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Prospective–défis de l’économie mondiale en 2025

Prospective–défis de l’économie mondiale en 2025

Comme tous les ans, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son analyse annuelle de l’économie mondiale dans l’ouvrage éponyme publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), les deux coordinatrices de l’ouvrage, Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, décryptent pour The Conversation les principaux défis que devra relever l’économie mondiale en 2025.( dans The conversation)


The Conversation France : Malgré la guerre en Ukraine, des conditions financières durcies, la montée des tensions géopolitiques et le ralentissement de la croissance chinoise, l’économie mondiale semble avoir plutôt bien résisté au cours de l’année qui vient de s’écouler ?

Effectivement, en dépit de ce contexte peu favorable, la croissance mondiale en 2024 devrait, comme en 2023, atteindre 3,1 % selon l’OCDE, grâce à la bonne performance des économies émergentes asiatiques, mais aussi des États-Unis où la politique budgétaire a été particulièrement expansionniste et où les ménages ont puisé dans les économies qu’ils avaient accumulées pendant la pandémie jusqu’à faire disparaître en 2023 l’excès d’épargne de 10 % du PIB observé en 2021.

Selon Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine, c’est la page du Covid-19 qui se referme, économiquement au moins, comme celle de l’inflation, grâce, pour beaucoup, à l’inversion des chocs d’offre, ceux des prix de l’énergie et des prix alimentaires, qui avaient poussé les prix à la hausse.

Mais c’est à de nouveaux défis que l’économie mondiale est confrontée car ces chocs d’offre sont appelés à se multiplier, avec la crise écologique et les tensions géopolitiques. En conséquence, les politiques économiques vont devoir trouver comment se régler au diapason de ces chocs. Car le rôle de stabilisateur dévolu à la politique monétaire pour stabiliser l’activité économique était bien adapté aux chocs de demande mais dans un monde de chocs d’offre la politique budgétaire est plus à même de les amortir, avec un délai de transmission plus court.

Un exercice qui risque d’être particulièrement délicat alors que les marges de manœuvre budgétaires sont des plus serrées et que des besoins considérables de financement doivent être mobilisés pour la transition écologique. À cet égard, la perspective est diamétralement opposée de part et d’autre de l’Atlantique, avec des politiques budgétaires particulièrement expansionnistes aux États-Unis, et qui devraient se poursuivre, alors qu’en Europe l’expansion a été bien moins forte et que la parenthèse ouverte par la crise sanitaire (la suspension des règles budgétaires en 2020) s’est refermée avec l’adoption en avril 2024 d’un Pacte de stabilité révisé, guère moins bridant qu’auparavant.

TCF : Les Américains semblent plus déterminés que les Européens en matière budgétaire, ce qui leur donne peut-être également un avantage dans la course aux industries de demain ?

Absolument. D’ailleurs, ils sont à l’initiative de ce que la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a qualifié de politique moderne de l’offre qui redonne un rôle majeur à la puissance publique pour stimuler l’offre par des investissements publics dans les infrastructures, les technologies et les industries d’avenir ou des soutiens aux investissements privés.

Et si les Européens se sont également engagés dans cette voie, ils le font en y mettant beaucoup moins de moyens et avec une détermination moins marquée, liée aux dissensions qui existent entre eux, qui se reflète notamment dans leur réaction face aux déversements sur les marchés extérieurs des surcapacités chinoises dans les industries vertes ou dans les mesures de sécurité économique prises pour limiter les dépendances étrangères et promouvoir les capacités nationales.

Quoi qu’il en soit, pour la Chine, cette volonté des économies avancées de développer sur leur sol les industries stratégiques change la donne. En conséquence, la stratégie de croissance chinoise d’exporter ses produits en mal de débouchés du fait de l’atonie de sa demande interne ne reçoit plus le même accueil sur les marchés étrangers que par le passé. Car lorsque les États-Unis et l’Europe convoitent les industries stratégiques où la Chine dispose d’avantages comparatifs développés à coût de subventions massives, continuer d’accueillir ses produits sans réagir risque fort de nuire à cette ambition. Résultat, le protectionnisme s’affirme et les tensions avec la Chine se multiplient.

TCF : Quelles sont les conséquences de ce changement de perspective pour la Chine ?

Pour faire aboutir ses ambitions de prospérité intérieure et d’affirmation internationale, Pékin va devoir composer avec ce nouveau paradigme. Comme Michel Aglietta et Camille Macaire le rappellent, la stratégie chinoise, dans son volet intérieur, consiste à assurer l’autosuffisance technologique et à dominer les industries de demain, par un renforcement des efforts de R&D. Mais le vieillissement démographique, les impacts du changement climatique, les fragilités du système financier et la dépendance aux intrants étrangers dans les secteurs technologiques sont des vulnérabilités importantes. Les fragilités financières ont d’ores et déjà commencé à se traduire par des dizaines de faillites de petites banques, qui conduisent les autorités monétaires et financières chinoises à organiser leur absorption par les grands groupes du secteur bien que ces derniers aient déjà énormément grossi au cours des dernières décennies, au risque aujourd’hui, en cas de difficulté, d’entraîner tous les autres dans leur chute. Les chiffres de l’autorité chinoise de régulation financière concernant la capacité du secteur à absorber des pertes et à faire face à des problèmes de liquidité se veulent rassurants pour le moment.

Dans le volet extérieur de sa stratégie, qui consiste à se repositionner sur la scène internationale, la Chine pourrait également être mise en difficulté. Alors qu’elle se voit en chef de file des pays du Sud, qu’elle invite à adhérer à son projet des nouvelles routes de la soie, les fractures sont grandes même à l’intérieur des BRICS. Sans compter les fractures de plus en plus irrémédiables avec les États-Unis.

TCF : En Europe, l’Allemagne semble à la peine. Qu’en est-il exactement ? Sa « vertu » budgétaire compromet-elle son avenir ?

Le modèle allemand est en effet en souffrance et ce n’est peut-être pas qu’une fatigue passagère, selon Céline Antonin. Les deux crises du Covid-19 et de l’énergie ont mis en lumière des difficultés structurelles. Le modèle allemand reste fondé sur sa puissance industrielle exportatrice, qui a puisé sa compétitivité dans une politique de modération salariale et de positionnement haut de gamme. Mais, depuis quelques années, la perte de parts de marché, la faiblesse de la demande extérieure et le recul marqué de l’investissement en construction confrontent l’Allemagne à de piètres performances. Le modèle allemand souffre de sa dépendance extérieure sur le plan énergétique, que la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont largement révélée, mais aussi sur le plan commercial vis-à-vis notamment de la Chine.

