Archive pour le Tag 'délibéré'

Macron drogué à la logique financière des banques

Macron drogué à la logique financière des banques

 

Audrey Tonnelier du Monde développe l’idée que Macron est davantage convaincu de l’efficacité de l’allègement de la fiscalité sur le capital que par des politiques industrielles impulsées par l’État. Finalement Macron reste imprégné de la philosophie des banques (d’affaires) . NDLR 

 

Chronique.  

Officiellement, il n’est pas encore dans la course. Même si, comme il l’a confié aux lecteurs du Parisien, le 4 janvier, « il n’y a pas de faux suspense » : « J’ai envie. » Emmanuel Macron se retrouve, à moins de trois mois du scrutin, dernier candidat non déclaré à la présidence de la République. Il n’a pas encore de programme détaillé, contrairement à la plupart de ses concurrents.

Dans le domaine économique, comme ailleurs (sécurité, Europe), le chef de l’Etat s’en tient à sa méthode : évoquer quelques sujets – refonte des droits de succession, revenu universel d’activité – et défendre son bilan. Même chose pour son ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui a longuement détaillé, lors de ses vœux à la presse, ses ambitions de baisses d’impôt supplémentaires pour les entreprises et d’allègement de cotisations sur les hauts salaires. Mais rien qui ne ressemble, pour le moment, à des propositions en bonne et due forme.

Il faut dire que, en cinq ans et deux crises majeures, celles des « gilets jaunes » et de l’interminable pandémie de Covid-19, le débat s’est déplacé. En 2017, côté économie, la campagne était focalisée sur l’inversion de la courbe du chômage, à laquelle François Hollande avait malencontreusement lié sa candidature. La réduction de la dette à droite – François Fillon avait dû se défendre de prôner « du sang et des larmes » – ou la sortie de l’euro (La France insoumise, Rassemblement national) occupaient aussi les débats. En ce début 2022, on parle davantage inflation et pouvoir d’achat, relocalisations, assouplissement des règles budgétaires et investissements.

Pour le chef de l’Etat, un fil rouge demeure toutefois : celui des entreprises et de l’emploi. Une « politique de l’offre » qu’Emmanuel Macron a toujours prônée – privilégier l’investissement de long terme et le soutien aux entreprises en espérant in fine créer de la croissance et des emplois – et qu’il a encore vantée en début de semaine face aux patrons étrangers, dans le cadre de l’opération de séduction annuelle Choose France.

Pour l’exécutif, la chose est entendue : c’est la politique de l’offre et son corollaire, la baisse de la fiscalité sur le capital et la suppression de l’ISF, qui ont permis de relancer la machine économique tricolore, notamment en dopant son attractivité. Qu’importe que la dynamique ait été enclenchée dès la fin du quinquennat Hollande, avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et que les rapports successifs d’économistes peinent à mettre en lumière une relation quantifiable entre la vigueur retrouvée de l’économie et telle ou telle mesure du gouvernement. Les symboles sont aussi importants en économie qu’en politique, et les signaux envoyés aux investisseurs et aux grands patrons depuis cinq ans ont, assurément, joué en faveur de la France. Mais cela méritait-il les sommes dépensées ? Impossible à dire précisément.

 

Le populisme élitiste délibéré de Macron ?

Le populisme élitiste délibéré de Macron ?

 

« [Les] déclarations polémiques d’Emmanuel Macron ne sont pas le fruit pourri d’un dérapage mais font partie d’une stratégie, fondamentalement populiste, adoptée par le chef de l’Etat, écrit Jean-Louis Robert dans le Monde, en réaction aux paroles du président de la République disant vouloir « emmerder » les personnes non vaccinés. [...] Ses propos, souvent pointés comme clivants, le sont intentionnellement. »

 

 

 Tribune

 

Dans la Lettre de Philosophie magazine du 5 janvier 2022, le philosophe Martin Legros se livre à une analyse machiavélienne des récents propos polémiques de notre jupinesque (Jupin : appellation familière de Jupiter chez La Fontaine) président. Ce dernier (qui sera, peut-être, de nouveau le premier) s’en prend aux non-vaccinés, qu’il qualifie d’« irresponsables » dans la mesure où « ils sapent la solidité de la nation » et « menacent la liberté des autres » ; il a donc « très envie de les emmerder »

