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Afrique : de la démocratie aux dictatures

Afrique : de la démocratie aux dictatures

Par Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The Conversation

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ». Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Commençons par un bref rappel des événements.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.
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Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

Ecologie et démocratie

Ecologie et démocratie

La juriste Mathilde Hautereau-Boutonnet s’inquiète, dans une tribune au « Monde », des menaces que la priorité donnée aux politiques environnementales fait peser sur les libertés individuelles.

La lutte contre le réchauffement climatique mérite-t-elle de mépriser nos libertés individuelles ? La question se pose lorsque l’on écoute certains propos récemment médiatisés. Tandis que l’activiste du climat Camille Etienne, à l’occasion de la parution de son premier livre (Pour un soulèvement écologique, Seuil, 176 pages, 18 euros), fustige les « puissants » qui organisent notre « apathie » face à l’urgence écologique, et leur oppose une démocratie subordonnée aux « limites planétaires » comme réalités « non négociables », l’ingénieur Jean-Marc Jancovici appelle à instaurer un système de quotas qui n’autoriserait les Français à effectuer au cours de leur vie que quatre déplacements en avion.

Dans les deux cas, qu’il prenne ses racines dans le militantisme écologique anticapitaliste ou le réalisme scientifique chiffré, le discours aboutit au même résultat : fermer la porte à tout débat sur l’atteinte aux libertés individuelles à laquelle conduisent incidemment ces propositions. Les faits parlent d’eux-mêmes, ils nous imposent de ne pas penser autrement, la liberté n’existant que parce qu’elle est collective, pour l’une, et la restriction proposée n’étant que « casse-bonbons », pour l’autre !

Ce résultat est regrettable. Il prive le public d’un élément important pour comprendre comment la lutte contre le réchauffement climatique peut s’opérer dans le respect de l’Etat de droit, seul « terrain de jeu » véritablement non négociable.

Au cœur de cet Etat de droit se trouvent justement nos libertés individuelles et, parmi elles, la liberté d’entreprendre, le droit de propriété et la liberté d’aller et venir. Socle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, celles-ci nous ont jusqu’alors permis de vivre dans une société développée dont nous tirons encore bien des profits.

Certes, ces libertés peuvent être encadrées. Parce que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (art. 4, DDHC), le législateur peut créer des règles portant atteinte à leur exercice, d’autant plus que dans le domaine environnemental, outre le fait que la charte constitutionnelle de l’environnement reconnaît depuis 2005 des droits et des devoirs environnementaux, le Conseil constitutionnel fait de la protection de l’environnement un objectif à valeur constitutionnelle justifiant, au nom de l’intérêt général, les atteintes à certaines libertés.

Politique : Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France !

Politique : Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France

Il y aurait sans doute à rire des leçons des dictatures si le sujet n’était pas d’une telle gravité. En effet, tous les dictateurs ou presque du monde s’empressent de donner des conseils de démocratie à la France. La Russie bien sûr mais aussi l’Iran, la Turquie, l’Algérie et bien d’autres qui n’hésitent pas en quelques jours à tuer leurs propres ressortissants à la moindre manifestation d’opposition.

Les reproches à la France par les dictatures sanglantes provoquent un sentiment de honte et de ridicule. Des pays où les dirigeants pillent et tuent sans vergogne leur population et pourtant qui donnent des leçons de liberté.

C’est en quelque sorte le triomphe du vice sur la vertu non seulement sur le plan politique mais aussi économique et sociétal. En effet la plupart de ces pays ont en commun d’être sous-développés du fait en particulier du pillage dont ils sont l’objet par les dirigeants et la technostructure.

Certes au plan international, la situation de la France a été critiquée à juste titre par nombre de pays développés mais on ne saurait accepter les leçons des cliques de criminels et de voleurs qui imposent les dictatures de certains pays pauvres.

Emeutes: Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France !

Emeutes: Les dictatures sanglantes donnent des leçons de démocratie à la France

Il y aurait sans doute à rire des leçons des dictatures si le sujet n’était pas d’une telle gravité. En effet, tous les dictateurs ou presque du monde s’empressent de donner des conseils de démocratie à la France. La Russie bien sûr mais aussi l’Iran, la Turquie, l’Algérie et bien d’autres qui n’hésitent pas en quelques jours à tuer leurs propres ressortissants à la moindre manifestation d’opposition.

Les reproches à la France par les dictatures sanglantes provoquent un sentiment de honte et de ridicule. Des pays où les dirigeants pillent et tuent sans vergogne leur population et pourtant qui donnent des leçons de liberté.

C’est en quelque sorte le triomphe du vice sur la vertu non seulement sur le plan politique mais aussi économique et sociétal. En effet la plupart de ces pays ont en commun d’être sous-développés du fait en particulier du pillage dont ils sont l’objet par les dirigeants et la technostructure.

Certes au plan international, la situation de la France a été critiquée à juste titre par nombre de pays développés mais on ne saurait accepter les leçons des cliques de criminels et de voleurs qui imposent les dictatures de certains pays pauvres.

Néolibéralisme et démocratie

Néolibéralisme et démocratie
par
Rémi Boura
Docteur en sociologie, Université Paris Dauphine – PSL dans the Conversation

La députée socialiste Valérie Rabault s’est insurgée lors en défendant la 17ème motion de censure du gouvernement le 12 juin dernier:

« Votre gouvernement et vous-même avez tenté de jeter le discrédit sur l’Assemblée nationale en matière de recevabilité financière des propositions de loi et des amendements. Madame la Première ministre, comment un membre de votre gouvernement peut-il se permettre de porter un jugement sur un président de commission de l’Assemblée nationale dans l’exercice de ses fonctions ? C’est une ingérence dangereuse !» Si la motion n’a pas abouti à la démission d’Élisabeth Borne, cette séquence devrait achever – pour le moment – le débat parlementaire sur la réforme des retraites, que la proposition de loi du groupe LIOT a rouverte. À travers cette initiative, le rapporteur Charles de Courson souhaitait donner l’opportunité au gouvernement de sortir de la « crise politique et sociale » cristallisée par ce que beaucoup ont nommé un « détournement de procédure » (le recours aux 47‑1 et 49-3 de la Constitution) pour faire passer « par la force » leur projet de loi. Au contraire, le texte défendu par ce groupe centriste a ouvert les débats sur la recevabilité financière et ses conséquences sur les initiatives parlementaires.

L’usage traditionnel de l’Assemblée nationale est de tolérer, dans une certaine mesure, l’outre-passement de la règle constitutionnelle interdisant aux élus la création ou l’aggravation d’une charge publique pour les propositions de loi (dont l’origine revient aux parlementaires alors que les projets de loi sont à l’initiative du gouvernement). Ces controverses semblent objectiver une crise de l’art néolibéral de gouverner.

