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Pour l’expérimentation démocratique

Pour l’expérimentation démocratique 

 

Sous-utilisé par les collectivités territoriales depuis son lancement en 2003, ce pouvoir d’adapter les lois ou règlements nationaux aux situations locales fait pourtant vivre la démocratie de façon créatrice, analyse la philosophe dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

C’est un risque devenu, hélas, quasi structurel à la démocratie, à savoir l’expérience de sa condition déceptive et, en réaction, la réactivation d’une tentation ressentimiste chez les citoyens qui se « ressentent » prioritairement méprisés, humiliés, impuissants, déclassés et qui réagissent en se radicalisant, en se binarisant, en faisant de la démocratie et de ses institutions leur « mauvais objet ». Il y a beaucoup de choses à dire sur la démultiplication des inégalités socio-économiques, leur renforcement systémique, et qui, bien sûr, produisent des conditions objectives de souffrance, d’érosion de soi.

Nous savons à quel point le premier enjeu de l’Etat social de droit est précisément de rester indivisible, d’associer aux déclarations formelles du droit des capacités concrètes, du pouvoir d’agir et de transformer les mondes culturels et économiques dans lesquels les individus évoluent. A partir du moment où il tend à faire l’inverse, à reproduire des dispositifs de réification des individus, ces derniers se perçoivent, ce qui est psychiquement intenable, comme remplaçables, interchangeables, surnuméraires, inutiles, et la modernité devient le lieu d’une fabrique nouvelle de l’indignité.

Pour autant, Hermann Broch a bien identifié, dans son essai majeur d’après-guerre La théorie de la folie des masses, que le ressentiment ne naissait pas de l’absence des seules structures matérielles de « soutènement » (autrement dit des inégalités socio-économiques) mais qu’il relevait d’une faillite morale plus intime, plus émotionnelle, d’une perte de valeurs, ou plutôt d’un système de valeurs inversées, avec, en son centre, un « ressenti » qui devient le seul rationnel envisageable, et ce d’autant plus qu’il est alimenté par les passions tristes.

Pour éviter de se claquemurer dans ce système de valeurs « fermées », il faut veiller à produire toutes les forces critiques possibles, force de sublimation en tête, individuellement et collectivement. Comment ? Mille et une façons existent mais concentrons-nous sur le droit d’expérimentation démocratique, car il recèle à lui seul des protocoles précisément capables d’articuler à la fois les individus singuliers que nous sommes et les collectifs dont nous avons besoin pour rendre durables ces droits individuels. Faut-il encore lui laisser une vraie place dans nos démocraties, avec de vrais enjeux d’accès à la modélisation de l’intérêt général.

Depuis 2003, et l’acte II de la décentralisation républicaine, les collectivités territoriales se sont vu accorder un droit à l’expérimentation leur permettant d’adapter les lois et règlements nationaux aux situations locales. Autrement dit, les élus, et souvent à l’initiative des citoyens, de collectifs issus de la société civile, peuvent expérimenter des dispositifs qui ont vocation à transformer la norme générale, mais à démontrer d’abord leur opérationnalité. Une manière ici de faire « vivre » la démocratie de façon continue, très effective, créatrice, d’allier le faire et la pensée, d’inventer de nouvelles légitimités, d’être résolument « irremplaçables » dans la mesure où chacun peut participer à son invention. Une possibilité qui reste l’un des piliers de l’acte démocratique en tant que tel.

En un mot, de retrouver une puissance d’agir et de transformation, de revenir à la nécessité de la démocratie réflexive et critique, celle qui s’auto-améliore et fait vivre de façon non strictement chaotique cette réforme. Ce sont autant de minicontrats sociaux repassés avec l’idée même de ce régime, des protocoles qui permettent de réinvestir la confiance dans les institutions, et plus cliniquement parlant, qui préservent les individus du ressentiment. Ce droit d’expérimentation est totalement sous-utilisé, alors qu’il est une des façons de développer la citoyenneté capacitaire.

Protéger les lanceurs d’alerte, un enjeu démocratique

Protéger les lanceurs d’alerte, un  enjeu démocratique

 

Dans une tribune au « Monde », un collectif de lanceurs d’alerte, dont Antoine Deltour et Irène Frachon, craint que le Sénat n’affaiblisse la proposition de loi Waserman qu’ils voient comme une vraie avancée pour leur protection.

 

Tribune.

 

Nous, lanceurs d’alerte, payons un prix élevé pour avoir osé dire la vérité. Représailles, licenciement, perte d’employabilité, procédures judiciaires interminables, campagnes de dénigrement, ces embûches s’accompagnent généralement d’un préjudice financier voire de difficultés familiales et relationnelles. Cette réalité n’est pas acceptable, car elle est très dissuasive pour tous les futurs ladnceurs d’alerte. Or, pour chaque lanceur d’alerte qui baisse les bras, c’est un dysfonctionnement grave qui perdure. Au bout du compte, c’est l’information du public, nécessaire à toute société démocratique, qui en pâtit.