L’Allemagne entend axer sa politique industrielle sur la transition écologique. Mais la contrainte budgétaire qu’elle s’impose et qu’elle dicte à ses partenaires de la zone euro compromet la réalisation des futurs investissements. Les difficultés allemandes pèsent évidemment sur la zone euro et sur les politiques économiques européennes.

Le modèle allemand conserve toutefois des atouts indéniables qui devraient lui permettre de surmonter ses problèmes. Cela étant, la réponse ne pourra pas être uniquement nationale. L’Allemagne va avoir besoin de l’Europe.

TCF : S’il est un domaine dans lequel la Chine dispose d’un avantage crucial, c’est bien celui des matières premières critiques, le carburant des industries de demain. Soucieuse de limiter ses dépendances, comment l’Europe peut-elle s’extraire de celle-là ?

La domination de la Chine dans ce secteur, qui s’est établie grâce à la richesse de son sous-sol, son activité de raffinage et sa stratégie internationale, qui a consisté à investir massivement dans plusieurs pays pour sécuriser ses approvisionnements et accroître la dépendance des autres à son égard, met en effet l’Europe au défi.

Pour s’extraire de cette dépendance, plusieurs pistes sont envisagées : de la réouverture des mines au recyclage en passant par la diversification des sources d’approvisionnement. Mais toutes n’ont pas la même chance d’aboutir.

L’Europe devra, par exemple, se saisir du concept de « mine responsable » – ce label international défini par des industriels et des organisations non gouvernementales – et lui donner corps si elle compte réduire sa dépendance en exploitant son sous-sol.

Dans ce contexte, la « sobriété métaux » pourrait bien être une pièce du puzzle à davantage promouvoir. C’est en tout cas ce que préconisent Romain Capliez, Carl Grekou, Emmanuel Hache et Valérie Mignon. Cette sobriété pourrait consister à proposer des véhicules électriques plus légers, à légiférer sur le délit d’obsolescence programmée ou à réduire fortement l’usage du jetable.

 

TCF : Dans un environnement international où le protectionnisme s’affirme, quel avenir pour le système commercial multilatéral ?

Selon Antoine Bouët, Leysa Maty Sall et Jeanne Métivier, le système commercial multilatéral est aujourd’hui sur le fil du rasoir : le programme de Doha pour le développement est en « coma artificiel » ; l’Organe de règlement des différends, qui faisait la fierté de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ne fonctionne plus que très partiellement, et, surtout, beaucoup de mesures prises récemment contreviennent aux règles fondamentales du multilatéralisme.

L’augmentation des droits de douane appliqués par les États-Unis aux produits chinois contrevient à la règle de non-discrimination. Les nombreuses aides et subventions chinoises dans le secteur industriel, mises en place sans être systématiquement notifiées à l’OMC, ne respectent pas la règle de transparence. Quant à l’Inflation Reduction Act américain, il fait peu de cas de la clause de traitement national.

Le coup fatal pourrait venir des prochaines élections américaines. Si Donald Trump se réinstalle à la Maison Blanche et lance la guerre commerciale qu’il a prévue, c’est 10 % du commerce mondial qui passerait d’un seul coup hors du régime multilatéral, entraînant très vraisemblablement un cycle de décisions protectionnistes. Ces dernières semaines de campagne de la Présidentielle américaine, marquées par la montée en puissance de Kamala Harris, désignée candidate du parti démocrate à la suite du retrait de Joe Biden, éloignent peut-être un peu cette perspective. Mais rien n’est écrit et l’OMC devra de toute façon se réformer pour assurer la survie du multilatéralisme.

 

TCF : Autres défis auxquels beaucoup de pays sont confrontés, l’essor de l’intelligence artificielle et la transition écologique. Quelles en seront les conséquences sur le marché du travail ?

Pour Thomas Grjebine et Axelle Arquié, avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA) et la transition écologique, ce sont les mécanismes de création de valeur, la nature des emplois disponibles et le partage des fruits de cette création de valeur qui se transforment, comme cela a été le cas par le passé avec la mondialisation commerciale, la robotisation ou, en remontant encore plus loin, la révolution industrielle.

Car il faut créer de la richesse pour pouvoir la répartir, mais aussi des institutions appropriées, pour assurer une répartition équitable, à l’instar du compromis fordiste et des États-providence. Ces institutions protectrices n’ont plus cours depuis plusieurs décennies et les mutations actuelles bousculent un marché du travail déjà fortement polarisé.

L’IA pourrait avoir des conséquences différentes de celles de l’automatisation, peut-être même encore plus renversantes, car ce ne sont plus les tâches routinières que cette technologie fait disparaître mais les emplois dont la composante cognitive est la plus élevée.

Quant à la transition écologique, c’est la création même de valeur qu’elle remet en question. Le résultat au niveau de l’emploi dépendra beaucoup de la capacité à concilier décarbonation et augmentation des investissements, de façon à renforcer les tissus productifs décarbonés tout en permettant la création de valeur nécessaire pour bien rémunérer le travail.

TCF : On a vu que la page de l’inflation se refermait mais elle a laissé des traces dans les bilans des banques centrales qui enregistrent des pertes. Est-ce un problème ?

Les banques centrales sont confrontées à des pertes issues des politiques passées d’assouplissement quantitatif, pour faire face au risque de déflation, qui ont laissé des bilans énormes, déséquilibrés par la remontée des taux d’intérêt quand l’inflation a ressurgi après la crise sanitaire.

Car ce sont bien, d’un côté, le faible rendement des actifs, achetés lors de ces politiques d’assouplissement, et, de l’autre, l’augmentation du taux de rémunération des dépôts des banques à la banque centrale qui conduisent à ces pertes.

Si, comme le démontrent Éric Monnet et Théodore Humann, les banques centrales peuvent les supporter sans mal, ou bien utiliser leurs fonds propres et leurs profits futurs pour les éponger, sans menacer leur stabilité ou celle du système monétaire, la gestion de ces pertes pose néanmoins des questions majeures.

Celle du manque à gagner pour les États auxquels sont habituellement reversés les bénéfices des banques centrales, alors que les banques commerciales voient, quant à elles, augmenter la rémunération de leurs dépôts à la banque centrale.

Celle aussi de convaincre que leurs pertes ne sont pas illégitimes. Car le choix des instruments de politique monétaire, qui peut sembler hautement technique, a des conséquences bien réelles : sur la répartition des profits dans l’économie et sur le budget des États.