Ainsi, si les oppositions dénoncent les pressions de l’exécutif – notamment sur Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale – le groupe Renaissance et ses alliés dénoncent une « arnarque », « une dérive absolue », une position « populiste » mettant en danger le système des retraites (malgré les sévères réserves apportées par le Conseil d’Orientation des Retraites) mais surtout le respect de la Constitution, garante du bon fonctionnement de notre démocratie.

Or, ces arguments sont révélateurs d’une crise de gouvernementalité. Soit, pour Michel Foucault:

une inflation des mécanismes compensatoires de la liberté, c’est-à-dire que pour l’exercice de certaines libertés, comme par exemple la liberté du marché et de la législation antimonopolistique, vous pouvez avoir la formation d’un carcan législatif, qui sera éprouvé par les partenaires du marché comme étant un excès d’interventionnisme et un excès de contraintes et de coercition.

Les accusations de « populisme » pour délégitimer les oppositions sont en réalité un mode opératoire classique des néolibéraux, selon l’économiste Bruno Amable.

Les « solutions courageuses » des gouvernements néolibéraux reposent sur un alliage de règles constitutionnelles et d’élites éclairées, ce qui suppose de fixer quelques limites à la démocraties.

Si l’impossibilité constitutionnelle pour le parlement d’accroître les dépenses publiques peut être considérée comme l’une des restrictions à la démocratie, celle-ci est justifiée par l’obligation de « maîtriser la dette publique ».

En effet, le capitalisme requiert des libertés économiques qui exigent des libertés politiques et un mode de gouvernement particulier. Ici, le gouvernement et ses alliés considèrent qu’il est impératif de réformer notre système de retraite, en dépit de l’impopularité de la réforme, afin de le sauver par un meilleur contrôle les dépenses publiques.

Il s’agit d’un signal envoyé aux marchés financiers , symptomatique d’un fonctionnement néolibéral, résumé par la maxime de Michel Foucault comme suit:

« un État sous surveillance de marché plutôt qu’un marché sous surveillance de l’État ».

La problématique des dépenses publiques soulève celle du poids de la dette, dont le remboursement est devenu une boussole de l’action publique, notamment depuis son ouverture aux marchés financiers sous la Présidence de François Mitterrand.

“C’est soit la réduction de la dette maintenant, soit les impôts demain”, déclarait Bruno Le Maire le 19 avril 2023, Public Sénat.
La maîtrise de la dette préfigure une conception nouvelle d’envisager le rôle de l’État. Celui-ci se souhaite stratège et garant de l’ordre concurrentiel du marché,, tout en limitant la capacité d’action du pouvoir législatif, notamment sa propension à créer des charges supplémentaires (ce qu’aurait généré la proposition de loi du groupe LIOT).

Dès lors, la redéfinition du rôle de l’État va de pair avec un nouvel impératif politique: l’adaptation à l’ordre néolibéral.

Cette injonction a des conséquences sur la manière de fabriquer la loi, et notamment sur le déclassement institutionnel du Parlement au profit de l’exécutif. Les révisions de la Constitution n’ont pas placé le parlement dans les meilleures conditions pour qu’il puisse accomplir son mandat.

Placés dans une situation d’urgence législative – en témoigne l’usage croissant de la procédure accélérée lors des examens parlementaires et du recours aux ordonnances rédigées au sein des administrations centrales, arcanes assez confidentielles – députés et sénateurs disposent d’un temps réduit pour s’organiser en contre-pouvoir de l’exécutif. Mais surtout pour disposer de l’intégralité des paramètres, des études, des opinions pour façonner la leur.

Il n’est d’ailleurs pas rare que les parlementaires se plaignent des mauvaises conditions dans lesquelles ils doivent légiférer ou sur les modalités d’examen d’un texte, comme le suggère la sénatrice Dominique Estrosi Sassone qui cite une « législation à la sauvette » .

Cette manière d’accélérer le dénouement législatif accroît le risque de générer une norme approximative et atténue la capacité de régulation de la puissance publique.

Pour quelles raisons les gouvernements ont-ils cherché alors à accélérer les débats, alors que la discussion et ses conditions sont centrales dans un régime démocratique ? La délibération facilite l’adhésion volontaire à une norme commune après que chacun ait eu l’opportunité d’exposer ses aspirations pour la communauté.

Or, cette délibération politique s’avère être perçu comme un poids dans une économie mondialisée et en concurrence selon les doctrines libérales.

Consciente de la désynchronisation du monde politique avec le monde économique, l’autorité publique tente donc de réduire ce décalage en accélérant le temps législatif. Ce temps long est pourtant crucial, comme le précise le philosophe Hartmut Rosa qui rappelle que sinon, il peut se produire un déplacement du processus décisionnel vers des arènes plus confidentielles et moins démocratiques, renforçant la conviction de lobbies tirant les ficelles dans l’ombre.

Ainsi, la réduction du temps délibératif et l’accroissement de l’opacité du processus décisionnel participent à la crise contemporaine de gouvernementalité.Imputer la genèse de cette crise à la présidence d’Emmanuel Macron paraitrait excessif.

En revanche, le chef de l’État ne peut pas s’en absoudre, tant son action puis celle de ses gouvernements ont accentué la multiplication des expressions violentes (parfois sinistres) du rejet de l’offre politique et du système les désignant.

En réaction aux contestations sociales, l’État a produit des normes sécuritaires, disciplinaires et répressives pour préserver l’ordre ainsi que le mode de gouvernement néolibéral . Dernier exemple en date : la proposition – débattue en ce moment – d’activer à distance (dans certains cas précis) des appareils connectés aux fins de géolocalisation. La répression des mouvements sociaux révèle aussi un tournant conflictuel et violent tout comme « l’usage disproportionné de la force par la police » – pour reprendre les mots du Parlement européen – durant les manifestations des gilets jaunes.

Si la proposition de loi des députés LIOT n’a pas permis au gouvernement et ses alliés de sortir de la crise de gouvernementalité elle a eu l’avantage de souligner les tensions liées à notre fonctionnement politique, social et économique et leurs conséquences peuvent être inquiétantes.

La démocratie confisquée ?

La démocratie confisquée ?

Durant les débats sur la réforme des retraites, l’exécutif n’a eu de cesse de déployer les outils du « parlementarisme rationalisé » à l’instar de l’article 49-3, qui permet l’adoption d’un projet de loi sans vote ou du 47-1, qui autorise, sous certaines conditions, à limiter la durée des débats ​parlementaires. Bien que parfaitement légaux, leurs usages réitérés sont-ils justes pour la démocratie ?, interroge la philosophe Myriam Revault d’Allonnes pour le JDD.


