Archive pour le Tag 'démocratique'

Page 4 sur 10

Prendre la mesure du marasme démocratique

 Prendre la mesure du marasme démocratique 

 

L’historien Claude Lelièvrerappelle la place donnée à l’éducation morale et civique après la Libération.

 

Avec des taux d’abstentions qui peuvent aller jusqu’à presque 70 % on peut s’interroger sur la légitimité de certaines élections et sur l’état de notre démocratie. En outre la situation de notre démocratie ne serait se réduire à l’aune des élections. L’analyse du déficit démocratique apparaît ici assez superficielle. NDLR

 

Ce devrait être l’un des deux grands objectifs de l’école si l’on suit ce qu’a déclaré le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son discours d’investiture du 7 mai : « Agir (…) pour une école toujours plus inclusive, formant aux savoirs fondamentaux et forgeant des esprits républicains. » Et il se peut que la nomination surprise, ce 20 mai, de Pap Ndiaye à la tête d’un ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse – un libellé et un périmètre très rares – puisse être ainsi comprise.

S’il s’agit de « forger des esprits », il convient de se souvenir du sous-titre donné par Nietzsche à son ouvrage Crépuscule des idoles : « Comment philosopher à coups de marteau » – c’est-à-dire « évaluer à coups de marteau », pour entendre si cela sonne creux ou non… S’agit-il, en particulier, d’aller nettement au-delà de la posture traditionnelle qui consiste à « frapper les esprits » de « principes républicains » réitérés et péremptoires ?

On notera en tout cas que, lors de son premier discours de campagne, le 7 mars à Poissy (Yvelines), Emmanuel Macron a prôné le « décloisonnement » de l’école, qui devrait se faire « avec les familles, les associations et les communes qui s’occupent du périscolaire, parce que faire des républicains, ça ne commence pas le matin à 9 heures pour s’arrêter à 17 heures, quatre ou cinq jours par semaine ».

Pas de planification écologique sans concertation démocratique

Pas de planification écologique sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Environnement- Pas de planification sans concertation démocratique

 

Environnement- Pas de planification sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Politique et Environnement- Pas de planification sans concertation démocratique

Politique et Environnement- Pas de planification sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Ecologie: Pas de planification sans concertation démocratique

Ecologie: Pas de planification sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Environnement- Pas de planification écologique sans concertation démocratique

Environnement- Pas de planification écologique sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Pas de planification écologique sans concertation démocratique

 

Pas de planification écologique sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Macron II: Le grand flou et la fatigue démocratique

Macron II: Le grand flou et la fatigue démocratique

 

Pressé de tous côtés de clarifier l’orientation de son deuxième mandat, le président de la République continue d’entretenir le flou. Mais ce brouillage idéologique alimente la dépolitisation et la fatigue démocratique, avertit dans sa chronique Solenn de Royer, grand reporter au « Monde ».

 

 

En attendant Godot. Dans la foulée de sa réélection, le 24 avril, Emmanuel Macron se tait et prend son temps. « Le maître des horloges. Episode 2 », plaisante-t-on à l’Elysée. Vendredi, dans les Hautes-Pyrénées, l’intéressé a expliqué que le pays avait besoin d’un moment d’« apaisement », après les tensions de la campagne. Et qu’à celle-ci s’adossait – pour lui-même – une période de « décantation ». Alors que la nomination d’un nouveau premier ministre avait initialement été évoquée pour le 2 mai, le président a décidé de temporiser, au risque de paraître indécis, dans le calcul politique (au trébuchet), plutôt que dans la claire vision de ce qu’il entend faire d’un deuxième mandat.

 

Ils sont pourtant nombreux, dans la majorité, à réclamer des paroles et des gestes forts pour répondre sans tarder aux conditions particulières de la réélection du sortant (contre l’extrême droite), ses mots du Champ-de-Mars, rassembleurs mais peu engageants, n’ayant pas suffi à dessiner un chemin. « On est dans le potage », reconnaît un pilier de la majorité.

 

Nul, en effet, ne sait à quoi ressemblera « Macron 2 ». Sur tous les plans, les hommes ou la ligne, le flou n’a pas été dissipé par la campagne brève et édulcorée qu’il a menée, voire s’est épaissi au gré des contingences électorales. L’entre-deux-tours a été un condensé de ces ambiguïtés. Ayant axé sa campagne de premier tour à droite toute (retraite à 65 ans, contreparties au RSA) pour siphonner le vote LR, il a mis la barre à gauche avant le second tour, pour séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, en promettant la « planification écologique » ou en félicitant (« C’est beau ! ») une jeune femme voilée qui se disait féministe.

« Qu’est ce que le macronisme ? », l’a interrogé l’éditorialiste de France Inter, Thomas Legrand, le 22 avril. L’intéressé n’a pas répondu, préférant badiner devant ces tentatives répétées de donner un sens et un contenu à son mouvement politique. Lui qui a érigé un tic de langage en corpus idéologique (le fameux « en même temps », relevé par Le Monde et RTL pendant la campagne de 2017) ne semble pas pressé de sortir de l’ambiguïté. « On ne sait toujours pas à quoi va servir ce quinquennat, observe Chloé Morin, de la Fondation Jean Jaurès. Veut-il réformer la France en profondeur ou bien réparer et apaiser un pays fracturé ? Les deux sont difficilement compatibles, il va devoir choisir. »

 

Après un premier mandat où ce président « transformiste » n’a cessé d’alterner les masques, cultivant l’art de l’esquive et de la mobilité, le voilà pressé de définir un horizon avec clarté. Car s’il s’est montré redoutablement efficace sur le plan électoral (contribuant à asphyxier LR et le PS), le brouillage idéologique savamment entretenu pendant cinq ans a alimenté aussi la dépolitisation et la perte de repères, puissant ferment d’une grande fatigue démocratique.

Présidentielle : quelle légitimité démocratique pour Macron !

Présidentielle : quelle légitimité démocratique  pour Macron ! 

Un cri de révolte pour protester contre le caractère d’illégitimité d’élection de Macron ; un cri qui peut s’entendre mais qui mériterait d’être encore approfondi sur ce qu’on entend par illégitimité. Indiscutablement, l’élection de Macron est juridiquement légitime mais le problème c’est que politiquement, elle ne l’est pas.

En effet, le reproche essentiel fait à Macron, c’est son ascension politique jusqu’au plus haut niveau sans jamais avoir eu le moindre passé social, la moindre expérience collective sociétale, la moindre représentativité collective.  Macron est un bourgeois technocrate choisi et financé par les plus grandes entreprises. Cela évidemment pour favoriser un projet de société de marché.