Afrique sub-saharienne et défis du réchauffement climatique

L’Afrique sub-saharienne et défis du réchauffement climatique

Lors de la COP 28, la discussion sur les efforts en faveur du climat attendus des pays africains a mis en évidence les arbitrages qui requièrent des choix politiques et éthiques allant au-delà des problèmes de soutien financier que les pays riches promettent à l’Afrique sub-saharienne (AS) (1) pour lui permettre de transformer son modèle énergétique.

Par Claude Crampes (TSE) et Antonio Estache (ULB), économistes. dans la Tribune

L’enthousiasme politique qui suit chacune des « Conférence des parties à la convention sur les changements climatiques » (alias COP) n’a d’égal que la déception des scientifiques qui observent l’augmentation régulière du stock de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère et l’inquiétude des habitants des pays les plus pauvres, largement démunis face aux dérèglements qu’ils subissent. C’est notamment le cas des pays d’Afrique sub-saharienne.

Près de 400 millions d’Africains (environ un tiers de la population du continent) vivent dans une pauvreté extrême. Approximativement 600 millions n’ont pas encore accès à l’électricité. L’AS ne représente que 6% de la consommation mondiale d’énergie et 3% de la demande mondiale d’électricité alors qu’on y trouve 14% de la population du globe. Le manque d’électricité explique aussi pourquoi 990 millions de ses habitants dépendent du bois et de combustibles fossiles pour cuisiner, notamment dans les zones rurales.

Dans ce contexte, toute décision prise à la COP 28 doit être évaluée non seulement en fonction de son impact climatique mais aussi en tenant compte de son impact sur la rapidité avec laquelle les retards du continent seront comblés. Il faut pour cela éliminer les obstacles à l’investissement et au financement des énergies propres, ce qui exige une prise de conscience de la nécessité de plus d’équité dans les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La déclaration de Dubaï du 13 décembre 2023 est présentée comme une victoire de la raison car, pour la première fois, est évoquée une « transition pour sortir des énergies fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques » (paragraphe 28d). La déclaration est prometteuse dans sa forme puisqu’elle établit que cette transition doit être juste, ordonnée et équitable, et déterminée nationalement. Malheureusement, le flou sémantique qui entoure les trois premiers adjectifs, combiné à la restriction du quatrième fait craindre que les engagements soient insuffisamment concrets. De nombreux pays, soumis à la myopie de leur opinion publique, continueront de jouer les passagers clandestins sur un bateau qui avance trop lentement puisque la plupart, notamment les plus riches, ne rament pas suffisamment. L’Afrique va donc devoir continuer à se battre pour ses droits.

Tous les acteurs s’accordent sur la nécessité de mieux gérer les émissions de CO2 dans tous les pays. La transformation du modèle énergétique africain, essentiellement basé sur la combustion d’énergies fossiles et de biomasse, est inévitable. Heureusement, la marge de manœuvre est grande. Par exemple, le solaire, l’éolien et la géothermie ne représentent encore que 1 % de la consommation d’énergie du continent.

Cet énorme potentiel de transformation explique sans doute que l’effort de décarbonation demandé aux pays africains soit bien supérieur à leur part dans les émissions mondiales de GES qui est de l’ordre de 4%. Mais ces exigences explicitées dans les accords sous-estiment la « réalité physico-chimique », le « réalisme politico-économique » et l’hétérogénéité des options techniques et financières des pays de la région. Au niveau des principes, il est facile d’argumenter que réduire les émissions est dans l’intérêt de l’AS puisque tout nouvel apport au stock de CO2 est néfaste pour la planète et, de plus, la combustion de produits carbonés conduit à des maladies respiratoires, particulièrement chez les enfants. En pratique, cependant, la combinaison d’une transformation massive et rapide des sources énergétiques et l’augmentation de la consommation d’énergie nécessaire à l’amélioration des conditions de vie en AS sera difficilement réalisable à court ou même à moyen terme sans une contribution externe massive.

Les perspectives d’amélioration sont aussi menacées par les politiques adoptées par de nombreux pays riches pour réduire les émissions associées au commerce international. Par exemple, à partir de 2026, le « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » adopté par l’Union européenne (UE) imposera une taxe sur les produits provenant de pays qui ne se sont pas dotés d’un système pénalisant les émetteurs de GES. L’idée est de ne pas désavantager dans le commerce mondial les entreprises européennes assujetties au marché des quotas d’émissions. Une adoption de ce mécanisme sans aménagement pour protéger les pays les plus pauvres, notamment les pays africains qui n’ont pas réussi la transition énergétique suffisamment rapidement, ne respecte pas les ambitions morales de la COP28. En effet, elle pourrait impliquer un rééquilibrage des exportations vers les matières premières, annihilant les efforts d’industrialisation avec des conséquences non-négligeables sur les options de croissance du continent et le bien-être de ses populations. Les efforts globaux de décarbonation sont donc loin d’être neutres pour les perspectives de développement de l’AS et impliquent des arbitrages éthiques. Mais il y a aussi des arbitrages économiques.

Les risques associés à l’ajustement carbone aux frontières européennes sont renforcés par les efforts de l’UE pour développer les puits de carbone, notamment pour empêcher la déforestation. Mais, à nouveau, cette politique n’est pas neutre pour l’AS. L’un des outils du Pacte vert pour l’Europe consiste en effet à bloquer les importations de produits issus d’une déforestation, tels que les bovins, le cacao, le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le soja, le bois, et un certain nombre de produits dérivés tels que chocolat, meubles et papier imprimé. Cela pourrait réduire significativement les revenus d’exportation du continent.

Pour compenser ces pertes de revenus, les pays concernés ne peuvent compter que sur la vente de crédits carbone (CC) dans le cadre de l’article 6 de l’Accord de Paris. Ces crédits sont achetés par des entreprises assujetties à des contraintes de décarbonation, par exemple en Californie et en Europe. Mais des désaccords persistent quant à la mise en œuvre de l’article 6 car elle risque de ne pas se réaliser au bénéfice des émetteurs de crédits. En effet, il y a des doutes sérieux sur la qualité de ces crédits (reflètent-ils réellement une capacité d’absorption des GES?). Ces doutes font chuter le prix du carbone et donc les bénéfices de l’instrument pour les pays africains.