La philosophe s’interroge sur le caractère démocratique de l’usage excessif de procédure qui en faites limite la démocratie en particulier au Parlement. Un article intéressant mais qui aurait pu insister davantage sur le phénomène plus général de désengagement du citoyen puisque la plupart des élus ne recueille désormais qu’autour de 12 à 13 % des voix des 47 % inscrits qui votent. Autant dire qu’ils ne sont pas légitimes tant sur le plan juridique que politique.*

Le recours à l’article 40 de la Constitution, qui vient de déclarer irrecevable le texte du groupe Liot, est le dernier épisode d’une série de dispositions constitutionnelles qui ont permis au gouvernement de contourner tous les débats à ­l’Assemblée sur le contenu et les enjeux de la réforme des retraites. Qu’il s’agisse du 49-3, qui permet l’adoption d’un projet de loi sans vote, du 47-1, qui autorise, sous certaines conditions, à limiter la durée des débats ​parlementaires, du 44-3 (utilisé en mars devant le Sénat pour provoquer un vote bloqué sur la totalité du texte) ou du récent article 40, ces diverses procédures n’ont rien d’« illégal ». Elles font partie de ce qu’on appelle le « parlementarisme rationalisé » et le pouvoir en place est en droit de les justifier en arguant de leur conformité aux institutions de la Ve ­République. Soit. Mais cela suffit-il à attester leur caractère démocratique ? À moins que leur usage réitéré ne soit le signe manifeste d’un « déni » de démocratie ou, pour reprendre l’expression de Laurent ­Berger, d’un « vice » ­démocratique ?​

Ne pas réduire la démocratie à un mode de gouvernement

La réponse ne se trouve pas dans le seul examen de la légalité des formes et des modes de fonctionnement démocratiques. Car la démocratie, précisément, n’est pas une affaire de procédure et elle ne se limite pas à un mode d’organisation juridico-politique. Elle est d’abord, comme le disait Tocqueville, une « forme de société », à savoir une manière de faire du « commun », d’occuper et d’investir l’espace public, d’instituer des rapports entre les citoyens et le pouvoir. Ce qui la caractérise, c’est d’abord le rôle primordial des corps intermédiaires, l’importance de la délibération et de la discussion publique où s’échangent des arguments contradictoires. Elle ne se satisfait pas de la légalité de l’ordre établi par la sanction du suffrage universel. Plus encore : elle accueille la possibilité de sa contestation et le droit des gouvernés à élaborer des formes de contrôle, de critique et d’évaluation du pouvoir. Le cœur de la démocratie – c’est sans doute ce qui rend son exercice difficile –, c’est qu’elle est investie par un questionnement sans fin sur le légitime et l’illégitime, sur le juste et l’injuste et sur l’ensemble des valeurs dont le pouvoir n’est ni le détenteur ni le garant ultime. Il n’est que le dépositaire (momentané) de la souveraineté du peuple.​

*En rapportant les votes exprimés au nombre d’inscrits, dans 61 circonscriptions, le député vainqueur en 2022a été élu avec moins de 20 % des voix des électeurs inscrits.

Ces circonscriptions sont notamment celles Français de l’étranger, ainsi que les territoires d’Outre-mer, dans plusieurs circonscriptions de la Martinique ou la 3e circonscription de la Guadeloupe.

Des circonscriptions de l’Hexagone sont également concernées : 16,6 % des inscrits obtenus pour le député Rassemblement national Laurent Jacobelli de la 8e circonscription de la Moselle, 17,2 % pour Martine Etienne, députée de la Nupes dans la Meurthe et la Moselle, 17,8 % pour le député Sébastien Delogu aussi député de la Nupes dans la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône…

Dans trois circonscriptions des Français établis à l’étranger, les élus n’ont récolté que moins de 10 % des inscrits : Meyer Habib de l’Union des Démocrates et Indépendants a été élu dans celles de la 8e (Europe du Sud) avec moins de 7 % des inscrits, Éléonore Caroit d’Ensemble ! élue dans la 2e (Amérique centrale et du sud) avec 9 % et aussi 9 % pour Karim Ben Cheïkh étiqueté Nupes élu dans la 9e (Afrique de l’Ouest).

Démocratie : des syndicalistes exemplaires

Démocratie : des syndicalistes exemplaires

On a souvent critiqué et parfois à juste titre la représentativité et l’action des organisations syndicales. Pourtant les médias n’ont guère relevé le fait que régulièrement les secrétaires généraux des grandes organisations syndicales mettent fin à leur mandat pour être remplacé par d’autres. Une grande différence avec le monde politique qui ont transformé la fonction représentative en véritable métier. Il faut voir ces anciens ministres, anciens premier ministres et anciens présidents de la république qui tentnte toujours d’exister politiquement et continuent d’assumer des fonctions politiques en espérant un jour le renouveau.

La plupart des politiques avouent : ils ne savent pas faire autre chose comme si la politique était une profession ou pire une sorte de religion.

La seconde chose qu’il faut observer c’est que les anciens responsables syndicaux au plus haut niveau ne gagnent pas grand-chose à quitter leurs fonctions. À la différence encore des politiques qui soit peuvent prétendre à des retraites et autres revenus très substantiels quand ils ne se reconnaissent pas dans des fonctions très rémunératrices grâce à leur carnet d’adresses. Fillon étant de ce point de vue sans doute le pire exemple mais malheureusement pas le seul.

D’une manière ou d’une autre, les politiques parviennent très majoritairement à se reclasser. Il en va différemment pour les responsables syndicaux de second rang. La fonction de permanent n’est pas une sinécure sur le plan professionnel, personnel et psychologique. En effet, cette fonction non seulement n’est pas gratifiante mais allait souvent l’objet de critiques acerbes de la part des grands médias détenus il est vrai pour la plupart par les financiers. Les entreprises dont sont issus les responsables syndicaux rechignent à reprendre leur ancien salarié devenu permanent. Il n’existe même pas de conditions générales de reclassement de ce type de responsables qui pourtant en général ont acquis au cours de leur mandat syndical nombre de compétences.

Les politiques n’hésitent pas pour beaucoup à critiquer régulièrement la faiblesse syndicale en France. D’abord il faut observer qu’ils n’ont pas la même sévérité par rapport à leur propre représentativité ( extrême faiblesse du nombre d’adhérents dans les partis et extrêmes faiblesse du nombre de ceux qui votent pour les élus : autour de 13 % des inscrits !.