La loi Sapin 2, adoptée en 2016, avait jeté les bases d’un cadre relativement protecteur. En particulier, sa définition large uniformisait plusieurs dispositifs incohérents et devait couvrir la plupart des situations : « Un lanceur d’alerte révèle ou signale une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général. » Malheureusement, certains d’entre nous n’ont pas pu bénéficier de cette loi, notamment parce qu’elle impose un parcours complexe.

Elle prévoit un premier palier de l’alerte consistant à adresser le signalement en interne, auprès d’une hiérarchie qui, mise en cause, risque de déclencher des représailles ou de dissimuler des preuves. Par ailleurs, le soutien financier initialement prévu dans la loi Sapin 2 n’avait pas résisté à la censure du Conseil constitutionnel, pour une raison purement juridique. Pour de nombreux lanceurs d’alerte, ce soutien financier constitue pourtant une aide cruciale.

Le droit européen offre maintenant à la France l’occasion de combler ces lacunes. Convaincue de la nécessité de sécuriser les alertes, une coalition d’associations, de syndicats et de quelques eurodéputés progressistes a obtenu de haute lutte une directive adoptée en 2019 pour améliorer très significativement la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe. Si le délai officiel est déjà dépassé, le processus de transposition dans le droit français est déjà bien engagé. Ses débuts étaient même très encourageants : la proposition de loi du député (MoDem) Sylvain Waserman introduisait des avancées significatives et a été adoptée à l’unanimité le 17 novembre 2021 par l’Assemblée nationale.

Le vote du texte au Sénat le 19 janvier nous préoccupe cependant. Les travaux en commission des lois le 15 décembre 2021 ont en effet conduit à des reculs qui dépassent l’entendement. De nombreux progrès issus de la proposition de loi disparaissent. Il en va ainsi de la protection accordée aux « facilitateurs personnes morales », c’est-à-dire à toutes les associations susceptibles de nous assister dans l’alerte et qui s’exposent elles-mêmes à diverses représailles.

Politique : le non choix est aussi un acte démocratique

Politique : le non choix est aussi un acte démocratique

La députée Paula Forteza, qui a déposé plusieurs propositions de loi contre l’essoufflement démocratique, appelle, dans un entretien au « Monde », à reconstruire la relation au vote et à l’élection pour qu’elle ait du sens pour la société.

 

Députée indépendante des Français d’Amérique latine et des Caraïbes, anciennement La République en marche, Paula Forteza est spécialiste des questions liées au numérique, à la démocratie et aux nouvelles formes d’engagement citoyen. Le 17 novembre, elle a déposé, avec plusieurs députés, trois propositions de loi, pour environ une trentaine de mesures qui s’attaquent à plusieurs facettes de l’essoufflement démocratique.

Sur quel constat initial s’appuient ces propositions de loi ?

Depuis le début du mandat, nous avons suivi l’évolution de la relation des Français aux élections et au vote : évidemment, l’augmentation de l’abstention, l’apparition de nouvelles formes de mobilisation en dehors des institutions, que ce soit dans la rue ou sur les réseaux sociaux, mais aussi l’émergence d’autres types d’expression démocratique ; et surtout, la place des jeunes générations dans ces nouveaux liens à la politique. Face à ces éléments, il fallait se poser la question suivante : comment reconstruire la relation au vote et à l’élection pour qu’elle ait du sens pour la société ?


Comment redonner envie aux citoyens de s’intéresser au champ politique ?

Le fil conducteur a été de chercher des mesures pour que le vote puisse exprimer davantage ce que les Français ont à dire et qu’il permette une expression beaucoup plus large et beaucoup plus diverse des points de vue des Français. Ainsi, la première proposition que nous mettons en avant est la reconnaissance du vote blanc : le vote doit pouvoir non seulement permettre l’expression d’un choix, mais aussi l’expression d’un non-choix.

Mais toutes les propositions que nous faisons vont dans le même sens : derrière la mise en place d’élections législatives à la proportionnelle intégrale et avec parité réelle, c’est aussi l’idée que les préférences des citoyens se liront plus directement dans le résultat des élections. Autre exemple, l’expérimentation au jugement majoritaire, qui permet de classer les candidats au lieu de devoir choisir une seule candidature, permettra l’expression d’un ordre de préférence.

Nombre de vos propositions s’attachent donc à rendre la démocratie plus représentative…

Nous avons eu dans ce quinquennat des initiatives de démocratie participative ambitieuses dans la méthode, comme le grand débat national ou la convention citoyenne pour le climat. Or, elles se sont avérées souvent décevantes et frustrantes pour les citoyens qui s’y sont impliqués, car la traduction politique qui a été faite de leurs propositions a été à chaque fois en deçà de leurs contributions. L’effet peut être contre-productif : les citoyens, ressentant une forme de trahison, s’éloignent davantage de la politique.