A ces faiblesses s’ajoute le fait que certains pays abritant des espaces forestiers cèdent les droits de négoce des crédits à des entreprises spécialisées telles que Blue Carbon, basée à Dubaï. Ceci reproduit le modèle de confiscation de la valeur ajoutée des ressources naturelles qui fit la fortune des entreprises européennes au temps des colonies. Une correction potentielle est offerte par l’initiative des Marchés du Carbone en Afrique (ACMI) lancée lors de la COP27. L’ACMI voudrait faire des CC l’un des principaux produits d’exportation de l’AS. L’effort est important mais illustre à nouveau les difficultés pour trouver des instruments qui n’impliquent pas d’arbitrages ou des mesures correctives.

Pour que les décisions aboutissant à des arbitrages soient opérationnelles, les pays développés devront faire leur part. Ce message est clair dans la «déclaration de Nairobi» signée en septembre 2023. Elle rappelle que si les pays développés souhaitent bénéficier des efforts de l’AS dans la lutte contre le réchauffement climatique, il leur faut a minima « honorer l’engagement de fournir 100 milliards de dollars de financement annuel pour le climat, comme promis il y a 14 ans lors de la conférence de Copenhague ». Ne pas déforester a un coût qu’il faut répartir équitablement entre les bénéficiaires, donc prioritairement les pays riches. Financer le changement local est une affaire globale qui requiert une gouvernance complexe capable de décisions rapides. Malheureusement, la lenteur de la prise de conscience de cette nécessité n’est pas compatible avec l’urgence des multiples besoins à satisfaire.

(1) Voir les données de la Banque mondiale.

L’Enjeu des logiciels quantiques et défis software

L’Enjeu des  logiciels quantiques et défis software

 

 Par Yehuda Naveh, cofondateur et CTO de Classiq dans la Tribune

 

 

Les ordinateurs quantiques comprennent des qubits – l’équivalent quantique des bits classiques « 0 ou 1 » – et des portes qui les modifient. Aujourd’hui, les entreprises rivalisent sur de nombreux aspects : le nombre de qubits, le type de portes disponibles, la connectivité entre les qubits, les taux d’erreur, la température de fonctionnement, etc. Le rythme de ces progrès est absolument fulgurant. IBM, notamment, proposait un calculateur quantique de pointe de 65 qubits, et prévoit une version de 433 qubits pour cette année, et une autre de 1.000 qubits pour 2023.

Aussi important que le hardware puisse paraître, le software est également essentiel pour propulser cette révolution quantique. En informatique classique, une unité centrale moderne est inutile sans un système d’exploitation et des logiciels pour développer des applications, et nous pouvons supposer qu’il en sera de même pour les ordinateurs quantiques. Sans logiciels puissants, l’informatique quantique ne pourra tenir ses promesses.

Toutefois, le développement de software quantique n’en est actuellement qu’à ses prémices. Les langages de programmation quantique tels que Q# de Microsoft, Qiskit d’IBM ou encore Cirq de Google, fonctionnent principalement au niveau de la porte ou du bloc de construction. Si par exemple un bloc de construction requis n’est pas encore mis en œuvre, l’utilisateur doit spécifier la séquence exacte des interconnexions entre les qubits et les portes quantiques.

Ce processus est similaire à la création d’un circuit numérique en plaçant laborieusement des portes logiques « traditionnelles ». Cette méthode peut fonctionner lorsqu’il y a des dizaines de portes logiques, mais est pratiquement impossible à mettre à l’échelle de milliers ou de millions de portes.

Le caractère complexe de la conception de logiciels quantiques entraîne un autre aspect défavorable : la difficulté de trouver des ingénieurs software. La programmation quantique étant différente de la programmation classique, les ingénieurs en logiciels quantiques se font rares. Ils doivent être des experts en théorie de l’information quantique et avoir une compréhension pratique de la physique quantique ainsi qu’une maîtrise de l’algèbre linéaire.

Aujourd’hui, ces ingénieurs sont généralement titulaires de doctorats de grandes universités. Les profils possédant ces qualifications sont peu nombreux, et les entreprises ont du mal à les embaucher au sein de leurs branches quantiques nouvellement créées.

En outre, les ingénieurs en logiciels quantiques n’ont pas d’expertise dans le pricing d’options, la biologie moléculaire, l’optimisation de la supply chain, ou tout autre domaine que les équipes souhaitent traiter. La nécessité de définir de nouveaux algorithmes au niveau des portes rend très ardue l’intégration d’experts de domaines spécifiques dans les équipes quantiques.

Lorsque vous prenez une magnifique photo de vacances et que vous souhaitez accentuer les couleurs du coucher de soleil, vous n’avez probablement pas envie de le faire pixel par pixel, surtout si votre photo en compte des millions. Vous utiliseriez plutôt Photoshop ou un autre logiciel de retouche d’images qui vous permettrait de spécifier vos souhaits et de trouver un moyen de les réaliser pixel par pixel.

De la même manière, si vos équipes développent un nouvel algorithme quantique, elles ne voudront pas le coder – ou le corriger et le maintenir – porte par porte. Ils chercheront un langage de pointe pour traduire les nouveaux concepts en implémentation au niveau des portes quantiques.

Nous avons fait plus haut l’analogie entre la programmation quantique et la conception de circuits numériques. L’évolution de leur conception peut servir d’inspiration à la résolution des défis software.

À mesure que les circuits numériques devenaient plus complexes (un processeur Intel 8086 compte environ 20 000 transistors, alors qu’un i7 moderne en compte plus de 4 milliards), des langages de conception comme le VHDL sont venus à la rescousse. Avec VHDL, Verilog et autres langages de description hardware similaires, les concepteurs sont en mesure de développer des codes lisibles décrivant les objectifs, puis des programmes informatiques traduisent ces écritures en interconnexions de portes détaillées.

Ces langages ont permis de concevoir des circuits extrêmement sophistiqués et d’en assurer efficacement le débogage et la maintenance. Ces langages favorisent également la réutilisation des codes, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de les reconcevoir à chaque fois.

Nous assisterons bientôt à l’application d’une approche similaire au VHDL à l’informatique quantique. Si les structures du langage quantique peuvent être très différentes de celles du design électronique, le principe de cette « conception d’algorithmes quantiques » reste le même : se recentrer sur un objectif et laisser le programme informatique le traduire en qubits et en portes. Comme le VHDL a connu beaucoup de succès et que nous pouvons en tirer plusieurs enseignements, son équivalent quantique devrait se développer beaucoup plus rapidement et avec beaucoup moins d’incertitude.