Pour une fois, il serait temps de rendre hommage à l’attitude démocratique des anciens secrétaires généraux des grandes organisations syndicales qui non seulement savent se retirer mais aussi se taire dans la plus grande dignité.

Démocratie: le vote par internet ?

démocratie: le vote par internet ?

Le vote en ligne est souvent évoqué depuis quelques années, notamment pour lutter contre l’abstention de plus en plus forte. La crise sanitaire et la montée de l’abstention ont poussé des personnalités politiques à se prononcer en sa faveur. Tour d’horizon d’un véritable enjeu démocratique. Par Jérôme de Forsan de Gabriac, consultant sénior Sopra Steria Next ; Margot Maufroy, étudiante en master Cybersecurity and Defense Management EM Lyon et Boris Laurent, manager Défense & Sécurité Sopra Steria Next.( dans la Tribune)

En France, il existe plusieurs moyens de voter : dans un bureau de vote, en ligne sur internet et par procuration (1). Aujourd’hui, les alternatives au déplacement dans le bureau de vote sont utilisées dans des cas très spécifiques. Le vote par internet, lors des élections consulaires et législatives pour les Français de l’étranger, en est un (2).

Le second tour des élections législatives s’est tenu les 15 et 16 avril 2023 dans les 2e, 8e et 9e circonscriptions des Français établis hors de France. L’analyse des résultats disponibles sur le portail internet France Diplomatie montre une forte adoption du vote par internet.

Un phénomène qui vient d’ailleurs confirmer une tendance. En effet, lors des élections législatives de juin 2022, sur la totalité des 11 circonscriptions représentant près d’un million et demi d’inscrits, le taux de vote par internet avait atteint un pic de 75%. Probablement « boosté » par la période covid, le vote par internet semble néanmoins être une méthode de plus en plus populaire pour exprimer son choix électoral. Pratique, confortable (3), il permet aux électeurs de voter de n’importe quel endroit, à tout moment, même de manière anticipée, et sans avoir à se déplacer dans un bureau de vote. Notons que pour l’heure, les différentes expérimentations n’ont pas démontré que le vote en ligne fait augmenter le taux de participation, mais cela pourrait évoluer dans le temps.
Cependant, le vote en ligne soulève de nombreuses questions et inquiétudes comme la transparence du système, les erreurs et les pannes ou encore le piratage et les cyberattaques.

Actuellement, la transparence des systèmes de vote électronique concerne notamment l’accès public à des informations clés, des documents (code source, rapports, etc.) et l’observation de tests.Mais d’une manière plus générale, le vote électronique impose un paradoxe entre d’une part l’anonymat, et d’autre part la transparence. Le fait que le bulletin de vote tombe dans une urne transparente n’est pas dû au hasard. Dès lors, comment vérifier que le vote par internet est un système totalement clair et sûr ?

D’autre part, le « secret du vote », c’est-à-dire la confidentialité et l’anonymat dans l’urne qui empêchent le risque de votes sous la contrainte, ne peut pas être vérifié avec le vote en ligne. Le respect de la vie privée est aussi un enjeu capital car seul l’électeur doit savoir pour qui il a voté.

Enfin, le vote par internet est par nature plus sensible aux erreurs ou pannes potentiellement de grande ampleur, voire de cyberattaques et de piratage (4). À ce titre, lors des élections législatives de juin 2022, le Conseil constitutionnel a annulé les opérations électorales dans deux circonscriptions des Français établis hors de France en raison de disfonctionnements techniques (5).

Pour ces raisons, le maintien du bureau de vote est indispensable
Le système de vote ne doit pas être une entrave à l’expression des convictions politiques des personnes âgées, en situation de handicap, en difficulté avec le numérique ou ne disposant pas d’un terminal moderne. On notera à cet égard que l’assistance des votants par des aidants n’est pas compatible avec le principe de confidentialité.

D’une manière plus large, selon une étude INSEE publiée en 2022, les contraintes liées à la dématérialisation ont dissuadéles personnes les plus vulnérables de mener à bien des procédures sur internet. Ainsi, 32% des majeurs ont renoncé au moins une fois à une démarche en ligne pendant les 12 derniers mois. Parmi eux, les trois quarts l’ont effectuée par d’autres moyens (par téléphone, sur place, etc.) ; les autres (8% de la population totale) y ont renoncé définitivement.Dans ces conditions, le maintien des bureaux de vote parait donc indispensable ; le bureau de vote n’est pas une variable d’ajustement servant à financer le dispositif de vote par internet ; s’y déplacer est par ailleurs un rituel républicain fort.

Dans le monde et en Europe, le vote en ligne connait des situations variables. L’État de la Nouvelle-Galles du Sud en Australie l’autorise notamment pour les élections législatives. Au Canada, un grand nombre de villes des provinces de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon utilisent le vote par internet pour les élections municipales. De son côté, le Québec va lancer un projet pilote pour permettre aux électeurs de voter en ligne lors des élections municipales de 2025.

En Europe, La Norvège a suspendu l’utilisation du vote par internet et l’Allemagne l’a déclaré inconstitutionnel. En Belgique, un rapport a souligné la complexité technique du vote en ligne mais Bruxelles espère le rendre opérationnel à l’horizon 2034.En Suisse, après l’arrêt du vote en ligne en 2019, le Conseil fédéral a accordé aux cantons de Bâle-Ville, de Saint-Gall et de Thurgovie, l’autorisation de voter en ligne pour la votation fédérale du 18 juin 2023.

Mais c’est sans conteste l’Estonie qui est devenue la « championne » du eVoting. En effet, ce pays propose, en complément du scrutin physique, le vote par internet pour toutes ses élections. La part des votes en ligne est ainsi passée de 5,5% des participants aux législatives de 2007, à 43,8% en 2019. C’est également le seul État membre de l’Union à avoir utilisé ce type de vote lors des dernières élections européennes (2019), avec un record de 46,7% de votants en ligne. L’État estonien est en outre très transparent dans la mesure où il rend public le code source de son système. Comment expliquer un tel succès ?

« L’identité électronique estonienne est disponible depuis 2002, mais n’a pas décollé immédiatement. Au départ, il n’y avait pas beaucoup de services électroniques que vous pouviez utiliser avec cette carte d’identité. D’un autre côté, les fournisseurs de service n’étaient pas intéressés par le développement d’accès électroniques car peu de personnes disposaient d’une telle carte. C’était en quelque sorte le problème de l’œuf ou de la poule. Mais en 2005, le vote électronique s’est révélé être une application à grand succès et beaucoup de gens ont demandé leur carte d’identité numérique pour pouvoir voter électroniquement », explique Jan Willemson, senior researcher chez Cybernetica (société qui a développé le système de vote électronique en Finlande), interrogé par Jérôme de Forsan de Gabriac.