Les chaînes d’info continue : un déclin du débat démocratique

Les chaînes d’info continue : un déclin du débat démocratique

 

Le journaliste Frédéric Says de France Culture dénonce dans le Figaro  l’abaissement du niveau de débat démocratique dont sont responsables des chaînes d’info continue qui se contentent d’avis très approximatifs tout autant que péremptoires en réunissant quelques grandes gueules autour d’un micro qui n’ont la plupart du temps aucune compétence

Frédéric Says est journaliste politique à France Culture, où il signe chaque matin l’édito politique. Il publie aux éditions Bouquins, «Billets politiques – Sur le fil du quinquennat».


« Les  chaînes d’info en continu ont donné une nouvelle vigueur à cet exercice un peu vain : avoir un avis sur tout, si possible tranché voire péremptoire. Résultat : chacun monologue, personne ne s’écoute… Les mêmes se désolent ensuite parfois de la dégradation du débat public. Par ailleurs, on oublie parfois que ce sont des raisons économiques qui dictent cette course à la polémique. Les chaînes info, soumises à une intense concurrence entre elles, préfèrent organiser un débat que diffuser du reportage, bien plus cher à concevoir (transport, hébergement, tournage…). Mettre quatre «grandes gueules» en plateau, ça ne coûte que le taxi aller-retour. C’est aussi une facilité. »

Vous dénoncez la culture du clash des chaînes d’info pour faire l’éloge d’une certaine nuance. Mais trop souvent, le journalisme politique n’a-t-il pas confondu la nuance ou la modération avec le conformisme et la connivence ?

C’est un danger effectivement. Mais utiliser la nuance, ce n’est pas pour «penser mou», mais pour «penser précis». Le doute est une arme intellectuelle sous-estimée. Comme disait Oscar Wilde, «quand les gens sont d’accord avec moi, j’ai l’impression de m’être trompé».

Quant à la connivence, elle est évidemment l’une des plaies du journalisme. Je ne comprends pas l’usage du tutoiement entre les journalistes et les politiques. Cela dit, à l’inverse, l’agressivité n’est pas toujours la meilleure manière d’obtenir des réponses intéressantes.

Ouvrir le système démocratique français (Thomas Piketty)

Ouvrir le  système démocratique français (Thomas Piketty)

 

 

Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022, il est urgent d’introduire de nouvelles formes de participation citoyenne, plaide l’économiste Thomas Piketty,

directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ecole d’économie de Paris.

 

 

moins de cinq mois du premier tour, que peut-on espérer de l’élection présidentielle prévue en avril prochain ? On peut poser la question à deux niveaux : celui du scrutin de 2022 et celui, plus large, de la place de la présidentielle dans le système politique français.

S’agissant de l’élection de 2022, force est de constater qu’elle est mal engagée. Face à la droitisation extrême du paysage politique, évolution à laquelle le macronisme au pouvoir n’est pas étranger, il est devenu presque impossible de débattre des grands enjeux sociaux et économiques qui vont structurer notre avenir commun.

 

Pour gagner la bataille de l’émancipation, de l’intelligence et du capital humain, l’enjeu central reste et demeure celui de l’investissement dans l’éducation et la formation. Malheureusement, les derniers chiffres issus de la loi de finances pour 2022 sont formels : la dépense publique par étudiant a chuté de 14 % en France entre 2008 et 2022 (– 7 % depuis 2017). Il s’agit d’un gâchis monumental pour le pays et pour sa jeunesse. Il est urgent que les candidats s’engagent sur des objectifs précis permettant aux universités de disposer enfin des mêmes moyens que les filières sélectives et de développer les cursus pluridisciplinaires et les niveaux d’encadrement dont les étudiants ont besoin.

 

Pour faire face au défi climatique, on sait qu’il faudra mieux répartir les efforts et mettre fortement à contribution les plus aisés. Exonérer les plus grandes fortunes de toute imposition alors même qu’elles ont triplé de volume en France depuis dix ans relève de la stupidité économique et de l’aveuglement idéologique. Cet abandon de toute ambition en matière de souveraineté fiscale et de justice sociale aggrave le séparatisme des plus riches et nourrit la fuite en avant vers le régalien et l’identitaire.

Mais quoi que l’on fasse pour ignorer le primat du social et des inégalités, la réalité reviendra au galop. En France, les 50 % les plus pauvres ont une empreinte carbone d’à peine 5 tonnes par habitant, contre 25 tonnes pour les 10 % les plus riches et 79 tonnes pour les 1 % les plus riches. Les solutions consistant à ratiboiser tout le monde au même taux, à l’image de la taxe carbone du début de quinquennat, n’ont pas beaucoup de sens et ne pourront jamais être acceptées.

On pourrait multiplier les sujets : la fiscalité locale doit être repensée pour permettre aux communes les plus pauvres et à leurs habitants de disposer des mêmes chances que les autres ; le système de pensions doit devenir universel et juste, en mettant l’accent sur les petites et moyennes retraites ; un nouveau partage du pouvoir doit s’appliquer entre salariés et actionnaires dans la gouvernance des entreprises ; la lutte contre les discriminations doit devenir une priorité assumée et mesurable.

