à ce « risque spécifique » et la rareté des données publiques poussent à une sélection médicale de patients moins atteints, en contradiction avec une mutualisation de l’aide à la dépendance. En revanche, leurs capacités d’innovation et leur expérience de la protection sociale complémentaire permettraient aux assurances privées de proposer une assurance et des services complémentaires.

 

Un socle public est donc indispensable pour donner à tous les moyens d’une vie digne et sereine malgré les injustices de l’âge qui frappent aveuglément certains d’entre nous. Seulement 8 % de la population de plus de 60 ans est dépendante (soit 2,6 % de la population en âge et position de cotiser). Ce profil démographique se prête bien à l’instauration de la cotisation indispensable à une nouvelle branche de la sécurité sociale : le rapport de 100 % de cotisants pour 2,6 % de bénéficiaires rend le système extraordinairement performant pour des cotisations minimes ; ce n’est en rien comparable avec les cotisations élevées de l’Assurance-maladie ou la retraite, dont bénéficient 100 % des cotisants.

Bénéfique pour les jeunes

L’International Longevity Centre France (ILC), association de recherche sur les politiques publiques face au vieillissement, a développé un modèle étayé par des économistes et des actuaires. Il s’agit d’une cotisation obligatoire, universelle, payée par tous, comparable aux cotisations maladie ou retraite. Plusieurs éléments la différencient de ces dernières : son faible montant (30 euros par mois, à moduler selon les revenus), l’absence de cotisation patronale pour ne pas peser sur l’emploi, et son caractère libératoire permettant à la personne d’accéder librement à toutes les innovations en matière d’habitat, de transports, de qualité de vie, de choix individuel dans l’offre publique ou privée – l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA) établit un plan d’aide certes utile, mais ne couvre pas les besoins souvent divers des personnes et de leurs aidants.

Dépendance: Quelles solutions ?

Dépendance:  Quelles solutions? 

« A l’heure où l’on ne peut plus étendre de manière infinie nos recettes fiscales ou notre dette pour répondre aux défis de la solidarité, il faut bien imaginer des solutions nouvelles »(Tribune des députés agir ensemble dans le Monde)

Le 8 juin 2020, quelques semaines après la fondation d’« Agir ensemble », notre groupe portait un amendement qui allait donner naissance à la cinquième branche de la Sécurité sociale : celle de la dépendance. Pour la première fois depuis 1945, un nouveau risque était reconnu et devait être couvert pour protéger les Français.

Cette évolution devenait indispensable du fait de l’apparition de nouvelles maladies aux plus grands âges de la vie, mais surtout de l’évolution démographique. Avec l’arrivée progressive de la génération du baby-boom à l’âge de la dépendance, le nombre de seniors concernés va quasiment doubler dans les quinze prochaines années. Ce choc concerna directement plus de deux millions de personnes et impactera surtout leurs familles d’un point de vue humain, matériel et financier.

Si l’on veut éviter une catastrophe sanitaire où bon nombre de personnes âgées dépendantes risquent de périr à domicile dans la solitude et l’insalubrité, il faut agir. Maintenant. Il faut d’abord changer de modèle. Plutôt que de construire de nouveaux Ehpad qui ne serviraient que pour une génération, il nous semble préférable de maintenir les seniors le plus longtemps possible à domicile.

Filière. C’est toute une filière économique et sanitaire à développer. Certes, des dispositifs existent déjà : portage des repas, soins infirmiers et paramédicaux, aides ménagères, adaptation du domicile etc. Ils sont souvent assez performants. Mais ils ne sont pas tous adaptés aux grandes pathologies, ni en lien avec la médecine de ville ou les plateaux techniques des centres hospitaliers. Au-delà de la nécessité de combler les « trous dans la raquette », il sera surtout impératif de définir des guichets uniques capables de mettre au point l’ensemble du dispositif en évitant aux familles de réaliser un parcours du combattant. Enfin, il faudra définir, une fois le système personnalisé mis en place, une autorité capable de le gérer et de le coordonner au quotidien.

« Pourquoi ne pas solliciter les jeunes retraités, sur la base bien entendu du volontariat, afin de devenir bénévoles pour l’encadrement des enfants en périscolaire à midi et après la classe ? »

Une fois cette étape franchie, il faudra en assurer le financement, c’est-à-dire « trouver » au minimum dix milliards d’euros. Et c’est là que tous les gouvernements depuis quinze ans ont échoué. En effet, il ne semble pas possible de financer cette cinquième branche comme les autres, sur la base de cotisations assises sur les salaires, tant nous cherchons au contraire à baisser ces charges pour restaurer la compétitivité du travail en France. Impossible également, sur le plan moral, de financer cette dépense annuelle de fonctionnement par une dette supplémentaire laissée à nos enfants. Enfin, difficile d’augmenter les impôts de dix milliards dans un contexte où la conjoncture est plus que fragilisée par la crise de la Covid.

Faut-il en conclure que ce financement est impossible ? Nous ne le pensons pas. Encore faut-il s’autoriser à raisonner hors des cadres classiques, à inventer, à innover. C’est ce que le groupe « Agir ensemble » propose aujourd’hui en suggérant d’explorer la troisième partie de notre devise républicaine : la fraternité.