Pour affronter cette révolution quantique et ces nouvelles plateformes logicielles, les entreprises peuvent :

  • Initier les experts de leur domaine aux concepts de l’informatique quantique, sans pour autant leur demander d’apprendre la programmation de bas niveau,
  • Éviter de se lancer tête baissée dans les qubits et les portes, il faudra tout d’abord créer un langage de haut niveau, compréhensible, pour définir les fonctions de l’algorithme quantique,
  • Continuer à explorer le marché des plateformes pouvant transformer des langages de modélisation de pointe en code quantique de bas niveau optimisé.

Sans progrès notables dans le software, l’informatique quantique stagnera. Les logiciels de conception d’algorithmes quantiques permettront non seulement de mettre en œuvre des algorithmes plus sophistiqués sur des machines plus avancées, mais aussi d’élargir le vivier de talents disponibles, permettant ainsi à des experts de domaines spécifiques de travailler avec des ingénieurs quantiques de haut niveau.

C’est en intégrant le hardware, le software et les ressources humaines que nous pourrons tenir la grande promesse de l’informatique quantique.

Internet : Les défis du très haut débit

 Internet : Les défis du très haut débit 

 

Alors qu’une grande majorité des Français a désormais accès à la fibre pour se connecter à Internet, de nombreux défis demeurent pour tirer tous les avantages de ce nouveau réseau. Ceux-ci concernent sa sécurisation, le développement des usages, ou encore la lutte contre l’exclusion numérique.Par Jacques Marceau, le président d’Aromates et cofondateur des Assises du Très haut débit.(la Tribune)

On y est presque ! Encore un effort et dans moins de trois ans, la France aura atteint ses objectifs de couverture en très haut débit, et l’État tenu sa promesse. Et que n’a-t-on pas promis au nom de la transformation numérique de notre pays, de ses territoires, de son économie, de son éducation ou de sa santé ? Grâce au très haut débit partout et pour tous, nous allions pouvoir entrer dans le monde fantasmé de la société numérique.

Sans vouloir gâcher la fête, les interrogations n’ont pas attendu la fin des déploiements pour émerger et chacun a aujourd’hui compris que le monde numérique d’après pourrait être bien pire que le monde « pas numérique » d’avant. C’est pourquoi, et assez tôt, le politique a repris l’affaire en main pour tenter de réguler, sécuriser et assurer la souveraineté de la nation sur des infrastructures qui se sont imposées comme essentielles au fonctionnement de l’ensemble de ses activités, et dont dépendent désormais sa prospérité économique, son indépendance et, nous le savons maintenant, sa cohésion sociale. Cela fait beaucoup et dépasse de loin les critères de performance jusqu’à présent imposés aux réseaux et à leurs opérateurs dont l’unité de mesure de référence était le kbits/s.

Ainsi, les défis qui se font jour sont immenses si l’on ne veut pas avoir enfanté la pieuvre de la mythologie dont les tentacules nous étoufferont. Défi des usages, car, pendant que nous nous appliquions à construire ces infrastructures, d’autres, ni français, ni même européens, ont développé avec le succès que l’on connait des services qui fédèrent aujourd’hui des milliards d’utilisateurs. Défi de l’accès pour tous et de la lutte contre l’exclusion numérique sous toutes ses formes. Car être privé d’accès à l’internet, c’est pour le citoyen l’exclusion de la vie de la Cité et pour la nation, un pas de plus vers l’effondrement de la cohésion sociale.

Défi de la sécurisation et de la résilience de nos réseaux face aux évènements les plus divers et les plus inattendus, qu’ils soient environnementaux, sociaux ou géopolitiques. Et ce ne sont pas les alertes qui ont manqué ces derniers mois ! Défi enfin de la souveraineté car ce qui est devenu le système nerveux de notre société, non seulement ne peut souffrir le moindre défaut ni accepter la moindre faille, mais encore, doit rester à la main de la France et des Français.

Hypnotisés par la puissance transformatrice du numérique et sa promesse d’un monde meilleur, nous avons collectivement et naïvement cédé au chant des sirènes du capitalisme numérique et de la « startupisation » de notre économie en oubliant les conséquences anthropologiques et civilisationnelles de cette transformation.

Au-delà d’une prise de conscience dont les signes sont aujourd’hui patents, relever ces nouveaux défis requiert une volonté politique sans faille, un plan ambitieux et des moyens financiers au moins aussi importants que ceux qui auront été nécessaires au déploiement des infrastructures pour le très haut débit. A l’heure où notre société est fracturée et les sujets de consensus rares, voilà un vrai projet, rassembleur, stimulant et déterminant pour l’avenir de notre nation.

Les défis de la supply chain

Les  défis de la supply chain 

 

Dans toute l’Europe, l’inflation frappe durement les ménages et les entreprises. Alors qu’elle atteint un niveau record dans la zone euro à 7,5 % sur le mois de mars et qu’en une année l’indice des prix à la consommation a augmenté de + 4,5 % en France, le paysage économique européen subit un véritable désordre. Quelle est la cause de cette inflation croissante, et pourquoi certaines entreprises mettent-elles en cause directement la supply chain ? Par Emmanuel Condroyer, Country Sales Director France chez project44.

 

Tribune

 

Lors du premier confinement, les consommateurs européens ont recentré leurs dépenses vers les biens plutôt que les services. L’offre a vite dépassé la demande jusqu’au point où la supply chain a dû revoir très rapidement ses modèles d’approvisionnement, laissant tomber la gestion de la demande immédiate pour s’occuper des produits nécessaires. Pour couronner le tout, les taux de fret ont continué d’augmenter à une vitesse vertigineuse au cours du second semestre 2021, alors que le nombre de ports à l’arrêt grandissait et que la main-d’œuvre qui y est rattachée continuait à s’amoindrir face aux vagues pandémiques. Il n’en fallait pas plus pour passer d’une inflation guidée par la demande à une inflation forcée par l’offre, avec des contraintes d’approvisionnement devenant le moteur des pressions inflationnistes.

Aujourd’hui, alors que l’inflation mondiale devrait rester élevée jusqu’à la fin de l’été 2022, les entreprises ne peuvent plus absorber la hausse des coûts. En effet, les pressions inflationnistes sont directement répercutées sur les clients, mettant en péril la réputation des marques et augmentant, in fine, le coût de la vie. Alors que les prix des produits ménagers, des denrées alimentaires, de l’énergie et des matériaux sont en hausse, comment les supply chain peuvent-elles faire face à ces nouvelles pressions financières et réduire cet impact sur leurs clients ? Si personne ne peut contrôler la politique étrangère sur les restrictions liées à la Covid, ou anticiper un autre blocage du canal de Suez, tout le monde peut agir maintenant et investir dans l’infrastructure numérique pour mieux se prémunir face aux perturbations à venir.