Les Français sont une majorité à le considérer comme moralement et politiquement illégitime. Pour preuve surtout le premier parti de France de 40 à 50 % d’abstention, de non-inscrits ou de mal inscrits. Même si par ailleurs juridiquement son élection n’est pas contestable . En fait Macron recueille seulement 15% des votants potentiels au premier tour. 

 

tribune

« J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes, estime Mélanie Tellaa. C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. [...] Ce n’est pas un choix par défaut. »

Je ne suis personne mais je pense représenter une certaine opinion. Emmanuel Macron vient d’être réélu et je suis particulièrement choquée des réactions des personnalités politiques.

Je fais partie des gens qui ont voté pour lui. Pas au premier tour. J’ai voté pour lui au second tour. Et je voudrais m’inscrire en faux contre tout ce qui se dit en ce moment même. Non, ce n’est pas un choix par défaut. Oui, ce choix que j’ai fait et que des millions de gens ont fait, ce choix est un choix démocratique.

J’ai lu les programmes. J’ai évalué les candidats selon leur adéquation à mes principes, à mes valeurs et j’ai évalué leur capacité à faire des propositions réalistes. Tout ça a été le fruit de recherches personnelles, de réflexions. Et oui, j’ai choisi de voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour. J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes.

C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. Je rejette les accusations d’illégitimité démocratique.

Je refuse que les candidats qui n’ont pas conquis assez de voix pour passer au second tour osent parler de vote par défaut. Je regrette aussi qu’ils évoquent le vote « barrage » avec mépris. Car ce vote barrage n’est pas méprisable et n’est pas moins fort que le vote d’adhésion : c’est un vote d’adhésion aux valeurs de la République. C’est un vote contre l’extrême-droite dont le discours est banalisé.

Mais conforter le désespoir de certains citoyens qui voyaient dans le choix à faire un choix du pareil au même, c’est oublier que Marine Le Pen est la candidate d’un parti dont les propositions sont pour beaucoup contraires aux traités européens et à la Constitution française. Ses mesures visent à diviser les Français selon leurs origines ou leurs religions. Lutter contre cela est tout à fait légitime.

Je regrette que ceux qui essuient encore leur défaite n’arrivent pas à relever la tête pour respecter ces électeurs dont je fais partie et qui ont participé à la réélection du président de la République. Je regrette que l’on nie mon choix. Je regrette que l’on compare les dangers de l’extrémisme à un choix républicain.

Et je leur dis à tous : l’offre politique existe. Chacun doit s’en saisir et prendre ses responsabilités. Pour ma part, c’est clair. J’ai voté Macron et je l’ai fait exprès.

Mélanie Tellaa, Angresse (Landes)


« J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes, estime Mélanie Tellaa. C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. [...] Ce n’est pas un choix par défaut. »(tribune d’un lecteur du « Monde »)

 

Je ne suis personne mais je pense représenter une certaine opinion. Emmanuel Macron vient d’être réélu et je suis particulièrement choquée des réactions des personnalités politiques.

Je fais partie des gens qui ont voté pour lui. Pas au premier tour. J’ai voté pour lui au second tour. Et je voudrais m’inscrire en faux contre tout ce qui se dit en ce moment même. Non, ce n’est pas un choix par défaut. Oui, ce choix que j’ai fait et que des millions de gens ont fait, ce choix est un choix démocratique.

J’ai lu les programmes. J’ai évalué les candidats selon leur adéquation à mes principes, à mes valeurs et j’ai évalué leur capacité à faire des propositions réalistes. Tout ça a été le fruit de recherches personnelles, de réflexions. Et oui, j’ai choisi de voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour. J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes.

C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. Je rejette les accusations d’illégitimité démocratique.

Je refuse que les candidats qui n’ont pas conquis assez de voix pour passer au second tour osent parler de vote par défaut. Je regrette aussi qu’ils évoquent le vote « barrage » avec mépris. Car ce vote barrage n’est pas méprisable et n’est pas moins fort que le vote d’adhésion : c’est un vote d’adhésion aux valeurs de la République. C’est un vote contre l’extrême-droite dont le discours est banalisé.

Mais conforter le désespoir de certains citoyens qui voyaient dans le choix à faire un choix du pareil au même, c’est oublier que Marine Le Pen est la candidate d’un parti dont les propositions sont pour beaucoup contraires aux traités européens et à la Constitution française. Ses mesures visent à diviser les Français selon leurs origines ou leurs religions. Lutter contre cela est tout à fait légitime.

Je regrette que ceux qui essuient encore leur défaite n’arrivent pas à relever la tête pour respecter ces électeurs dont je fais partie et qui ont participé à la réélection du président de la République. Je regrette que l’on nie mon choix. Je regrette que l’on compare les dangers de l’extrémisme à un choix républicain.

Et je leur dis à tous : l’offre politique existe. Chacun doit s’en saisir et prendre ses responsabilités. Pour ma part, c’est clair. J’ai voté Macron et je l’ai fait exprès.

Mélanie Tellaa, Angresse (Landes)

Société-Bolloré et médias, la dérive démocratique

Société-Bolloré et médias, la dérive démocratique

 

 

Ce qu’il a entrepris dans le domaine de l’information (déjà Canal +, CNews ou Prisma Media, et Europe 1, Le Journal du dimanche, Paris Match sur lesquels il a commencé d’imprimer sa « patte ») constituait déjà un gisement d’inquiétudes. Ce qu’il prépare dans le secteur de l’édition – résultant de l’OPA qu’il mène sur le groupe Lagardère propriétaire de Hachette – semble moins spectaculaire aux yeux de l’opinion ; or les effets industriels, intellectuels, éthiques, ne s’annoncent pas moins préoccupants. Le raid de Vincent Bolloré constitue une menace pour la salubrité du débat d’idées, qu’il soit public (dans le cas des médias) ou intime (dans celui de l’édition d’essais et de fiction). Et donc un risque démocratique. 