Au début des années 2000, l’Estonie a lancé une carte d’identité numérique servant à la fois pour l’identité civile et pour l’authentification, notamment pour le vote en ligne. Les Estoniens utilisent cette carte pour accéder à un grand nombre de services numériques gouvernementaux et privés (impôts, dossier médical, résultats scolaires des enfants, prêt de livres à la bibliothèque, etc.). Dans ce contexte, c’est bien l’identité numérique qui est incontestablement le facteur clé du succès estonien.

Il est important de rappeler que les élections sont l’un des fondements de la démocratie et qu’elles doivent être protégées contre toute forme de fraude ou de manipulation. Aussi, une identité numérique régalienne, s’appuyant sur la délivrance en mairie d’un titre hautement sécurisé, et s’inscrivant dans un schéma européen favorisant une adoption via de nombreux usages, est de nature à apporter cette protection, alors que deux tiers des Français affirment être favorables au vote par internet.

______

(1) La procuration fait son apparition en France en 1975, pour remplacer le vote par correspondance, alors interdit suite à des fraudes diffuses dans l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, seuls les Français de l’étranger et les personnes incarcérées peuvent voter par correspondance.

(2) Les électeurs reçoivent leurs codes d’authentification par mail et par SMS. Le système utilisé est certifié par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

(3) Selon l’enquête post-électorale en ligne People 2022, ESPOL/CERAPS/LEM, septembre 2022, Version 1.0

(4) En 2017, les Français de l’étranger n’ont pas pu voter par internet lors des élections législatives de juin, en raison d’une menace élevée de cyberattaque.

(5) En Algérie (9e circonscription) et en Argentine (2e circonscription), le taux de délivrance des mots de passe aux électeurs inscrits ayant communiqué leurs coordonnées n’a été que de 38 %. Le Conseil constitutionnel a également annulé des élections dans la 8e circonscription (bassin Est de la Méditerranée). L’administration consulaire devait transmettre les adresses mail et les numéros de téléphone des citoyens inscrits sur les listes électorales consulaires. Mais suite à une erreur, c’est un autre fichier qui a été transmis.

Retraite–manœuvre gouvernementale pour empêcher un vote à l’Assemblée nationale: Un nouveau déni de démocratie

Retraite–manœuvre gouvernementale pour empêcher un vote à l’Assemblée nationale: Un nouveau déni de démocratie

Le député LIOT et plusieurs chefs de groupes d’opposition à l’Assemblée nationale dénoncent, dans une tribune au « Monde », les manœuvres de la majorité pour empêcher un vote sur la proposition de loi visant à abroger le recul de l’âge de départ à la retraite.

Ce qui est en jeu à l’Assemblée nationale, ces dernières semaines et ces prochains jours, n’est rien de moins que la défense des droits des parlementaires, des droits de l’opposition et donc, pour partie, de notre démocratie.

Gaston Monnerville [1897-1991] fut un illustre président du Sénat car hermétique aux pressions dont il fut la cible. En 1962, il proclamait : « C’est un fait d’expérience que, dans une république, lorsque la majorité veut étouffer les minorités, il se développe un esprit factieux incompatible avec la démocratie. Aussi les démocraties édictent-elles des formes constitutionnelles qui enlèvent au pouvoir exécutif – et même parfois au pouvoir législatif − le droit de prendre des dispositions contraires à la nature des institutions libres. »

La proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite fait l’objet de toutes les manœuvres possibles pour empêcher le vote de la représentation nationale. L’examen de ce texte en commission, mercredi 31 mai, a vu un artifice encore jamais utilisé, la présidente de la commission des affaires sociales ayant simplement décidé que ne seraient pas examinés les sous-amendements déposés, au mépris du droit d’amendement.

Mais cela n’est rien comparé au scénario, cousu de fil blanc, écrit par la présidente de l’Assemblée nationale, sous la dictée du président de la République. Si l’on se fie à ses déclarations récentes, cette dernière s’apprête à déclarer irrecevables les amendements de rétablissement de l’article premier qui prévoit d’abroger le report de deux ans de l’âge de départ à la retraite.

Agir ainsi et empêcher l’examen d’un amendement rétablissant une disposition d’un texte initial, dont la recevabilité a été reconnue à deux reprises (par le bureau de l’Assemblée et par le président de la commission des finances) constituerait un précédent inédit et dangereux.

Nous rappelons, comme le disait Charles de Gaulle, qu’une Constitution, « c’est un esprit, des
institutions, une pratique ».

Politique-«La logique structurale de la démocratie contemporaine, c’est la démagogie»

Politique-«La logique structurale de la démocratie contemporaine, c’est la démagogie»

Par Vincent lamkin, associé-fondateur de Comfluence, président d’Opinion Valley

dans l’Opinion

La critique des élites au nom du peuple est une vieille antienne, mais ses meilleurs serviteurs ne sont pas forcément ses avocats zélés. Car l’idéal démocratique n’a de portée que si gouvernants et gouvernés s’élèvent ensemble : c’est cette exigence qui permet l’équivalence des rôles, la circulation des individus dans le système social et une élévation mutuelle dans la relation au monde
Les élites – voilà un sujet qui coagule à lui seul le mauvais sang que se font nos vieilles démocraties. Le mot est censé convoquer « les meilleurs d’entre nous », inspirer le respect. Mais jetez-le en pâture, il tourne à l’humeur, au vinaigre, à l’insulte.

Serions-nous à un tournant historique – de ceux où les sociétés purgent les sommets pour y mettre de nouvelles têtes ? En France, à chaque nouveau coup de sonde, les baromètres confortent la défiance de l’opinion publique française envers ses élites dirigeantes.

De par le monde, on s’étonne – ou on ne s’étonne plus – de voir sacrés par le suffrage ces leaders inattendus, qu’on rassemble dans l’internationale du populisme… Plus pragmatiques qu’idéologues aux yeux de leurs électeurs, cassant volontiers les codes du jeu politique, ils ont pour point commun de construire leur légitimité sur un mépris certain des élites, qui le leur rendent bien.
En France, l’élection d’Emmanuel Macron a été la victoire – dans un exceptionnel concours de circonstances – d’une certaine idée de l’élitisme qui aura surtout contribué à faire monter les extrêmes et à exacerber les radicalités. Jamais Président sous la Ve République n’a concentré sur sa personne une impopularité si intensément haineuse. Le chef de l’Etat, qui aime à ouvrir Versailles pour recevoir ses hôtes de marque, s’est trouvé symboliquement rattrapé par ce haut lieu de mémoire. L’accusation pouvant se résumer ainsi : Marie-Antoinette était étrangère à son pays, Emmanuel Macron est étranger à la société.