 

Le premier défi auquel doit faire face la supply chain est le phénomène de goulots d’étranglement, qui provoque une augmentation rapide des prix, à laquelle ne peuvent pallier les forces en présence. En d’autres termes, même si les capacités sont abondantes à certains endroits, elles ne suffisent pas à contrebalancer les longs délais d’attente et les retards, ce qui a pour effet d’augmenter l’inflation.

Ces blocages peuvent être atténués et évités, grâce à une visibilité de bout en bout. Les transporteurs, les transitaires et les expéditeurs peuvent surveiller – et dans certains cas prévoir – le moment où ces goulots d’étranglement se produiront, et réacheminer de manière proactive les expéditions par différents modes de transport et ports afin de minimiser les retards. Grâce à la visibilité en temps réel, il est plus facile d’identifier les tendances générales en matière de congestion portuaire, ainsi que les points d’intérêt spécifiques (arrêts de camions/stations d’attente/inspections frontalières) où les expéditions sont retenues pendant de longues périodes. Cela permet à la fois une planification stratégique à long terme et une gestion de crise en temps réel, tout en identifiant des itinéraires alternatifs et en évitant les blocages.

Les plus grands défis de la supply chain resteront surement ceux de l’écologie et de la neutralité carbone. Et pour ce faire, il est nécessaire de commencer quelque part et la visibilité en temps réel offre aujourd’hui une efficacité opérationnelle permettant notamment d’éviter les blank saillings, mais aussi d’aider à la réaffectation des moyens de transport de manière plus dynamiques et automatiques. Ainsi nous contribuerons à aider l’ensemble des acteurs de la supply chain à améliorer leur bilan carbone et tout en étant plus écoresponsable.


Dans la supply chain, un maillon faible en entraîne d’autres tout au long de la chaîne, et une hausse de prix peut, en aval, en provoquer d’autres. Par exemple, aux États-Unis, une augmentation de 15 % des coûts d’expédition entraîne une hausse de 0,1 % de l’inflation de base au bout d’un an, créant un effet boule de neige sur l’ensemble de la chaîne. L’engorgement des ports a entraîné de nouvelles pénuries du côté de l’offre et un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande. Plus la supply chain est longue, plus l’impact inflationniste se fera sentir, car les répercussions s’aggravent au fur et à mesure que la chaîne avance.

Comme le disait le statisticien W. Edwards Deming « on ne peut pas améliorer ce que l’on ne sait pas mesurer ». Compte tenu du caractère imprévisible de la demande, cela peut provoquer à la fois des afflux et des pénuries qui mettent la supply chain sous pression à court terme. C’est là que la visibilité intervient, car ces pics et ces baisses de la demande peuvent être surveillés et prédits avec plus de précision. Plus les transporteurs, les transitaires et les prestataires de services logistiques se connectent à des plateformes de visibilité, plus les données s’enrichissent et s’affinent pour que cet effet domino se réduise.

 

De nombreux expéditeurs diversifient leur réseau de transporteurs et adoptent une approche multimodale et omnicanale. Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent pas compter sur un seul transporteur ou un seul mode de transport, et les expéditeurs ne peuvent plus se permettre d’être fidèles à un transporteur spécifique. Les prix ont augmenté car les expéditeurs étaient bloqués derrière leur mode de transport habituel et avaient peu de visibilité sur les options alternatives. Le passage de dernière minute du fret maritime au fret aérien a peut-être facilité le réapprovisionnement des stocks, mais il a eu un coût énorme tant financier qu’environnemental.

Le réseau mondial de la supply chain devenant de plus en plus complexe et interconnecté, la visibilité et la connectivité de bout en bout ne sont plus qu’une option avantageuse à avoir, mais deviennent essentielles pour tenir le cap en temps de crise. Les crises sont inévitables et sans visibilité de l’ensemble de la chaîne – entre les transporteurs, les modes de transport et les frontières – les expéditeurs subiront des retards toujours plus importants et l’inflation se poursuivra.

 

Visibilité et collaboration vont de pair. À titre d’exemple concret, si un transporteur fait partie d’un réseau à visibilité ouverte et qu’il a du mal à réserver son propre fret, il peut alors se tourner vers les autres membres des flottes du réseau, en utilisant une plateforme de visibilité pour consulter leurs disponibilités. Cela permet à la fois aux transporteurs d’éviter les blocages tout en développant leur réseau, et à travailler ensemble en tant qu’industrie pour réduire ces goulots d’étranglement.

Mais la réalité c’est que l’inflation est partie pour durer pour une bonne partie de l’année 2022, et il est temps que la supply chain agisse. Il y a beaucoup de discussions à l’échelle politique sur la remise à niveau des infrastructures et des équipements, mais investir dans l’infrastructure numérique est une étape importante à considérer. La visibilité de données qualitatives de bout en bout peut réduire et supprimer les goulots d’étranglement, ralentir l’effet domino des coûts le long de la chaîne d’approvisionnement et favoriser la collaboration entre les réseaux multimodaux.

Emmanuel Condroyer

Les impossibles défis d’EDF

Les impossibles défis  d’EDF

Pour Jean-Michel Bezat du Monde , assurer la sécurité énergétique du pays, porter le savoir-faire français à l’international, produire toujours plus vert : EDF est soumis à des injonctions politiques contradictoires.

 

Chronique.

 

Avouons-le, on n’aimerait pas être à la place du PDG d’EDF. Aux commandes du géant de l’énergie depuis 2014, Jean-Bernard Lévy n’est pas du genre à se laisser tordre le bras sans se battre. Mais après d’âpres négociations, l’Etat actionnaire (à 83,9 %) a fini par lui imposer ses vues : dans le cadre du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), imposé par Bruxelles en 2011 au nom de la concurrence, il devra vendre à ses concurrents – à prix soldé, c’est de saison – 20 % de courant de plus que d’ordinaire.

En se payant sur la bête pour financer son « bouclier tarifaire », le gouvernement évite une flambée de 35 % des tarifs des consommateurs, qui ferait désordre à trois mois de l’élection présidentielle.

L’Etat a payé son écot en réduisant à presque rien la taxe sur l’électricité, une perte de recettes de 8 milliards d’euros noyée dans le déficit budgétaire. Pour EDF, l’injonction du gouvernement est douloureuse et défie le bon sens économique : il achètera de l’électricité jusqu’à 300 euros le mégawattheure (MWh) pour la revendre 46,20 euros à ses concurrents Engie, TotalEnergies ou Eni. L’annonce a eu un effet immédiat, amplifié par les défaillances techniques sur plusieurs centrales : le titre a plongé de 15 % en Bourse, vendredi 14 janvier, détruisant plus de 5 milliards d’euros de valeur. Et l’opération se soldera par une baisse de l’excédent brut d’exploitation de l’ordre de 8 milliards en 2022.