C’est l’histoire d’un essayiste aguerri qui compose son premier roman. Nommons-le Pierre. Il le sait, dénicher un éditeur dans une discipline où il est novice ne sera pas un long fleuve tranquille, et même davantage : il s’engage dans un parcours du combattant à l’issue très incertaine, tant les embuches s’amoncellent dès la ligne de départ. Comment faire exister un manuscrit parmi les 2.000 à 4.000 réceptionnés chaque année par des maisons qui n’en sélectionnent, au final, qu’une à quelques poignées ? Et dans ces conditions, comment espérer qu’il rencontre la sensibilité d’une femme ou d’un homme qui l’aura miraculeusement pioché dans la pile avant de le transmettre au comité ad hoc chargé de lire puis d’élire ? La (petite) notoriété, les (solides) réseaux, la foi immarcescible de l’auteur suffiront-elles ? Non, il en est conscient, et le facteur chance, par nature imprévisible, devrait constituer l’arbitre final. Final, vraiment ? Pas tout à fait.

Lorsqu’il pense avoir triomphé des obstacles les plus aigus et que ses pérégrinations semblent proches d’aboutir, voilà que Pierre se confronte à d’autres écueils, ceux-là tout à fait imprévus. Chez telle prestigieuse enseigne, après avoir franchi avec succès le seuil le plus délicat, il s’entend signifier qu’il est trop âgé, la décision ultime privilégiant un « auteur plus jeune » qui générera un plus sûr retour sur investissement. Dans telle autre grande maison, le retour enthousiaste du sommet de la pyramide passant le relais à une collaboratrice promet la lumière ; peine perdue, les « équipes commerciales préfèrent renoncer, faute de savoir comment traiter cet « alien » ». Ici, la détermination de l’auteur de rester imperméable aux réseaux sociaux est jugée rédhibitoire « puisqu’aujourd’hui sans stratégie Instagram, Twitter, Facebook, impossible de lancer un livre ». Là, le comité de lecture estime le texte « trop sombre » pour être populaire. Le pire peut-être, introduit par différents interlocuteurs sans relation entre eux : « Il faudrait revoir l’organisation du texte, afin que l’intrigue surgisse dans les quinze premières pages. C’est une règle : au-delà, on perd le lecteur », synthétise, en substance, l’un d’eux. « Mais vous avez conscience que la première partie est volontairement étirée, lente, descriptive, pour donner à l’irruption puis au développement de l’intrigue conclue dans l’épilogue, sa force psychologique, son mystère, sa dramaturgie ? », se défend l’auteur. « Bien sûr. Vous avez raison. Malheureusement, ce qui tranche au final, c’est la loi du marketing ».

Présidentielle : il n’y a pas d’illégitimité démocratique pour Macron !

 Présidentielle : il n’y a pas  d’illégitimité démocratique  pour Macron ! 

Un cri de révolte pour protester contre le caractère d’illégitimité d’élection de Macron ; un cri qui peut s’entendre mais qui mériterait d’être encore approfondi sur ce qu’on entend par illégitimité. Indiscutablement, l’élection de Macron est juridiquement légitime mais le problème c’est que politiquement, elle ne l’est pas.

En effet, le reproche essentiel fait à Macron, c’est son ascension politique jusqu’au plus haut niveau sans jamais avoir eu le moindre passé social, la moindre expérience collective sociétale, la moindre représentativité collective.  Macron est un bourgeois technocrate choisi et financé par les plus grandes entreprises. Cela évidemment pour favoriser un projet de société de marché.

Les Français sont une majorité à le considérer comme moralement et politiquement illégitime. Pour preuve surtout le premier parti de France de 40 à 50 % d’abstention, de non-inscrits ou de mal inscrits. Même si par ailleurs juridiquement son élection n’est pas contestable 

 

tribune

« J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes, estime Mélanie Tellaa. C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. [...] Ce n’est pas un choix par défaut. »

Je ne suis personne mais je pense représenter une certaine opinion. Emmanuel Macron vient d’être réélu et je suis particulièrement choquée des réactions des personnalités politiques.

Je fais partie des gens qui ont voté pour lui. Pas au premier tour. J’ai voté pour lui au second tour. Et je voudrais m’inscrire en faux contre tout ce qui se dit en ce moment même. Non, ce n’est pas un choix par défaut. Oui, ce choix que j’ai fait et que des millions de gens ont fait, ce choix est un choix démocratique.

J’ai lu les programmes. J’ai évalué les candidats selon leur adéquation à mes principes, à mes valeurs et j’ai évalué leur capacité à faire des propositions réalistes. Tout ça a été le fruit de recherches personnelles, de réflexions. Et oui, j’ai choisi de voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour. J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes.

C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. Je rejette les accusations d’illégitimité démocratique.

Je refuse que les candidats qui n’ont pas conquis assez de voix pour passer au second tour osent parler de vote par défaut. Je regrette aussi qu’ils évoquent le vote « barrage » avec mépris. Car ce vote barrage n’est pas méprisable et n’est pas moins fort que le vote d’adhésion : c’est un vote d’adhésion aux valeurs de la République. C’est un vote contre l’extrême-droite dont le discours est banalisé.

Mais conforter le désespoir de certains citoyens qui voyaient dans le choix à faire un choix du pareil au même, c’est oublier que Marine Le Pen est la candidate d’un parti dont les propositions sont pour beaucoup contraires aux traités européens et à la Constitution française. Ses mesures visent à diviser les Français selon leurs origines ou leurs religions. Lutter contre cela est tout à fait légitime.

Je regrette que ceux qui essuient encore leur défaite n’arrivent pas à relever la tête pour respecter ces électeurs dont je fais partie et qui ont participé à la réélection du président de la République. Je regrette que l’on nie mon choix. Je regrette que l’on compare les dangers de l’extrémisme à un choix républicain.

Et je leur dis à tous : l’offre politique existe. Chacun doit s’en saisir et prendre ses responsabilités. Pour ma part, c’est clair. J’ai voté Macron et je l’ai fait exprès.

Mélanie Tellaa, Angresse (Landes)


« J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes, estime Mélanie Tellaa. C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. [...] Ce n’est pas un choix par défaut. »(tribune d’un lecteur du « Monde »)

 

Je ne suis personne mais je pense représenter une certaine opinion. Emmanuel Macron vient d’être réélu et je suis particulièrement choquée des réactions des personnalités politiques.

Je fais partie des gens qui ont voté pour lui. Pas au premier tour. J’ai voté pour lui au second tour. Et je voudrais m’inscrire en faux contre tout ce qui se dit en ce moment même. Non, ce n’est pas un choix par défaut. Oui, ce choix que j’ai fait et que des millions de gens ont fait, ce choix est un choix démocratique.