La critique des élites au nom du peuple est une vieille antienne, mais ses meilleurs serviteurs ne sont pas forcément ses avocats zélés. Car l’idéal démocratique n’a de portée que si gouvernants et gouvernés s’élèvent ensemble : c’est cette exigence qui permet l’équivalence des rôles, la circulation des individus dans le système social et une élévation mutuelle dans la relation au monde.

La logique structurale de la démocratie consumériste contemporaine, ce par quoi elle tient désormais, c’est la démagogie. En quoi consiste-t-elle ? A demander toujours moins à des individus qui en demandent toujours plus
Or, nous vivons depuis plusieurs décennies une perversion lente du pacte démocratique et républicain ; affrontant un appauvrissement sans précédent de nos échanges symboliques. La logique structurale de la démocratie consumériste contemporaine, ce par quoi elle tient désormais, c’est la démagogie. En quoi consiste-t-elle ? A demander toujours moins à des individus qui en demandent toujours plus.

Ce n’est pas le courage des élites politiques – on le cherche – qui explique leur impopularité ou celle de leurs réformes, mais la toile de fond qui préfigure leur montée en scène. La démagogie des promesses politiques, la festivité sans contenu des grandes victoires électorales, les concessions faites aux logiques communautaristes, la société de l’information spectacle : voilà qui prépare le terrain à une ingouvernabilité croissante des démocraties.

Sensationnalisme. Dans le champ médiatique triomphe le sensationnalisme. Nous saute aux yeux la jouissance morbide des chaines d’information quand elles savent qu’un fait divers d’ampleur leur fera trois ou quatre jours. Affligeant, dans le champ du divertissement, ce voyeurisme stérile et racoleur de la téléréalité, qui finit par produire de nouvelles icônes sociales dont il serait bien difficile de dire à quelle élite elles appartiennent, et qui constituent pourtant une forme de référence pour nombre de jeunes gens qui y puisent peut-être des modèles d’inspiration et de réussite.

Dans le champ culturel et éducatif, c’est le triomphe du relativisme absolu. Le règne du « tout se vaut » qui permet de ne se fâcher avec personne, de bannir toute forme d’autorité morale et de se draper dans les meilleures intentions du monde en mettant tout et n’importe quoi sur un pied d’égalité.

Julien Benda avait dénoncé, dans la première moitié du vingtième siècle, la trahison des clercs, déplorant notamment le fourvoiement des intellectuels dans le champ des idéologies politiques. Il faut sans doute admettre que nous avons amorcé dans les dernières décennies du XXe siècle une autre trahison, celle des élites, sous l’effet d’un consumérisme généralisé de la relation.

La relation entre élites et gouvernés est doublement viciée. D’un côté, corrélativement à leur affaiblissement statutaire, les premières n’ont cessé de revoir à la baisse leurs exigences et de trahir leur intégrité intellectuelle pour préserver leurs prébendes… La conquête se fait quête ! De l’autre, des individus flattés dans leurs pulsions et légitimés dans leurs désirs par la société de consommation, enclins à revoir à la hausse (c’est-à-dire à la baisse) leurs attentes. En tirant le peuple vers le bas, les élites ne cessent d’abaisser leur propre niveau d’expression et les ambitions collectives qu’elles portent.

Comme l’écrivit l’écrivain Nicolás Gómez Dávila, non sans ironie, « on est venu à bout des analphabètes, pour multiplier les illettrés ». Le pire est que cette approche ne créé pas de la satisfaction durable, mais de la frustration à répétition. L’enfant roi a son corollaire : un citoyen gâté, nourri au ressentiment.

Vincent Lamkin est associé-fondateur de Comfluence, président d’Opinion Valley.

démocratie: Pour la suppression de l’article 40 de la constitution

démocratie: Pour la suppression de l’article 40 de la constitution

Jean-François Kerléo

Professeur de droit public dans le Monde
Le juriste plaide, dans une tribune au « Monde », pour qu’un véritable contrôle s’exerce en amont du dépôt des textes.
Les Français (re)découvrent enfin l’existence de leur Parlement, avec la nouvelle dynamique des pratiques insufflée par l’absence de majorité absolue. Les regards se sont braqués de manière inédite sur des procédures bien connues, comme le fameux article 49.3, mais aussi méconnues, tel l’article 40 de la Constitution, brandi par la majorité pour éviter d’avoir à discuter la proposition de loi du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) qui veut revenir sur l’allongement de l’âge légal de la retraite à 64 ans. Longtemps ignorée de l’opinion publique, cette disposition est pourtant centrale pour comprendre la séparation des pouvoirs et la place qu’y tient le Parlement.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Eric Coquerel : « Ceux qui brandissent l’article 40 mettent à mal le droit de l’opposition »

L’article 40 interdit à un parlementaire d’imposer ou d’alourdir une charge publique qui ne peut jamais être compensée, au contraire d’une diminution des ressources publiques qui peut, quant à elle, être « gagée » par une augmentation de ressources simultanée. Un grand classique consiste alors à gager le texte par une augmentation de la taxe sur le tabac. Mais, en général, le texte proposé n’entraîne pas une diminution aussi importante des ressources que celle qui découle de l’adoption de la proposition de loi de LIOT, ici environ 18 milliards d’euros. Or, comme l’affirme le Conseil constitutionnel, le gage doit être crédible, suffisant et immédiat, ce qui suppose de respecter une certaine proportionnalité.

Encore faut-il qu’un contrôle soit réalisé, et, à ce sujet, une autre polémique a surgi ces derniers jours. Fruit d’une longue maturation de pratiques, les modalités d’application de l’article 40 ont conduit à accorder un rôle de premier plan au président de la commission des finances. Certes, un contrôle systématique préalable au dépôt d’une proposition de loi est effectué par une délégation du bureau de l’Assemblée, mais la grande tolérance de ce premier filtre pose plus de difficultés qu’elle n’en résout. L’irrecevabilité peut ensuite être soulevée à tout moment, par le gouvernement ou un député. En l’absence de réaction, des textes contraires à la Constitution peuvent donc être adoptés.

Europe: Le déferlement des drogues douces et dures

Europe: Le déferlement des drogues douces et dures


Les drogues douces ou durs ne cessent de se développer en Europe en même temps que la corruption qui pourrait affecter la police, la justice et au-delà la démocratie comme en Amérique du Sud par exemple. La France est particulièrement concernée par le phénomène.