L’Arenh oblige ni plus ni moins EDF à aider ses concurrents quand les cours de l’électricité s’envolent, entravant ses investissements et creusant sa dette. C’est un « poison » qui risque de tuer l’entreprise, dénonce M. Lévy depuis des années. En vain.

Peu de patrons de sociétés publiques sont aussi soumis que lui aux oukases de l’Elysée, de Matignon et de Bercy, ni aussi exposés aux aléas politiques. Cet interventionnisme s’est renforcé au cours des dernières années, l’Etat faisant tour à tour de la « Fée électricité » le sauveteur de la filière nucléaire et une vache à lait.

En 2016, l’Etat avait dû voler au secours d’un secteur qui s’en allait à vau-l’eau. Il avait souscrit aux trois quarts à l’augmentation de capital de 4 milliards d’euros d’EDF. Mais M. Lévy avait été prié de reprendre la fabrication des réacteurs d’Areva, en quasi-faillite et lui aussi recapitalisé à hauteur de 5 milliards.

L’intégration d’Areva NP, rebaptisé « Framatome », a changé le profil d’EDF : à ses métiers historiques d’architecte ensemblier de centrales et de producteur d’électricité, il a ajouté celui d’industriel manufacturier. Imagine-t-on demander à Air France-KLM, déjà mal en point, de racheter le motoriste Safran ? Ou à la SNCF, pas très en forme, de reprendre les TGV d’Alstom ?

 

Europe : les défis à relever

Europe : les défis à relever

En cette rentrée parlementaires, les  défis à relever pour l’Europe dans  l’Opinion (extrait) par Manfred Weber est député allemand au Parlement européen, président du groupe Parti populaire européen (PPE)

Tribune

Deux ans après l’entrée en fonction de la Commission présidée par Ursula von der Leyen, la session plénière de rentrée du Parlement européen, cette semaine à Strasbourg, sera l’occasion de faire le point sur la situation de l’Europe et sur les défis à relever.

Nous n’avons pas à rougir de ce que l’UE a accompli au cours de l’année qui vient de s’écouler. Après des retards à l’allumage, la politique de vaccination européenne s’est révélée un franc succès, dont peu de gens mesurent l’ampleur.

Non seulement 70 % des adultes sont désormais vaccinés, mais le passeport sanitaire européen a permis de sauver les vacances d’été et la saison touristique dans de nombreuses régions d’Europe.

Sur le plan économique, en envoyant un important signal de stabilité, le plan de relance de 2020 a permis de maintenir un haut niveau de confiance et d’éviter le pire.

Il n’en reste pas moins que la pandémie laissera des traces durables sur l’économie. Aussi devons-nous continuer à concentrer nos efforts sur la création d’emplois d’avenir. Confronté à une compétition sans merci au niveau mondial, notre continent ne peut s’en sortir que si nous investissons massivement dans l’innovation et le futur.

C’est vrai en particulier pour la politique climatique. Plus personne ne peut douter de la réalité très concrète du changement climatique, ni du fait qu’atteindre la neutralité climatique représentera l’une des tâches politiques centrales des prochaines décennies.

«J’appelle à la désignation d’un ambassadeur pour le climat à plein temps, dont la mission sera de convaincre nos partenaires de nous rejoindre dans ce combat»

Impact social. Mais une politique ne peut être efficace que si elle est également réaliste. Nous devons éviter d’opposer écologie et économie et surtout, nous devons accorder une attention toute particulière à l’impact social des mesures que nous prendrons pour lutter contre le changement climatique. Enfin, si pouvons être fiers de l’ambition européenne, nos actions ne seront qu’une goutte d’eau si elles se limitent à l’Europe. C’est pourquoi j’appelle à la désignation d’un ambassadeur pour le climat à plein temps, dont la mission sera de convaincre nos partenaires de nous rejoindre dans ce combat.

Enfin, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, la débâcle occidentale en Afghanistan a marqué la fin de la naïveté pour l’Europe. La sécurité de notre continent ne peut dépendre des soubresauts de la politique intérieure américaine. Il est temps pour les Européens de passer à la vitesse supérieure en matière de défense européenne commune.

Pour faire entendre sa voix et peser politiquement dans le monde, l’UE ne doit plus hésiter à mettre non seulement son poids diplomatique, mais aussi son poids économique dans la balance.

Mercredi à Strasbourg, nous attendons d’Ursula von der Leyen qu’elle précise sa vision pour faire de l’exécutif européen une véritable Commission géopolitique.

Manfred Weber est député allemand au Parlement européen, président du groupe Parti populaire européen (PPE). Retrouvez sa chronique chaque semaine sur lopinion.fr en alternance avec celle de Dacian Ciolos, président du groupe Renew Europe.

Jeux olympiques Paris 2024: Des risques économiques et sportifs

Jeux olympiques Paris 2024: Des risques économiques et sportifs

 

Un papier du Monde (extrait) explique les risques que prend la France a organisé des JO en 2024.

La réussite des Jeux de Paris suppose que soient menés à bien en temps et en heure les chantiers prévus pour les accueillir dignement, et que les athlètes français y brillent. Or des regrets ou des inquiétudes se font jour sur ces deux plans.

Après Tokyo, le drapeau olympique flotte depuis lundi sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris, officialisant le choix de la capitale française pour les prochains Jeux olympiques (JO) d’été, qui s’ouvriront dans trois ans à peine, le 26 juillet 2024. Pour Paris, qui n’a pas accueilli les Jeux depuis 1924, mais aussi pour la France qui ne les a organisés que cinq fois depuis leur renaissance en 1894, ce compte à rebours désormais lancé représente une série considérable de défis.

Coup de projecteur planétaire sur un pays prestigieux menacé de déclin et sur sa capitale qui fait toujours rêver partout dans le monde, adhésion populaire à une grande machinerie sportive à l’heure du localisme et de la sobriété, promotion de la Seine-Saint-Denis, département le plus jeune et le plus cosmopolite de France… Les JO de Paris constituent une exceptionnelle occasion, non seulement de mettre en valeur le pays et sa diversité, mais aussi de faire rêver et de rassembler des Français que l’anxiété sanitaire porte à la division et au repli.