J’ai lu les programmes. J’ai évalué les candidats selon leur adéquation à mes principes, à mes valeurs et j’ai évalué leur capacité à faire des propositions réalistes. Tout ça a été le fruit de recherches personnelles, de réflexions. Et oui, j’ai choisi de voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour. J’ai accepté que mon candidat n’ait pas passé le premier tour. Et je me suis tournée vers celui qui correspondait le mieux à mes attentes parmi les deux finalistes.

C’est un choix légitime, un vote d’adhésion au regard du processus électoral de la Ve République. Je rejette les accusations d’illégitimité démocratique.

Je refuse que les candidats qui n’ont pas conquis assez de voix pour passer au second tour osent parler de vote par défaut. Je regrette aussi qu’ils évoquent le vote « barrage » avec mépris. Car ce vote barrage n’est pas méprisable et n’est pas moins fort que le vote d’adhésion : c’est un vote d’adhésion aux valeurs de la République. C’est un vote contre l’extrême-droite dont le discours est banalisé.

Mais conforter le désespoir de certains citoyens qui voyaient dans le choix à faire un choix du pareil au même, c’est oublier que Marine Le Pen est la candidate d’un parti dont les propositions sont pour beaucoup contraires aux traités européens et à la Constitution française. Ses mesures visent à diviser les Français selon leurs origines ou leurs religions. Lutter contre cela est tout à fait légitime.

Je regrette que ceux qui essuient encore leur défaite n’arrivent pas à relever la tête pour respecter ces électeurs dont je fais partie et qui ont participé à la réélection du président de la République. Je regrette que l’on nie mon choix. Je regrette que l’on compare les dangers de l’extrémisme à un choix républicain.

Et je leur dis à tous : l’offre politique existe. Chacun doit s’en saisir et prendre ses responsabilités. Pour ma part, c’est clair. J’ai voté Macron et je l’ai fait exprès.

Mélanie Tellaa, Angresse (Landes)

La violence contre les élus révélateur du mal démocratique ?

La violence contre les élus révélateur du  mal démocratique ?

L’un des défis de la démocratie française sera de réfléchir aux conditions de la légitimité effective des élus, soumis aujourd’hui à une violence qui fait suite à la défiance envers la politique. Par Jean-Baptiste Juillard, Sorbonne Université dans la « Tribune ». 

À la fin du XIXe siècle, la France connut une vague d’attentats anarchistes, dont les deux événements paroxystiques furent la bombe lancée par Auguste Vaillant le 9 décembre 1893 dans la Chambre des députés, qui ne fit aucun mort, et l’assassinat du président de la République Sadi Carnot à Lyon le 24 juin 1894, par Sante Geronimo Caserio. Si la radicalité de cette violence paraît lointaine, et l’anarchisme moins en vue, les représentants politiques sont encore la cible de violences.

Dans le contexte du débat sur le passe vaccinal, nous avons ainsi assisté à une « multiplication » de menaces extrêmement violentes proférées contre des parlementaires de la majorité, à une échelle rarement observée par le passé. La députée LREM Aurore Bergé a de ce fait appelé à la constitution d’un « front commun contre la violence dans le débat public ». Quelque temps auparavant, à l’été 2019, le maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, trouvait la mort, renversé par la camionnette d’un maçon qui avait été rappelé à l’ordre par l’élu alors qu’il déposait illégalement sur la voie publique des encombrants.

Un an après cet événement tragique, c’est le maire de Portbail, Francis d’Hulst, qui fut victime d’une agression physique alors qu’il rappelait l’interdiction de campement sauvage. Ces faits interpellent et étonnent d’autant plus que le mandat de maire est le seul à bénéficier d’un niveau de confiance supérieur à 50 % dans la population française, d’après les données du baromètre de la confiance politique Sciences Po – Cevipof.

En réaction à ces événements, plusieurs parlementaires se sont emparés du sujet. En octobre 2019, le sénateur Philippe Bas a remis un rapport d’information « Sur les menaces et agressions auxquelles sont confrontées les maires », à partir de la consultation de 10,90 % des maires de France ou assimilés, soit 3812 élus, lesquels déclarent à 92 % avoir été victimes de violences physiques ou verbales, allant de l’incivilité à l’agression physique caractérisée.

En avril 2021, les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin ont été rapporteurs d’une mission sur les « entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux » dans le but d’améliorer la sécurité des élus locaux. D’après les chiffres du rapport, issus du ministère de l’Intérieur, en 2020, 1 276 agressions ont eu lieu sur des élus locaux en France, dont 505 agressions physiques, ce qui représente un triplement du volume des faits par rapport à l’année précédente. Les autres agressions courantes sont des outrages, des atteintes au domicile ou encore des dégradations de véhicules.

S’il convient de réagir rapidement avec des mesures juridiques adéquates et opérationnelles, il est aussi nécessaire de comprendre cette augmentation massive à la lumière de l’évolution de la place de l’élu et des transformations de la légitimité en démocratie. S’agit-il d’un problème conjoncturel ou structurel, amené à se déployer encore à l’avenir ?

La violence envers les élus est non seulement inacceptable sur le plan moral et répréhensible sur le plan pénal, mais elle est aussi et surtout difficilement compréhensible sur le plan politique.

Comment en effet peut-il y avoir violence sur la personne qui a reçu l’onction du suffrage universel dans une démocratie ? L’élu est le pivot du système représentatif, dont Benjamin Constant a montré dans un fameux discours sur la « Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » (1819) qu’il était historiquement le mieux à même de préserver nos libertés.

Élire, c’est choisir et investir une personne d’un pouvoir, certes limité et temporaire, mais réel et effectif, exercé au nom de l’intérêt général. Ce faisant, le statut d’élu, dans l’imaginaire culturel et symbolique, est nécessairement associé à un respect spécifique, qu’illustre notamment le port cérémoniel de l’écharpe, aux couleurs du drapeau. Les parlementaires jouissent d’une immunité, qui vaut pour les opinions et les votes exprimés dans le cadre de leur mandat, et n’est bien évidemment pas une protection pour les infractions qu’ils commettraient dans leur vie privée. Les mandats locaux ont été de plus en plus encadrés à la faveur de la décentralisation.

Légitimé par l’histoire, protégé par un statut, assisté par des collaborateurs, entretenu par des indemnités, l’élu devrait pouvoir exercer son mandat en toute tranquillité, au-delà des contestations et controverses qui animent la vie démocratique. Comment expliquer dès lors cette forme de désacralisation de l’élu ?