Martin Legros convoque alors Le Prince de Machiavel, qu’Emmanuel Macron aurait oublié, bien qu’il lui ait consacré son mémoire de philosophie. Pour le penseur florentin, « le Prince doit penser à fuir les choses qui le rendent odieux et méprisable : toutes les fois qu’il aura fait cela, il aura rempli son rôle […] ». Ne pas susciter la haine et le mépris, en recherchant l’estime de ses sujets (de ses concitoyens, pour actualiser), grâce à la mise en pratique d’une vertu cardinale, la constance en l’occurrence. Le meilleur moyen de conserver le pouvoir, qui n’exclut pas des prises de position difficiles, c’est la valeur de la relation que l’on a su établir avec le peuple.

On peut, sans risquer de se tromper, estimer que l’aveu d’un désir d’emmerdement, dont pâtiraient les non-vaccinés, n’est en aucun cas de nature à améliorer la qualité de la relation de Macron avec ceux-là, et plus généralement avec tous ceux qui se sont déclarés choqués par la vulgarité du verbe utilisé. Pour ces derniers, c’est l’acte même de la profération de l’énoncé polémique qui, revêtant un aspect excrémenteux, souille la majesté de l’Etat. Rappelons que celle-ci avait déjà été mise en mal par l’exercice des deux précédents présidents. Emmanuel Macron ne fait qu’amplifier cette tendance.

Le détour par Machiavel, certes pertinent, n’épuise pas l’interprétation du phénomène analysé. Il faudrait resituer les paroles du chef de l’Etat dans le contexte de notre époque. Il règne dans le monde d’aujourd’hui, selon le politologue Pierre Rosanvallon, une atmosphère de « populisme diffus », au-delà des populismes doctrinalement définis. Ainsi, le mouvement En marche, créé par Emmanuel Macron, se signale par une verticalité typiquement populiste, alors que ses idées s’inscrivent dans une configuration clairement libérale. On retrouve aussi cette verticalité dans le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise.

Une stratégie fondamentalement populiste

Si l’on suit Ernesto Laclau, « le populisme n’est pas une idéologie mais un mode de construction du politique » ; le même penseur voit dans le projet populiste une radicalisation de la politique comme processus de construction et d’activation d’un rapport ami/ennemi. Dans cette configuration, le registre des passions et des émotions joue un rôle décisif dans la mobilisation politique ; c’est là un phénomène nouveau, car les affrontements s’organisaient auparavant autour des catégories collectives (la bourgeoisie) ou des icônes idéalisées (la Patrie), les unes et les autres abstraites. Les mouvements populistes insistent maintenant sur la puissance des affects pour construire le sentiment qu’il existe des mondes étrangers qui se font face, entre « eux » et « nous » ; cela ne peut s’exprimer que par une rhétorique violente.

Pour revenir aux déclarations polémiques d’Emmanuel Macron, elles ne sont pas, à mon sens, le fruit pourri d’un dérapage mais elles font partie d’une stratégie, fondamentalement populiste, adoptée par le chef de l’Etat. Ce dernier a, me semble-t-il, parfaitement saisi, à l’instar d’autres leaders populistes ou pas, le rôle joué par les émotions dans la sphère politique. Ses propos, souvent pointés comme clivants, le sont intentionnellement.

 Ainsi, en disant ce qu’il a dit au moment où il l’a dit, il espère introduire une sorte d’antagonisme – concept central chez Laclau qui caractérise des conflits pour lesquels il ne peut exister d’issue rationnelle et pacifique – entre les vaccinés, citoyens par excellence participant de façon responsable à la nation, et ces « irresponsables » de non-vaccinés qu’il faut donc « emmerder » par des incitations négatives, car réfractaires à la persuasion douce. Il veut ainsi amplifier la réprobation suscitée dans les réseaux sociaux par les images d’antivax, agressifs, vociférant près de l’Assemblée nationale.

