Biden : un président démocrate ou socialiste ? (Gregori Volokhine)
Gregori Volokhine,président ,de Meeschaert Financial Services, gérant par délégation de MAM Sustain USA évoque notamment le risque de shutdown aux États-Unis ( dans l’Opinion, extrait).
Quel peut-être l’impact d’un « shutdown », un arrêt des activités gouvernementales, sur l’économie américaine ?
On a estimé l’impact de celui enregistré sous la présidence Trump (22 décembre 2018-25 janvier 2019), le plus long de l’histoire à ce jour, à moins de 0,1 % du produit intérieur brut. On assiste, aujourd’hui, à un bras de fer, avec des positions très tranchées entre les démocrates et les républicains. Il est très possible que l’on aboutisse à un « shutdown » dont chacun se renverra la responsabilité. Mais le fait est que tout le monde est perdant. C’est stupide.
Qu’en est-il du désaccord sur le relèvement du plafond de la dette ?
C’est une problématique différente. Les démocrates, qui disposent de la majorité des deux chambres du Congrès, n’ont pas forcément besoin du vote de l’opposition républicaine pour relever le plafond. Ils peuvent inclure cette mesure dans le collectif budgétaire mais cela devrait prendre deux semaines et la date limite du 30 septembre sera alors dépassée. C’est un risque, mais on peut penser que les agences de notation attendront avant de dégrader la note des Etats-Unis et de provoquer des réactions extrêmes sur les marchés financiers. Ce serait terrible ! Ce n’est en tout cas dans l’intérêt de personne. Car, contrairement à ce que disent les républicains, le relèvement du plafond de la dette ne vise pas à financer des dépenses futures, mais à régler celles passées. La Réserve fédérale passe son temps à racheter les bons du Trésor quand ils arrivent à maturité. C’est en fait le fonds de roulement du paiement des employés de l’Etat et, généralement, il y a toujours un consensus sur ce sujet.
Jugez-vous nécessaire le plan d’infrastructures de 1 200 milliards de dollars et celui, social et environnemental, de 3 500 milliards ?
Le premier est l’initiative la plus positive de Joe Biden jusque-là. Il faut néanmoins en minimiser l’ampleur dès lors que 500 milliards de dépenses ont déjà été votées. Ce plan est en tout cas justifié. Les infrastructures américaines sont dans un état catastrophique que cela soit les routes, les aéroports ou le réseau électrique. Au point que, dans ce dernier domaine, il est quasiment impossible, aujourd’hui, d’augmenter la part de l’énergie verte aux Etats-Unis, tout simplement parce que le pays n’a pas les infrastructures pour transporter l’électricité. Maintenant, on ne connaît pas les détails de ce plan et on peut craindre certaines initiatives tirées du « Green deal », poussées par l’aile gauche démocrate.
Et l’autre volet ?
Sur le plan humain, il est difficilement critiquable de vouloir aider les classes défavorisées. Que le jardin d’enfants, les années de community college (qui proposent des formations supérieures en deux ans) et les soins dentaires, auditifs et ophtalmologiques pour les personnes âgées soient gratuits part d’un bon sentiment. Le problème, c’est que ce sont des dépenses pérennes et que l’économie américaine ne se portera pas toujours aussi bien qu’aujourd’hui. L’autre source d’inquiétude liée à ce plan est qu’il renforce le poids de l’Etat central dans la vie économique du pays. C’est de la social-démocratie dure comme en a connu la Suède par le passé. Ce qui est contraire à l’esprit même des Etats-Unis, fondés sur le principe de la libre entreprise, le capitalisme. Ce plan va s’accompagner aussi d’une forte pression fiscale. Or, une bonne partie de la performance économique et financière des Etats-Unis, ces dernières années, est due à la baisse de l’impôt sur les sociétés réalisée par Donald Trump. Elle a permis aux entreprises américaines de rapatrier beaucoup d’argent placé à l’étranger sans être pénalisées. Je ne dis pas qu’il ne faut pas taxer plus les sociétés, mais il n’y a pas de raison pour que les Etats-Unis imposent leurs entreprises privées davantage que les autres pays. Passer d’un taux d’impôt sur les sociétés de 21 % à 26,5 %, cela fait beaucoup, sachant qu’elles sont très nombreuses à payer nettement moins de 21 % aujourd’hui !
Ce plan a-t-il une chance d’être voté ?
Les démocrates savent très bien que, pour que Joe Biden laisse une empreinte quelconque durant sa présidence, il faut que ce plan soit adopté. Sinon, on se souviendra de sa gestion du retrait de l’Afghanistan et des élections de mi-mandat de 2022 qu’il devrait perdre sauf miracle !