Dans un livre intitulé La Contre-démocratie Pierre Rosanvallon, historien et ancien professeur au Collège de France, s’intéresse à « la politique à l’âge de la défiance ». Nous serions entrés dans une démocratie de sanction, où le rejet se manifesterait plus visiblement et directement que l’adhésion à un projet.

C’est en effet un véritable changement de nature de l’élection auquel nous assistons selon Pierre Rosanvallon, puisqu’il ne serait plus désormais tant question de choisir que « de procéder à des éliminations », d’où le terme employé de « désélection » (II, 3. La politique négative). Analyser le système politique exige de prendre en considération les actes d’empêchement, dans la mesure où le corps civique se scinde en plusieurs groupes qui portent la contestation par des actions ciblées. En parallèle de l’apathie politique qui produit un « consentement par défaut », il y aurait à l’œuvre un « pouvoir d’empêchement » exercé par un « citoyen négatif », c’est-à-dire un citoyen qui s’oppose et dit non. La participation à la vie politique serait désormais devenue « essentiellement hostile », dominée par le désaveu et ses expressions diverses.

Le président du Sénat Gérard Larcher a contribué à la popularité d’une formule selon laquelle un bon élu local est « à portée d’engueulade » et doit en un sens le rester pour être au plus près des réalités. L’expression, très parlante, a même été reprise par le président de la République après la gifle qu’il a reçue en juin 2021 lors d’un déplacement dans la Drôme. Le chef de l’État appelait alors à distinguer l’expression d’une colère légitime, de la haine et de la violence qui n’ont pas leur place en démocratie.

Il existe bien un combat politique, comme le veut l’expression commune, mais trouve-t-il encore véritablement à s’exprimer ? La philosophe Chantal Mouffe considère que le triomphe d’une vision libérale excessivement et illusoirement consensuelle du politique se fait au détriment des oppositions parfois radicales qui devraient pouvoir s’exprimer en démocratie. Elle défend ainsi une vision « agonistique » du politique, terme issu du grec agôn qui renvoie au conflit et à la lutte.

Cela suppose de reconnaître une véritable légitimité à son adversaire. Dans une démocratie plurielle, reposant sur de véritables oppositions, l’opposant est à la fois combattu et reconnu, celui-ci « ne sera pas considéré comme un ennemi à abattre mais comme un adversaire dont l’existence est légitime et doit être tolérée. » A-t-on encore des ennemis ? Oui, répond la philosophe, qui propose de réserver le terme pour désigner ceux qui « mettent en question les bases mêmes de l’ordre démocratique », comme elle l’écrit dans La politique et ses enjeux (1994).

De l’adversaire à l’ennemi ?

Abattre l’ennemi (2021) est le titre, explicite, d’un ouvrage de l’avocat et pamphlétaire Juan Branco où il cible sans nuance :

« la caste représentative et intermédiante – journalistes, élus, intellectuels et autres « décideurs » et « commentateurs » – qui étouffe notre démocratie et ne conçoit pas que cette dernière puisse exister sans eux ».

Dans une vidéo diffusée sur sa chaîne YouTube, qui compte près de 100 000 abonnés, sous le titre « Prendre Paris », il imagine la conquête révolutionnaire de la capitale. Le choix des mots semble ici dépasser la vision précédemment exposée, pour entrer dans un véritable combat à mort avec un adversaire érigé en un ennemi absolu. Sans rejeter par ailleurs toute forme d’élection, l’auteur souhaite un plus grand contrôle des élus par le peuple, associé à la possibilité d’organiser des référendums d’initiative citoyenne.

En 2019, dans Crépuscule, il s’employait à dévoiler au grand jour les coulisses « sanglants » du pouvoir et plus précisément les ressorts de l’ascension des hommes politiques contemporains, qu’il assimile à de la corruption pure et simple.

Mélangeant faits, interprétations et aspects plus personnels, sans « témoignage sourcé », l’ouvrage a quoi qu’il en soit donné le ton d’un discours acerbe, radical et violent envers la grande majorité des représentants politiques actuels.

Comment redonner de la légitimité aux élus ? En mettant en place un contrôle renforcé de la délégation de pouvoir, par exemple la procédure de révocation en cours de mandat, portée par La France insoumise. On se souvient que Rousseau, au chapitre VII de ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, plaidait déjà pour le mandat impératif, qui consiste à demander aux élus d’agir conformément à des instructions prédéfinies, comme remède au « mal terrible de la corruption ». Or, la Constitution de la Ve République rejette le mandat impératif (article 27) au profit du mandat représentatif.

Une autre piste de réflexion de fond est l’amélioration de la représentativité, comme le propose Pierre Rosanvallon dans Le Parlement des invisibles (2014). En intégrant les discours et vécus des citoyens les plus éloignés de la vie politique, il serait possible de dépasser le sentiment d’abandon et le rejet des élus qui s’y associe. L’idée d’introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives, afin d’offrir une meilleure représentation politique, est d’ailleurs fréquemment évoquée dans le débat public, mais toujours pas réalisée.

Dans L’ange et la bête. Mémoires provisoires (2021), le ministre de l’Économie et des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, décrit le mouvement des « gilets jaunes » comme une véritable « crise de régime », révélant « l’obsolescence de nos institutions », source de colère et de contestation. D’où l’idée d’entreprendre un travail de refondation de celles-ci, afin de répondre à ce nouveau malaise démocratique.

Quoi qu’il en soit, l’un des défis à venir de la démocratie française sera assurément de réfléchir aux conditions de la légitimité effective des élus, au-delà du vote même, afin de retrouver le chemin d’une démocratie animée mais apaisée.

_______

Par Jean-Baptiste Juillard, Professeur agrégé de philosophie, doctorant en philosophie et théorie politique, Sorbonne Université

L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Pierre-Henri Tavoillot.

Rachat de Twitter par Elon Musk , le danger démocratique

Rachat de Twitter par Elon Musk  , le danger  démocratique

Le chercheur Olivier Ertzscheid, spécialiste des nouvelles technologies à l’Université de Nantes, décrypte les conséquences de l’achat de Twitter par le milliardaire Elon Musk, qui prône une vision radicale de la liberté d’expression. Fin connaisseur du modèle économique des médias sociaux, l’universitaire explique la différence entre la liberté d’expression et son amplification algorithmique, qui justifie selon lui la modération. Il dénonce également le problème de la gouvernance des réseaux sociaux, qui permet à leurs dirigeants de concentrer un pouvoir démesuré.