Pour finir, on assiste à une « zemmourisation » de la stratégie de Macron – une jupinisation de Jupiter – lisible dans sa phraséologie, en vue de la conservation du pouvoir en 2022. On peut prédire l’extension du phénomène à (presque) tous les candidats à la présidentielle, favorisée par l’atmosphère de populisme diffus qui règne dans notre monde.

Jean-Louis Robert, Sainte-Clotilde (La Réunion)

Covid: Le choix délibéré de la circulation du virus (Gilles Pialoux)

Covid: Le  choix délibéré de la circulation du virus (Gilles Pialoux)

 

« C’est plus une régulation sociale et politique par rapport à une incidence tout à fait faramineuse du variant Omicron, que quelque chose qui colle au mode de transmission », a expliqué dimanche 3 janvier sur franceinfo Gilles Pialoux, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon à Paris, après les annonces par le gouvernement d’un assouplissement des règles d’isolement pour les personnes positives au Covid-19 et cas contacts. Sans ces mesures, il y avait le « risque d’une paralysie totale, notamment de l’hôpital ». 

 Le gouvernement a choisi d’alléger les règles d’isolement. Quel regard portez-vous sur ces nouvelles mesures ?

Gilles Pialoux : Ce qui me paraît pertinent, c’est le projet global qui veut que l’on évite que la vague Omicron, qui vient s’ajouter à la vague Delta, paralyse le service public, l’hôpital, les écoles. Je pense que c’est plus une régulation sociale et politique par rapport à une incidence tout à fait faramineuse du variant Omicron, que quelque chose qui colle au mode de transmission. Mais l’exécutif a, depuis le début de cette pandémie, souvent fait des choix entre deux risques. Donc là, il y a le choix de continuer une transmission de la circulation virale par le fait que les gens puissent reprendre des activités. Mais en face, dans l’autre risque, il y avait celui d’une paralysie totale, notamment de certains services publics, dont l’hôpital. Et je pense que c’est cela qui a été privilégié dans les décisions.

Olivier Véran a estimé dans le JDD que la cinquième vague est peut-être la dernière. Etes-vous d’accord avec son analyse ?

J’espère qu’Olivier Véran a raison et qu’après cette vague, on pourrait imaginer une décrue qui serait à la fois liée au fait qu’Omicron serait moins pathogène, moins agressif, moins la cause d’hospitalisations et de passages en réanimation. Mais cela nécessite vraiment d’être démontré plus clairement. Et il y a le fait qu’il y a quand même une réussite française qui est d’arriver à tracter les gens vers la troisième dose ou le rappel. Très clairement, la ligne Maginot, ce sont les gens qui ont eu cette troisième dose de rappel versus les autres. On voit très bien qu’avec Omicron, cela influence énormément le non-passage aux formes graves d’avoir eu cette troisième dose. Donc on est avec des chiffres qui sont assez satisfaisants. Mais il y a quand même deux angles morts. C’est l’école, avec pour l’instant une absence totale de plan adapté à la transmissibilité d’Omicron. Et puis, les personnes immunodéprimées et très fragiles, qui échappent aux anticorps monoclonaux, qui échappent à la vaccination… Et ces gens-là vont continuer à entrer dans l’hôpital.

Pour l’école, quelles seraient selon vous les mesures les plus efficaces ?

Il y a quelque chose que l’on a réclamé beaucoup et qui n’a pas été entendu, parce que l’obsession du ministre de l’Education nationale, c’est de ne pas fermer les classes : il y a un certain nombre de modélisations qui montrent que quand vous dépistez régulièrement les gens, a fortiori avec une incidence très importante dans la circulation du virus dans les écoles – et cela ne va aller que croissant avec Omicron – vous mettez moins d’enfants en dehors du système scolaire que si vous attendez trois contaminations dans une classe. On sait qu’Omicron diffuse énormément dans l’espace. Et s’il n’y a pas un contrôle de l’aération, des capteurs de CO2 et éventuellement des filtres, on n’y arrivera pas. Donc, avec ces deux systèmes, un dépistage répété plus un système de ventilation, en ajoutant une reprise de pédagogie sur le lavage des mains et le masque à partir de 6 ans, cela va participer à un une part de contrôle du virus