Réguler les plates-formes: Un enjeu démocratique

Réguler les plates-formes: Un enjeu démocratique 

Réguler le contenu des réseaux sociaux doit moins passer par la contrainte que par la préservation des droits individuels face aux géants du Web, estime le juriste Winston Maxwell dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

La haine en ligne, mais aussi les contenus illicites de toute nature et les infox préoccupent les régulateurs du monde entier. Selon un récent rapport de la Commission européenne, un tiers des contenus haineux en ligne signalés ne sont pas supprimés par les réseaux sociaux. Ces réseaux sont quotidiennement mis en cause, soit parce qu’ils ne font pas assez pour maîtriser la viralité des contenus préjudiciables, soit parce qu’ils en font trop, en éliminant certains contenus et utilisateurs sans autre forme de procès. Certains comparent Facebook, avec sa « Cour suprême » privée, à un Etat souverain. Les grandes plates-formes ont un rôle structurant dans notre débat public et sont devenues, comme la radio et la télévision, des médias ayant une forte influence sur la société. Il ne s’agit pas, bien sûr, de réguler ces réseaux comme la télévision, car le rôle des réseaux sociaux est différent, et une régulation trop stricte créerait une ingérence intolérable dans la liberté d’expression. Mais le besoin d’un encadrement réglementaire est devenu flagrant, sur deux fronts.

 

Le premier front consiste à inciter les réseaux sociaux à trouver des solutions, notamment algorithmiques, pour réduire la présence et la viralité de contenus haineux. Le projet de règlement européen Digital Services Act, actuellement en négociation à Bruxelles, obligerait les plates-formes à effectuer un diagnostic interne sur les risques systémiques créés par leurs services et à proposer des solutions pour réduire ces risques. Devançant le règlement européen, la loi française du 24 août 2021 impose aux réseaux sociaux de mettre en place des mesures techniques et organisationnelles permettant de fluidifier le traitement des signalements, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). En matière de régulation des contenus, l’Etat doit rester le plus neutre possible, afin de minimiser l’impact sur la liberté d’expression.

Dans les années 1990, on croyait que la multiplication des points de vue sur Internet était la meilleure garantie d’une liberté d’expression saine (la théorie du « marketplace of ideas »). La législation américaine (Communications Decency Act, adopté en 1996) et européenne (directive « Commerce électronique », en 2000) est construite sur cette théorie de laisser faire. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que la quantité des points de vue n’est pas une garantie suffisante, car sans un minimum d’encadrement, cette abondance peut conduire à des dérives mettant en péril l’objectif même de la liberté d’expression, à savoir la préservation du débat démocratique. D’où la nécessité de redonner vie à la régulation audiovisuelle, et en France au rôle du CSA, pour réguler les réseaux sociaux en tant que médias à forte influence, tout en s’efforçant de préserver l’espace de liberté inédit créé par ces plates-formes.

Lanceur d’alerte : enjeu démocratique

Lanceur d’alerte : enjeu démocratique

 

La loi Sapin 2 est insuffisante et la France doit se doter d’une législation plus complète et plus étendue, d’après ,un collectif de représentants d’ONG et de syndicalistes dans une tribune au « Monde »

 

Tribune.

 

Plus que jamais, l’actualité démontre à quel point les lanceurs d’alerte sont indispensables au bon fonctionnement de la démocratie. Des révélations de Frances Haugen sur la manière dont Facebook privilégie le profit au détriment de la sécurité de ses utilisateurs, aux « Pandora Papers » qui jettent à nouveau une lumière crue sur la fraude fiscale, il ne se passe pas un seul jour sans que l’importance de ces vigies ne soit rappelée.

Sans ces révélations, nombre de scandales financiers, sanitaires ou environnementaux resteraient inconnus du grand public, et les auteurs de ces méfaits, impunis. Pourtant, ces simples citoyennes et citoyens qui se dressent pour protéger l’intérêt général et le bien-être de chacun restent bien mal lotis. Intimidations, licenciement, mise au placard, menaces… restent le lot quotidien de ces hommes et femmes : il est donc urgent d’améliorer leur protection.

C’est pour cette raison que, en 2017, la France s’est dotée d’une loi générale de protection des lanceurs d’alerte, la loi Sapin 2. Cette loi, si elle a marqué un premier pas vers un statut du lanceur d’alerte, est insuffisante. La directive européenne de 2019 vient pallier certaines de ses défaillances, notamment en écartant l’obligation d’une alerte interne préalable qui amenait trop souvent les lanceurs d’alerte à se mettre en danger. Mais cette directive à elle seule ne comblera pas toutes les lacunes de notre législation.

Il n’est plus possible de se contenter de mots ou de se cantonner à des effets de manche. Les pouvoirs publics doivent agir et vite. Pour que les faits répréhensibles dénoncés cessent, et pour que les lanceurs d’alerte ne soient pas exposés à des risques de représailles, le Parlement et le gouvernement doivent être les moteurs d’une transformation profonde de la culture de l’alerte au bénéfice de toutes et tous. La transposition de la directive est une occasion immanquable !