Pour les drogues douces, curieusement le Conseil d’État contre l’avis du gouvernement a autorisé la légalisation des fleurs de CBD. Récemment, c’est le Conseil économique et social environnemental qui a fait la proposition de légaliser le cannabis. On peut se demander sur quelle légitimité scientifique voire éthique s’appuient ces deux institutions.

En 2021, 47,3 % des adultes âgés de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. L’usage actuel (usage dans l’année) concerne 10,6 % des 18-64 ans (14,2 % des hommes et 7,2 % des femmes).

Pour la cocaîne, La multiplication par cinq de la consommation en Europe n’a pas que des conséquences sur la santé publique. À terme, les trafics déstabilisent les États, corrompent les politiques et les policiers.

En France, en l’an 2000, 0,3 % de la population était consommatrice régulière de cocaïne, selon l’observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Aujourd’hui, c’est 1,6 % de la population française qui consomme au moins une fois par mois de la cocaïne. Pour toutes ces raisons, les cartels mexicains et colombiens se détournent actuellement des États-Unis pour s’attaquer à un marché en plein essor : l’Europe. Dans le premier port européen, Anvers, les saisies sont passées de 16 tonnes en 2015 à 110 en 2022, battant des records d’années en années. À Orly, les vols depuis la Guyane sont devenus le premier point d’entrée aérien de cette drogue. Et pour toutes ces raisons, plusieurs pressentent que l’Europe est en train de ravir sa place de premier marché mondial de la cocaïne aux États-Unis, une première historique.

Le chiffre d’affaires mondial de l’ensemble des drogues serait de l’ordre de 250 milliards !

Le neurologue Grégoire Hinzelin rappelle les effets du cannabis sur le cerveau.

Interview sur le site « la Vie »
Quand quelqu’un fume du cannabis, quels sont les effets sur son cerveau ?

Lorsqu’on fume un joint, le psychotrope absorbé provoque une accélération du fonctionnement électrique du cerveau, et donc un effet d’anxiolyse, c’est-à-dire réduisant l’anxiété. Cela produit une désinhibition, exactement comme l’alcool. L’anxiolyse et l’euphorie qui en découle sont parmi les mécanismes qui provoquent la dépendance. Une consommation très épisodique n’aura pas particulièrement de conséquence à long terme, à part en ce qui concerne les accidents qui peuvent se dérouler à l’occasion de la période où le consommateur est sous l’emprise du cannabis. Exactement comme l’alcool, une énorme cuite n’aura en général aucun impact à long terme sur la santé, contrairement à une consommation trop fréquente.

Et sur le long terme, qu’observe-t-on dans le cerveau des consommateurs de cannabis ?

Une dégradation se manifeste de diverses façons. De manière générale, le principal aspect est l’augmentation du trouble de la mémoire, de la concentration, et parfois – plus grave – une augmentation des troubles psychiatriques. Apparaissent des crises de démence d’origine vasculaire (désorientation permanente, incapacité à ordonner ses pensées…) ou des démences cortico-souscorticales, c’est-à-dire des problèmes de mémoire graves, qui s’apparentent à un léger Alzheimer prématuré qui se manifeste parfois dès 40 ans.

Dans de nombreux cas, la consommation régulière de cannabis peut développer une schizophrénie.
Il y a aussi un risque très important de bouffées délirantes aiguës, qui arrivent à des consommateurs qui souvent n’ont jamais connu de troubles psychiques avant et qui se mettent à adopter des comportements incohérents et irrationnels le temps de la crise. Dans de nombreux cas, la consommation régulière de cannabis peut développer une schizophrénie. En revanche, il y a débat dans la communauté scientifique entre ceux qui affirment que le cannabis ne fait que dévoiler et rendre active une schizophrénie préexistante et ceux qui défendent l’idée que le cannabis crée la schizophrénie sans que le consommateur n’y soit prédisposé. La question est là : la schizophrénie provoquée par le cannabis est-elle innée ou acquise ? Il nous faudra encore 10 ou 15 ans pour le savoir.

Il faut en outre distinguer les troubles liés à la consommation et à la drogue elle-même. La consommation de cannabis à long terme peut être un facteur d’isolement social, et la dépression peut découler de cette dépendance et de ses effets indirects.

Y a-t-il une évolution du contenu de ce que fument le consommateurs de cannabis au fil des ans ?

Les joints qui étaient fumés en mai 1968 présentaient déjà un risque et contenaient 2 à 3% de THC (tétrahydrocannabinol, la principale substance active du cannabis). Aujourd’hui, une boulette de résine en contient bien plus, montant parfois jusqu’à 40% de THC ! Une telle dose dans un joint est encore plus puissante qu’un rail de cocaïne. C’est tout l’ennui : quand un consommateur va se procurer du cannabis, il ne sait pas quelle dose de THC il s’apprête à consommer, et c’est souvent énorme. C’est comme si vous vouliez acheter de l’alcool dans un magasin, et que vous ne saviez pas si vous venez acheter une bouteille de cidre ou trois bouteilles de whisky. Et quand on s’habitue à de telles doses de cannabis, on glisse vite sur la pente qui mène à la consommation de drogues dites « plus dures », comme la cocaïne

Société–La montée de la « Démocratie d’opinion » 

Société–La montée de la « Démocratie d’opinion » 

Souvent réduite à l’idée d’une dictature des sondages ou, désormais, des réseaux sociaux, la démocratie d’opinion, où le pouvoir serait plus horizontal, a d’autant plus de vigueur que le discours d’autorité des gouvernants ne fonctionne plus. La révolte contre la réforme des retraites en est l’illustration.

Par Alain Beuve-Méry dans Le Monde


Un papier intéressant qui souligne la montée de la démocratie d’opinion mais qui fait l’impasse sur la volonté délibérée du pouvoir d’écraser la plupart des institutions intermédiaires. Une stratégie qui nourrit cette démocratie d’opinion montante NDLR

Histoire d’une notion. Depuis qu’Emmanuel Macron a promulgué, le 15 avril, la loi portant à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, une partie de la population française continue de manifester son opposition à cette réforme, qu’elle juge injuste, et le fait savoir bruyamment. Sur le terrain, les déplacements du chef de l’Etat et des ministres sont régulièrement perturbés par des concerts de casseroles.