Le choix délibéré de la circulation du virus (Gilles Pialoux)

Le  choix délibéré de la circulation du virus (Gilles Pialoux)

 

« C’est plus une régulation sociale et politique par rapport à une incidence tout à fait faramineuse du variant Omicron, que quelque chose qui colle au mode de transmission », a expliqué dimanche 3 janvier sur franceinfo Gilles Pialoux, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon à Paris, après les annonces par le gouvernement d’un assouplissement des règles d’isolement pour les personnes positives au Covid-19 et cas contacts. Sans ces mesures, il y avait le « risque d’une paralysie totale, notamment de l’hôpital ». 

 Le gouvernement a choisi d’alléger les règles d’isolement. Quel regard portez-vous sur ces nouvelles mesures ?

Gilles Pialoux : Ce qui me paraît pertinent, c’est le projet global qui veut que l’on évite que la vague Omicron, qui vient s’ajouter à la vague Delta, paralyse le service public, l’hôpital, les écoles. Je pense que c’est plus une régulation sociale et politique par rapport à une incidence tout à fait faramineuse du variant Omicron, que quelque chose qui colle au mode de transmission. Mais l’exécutif a, depuis le début de cette pandémie, souvent fait des choix entre deux risques. Donc là, il y a le choix de continuer une transmission de la circulation virale par le fait que les gens puissent reprendre des activités. Mais en face, dans l’autre risque, il y avait celui d’une paralysie totale, notamment de certains services publics, dont l’hôpital. Et je pense que c’est cela qui a été privilégié dans les décisions.

Olivier Véran a estimé dans le JDD que la cinquième vague est peut-être la dernière. Etes-vous d’accord avec son analyse ?

J’espère qu’Olivier Véran a raison et qu’après cette vague, on pourrait imaginer une décrue qui serait à la fois liée au fait qu’Omicron serait moins pathogène, moins agressif, moins la cause d’hospitalisations et de passages en réanimation. Mais cela nécessite vraiment d’être démontré plus clairement. Et il y a le fait qu’il y a quand même une réussite française qui est d’arriver à tracter les gens vers la troisième dose ou le rappel. Très clairement, la ligne Maginot, ce sont les gens qui ont eu cette troisième dose de rappel versus les autres. On voit très bien qu’avec Omicron, cela influence énormément le non-passage aux formes graves d’avoir eu cette troisième dose. Donc on est avec des chiffres qui sont assez satisfaisants. Mais il y a quand même deux angles morts. C’est l’école, avec pour l’instant une absence totale de plan adapté à la transmissibilité d’Omicron. Et puis, les personnes immunodéprimées et très fragiles, qui échappent aux anticorps monoclonaux, qui échappent à la vaccination… Et ces gens-là vont continuer à entrer dans l’hôpital.

Pour l’école, quelles seraient selon vous les mesures les plus efficaces ?

Il y a quelque chose que l’on a réclamé beaucoup et qui n’a pas été entendu, parce que l’obsession du ministre de l’Education nationale, c’est de ne pas fermer les classes : il y a un certain nombre de modélisations qui montrent que quand vous dépistez régulièrement les gens, a fortiori avec une incidence très importante dans la circulation du virus dans les écoles – et cela ne va aller que croissant avec Omicron – vous mettez moins d’enfants en dehors du système scolaire que si vous attendez trois contaminations dans une classe. On sait qu’Omicron diffuse énormément dans l’espace. Et s’il n’y a pas un contrôle de l’aération, des capteurs de CO2 et éventuellement des filtres, on n’y arrivera pas. Donc, avec ces deux systèmes, un dépistage répété plus un système de ventilation, en ajoutant une reprise de pédagogie sur le lavage des mains et le masque à partir de 6 ans, cela va participer à un une part de contrôle du virus




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