C’est à cette fin que notre coalition d’associations et de syndicats a publié douze propositions concrètes dont plusieurs ont été reprises par le député Sylvain Waserman : renforcement du rôle du Défenseur des droits en matière d’accompagnement, mise en place d’une véritable immunité pénale incluant les actes nécessaires à l’obtention des informations, obligation pour les autorités de déployer une aide financière et psychologique…

Ses deux propositions de loi doivent être défendues aussi bien par les parlementaires, qui doivent les adopter dans les meilleurs délais – car le temps presse ! –, que par le gouvernement qui doit affirmer publiquement son soutien et montrer, à la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), qu’une transposition ambitieuse de la directive est possible, et dans le délai imparti, soit avant le 17 décembre 2021.

Transition écologique : Une insuffisance débat démocratique

 Transition écologique : Une insuffisance débat démocratique

 

Chantal Jouanno,  présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) s’inquiète, dans une tribune au « Monde », d’une régression du droit à être informé et à participer à l’élaboration de projets touchant à l’environnement.

 

Tribune.

La France est une pionnière de la démocratie. L’aspiration démocratique des personnes qui vivent dans nos territoires est une constante que les taux d’abstention aux élections ne doivent pas masquer. La citoyenneté est vivace et nous devons nous en réjouir, y compris lorsqu’elle s’exprime en pétitions ou en cortèges.

Notre vie démocratique ne se résume pas au temps de l’élection. L’un des acquis majeurs de ces dernières décennies est le droit de toute personne de participer à l’élaboration des projets qui touchent son environnement. Cette avancée, conquise dans les années 1990, est issue d’une initiative citoyenne, lorsque des personnes concernées par le projet de TGV Méditerranée ont auto-organisé leur débat public, réclamant aux responsables de partager les informations et d’entendre leurs arguments.

 

Depuis cette époque, les citoyennes et les citoyens doivent être associés aux décisions liées à leur environnement proche, comme la création de parcs éoliens, d’autoroutes, d’usines de traitement des déchets… Les responsables de ces projets ont l’obligation d’informer le public de leur existence et de débattre de leur opportunité. Ce droit est inscrit dans notre Constitution à l’article 7 de la Charte de l’environnement. La Commission nationale du débat public (CNDP), institution indépendante de l’Etat, est chargée de le défendre et de le mettre en œuvre.

Depuis trente ans, il était une constante que ce droit soit progressivement étendu et renforcé. Mais ce mouvement continu connaît depuis quelques années des reculs importants, qu’il convient d’additionner pour en mesurer la portée.

La liste de ces reculs – dénoncés par la CNDP, la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs, l’Autorité environnementale, les associations environnementales ou les acteurs de la participation – s’allonge par touches successives. Depuis trois ans, les enquêtes publiques, qui permettent au public de s’informer sur le projet et de formuler des observations auprès d’un tiers indépendant, sont de par la loi progressivement remplacées par des consultations 100 % numériques, ce qui exclut de fait 14 % de la population française qui n’ont pas accès au numérique et se trouvent ainsi privés de leurs droits.

D’autres régressions sont désormais également inscrites dans la loi. Un décret publié cet été divise par deux le délai pendant lequel le public peut demander qu’une concertation soit organisée. Il augmente aussi les seuils à partir desquels les responsables d’un projet ont l’obligation de saisir la CNDP pour le soumettre à débat.

BCE : pour une politique monétaire plus démocratique ?

BCE : pour une politique monétaire plus démocratique ?

Un article intéressant de André Grjebine, ancien directeur de recherche à Sciences Po mais qui n’éclaire guère les perspectives de politique monétaire européenne

L’économiste André Grjebine s’interroge dans une tribune au « Monde » sur les risques d’éclatement de l’actuel système monétaire et plaide pour un renforcement de la démocratisation des règles en vigueur au niveau européen.

Tribune.

 

Contrairement à d’autres pays, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, qui ont préservé leur souveraineté monétaire, les pays de la zone euro l’ont perdue au profit de la Banque centrale européenne (BCE), dont l’indépendance tant vantée s’oppose à une gestion démocratique et transparente des économies.

Alors que le rôle des banques centrales ne cesse de croître, aucun de ces pays ne dispose désormais d’une banque centrale émettrice de sa monnaie. Par crainte de voir des Etats membres se livrer à des créations monétaires inflationnistes, les fondateurs de la zone euro ont privilégié l’indépendance de la BCE au détriment de toute autre considération. Ce faisant, ils ne paraissent pas avoir compris la signification de l’indépendance d’une banque centrale.

En général, les lois définissent les règles de fonctionnement d’une banque centrale. La Réserve fédérale des Etats-Unis (FED) et la Banque d’Angleterre sont indépendantes en ce sens que leurs dirigeants déterminent les instruments qu’ils appliquent au service d’une politique monétaire décidée par le gouvernement et le parlement.