 

LA TRIBUNE – Quelles conséquences du rachat  de Twitter par Elon Musk

Olivier ERTZSCHEID - Il faut bien comprendre qu’il existe deux conceptions de la liberté d’expression. La première, plutôt américaine, est radicale : la liberté est au-dessus de tout, ce qui signifie que tout point de vue, quel qu’il soit, peut être exprimé dans l’espace public. Y compris, donc, un point de vue raciste, xénophobe, antisémite ou la diffusion d’une fake news. La deuxième conception, plutôt européenne et française, est qu’il y a des limites légales à ce qu’on peut dire dans l’espace public.

La plupart des patrons des entreprises de la tech américaine, y compris Jack Dorsey [le fondateur et premier CEO de Twitter, qui a quitté la direction fin 2021, Ndlr] pensent que la liberté d’expression doit être totale. C’est pour cela qu’ils combattent l’idée que les réseaux sociaux sont des médias responsables des contenus qu’ils diffusent, et qu’ils se montrent si réticents à les modérer. Mark Zuckerberg [le fondateur et patron de Meta qui comprend Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, Ndlr], Jack Dorsey, ou encore les dirigeants de Google/YouTube, estiment que leur plateforme est un outil technique avant tout. Pour eux, leur rôle est simplement de mettre en relation les utilisateurs, grâce à des algorithmes qui mettent en avant des contenus liés à leurs centres d’intérêts.

 

La conception radicale de la liberté d’expression, telle que la défend Elon Musk, est-elle toujours tenable étant donné l’impact négatif, prouvé par de multiples études, des réseaux sociaux sur le débat démocratique ?

Non ce n’est plus tenable, car quel que soit le camp que l’on défend, il faut distinguer le « free speech » (la liberté d’expression) du  »free reach » (la libre portée) des réseaux sociaux, c’est-à-dire l’amplification algorithmique des contenus. Le fait qu’un propos raciste ou qu’une fake news puisse, par le simple fait de son existence, atteindre une audience énorme, pose manifestement un problème. Ce constat est largement partagé dans la classe politique. L’enjeu est donc de trouver le juste équilibre, c’est-à-dire garantir à chacun la possibilité de dire ce qu’il veut, sans offrir à chaque parole la même capacité à toucher une grande audience.

L’Histoire récente a démontré que les algorithmes des réseaux sociaux ne sont pas neutres et qu’ils peuvent avoir un impact négatif majeur sur la vie démocratique, partout dans le monde, des Etats-Unis à l’Inde en passant par les Ouïghours en Chine, ou en Europe. Les Facebook Files, révélés l’an dernier par la lanceuse d’alerte Frances Haugen à partir de documents internes à Facebook, ont confirmé l’ampleur du phénomène et surtout, la complicité de Facebook lui-même. On a pu constater lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, où les électeurs indécis ont été abreuvés de fake news, ou lors du référendum du Brexit la même année, que les réseaux sociaux peuvent être manipulés. De nombreux travaux scientifiques font également le lien entre la mise en avant des contenus haineux et polémiques, et le modèle économique même des Facebook, Twitter et consorts. Car celui-ci se base sur l’engagement de l’utilisateur : plus les contenus génèrent une émotion, plus l’utilisateur passe de temps sur la plateforme et dissémine des données personnelles que l’entreprise monétise.

Face à ces constats, les plateformes sociales comme Facebook et Twitter subissent la pression des régulateurs depuis quelques années. Des deux côtés de l’Atlantique, les pouvoirs publics les incitent à intervenir sur les contenus, notamment pour réduire le cyberharcèlement et les fake news.

Globalement, ils ne font pas un bon travail, surtout Twitter qui a le pire ratio de modérateurs humains par utilisateur. Mais cette « brèche » dans la conception américaine de la liberté d’expression, a déclenché un mouvement contestataire selon lequel les réseaux sociaux dominants entraveraient la liberté d’expression, et dont Donald Trump et Elon Musk sont des porte-voix.

 

En prenant le contrôle de Twitter, Elon Musk pourrait-il appliquer sa conception radicale de la liberté d’expression sans que rien ne l’en empêche ?

La régulation progresse des deux côtés de l’Atlantique pour imposer des obligations aux plateformes. En Europe, le Digital Services Act (DSA), entièrement dédié à ce sujet, sera bientôt voté au Parlement européen. Des travaux similaires sont menés aux Etats-Unis. Mais pour l’heure, le fonctionnement des réseaux sociaux reste principalement de leur propre responsabilité.

Je pense donc que le principal problème démocratique aujourd’hui est avant tout un problème de gouvernance. Au regard de leur poids politique, de leur puissance économique, et de leur capacité extraordinaire à façonner les opinions de centaines de millions de personnes [Facebook est utilisé par 2,9 milliards de personnes par mois, 330 millions pour Twitter, Ndlr], leurs dirigeants disposent de beaucoup trop de pouvoir.

Dans ce contexte, la personnalité des dirigeants et de leur conseil d’administration est cruciale. Le moindre soubresaut idéologique d’un Mark Zuckerberg, d’un Parag Agrawal [l'actuel CEO de Twitter, Ndlr] ou demain peut-être d’Elon Musk, peut avoir un impact sur la vie de millions de personnes.

A ce titre, le fait qu’Elon Musk soit si près d’obtenir un tel pouvoir peut légitimement inquiéter tant l’homme est connu pour son imprévisibilité. C’est un euphémisme de dire qu’il n’est ni le plus calme, ni le plus stable, ni le plus modéré des patrons de la tech américaine. En obtenant 100% du capital de Twitter et en sortant l’entreprise de la Bourse, il sera libre de la gouverner comme bon lui semble et de choisir qui siège à son Conseil d’administration.

En attendant la régulation, pourrait-il toutefois être limité dans sa volonté de détruire toute forme de modération, par la pression des pouvoirs publics voire par les propres utilisateurs de Twitter ?

Le fait que Facebook et Twitter se soient mis à la modération après avoir été fortement mis en cause pour des dysfonctionnements majeurs, montre que la pression politique peut être efficace.

Il est vrai aussi que les réseaux sociaux ne sont que ce qu’en font leurs utilisateurs. Même si la présence sur les réseaux sociaux est addictive, nous sommes libres de partir ou de rester. Nous évoluons tous dans notre propre bulle algorithmique, en fonction des personnes que nous avons choisi de suivre et des contenus avec lesquels nous interagissons via nos commentaires, nos « likes » et nos retweets. Donc il y a autant de « Twitters » que d’utilisateurs de Twitter, et malgré tous les problèmes de modération, ce réseau social est aujourd’hui prisé par de nombreux activistes, journalistes, universitaires, chercheurs et citoyens lambda qui le considèrent comme une source importante d’accès à l’information.