Que doit faire le gouvernement ? Cesser de se déployer sur le territoire ou bien continuer d’agir comme si de rien n’était ? En démocratie, le peuple dispose de trois armes pour se faire entendre : le droit de vote, le droit de manifester et le droit de s’exprimer publiquement. Dans un ouvrage qui fait date, Principes du gouvernement représentatif (Calmann-Lévy, 1995), le philosophe Bernard Manin a identifié trois âges de la démocratie : celle des notables au XIXe siècle, grignotée par la démocratie des partis au XXe siècle, avec l’opposition entre une droite et une gauche, et, enfin, la démocratie du public – une dénomination que le philosophe préfère à celle de « démocratie d’opinion ».

La démocratie d’opinion a succédé à la démocratie représentative, mais elle ne se confond pas avec la dictature des médias et des sondages. Elle puise sa légitimité dans l’expression spontanée des citoyens qui, rassemblés, forment une opinion. Sa ligne d’horizon demeure celle d’un espace public horizontal où chacun pourrait s’exprimer. De fait, elle est en constante mutation.

Il s’agit d’un terme flou dont les médias sont les premiers acteurs ; mais à chaque époque, son outil de prédilection. Dans les années 1990, la démocratie d’opinion passait par les sondages, puis les chaînes d’information en continu ont pris le relais à partir des années 2000, avant d’être dépassées par les réseaux sociaux, au mitan des années 2010. Mais, quel que soit l’outil sur lequel elle s’appuie, cette notion fait l’objet d’une critique véhémente de la part des élites intellectuelles et des personnes qui se sentent déphasées par les évolutions de l’opinion publique. « La démocratie d’opinion a très longtemps renvoyé à un usage excessif des sondages par les gouvernants, mais aujourd’hui les sondages sont jugés moins dangereux que les réseaux sociaux », constate le politiste Loïc Blondiaux.

Selon son confrère Vincent Martigny, « la démocratie d’opinion n’est pas l’opposé de la démocratie représentative, elle en est un approfondissement ». Elle fonctionne d’ailleurs très bien avec le régime présidentiel de la Ve République, qui a instauré un rapport direct entre le président élu et le peuple ayant voté pour lui ….

La montée de la « Démocratie d’opinion » 

La montée de la « Démocratie d’opinion » 

Souvent réduite à l’idée d’une dictature des sondages ou, désormais, des réseaux sociaux, la démocratie d’opinion, où le pouvoir serait plus horizontal, a d’autant plus de vigueur que le discours d’autorité des gouvernants ne fonctionne plus. La révolte contre la réforme des retraites en est l’illustration.

Par Alain Beuve-Méry dans Le Monde


Un papier intéressant qui souligne la montée de la démocratie d’opinion mais qui fait l’impasse sur la volonté délibérée du pouvoir d’écraser la plupart des institutions intermédiaires. Une stratégie qui nourrit cette démocratie d’opinion montante NDLR

Histoire d’une notion. Depuis qu’Emmanuel Macron a promulgué, le 15 avril, la loi portant à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, une partie de la population française continue de manifester son opposition à cette réforme, qu’elle juge injuste, et le fait savoir bruyamment. Sur le terrain, les déplacements du chef de l’Etat et des ministres sont régulièrement perturbés par des concerts de casseroles.

Que doit faire le gouvernement ? Cesser de se déployer sur le territoire ou bien continuer d’agir comme si de rien n’était ? En démocratie, le peuple dispose de trois armes pour se faire entendre : le droit de vote, le droit de manifester et le droit de s’exprimer publiquement. Dans un ouvrage qui fait date, Principes du gouvernement représentatif (Calmann-Lévy, 1995), le philosophe Bernard Manin a identifié trois âges de la démocratie : celle des notables au XIXe siècle, grignotée par la démocratie des partis au XXe siècle, avec l’opposition entre une droite et une gauche, et, enfin, la démocratie du public – une dénomination que le philosophe préfère à celle de « démocratie d’opinion ».

La démocratie d’opinion a succédé à la démocratie représentative, mais elle ne se confond pas avec la dictature des médias et des sondages. Elle puise sa légitimité dans l’expression spontanée des citoyens qui, rassemblés, forment une opinion. Sa ligne d’horizon demeure celle d’un espace public horizontal où chacun pourrait s’exprimer. De fait, elle est en constante mutation.

Il s’agit d’un terme flou dont les médias sont les premiers acteurs ; mais à chaque époque, son outil de prédilection. Dans les années 1990, la démocratie d’opinion passait par les sondages, puis les chaînes d’information en continu ont pris le relais à partir des années 2000, avant d’être dépassées par les réseaux sociaux, au mitan des années 2010. Mais, quel que soit l’outil sur lequel elle s’appuie, cette notion fait l’objet d’une critique véhémente de la part des élites intellectuelles et des personnes qui se sentent déphasées par les évolutions de l’opinion publique. « La démocratie d’opinion a très longtemps renvoyé à un usage excessif des sondages par les gouvernants, mais aujourd’hui les sondages sont jugés moins dangereux que les réseaux sociaux », constate le politiste Loïc Blondiaux.

Selon son confrère Vincent Martigny, « la démocratie d’opinion n’est pas l’opposé de la démocratie représentative, elle en est un approfondissement ». Elle fonctionne d’ailleurs très bien avec le régime présidentiel de la Ve République, qui a instauré un rapport direct entre le président élu et le peuple ayant voté pour lui ….

Démocratie : les préfets deviennent fous !

Démocratie : les préfets deviennent fous !

On se demande si les préfets ne deviennent pas complètement fous en imposant des mesures antidémocratiques pour tenter d’annihiler l’expression du mécontentement des manifestants contre Macron. Ainsi par exemple certains s’appuient sur la législation antiterroriste pour éloigner d’1 km les manifestants d’autres veulent interdire les mégaphones, d’autres encore les casseroles ! La nouvelle Législation des préfets à l’occasion des déplacements de Macron interdit « toute manifestation de type rassemblement festif à caractère musical ».

La phrase, volontairement large, ne mentionne pas explicitement les casseroles, devenues un symbole de l’,opposition au président et à la réforme des retraites depuis l’allocution présidentielle. Depuis, chaque déplacement d’Emmanuel Macron, comme ceux de nombreux ministres du gouvernement, est accueilli par des « concerts de casseroles ».

La formulation présente dans l’arrêté préfectoral peut toutefois porter à confusion et être sujette à interprétations. En ce qui concerne l’interdiction des « dispositifs sonores portatifs » dans l’Hérault, le député insoumis Sébastien Rome avait dit son intention d’attaquer cet arrêté, qu’il jugeait « ridicule et illégal », en justice.

De son côté, Emmanuel Macron a évoqué à plusieurs reprises ces concerts de casseroles. Il a notamment déclaré ne pas y voir « un formidable signe de vie démocratique ». Et le boycott du Parlement et des syndicats ?

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