Dans l’Union européenne (UE), l’introduction de règles de gestion dans les traités fondateurs a enfermé le système monétaire européen dans un corset juridique s’inspirant d’une orthodoxie éminemment discutable. De plus, alors que les autres banques centrales participent à l’action des pouvoirs publics d’un Etat unique, qu’il soit fédéral ou unitaire, la BCE, elle, est la banque centrale de 19 Etats, qui connaissent des situations foncièrement différentes et n’ont pas les mêmes objectifs.

Dans ce contexte, trois stratégies étaient envisageables. La première consistait à suivre les normes établies par les traités européens. La deuxième, à contourner ces normes sans les modifier dans les textes. La troisième passerait par l’institution d’un gouvernement économique européen qui définirait de nouvelles normes.

Hypertrophie démocratique : un grand débat pour trouver un autre nom à EHPAD !

Hypertrophie démocratique : un grand débat pour trouver un autre nom à EHPAD !

 

Encore une caricature de débat démocratique avec ce grand débat ouvert pour changer le nom des EHPAD.

« L’EHPAD est mort, vie l’EHPAD » ! Je souhaite d’ailleurs que ce nom change. Je lancerai pour cela une consultation citoyenne à l’automne. »A déclaré la ministre inconnue Brigitte Bourguignon

“Les Français ne veulent plus du modèle actuel de l’Ehpad. Ils souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile. Nous allons leur en donner les moyens avec le virage domiciliaire et les Ehpad en seront un des acteurs majeurs”, a défendu l’ancienne socialiste qui prépare un texte de loi sur le sujet. Emmanuel Macron prévoyait ce texte important pour le grand âge en 2019 mais la majorité n’a encore jamais trouvé le temps ou l’espace au Parlement pour le défendre. ·

En attendant, à la rentrée les Français seront invités à ce débat fondamental qui vise à changer le nom des EHPAD !

Le socialisme démocratique et participatif comme réponse à la dictature communiste chinoise ?

Le  socialisme démocratique et participatif comme réponse à la dictature communiste chinoise ?

 

 

 

Tribune dans le monde de Thomas Piketti (extrait)

Alors que le Parti communiste chinois (PCC) célèbre ses 100 ans, les pays occidentaux peinent toujours à définir leur attitude face au régime de Pékin. Disons-le d’emblée : la bonne réponse passe par la fin de l’arrogance occidentale et la promotion d’un nouvel horizon émancipateur et égalitaire à l’échelle mondiale, une nouvelle forme de socialisme démocratique et participatif, écologique et postcolonial.S’ils s’en tiennent à leur posture habituelle de donneurs de leçons et à un modèle hypercapitaliste hors d’âge, les pays occidentaux risquent d’avoir le plus grand mal à relever le défi chinois.

Autoritaire et oppressif, le régime chinois a certes de multiples fragilités. Selon le Global Times, quotidien officiel, la démocratie à la chinoise serait supérieure au supermarché électoral à l’occidentale, car elle confie les destinées du pays à une avant-garde motivée et déterminée, à la fois sélectionnée et représentative de la société – le PCC compte quelque 90 millions de membres –, et plus profondément impliquée au service de l’intérêt général que l’électeur occidental moyen, versatile et influençable.

En pratique, cependant, le régime s’apparente de plus en plus à une dictature numérique parfaite, tellement parfaite que personne n’a envie de lui ressembler. Le modèle de délibération à l’intérieur du PCC est d’autant moins convaincant qu’il ne laisse aucune trace à l’extérieur, alors que, à l’inverse, chacun peut voir de plus en plus nettement la mise en place d’une surveillance généralisée sur les réseaux sociaux, la répression des dissidents et des minorités, la brutalisation du processus électoral à Hongkong, les menaces portées sur la démocratie à Taïwan.

La capacité d’un tel régime à séduire les opinions des autres pays (et pas uniquement leurs dirigeants) paraît limitée. Il faut ajouter la forte montée des inégalités, le vieillissement accéléré, l’extrême opacité qui caractérise la répartition des richesses, le sentiment d’injustice sociale qui en découle et qui ne pourra être éternellement apaisé par quelques mises à l’écart.

Malgré ces fragilités, le régime dispose de solides atouts. Lorsque des catastrophes climatiques surviendront, il n’aura pas de mal à stigmatiser les responsabilités des anciennes puissances, qui, en dépit de leur population limitée (environ 15 % de la population mondiale pour l’ensemble Etats-Unis, Canada, Europe, Russie, Japon), représentent près de 80 % des émissions carbone cumulées depuis le début de l’ère industrielle.

Système politique : le fossé démocratique se creuse

Système politique : le fossé démocratique se creuse

 

 

Comme en témoigne l’abstention record aux deux tours du scrutin, les 20 et 27 juin, la forte défiance à l’égard des représentants politiques constitue un avertissement. Aucun parti, aucun mouvement ne pourra faire l’économie de réconcilier les Français avec la politique.

 

Editorial du « Monde ».