Elon Musk ne peut donc pas faire n’importe quoi, car il n’aurait pas intérêt à ce que le service perde des utilisateurs. Mais des changements majeurs pourraient tout de même être décidés car Musk est persuadé que la direction actuelle n’exploite pas le plein potentiel de Twitter. Il a déjà déclaré que les changements qu’il souhaite vers une liberté d’expression plus radicale seraient bénéfiques pour recruter de nouveaux utilisateurs et mieux engager les utilisateurs actuels.

Quoi qu’il en soit, ce qui changera de manière certaine si Elon Musk contrôle Twitter, c’est qu’il fera beaucoup moins de concessions dans certains contextes, comme récemment lors de la guerre en Ukraine, ou encore la fermeture du compte de Donald Trump en 2021. Musk estime qu’exclure l’ancien président des Etats-Unis de Twitter est une aberration, malgré le fait que Trump ait utilisé ce réseau social pour contester le résultat de l’élection présidentielle de 2020, ce qui a contribué à l’insurrection du Capitole en janvier 2021.

Pensez-vous qu’Elon Musk a un agenda politique ? L’entrepreneur met en scène sa proximité avec Donald Trump, partage son opinion sur la liberté d’expression, et mène une OPA hostile sur Twitter alors que les Etats-Unis s’apprêtent à entrer en période électorale avec les élections de mi-mandat de fin d’année.

Je n’en sais rien car je ne suis pas dans sa tête, mais il faut se poser la question. Des études de chercheurs ainsi que les Facebook Files ont révélé que l’amplification algorithmique des contenus favorise l’extrême-droite. Pourquoi ? Parce que les contenus les plus extrêmes déclenchent des émotions, donc des réactions -d’autant plus si les émotions sont négatives. Ce sont eux qui bénéficient le plus des mécanismes de la viralité, ce qui contribue à diffuser les idées qu’ils véhiculent.

Aucune plateforme sociale ne peut être pensée indépendamment de son poids politique. Ceci dit, il faut prendre en compte qu’aux Etats-Unis, les grands patrons ont un rapport différent à la politique qu’en France. Il est tout à fait accepté dans les mœurs américaines qu’une entreprise finance massivement les deux camps ou donne plus d’argent à l’un par rapport à l’autre. Ce n’est pas du tout perçu comme un danger pour la démocratie.

Mais nous sommes entrés dans une nouvelle ère depuis 2016. La société américaine est extrêmement fracturée. Donald Trump a changé la donne dans le sens où pour la première fois, les patrons de la tech américaine ont massivement rejeté sa candidature en 2020, à quelques exceptions près comme Peter Thiel [un investisseur phare de la Silicon Valley, Ndlr]. Il y a donc une instrumentalisation du rôle des réseaux sociaux et de leur allégeance politique supposée. Parce qu’ils se plient -même mal et de manière très insuffisante- à des impératifs de régulation des contenus, Facebook et le Twitter de la période Jack Dorsey puis Parag Agrawal, sont perçus par certains comme faisant le jeu des Démocrates, ce qui est une déduction très contestable.

Peut-être y-a-t-il la volonté d’un « rééquilibrage » de la part d’Elon Musk. Gardons toutefois en tête que les réseaux sociaux partisans, créés par et pour un camp, ne décollent pas de leur cercle d’adhésion idéologique, à l’image du réseau social d’extrême-droite Gab ou de celui lancé cette année par Donald Trump. Ces plateformes ont été créées justement pour garantir la liberté d’expression qu’il manquerait à Twitter, mais il est très difficile de percer dans l’univers bouché des réseaux sociaux. C’est peut-être pour cela qu’Elon Musk a jeté son dévolu sur Twitter plutôt que sur l’un de ces acteurs ou sur la création d’un nouveau réseau social.

Quid des conflits d’intérêts ? En plus d’être l’homme le plus riche du monde, Elon Musk est également le patron de deux entreprises, Tesla et SpaceX, qui ont de forts enjeux avec les pouvoirs publics. Récemment, Musk a critiqué le président démocrate Joe Biden, qu’il accuse de ne pas assez soutenir Tesla, et SpaceX est sous contrat avec la Nasa…

Elon Musk est un entrepreneur milliardaire à la tête de deux entreprises plus ou moins stratégiques. S’il devait posséder un média social et la puissance qui va avec, cela représenterait un conflit d’intérêts très clair, mais ce n’est pas illégal. Ce ne serait d’ailleurs pas une première dans le secteur des médias. En France comme aux Etats-Unis, un nombre non-négligeable de médias sont détenus par des milliardaires qui sont aussi des grands patrons [Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, détient le Washington Post ; Bernard Arnault, le patron du géant du luxe LVMH, détient Les Echos et Le Parisien, Ndlr] voire même par des capitaines d’industries stratégiques [la famille Dassault, active dans la défense, détient Le Figaro, Ndlr].

 

Si la concentration des médias entre les mains de milliardaires est un sujet majeur, il est très clair que dans le domaine des réseaux sociaux au moins, on se dirige vers un contrôle plus strict des plateformes via la régulation, même si on n’y est pas encore. Un corpus doctrinaire est en train de se réinventer autour des lois antitrust pour voir de quelles manières on pourrait produire de nouvelles législations adaptées à la réalité de ce qu’est une plateforme technologique aujourd’hui, et des nouveaux défis démocratiques qu’elles posent. Cette évolution va dans le sens inverse de ce que souhaite Elon Musk. Il est certain que ni lui ni Mark Zuckerberg n’en seront des alliés.

Société-Médias et Vincent Bolloré: La menace démocratique

Société-Médias  et Vincent Bolloré: La menace  démocratique

 

Ce qu’il a entrepris dans le domaine de l’information (déjà Canal +, CNews ou Prisma Media, et Europe 1, Le Journal du dimanche, Paris Match sur lesquels il a commencé d’imprimer sa « patte ») constituait déjà un gisement d’inquiétudes. Ce qu’il prépare dans le secteur de l’édition – résultant de l’OPA qu’il mène sur le groupe Lagardère propriétaire de Hachette – semble moins spectaculaire aux yeux de l’opinion ; or les effets industriels, intellectuels, éthiques, ne s’annoncent pas moins préoccupants. Le raid de Vincent Bolloré constitue une menace pour la salubrité du débat d’idées, qu’il soit public (dans le cas des médias) ou intime (dans celui de l’édition d’essais et de fiction). Et donc un risque démocratique. 

