Le risque sanitaire et social demeure en Afrique
Mo Ibrahim, entrepreneur et philanthrope anglo-soudanais à la tête d’une Fondation éponyme, ne ménage pas ses efforts depuis l’arrivée du SARS-CoV-2 et appréhende les risques socio-économiques de la pandémie sur le continent. ( dans la Tribune)
La Covid-19 a fait relativement peu de victimes en Afrique à ce jour, pourtant la pandémie a fait les titres des journaux du monde entier. N’y a-t-il pas eu une hystérisation des débats dans les médias, alors que la malaria ou la faim tuent beaucoup plus chaque année sur le continent ?
En effet, s’il est important de ne pas minimiser la létalité de ce virus invisible, il convient de conserver une vision globale de la situation. Pour 47 % des membres récemment interrogés du « Now Generation Network » de la Fondation, le Coronavirus n’est pas le principal enjeu sanitaire auquel est confronté leur pays. Le paludisme, la malnutrition et les problèmes de santé mentale sont considérés comme des enjeux inquiétants, voire plus inquiétants. Cependant, il nous faut garder à l’esprit que la progression du Coronavirus est en pleine escalade. L’OMS prévoit même un véritable tsunami à l’automne. Nous devons rester prudents, car nous manquons de données fiables, en raison de la faiblesse des services d’enregistrement des décès dans de nombreux pays, mais aussi du fait d’approches différentes. Du reste, en Afrique, tous ceux qui toussent ne vont pas chez le médecin, et tous ceux qui suffoquent ne rentrent pas à l’hôpital…
Comment concilier intérêts économiques et enjeux sanitaires quand on sait que certains laboratoires stoppent des productions jugées économiquement peu rentables ?
Il serait impardonnable de sacrifier des vies sur l’autel du profit. Accorder aux profits davantage d’importance qu’aux personnes n’est pas envisageable. Nous devons être mus par des valeurs partagées, et non pas seulement par le cours de l’action. Voilà pourquoi je suis membre de « The B Team », une organisation mondiale à but non lucratif qui réunit des chefs de grandes entreprises, pour mettre au premier plan le bien-être des populations et de la planète. Voilà également pourquoi je suis signataire de l’ « Appel pour que le vaccin contre le COVID soit déclaré bien commun mondial », lancé par Muhammad Yunus [économiste du Bangladesh et fondateur de « Grameen Bank », la première institution de micro-crédit, Prix Nobel de la Paix en 2006, ndlr].