Ainsi, pourquoi ne pas solliciter les jeunes retraités, sur la base bien entendu du volontariat, afin de devenir bénévoles pour l’encadrement des enfants en périscolaire à midi et après la classe ? Ces jeunes seniors en bonne santé se substitueraient ainsi, après une courte formation, à la plupart des animateurs salariés et assureraient l’encadrement et les activités des enfants en fonction de leurs disponibilités, un ou deux jours par semaine.

Un tel engagement aurait immédiatement trois effets : 1. Il créerait une véritable solidarité intergénérationnelle en entretenant des contacts entre les jeunes et les seniors bénévoles, qui retrouveraient ainsi un rôle social ; 2. Il rendrait le périscolaire quasi gratuit, dégageant un pouvoir d’achat supplémentaire de plusieurs centaines d’euros par an pour les familles ; 3. Il permettrait de transférer environ dix milliards d’euros que consacrent les collectivités locales et la CAF au financement du périscolaire vers le financement de la dépendance, et cela sans augmenter d’un euro les impôts et la dette. Les animateurs salariés du périscolaire se verraient alors proposer une réembauche pour s’occuper des seniors dépendants à domicile.

Au-delà se nouerait un véritable pacte intergénérationnel : les jeunes retraités donnant du temps libre pour garder les enfants des actifs et leur épargner des dépenses, bénéficieraient en retour de la prise en charge de la dépendance dans la dernière partie de leur vie et peut-être aussi, dans un réseau de solidarité de proximité, de la bienveillance de ces mêmes familles pour les aider en cas de besoin.

Nous avons conscience du caractère iconoclaste de cette proposition mais nous sommes convaincus, sur la base notamment d’exemples locaux d’engagements bénévoles, qu’elle peut marcher. A l’heure où l’on ne peut plus étendre de manière infinie nos recettes fiscales ou notre dette pour répondre aux défis de la solidarité, il faut bien imaginer des solutions nouvelles. Faire appel à la fraternité, au réengagement citoyen au service du collectif, à un véritable pacte intergénérationnel, n’est ni un rêve naïf ni un discours populiste, cela nous semble au contraire être la voie d’un projet de société qui peut nous unir autour de ce qui nous relie tous : l’Humain.

Olivier Becht (député du Haut-Rhin), Pierre-Yves Bournazel (député de Paris), Annie Chapelier (députée du Gard), Paul Christophe (député du Nord), M’jid El Guerrab (député des Français de l’étranger), Christophe Euzet (député de l’Hérault), Thomas Gassilloud (député du Rhône), Antoine Herth (député du Bas-Rhin), Dimitri Houbron (député du Nord), Philippe Huppé (député de l’Hérault), Loïc Kervran (député du Cher), Aina Kuric (députée de la Marne), Luc Lamirault (député d’Eure-et-Loir), Lise Magnier (députée de la Marne), Jean-Charles Larsonneur (député du Finistère), Patricia Lemoine (députée de Seine-et-Marne), Valérie Petit (députée du Nord), Benoît Potterie (député du Pas-de-Calais), Maina Sage (députée de Polynésie).

L’urgence de la loi dépendance

L’urgence de la loi dépendance

La crise sanitaire a mis en évidence les questions liées à la dépendance. Il faut donc repenser un « modèle à bout de souffle », estiment dans une tribune au « Monde » quatre sénateurs socialistes, parmi lesquels Patrick Kanner et Monique Lubin.

Tribune. Selon l’Insee, près de 4 millions de seniors seront en perte d’autonomie d’ici à 2050, il faudrait augmenter le nombre de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à hauteur de 50 %.

Alors que les conditions de vie et les difficultés rencontrées par les soignants travaillant en Ehpad ou à domicile ont été fortement dégradées et amplifiées par l’épidémie de Covid-19, le projet de loi « grand âge autonomie » tant attendu par les acteurs du secteur sera finalement repoussé à la fin de la crise sanitaire. Ce report est un signal très décourageant pour les professionnels du secteur et entre en contradiction avec les ambitions affichées par le gouvernement. En effet, la loi « grand âge et autonomie » voulue par le président de la République, et annoncée avant l’automne 2019, était censée incarner le marqueur social de ce quinquennat.

Or, pour l’instant, il n’en est rien. Ce report, justifié par la crise selon le gouvernement, est le triste révélateur des choix et priorités du gouvernement.

Ce calendrier différé enlève toute crédibilité à la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale, actée par la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie, ainsi qu’aux maigres avancées inscrites au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021. Avancées que le groupe socialiste avait soutenues, comme il avait salué la visée universaliste de cette branche dans la prise en charge de toute perte d’autonomie, qu’elle soit liée à l’âge ou au handicap.

Aucun nouveau financement n’a été fléché pour la création de cette nouvelle branche confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), mis à part quelques transferts de contribution sociale généralisée (CSG), loin d’être suffisants face aux enjeux concernant les questions d’autonomie et de vieillissement de population.


Lors des débats sur le PLFSS 2021, nous avions fait plusieurs propositions, notamment celle d’une contribution des revenus du capital et des successions, mais la ministre Brigitte Bourguignon [déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie] nous a renvoyés à l’examen de ladite loi, qui n’est pas près d’être débattue.

Ces questions essentielles, de ressources supplémentaires à affecter, de prestations assurées au regard des besoins délimités, n’ont pas été tranchées. La cinquième branche de la Sécurité sociale n’est pour l’instant qu’une coquille vide.

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