C’est l’histoire d’un essayiste aguerri qui compose son premier roman. Nommons-le Pierre. Il le sait, dénicher un éditeur dans une discipline où il est novice ne sera pas un long fleuve tranquille, et même davantage : il s’engage dans un parcours du combattant à l’issue très incertaine, tant les embuches s’amoncellent dès la ligne de départ. Comment faire exister un manuscrit parmi les 2.000 à 4.000 réceptionnés chaque année par des maisons qui n’en sélectionnent, au final, qu’une à quelques poignées ? Et dans ces conditions, comment espérer qu’il rencontre la sensibilité d’une femme ou d’un homme qui l’aura miraculeusement pioché dans la pile avant de le transmettre au comité ad hoc chargé de lire puis d’élire ? La (petite) notoriété, les (solides) réseaux, la foi immarcescible de l’auteur suffiront-elles ? Non, il en est conscient, et le facteur chance, par nature imprévisible, devrait constituer l’arbitre final. Final, vraiment ? Pas tout à fait.

Lorsqu’il pense avoir triomphé des obstacles les plus aigus et que ses pérégrinations semblent proches d’aboutir, voilà que Pierre se confronte à d’autres écueils, ceux-là tout à fait imprévus. Chez telle prestigieuse enseigne, après avoir franchi avec succès le seuil le plus délicat, il s’entend signifier qu’il est trop âgé, la décision ultime privilégiant un « auteur plus jeune » qui générera un plus sûr retour sur investissement. Dans telle autre grande maison, le retour enthousiaste du sommet de la pyramide passant le relais à une collaboratrice promet la lumière ; peine perdue, les « équipes commerciales préfèrent renoncer, faute de savoir comment traiter cet « alien » ». Ici, la détermination de l’auteur de rester imperméable aux réseaux sociaux est jugée rédhibitoire « puisqu’aujourd’hui sans stratégie Instagram, Twitter, Facebook, impossible de lancer un livre ». Là, le comité de lecture estime le texte « trop sombre » pour être populaire. Le pire peut-être, introduit par différents interlocuteurs sans relation entre eux : « Il faudrait revoir l’organisation du texte, afin que l’intrigue surgisse dans les quinze premières pages. C’est une règle : au-delà, on perd le lecteur », synthétise, en substance, l’un d’eux. « Mais vous avez conscience que la première partie est volontairement étirée, lente, descriptive, pour donner à l’irruption puis au développement de l’intrigue conclue dans l’épilogue, sa force psychologique, son mystère, sa dramaturgie ? », se défend l’auteur. « Bien sûr. Vous avez raison. Malheureusement, ce qui tranche au final, c’est la loi du marketing ».

Médias et Vincent Bolloré: La menace démocratique

Médias  et Vincent Bolloré: La menace  démocratique

 

Ce qu’il a entrepris dans le domaine de l’information (déjà Canal +, CNews ou Prisma Media, et Europe 1, Le Journal du dimanche, Paris Match sur lesquels il a commencé d’imprimer sa « patte ») constituait déjà un gisement d’inquiétudes. Ce qu’il prépare dans le secteur de l’édition – résultant de l’OPA qu’il mène sur le groupe Lagardère propriétaire de Hachette – semble moins spectaculaire aux yeux de l’opinion ; or les effets industriels, intellectuels, éthiques, ne s’annoncent pas moins préoccupants. Le raid de Vincent Bolloré constitue une menace pour la salubrité du débat d’idées, qu’il soit public (dans le cas des médias) ou intime (dans celui de l’édition d’essais et de fiction). Et donc un risque démocratique. Au Festival du livre de Paris (22 – 24 avril), le sujet sera dans toutes les bouches.( papier de « la Tribune »)

C’est l’histoire d’un essayiste aguerri qui compose son premier roman. Nommons-le Pierre. Il le sait, dénicher un éditeur dans une discipline où il est novice ne sera pas un long fleuve tranquille, et même davantage : il s’engage dans un parcours du combattant à l’issue très incertaine, tant les embuches s’amoncellent dès la ligne de départ. Comment faire exister un manuscrit parmi les 2.000 à 4.000 réceptionnés chaque année par des maisons qui n’en sélectionnent, au final, qu’une à quelques poignées ? Et dans ces conditions, comment espérer qu’il rencontre la sensibilité d’une femme ou d’un homme qui l’aura miraculeusement pioché dans la pile avant de le transmettre au comité ad hoc chargé de lire puis d’élire ? La (petite) notoriété, les (solides) réseaux, la foi immarcescible de l’auteur suffiront-elles ? Non, il en est conscient, et le facteur chance, par nature imprévisible, devrait constituer l’arbitre final. Final, vraiment ? Pas tout à fait.

Lorsqu’il pense avoir triomphé des obstacles les plus aigus et que ses pérégrinations semblent proches d’aboutir, voilà que Pierre se confronte à d’autres écueils, ceux-là tout à fait imprévus. Chez telle prestigieuse enseigne, après avoir franchi avec succès le seuil le plus délicat, il s’entend signifier qu’il est trop âgé, la décision ultime privilégiant un « auteur plus jeune » qui générera un plus sûr retour sur investissement. Dans telle autre grande maison, le retour enthousiaste du sommet de la pyramide passant le relais à une collaboratrice promet la lumière ; peine perdue, les « équipes commerciales préfèrent renoncer, faute de savoir comment traiter cet « alien » ». Ici, la détermination de l’auteur de rester imperméable aux réseaux sociaux est jugée rédhibitoire « puisqu’aujourd’hui sans stratégie Instagram, Twitter, Facebook, impossible de lancer un livre ». Là, le comité de lecture estime le texte « trop sombre » pour être populaire. Le pire peut-être, introduit par différents interlocuteurs sans relation entre eux : « Il faudrait revoir l’organisation du texte, afin que l’intrigue surgisse dans les quinze premières pages. C’est une règle : au-delà, on perd le lecteur », synthétise, en substance, l’un d’eux. « Mais vous avez conscience que la première partie est volontairement étirée, lente, descriptive, pour donner à l’irruption puis au développement de l’intrigue conclue dans l’épilogue, sa force psychologique, son mystère, sa dramaturgie ? », se défend l’auteur. « Bien sûr. Vous avez raison. Malheureusement, ce qui tranche au final, c’est la loi du marketing ».

 

123456...10



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol