France : vague inquiétante des défaillances d’entreprises
Inflation galopante, hausse des taux d’intérêt, chaînes d’approvisionnement fragilisées : les PME peinent à se transformer face à un manque de financements. Alors que l’exécutif tarde à agir, la survie des entreprises repose sur leur capacité à innover et à se réinventer dans un environnement économique en pleine mutation.
Par Raphaël Miolane, Senior Managing Director au sein du cabinet de conseil FTI Consulting
dans la Tribune
Depuis 35 ans, la France n’avait pas connu une période aussi complexe pour ses entreprises. Avec trois des plus forts pics de défaillances sur la période, la situation est préoccupante. Les défaillances ont dépassé 63.000 en cumul annuel à fin juin 2024, soit une hausse de 26% en un an. L’heure n’est plus à un simple rattrapage post-Covid, la tendance de fond se confirme.
Il est nécessaire de comprendre l’origine de ces difficultés. La succession de crises – qu’elles soient économiques et sociales, sanitaires ou géopolitiques- a plongé les dirigeants d’entreprises dans l’inconnu et bouleversé les chaînes d’approvisionnement notamment sur les plans énergétique et commercial. Ces bouleversements ont exigé des réponses inédites : les chefs d’entreprise ont navigué à vue et ont dû faire preuve d’inventivité.
De plus, les entreprises doivent aujourd’hui composer avec une forte inflation, une dynamique que nous pensions révolue depuis des décennies et qui a accru la pression sur les coûts et les marges des entreprises. La hausse des taux d’intérêt bloque le financement de nombreux projets, par exemple les transformations digitales, pourtant cruciales pour conserver la compétitivité des organisations. Or, sans transformation, il devient difficile de survivre et encore plus difficile de prospérer dans le contexte actuel.
Les PME non cotées sont les premières dans le viseur. En effet, elles se caractérisent par une faible proportion de capitaux privés dans leur structure actionnariale. Elles ont donc des difficultés à lever des fonds en dehors des structures bancaires pour se transformer, tandis que des PME soutenues par des investisseurs privés notamment des fonds d’investissement auront plus de facilité à financer leurs projets de croissance et de transformation.
Une fois ce constat peu optimiste mais pourtant bien réaliste posé, reste à s’interroger sur le point de savoir comment les entreprises en difficultés ont encore une chance de ne pas sombrer.
Un espoir pourrait subsister dans la mise en œuvre prochaine d’un nouvel agenda réglementaire, fiscal et social par le gouvernement, permettant alors aux entreprises non seulement d’avoir une visibilité à long terme mais aussi de modifier leur stratégie d’investissements. Mais il n’en sera rien. En effet, l’exécutif semble se concentrer sur ses propres comptes, avec comme lointaine préoccupation le point de savoir comment améliorer la compétitivité des entreprises françaises. C’est un mauvais calcul.
Les entreprises proches de la défaillance ne peuvent donc pas attendre les décideurs politiques pour subsister. La survie et la prospérité futures des entreprises françaises dépendront de leur capacité à se réinventer rapidement et efficacement. Cette transformation ne doit pas se limiter à des ajustements superficiels, mais doit englober une refonte profonde des modèles d’affaires, des processus opérationnels et des stratégies de financement.
Les entreprises qui sauront anticiper les tendances, adopter les nouvelles technologies et encourager une culture d’innovation continue seront les mieux placées pour surmonter les défis actuels et futurs.
Dans ce contexte, la résilience et l’agilité deviennent non seulement des atouts, mais aussi des impératifs de survie dans un paysage économique de plus en plus complexe et imprévisible.
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(*) Raphaël Miolane est un spécialiste de la transformation, du retournement et de la gestion de situations spéciales. Il possède une expérience dans l’amélioration de la performance et de la croissance, grâce à sa double expérience de conseil et dirigeant.
Après un début de carrière chez Procter & Gamble en marketing, Raphaël a rejoint Boston Consulting Group. Il a travaillé chez Yum ! Brands pendant près de 10 ans, notamment chez KFC et Pizza Hut en tant que CFO et CEO en France, en Europe et au Canada. Avant de rejoindre FTI Consulting, Raphaël a également tenu des mandats de CEO pour Courtepaille, Le Duff ou encore Subway.