 

A l’issue du second tour des élections régionales et départementales, qui s’est tenu dimanche 27 juin, le même constat inquiétant qu’au premier tour domine : les Français ont pratiqué la grève des urnes dans des proportions inédites. Qui plus est, ils l’ont fait en toute connaissance de cause. Comme lors du premier tour, qui s’était déroulé une semaine plus tôt, deux électeurs sur trois ont trouvé beaucoup d’autres choses à faire plutôt que d’aller déposer un bulletin dans leur bureau de vote. Ils avaient pourtant été, ces derniers jours, morigénés ou appelés au secours par des états-majors unanimement secoués par l’ampleur du retrait démocratique.


Rien n’y a fait, et ce qui s’était esquissé le 20 juin s’est confirmé le 27 : forts d’une visibilité plus importante que les autres candidats, les présidents de région sortants ont tous été réélus sur le territoire métropolitain, donnant à la carte de France les mêmes couleurs rose et bleue qu’il y a huit jours. La droite conserve sept régions, la gauche cinq, une aubaine pour les « vieux » partis, qui luttent depuis 2017 pour leur survie et ont infligé au Rassemblement national comme à La République en marche une sévère déconvenue.


Cette apparente stabilité de la France locale cache en réalité un séisme. Car, quelles que soient les raisons de l’abstention – mécontentement à l’égard de l’offre politique ou manque d’intérêt pour un scrutin perçu comme insignifiant –, c’est en réalité le fonctionnement de la vie locale, censée répondre au besoin de proximité, qui est interrogé. Redessinées en 2015 autour des métropoles, les grandes régions sont peut-être mieux adaptées aux enjeux du développement économique que les anciennes, mais leur taille a contribué à éloigner le citoyen des élus. Le fonctionnement des assemblées régionales reste opaque et peu adapté à la demande de participation citoyenne sur des sujets qui touchent pourtant de près à la vie quotidienne, au premier rang desquels les transports.

 

La nationalisation de la campagne, essentiellement axée sur les questions de sécurité, en raison de la surenchère à laquelle se sont livrées la droite et l’extrême droite, a achevé de décourager l’électeur. Si une leçon est à retenir de ces deux tours, c’est le fossé gigantesque qui, en six ans, s’est creusé entre les électeurs, notamment les plus jeunes, et leurs représentants, alors que les régions espéraient au contraire avoir accru leur visibilité lors de la gestion de la pandémie.

 


Le séisme démocratique qui vient de s’y produire n’est pas forcément transposable à l’élection présidentielle. Considéré comme l’élection reine de la VRépublique, ce rendez-vous mobilise en général beaucoup plus que les scrutins locaux. Mais, pour les parties en présence, la persistance d’une forte défiance à l’égard des représentants politiques constitue un avertissement. La gauche et surtout la droite ont beau rêver d’un retour dans le jeu, la faiblesse de leur projet et l’absence d’une procédure actée de départage entre ses prétendants les maintiennent pour le moment dans une situation de grande vulnérabilité.


Marine Le Pen, qui prétendait incarner le changement, doit comprendre pourquoi ses électeurs ont déserté, alors qu’elle leur faisait miroiter le gain de plusieurs régions. Emmanuel Macron ne peut, quant à lui, que s’inquiéter de la dichotomie entre sa gestion de la pandémie, approuvée dans les sondages, et l’extrême faiblesse des forces politiques censées soutenir et relayer son action. Réconcilier les Français avec la politique est devenu pour tous une ardente obligation.

Abstention : le désengagement démocratique

Abstention : le désengagement démocratique

 

Editorial du « Monde ». 

 

Repoussé de quelques mois pour cause de pandémie, le premier tour des élections régionales qui s’est tenu dimanche 20 juin fera date, en raison du niveau record de l’abstention ; 66,73 % des électeurs inscrits ont choisi de bouder les urnes, soit une masse de 31 millions d’électeurs qui ont décidé de faire un pas de côté plutôt que d’honorer le déconfinement électoral que tous les partis avaient légitimement appelé de leurs vœux.

Cette grève des urnes est grave. Elle a pour premier effet de fausser la lecture des résultats apparemment limpides du scrutin, qu’il s’agisse du net recul du Rassemblement national, de la progression de la droite, de la résistance de la gauche ou de la piètre performance du parti présidentiel. Quelle valeur régionale et a fortiori nationale leur accorder, alors que plus de deux Français sur trois se sont mis en retrait ? Ce désengagement démocratique est d’autant plus préoccupant qu’il prolonge, en l’amplifiant, un cycle qui s’est ouvert depuis quelques années déjà et qui va de pair avec la montée de la violence et des invectives dans le débat public : plus les élus sont mal élus et moins les citoyens sont incités à respecter leur parole et à valider leur action. L’abstention est une fabrique à contestation.


Les partis politiques, dans leur ensemble, ont pris la mesure du défi. Chacun s’en est ému dimanche soir. Les uns ont parlé de « désastre civique », d’autres ont évoqué une « forme de schisme entre la classe politique et les Françaises et les Français », mais, si la crise démocratique est avérée, le plus difficile est de comprendre ce qu’il s’est passé dans la tête des abstentionnistes.

Scrutin régional à enjeu local

Ont-ils voulu sanctionner la faiblesse de l’offre politique ? Mais, aux élections régionales qui se déroulent à la proportionnelle, toutes les tendances sont représentées, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Les électeurs n’ont que l’embarras du choix. Veulent-ils protester contre le fait d’avoir le sentiment que leur voix ne compte pas ? Mais les présidents de région ont des bilans jugés majoritairement positifs dans des domaines – transport, formation professionnelle, aide aux entreprises – qui ont des répercussions concrètes sur la vie de leurs administrés. On ne peut, en réalité, exclure l’hypothèse d’une certaine insouciance citoyenne en partie liée à la conjoncture : après des mois de semi-confinement, beaucoup d’électeurs, notamment parmi les plus jeunes, ont préféré aller prendre l’air, boudant une élection qui a été strictement perçue pour ce qu’elle est : un scrutin régional à enjeu local.


A supposer que cela ne soit que cela, la riposte apparaît assez évidente : il faut une vigoureuse campagne civique, doublée de réelles initiatives, pour simplifier les modalités du vote. Le couplage des élections régionales avec le scrutin départemental a contribué à embrouiller l’électeur et à opacifier l’offre. Il faut y renoncer. Et, puisque le fait de se rendre dans un bureau de vote devient de moins en moins évident, pourquoi ne pas encourager le vote par Internet ? Jusqu’à présent, le ministère de l’intérieur s’y est refusé en invoquant le risque de fraude. Mais, à force de ne rien essayer, le danger est grand de laisser l’abstention s’enkyster au point d’être considérée comme un invariant, le symptôme d’un désenchantement civique contre lequel les élus, de plus en plus mal élus, auraient été incapables de lutter.

Birmanie :La Chine demande de revenir à une «transition démocratique»

Birmanie :La Chine demande de revenir à une «transition démocratique»

 

La Chine rejette l’idée d’imposer des sanctions aux militaires birmans qui «ne feraient qu’aggraver la situation» et prône de «revenir à une transition démocratique dans ce pays», a déclaré mercredi 31 mars l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun, lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité.

«Si la Birmanie sombrait dans des turbulences prolongées, ce serait une catastrophe pour ce pays et la région dans son ensemble», a aussi déclaré l’ambassadeur dont les propos ont été rapportés par un communiqué de la mission chinoise.

Populisme: une pathologie du malaise démocratique

Populisme: une  pathologie du malaise démocratique 

Dans un entretien au « Monde », l’experte, Chloé Morin,  associée à la Fondation Jean-Jaurès analyse les causes et les symptômes du malaise démocratique français.

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Experte associée à la Fondation Jean-Jaurès, Chloé Morin vient de publier Le Populisme au secours de la démocratie ?, chez Gallimard (collection « Le débat », 176 pages, 12,50 euros)

La crise sanitaire met-elle, selon vous, en lumière les limites de la Ve République ?

Cette crise a rendu saillants de nombreux dysfonctionnements, tant sur le plan administratif que politique. La multiplication des règles tatillonnes, parfois inapplicables, a révélé la déconnexion des élites par rapport au terrain. Le recours à des cabinets de conseil extérieurs a souligné combien certaines compétences essentielles avaient disparu au sein même de l’Etat. Le traitement souvent réservé aux élus locaux ou aux oppositions, voire au Parlement, a démontré combien le pouvoir exécutif peinait à déléguer, à faire confiance, voire à simplement partager l’information. Le fait de confiner un pays entier ne devrait plus relever du simple bon vouloir présidentiel : le Parlement devrait être consulté. Il est temps de changer les institutions.

Le quinquennat a-t-il été une erreur ?

L’inversion du calendrier électoral entre présidentielle et législatives a affirmé la domination de l’exécutif sur le Parlement. Le gouvernement est redevable au président. Et la majorité présidentielle, caporalisée. Le président est la clé de voûte du système, tire sa légitimité directement du peuple, mais finit enfermé dans un dialogue direct, sans intermédiaire, avec lui. Nous concentrons sur sa personne des attentes démesurées, qui sont forcément déçues au bout de quelques mois d’exercice du pouvoir. Ce n’est pas sain.

Pendant le confinement, les Français ont été plus sévères sur l’action du gouvernement qu’ailleurs en Europe. Comment est-on entrés dans cette « ère de l’hyperdéfiance », selon vos mots ?

La crise éprouve notre capacité à décider en commun, à être et à faire ensemble. Or, en France, c’est cela qui dysfonctionne. Plus qu’une crise économique, sanitaire ou sociale, c’est à une crise démocratique à laquelle nous sommes confrontés. Démocratique au sens premier du terme : comment le peuple, demos, exerce le pouvoir, kratos, c’est-à-dire comment il prend des décisions, et comment il se construit un avenir commun. Depuis quelques années, nous assistons à une désolidarisation et à une tribalisation – le repli de chacun sur sa tribu, dans sa bulle – de notre société. Nous doutons de plus en plus de notre capacité à avancer ensemble.

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