Plus prosaïquement, la réussite des Jeux de Paris suppose que soient menés à bien en temps et en heure les chantiers prévus pour les accueillir dignement, et que les athlètes français y brillent, confirmant le rôle mobilisateur d’une pareille échéance pour le sport national. Or des regrets ou des inquiétudes se font jour sur ces deux plans.

Un échec cuisant

Si les principales constructions neuves, comme l’Arena de la porte de La Chapelle, à Paris, ainsi que le village des athlètes et le centre aquatique à Saint-Denis, sortent de terre dans les temps, le retard pris par le chantier des nouvelles lignes de métro qui doivent desservir Le Bourget a obligé les organisateurs à revoir l’implantation de certaines compétitions et d’un centre de presse. Alors que l’agglomération parisienne piaffe depuis plus d’une décennie pour organiser les Jeux et que la desserte de la banlieue nord par le Grand Paris Express est cruciale pour les habitants, c’est un échec cuisant.

 

Quant à la moisson de médailles espérée pour la France, elle apparaît tout sauf certaine. Certes, les performances des sportifs français à Tokyo en basket, handball et volley représentent un exploit inédit. Que les Français brillent dans ce triptyque « BHV », ces sports largement pratiqués dans le cadre scolaire et dans les clubs, est un hommage aux professeurs d’éducation physique et sportive et aux bénévoles. C’est aussi une bouffée d’air pour des milliers d’associations sportives qui ont souffert de la crise sanitaire.

Pourtant, le triomphe des « sports co » français est l’arbre qui cache la forêt. Les échecs en athlétisme, natation, boxe et cyclisme n’ont pas permis d’atteindre la « quarantaine de médailles » espérée par Emmanuel Macron à l’ouverture de Jeux de Tokyo. Avec 33 récompenses, la France se classe huitième au tableau des médailles, loin derrière la Royaume-Uni – 65 médailles –, qui s’affirme depuis les Jeux de Pékin en 2008 comme la principale puissance olympique européenne.

 

 

Société- Les défis de l’anthropocène

Société- Les défis de l’anthropocène 

La recherche fondamentale est en crise de moyens. Face aux turbulences du XXIe siècle, des choix s’imposent et « chaque chercheur doit se demander quel sens donner à un possible chant du cygne de son activité », analyse, dans une tribune au « Monde », le biologiste Jean Colcombet.( le Monde, extrait)

 

Tribune.

La recherche moderne ne s’est développée sous sa forme actuelle qu’après-guerre. Efficace et en partie non finalisée, elle est largement menée par des fonctionnaires sur fonds publics. Son émergence est la conséquence de la profonde transformation de la société induite par le progrès et l’abondance des énergies fossiles.

En moins d’un siècle, la mécanisation a entraîné une diminution drastique du nombre d’agriculteurs, a décuplé la productivité au point de rendre les ouvriers quasi accessoires et a permis un accroissement explosif du secteur tertiaire, devenu nécessaire pour gérer des flux de plus en plus complexes et répondre aux désirs de chacun.


Car, en même temps, nous sommes devenus incroyablement riches au regard de l’histoire humaine. La complexification de cette société a nécessité la spécialisation poussée de chacun de ses composants et permis la création d’une recherche professionnalisée appuyée sur des budgets sanctuarisés.

La recherche offre une grille de lecture du monde

Avant le XXe siècle, l’attrait du progrès et la compétition entre les nations motivaient les développements technologiques finalisés, menés par les artisans et les entreprises. La recherche fondamentale, très mineure, était souvent l’occupation d’individus fortunés ou soutenus par des mécènes.

Au cours du XXe siècle, et particulièrement depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la recherche a été nationalisée – c’est l’époque en France de la création des grandes agences de recherche – et a graduellement ajouté à sa mission de développement celle d’accroître les connaissances fondamentales.


Aujourd’hui, la plupart d’entre nous, chercheurs, parlons de notre contribution comme d’une petite brique apportée à l’édifice de la connaissance. Nous rechignons à nous voir imposer des objectifs, pointant les cas où le hasard mène à des découvertes remarquables et utiles alors que l’étude initiale n’avait rien de pratique. Par ce travail de fourmi, dont la somme ambitionne exhaustivité et objectivité, la recherche offre une grille de lecture du monde qui s’élargit et se précise continuellement.

La recherche, fille de la modernité et des énergies fossiles

L’ironie veut que cette recherche, fille de la modernité et des énergies fossiles, nous aide à analyser les grands enjeux de l’anthropocène : nous comprenons désormais que notre développement glouton nous fait dépasser les frontières planétaires et fragilise les écosystèmes. Sans l’expertise scientifique pointue dont nous disposons aujourd’hui, les défis essentiels de notre ère n’auraient pas été pleinement appréhendés.

Énergie : les défis des opérateurs historiques

Énergie : les défis des opérateurs historiques

 

Face aux mutations du marché et à une concurrence accrue, les opérateurs énergétiques historiques cherchent leur voie entre stabilité et agilité, constate l’économiste Sophie Méritet dans une tribune au Monde.

Tribune.

 

 Confrontés à un environnement en pleine mutation, les énergéticiens européens se sont engagés dans une revue de leurs actifs et de leurs stratégies. Dans ce contexte, la diminution de l’empreinte carbone est une priorité.

La réglementation constitue un facteur structurel de transformation dans le secteur de l’énergie. Les autorités nationales et européennes ont défini des objectifs dans la lutte contre le changement climatique, tout en incitant le développement de nouveaux modes de consommation et de production, comme l’autoconsommation. Malgré la réduction record de 7 % des émissions en 2020, liée à la crise sanitaire, l’atteinte des objectifs fixés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre demeure un défi. Dans la transition énergétique, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique jouent un rôle croissant. (avec pour objectif en 2030 de porter la part des énergies renouvelables à au moins 32 % et d’améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 32,5 %).

Les investissements dans les énergies propres ne sont plus uniquement le fait des Etats, mais aussi des entreprises. L’abandon des énergies carbonées peut être un choix stratégique motivé par la diminution volontaire de l’empreinte carbone, comme par la recherche de rentabilité. Les centrales à charbon ne sont par exemple plus aussi rentables qu’avant sous l’effet des réglementations européennes environnementales plus strictes et de la hausse des prix des combustibles. Pas étonnant donc que les groupes énergétiques se retirent des actifs thermiques comme les constructeurs General Electric et Siemens, ou progressivement les opérateurs Engie ou RWE.

Les actionnaires incitent les énergéticiens à se diversifier en se tournant vers des énergies moins carbonées. Récemment, des plans d’investissements massifs dans les énergies vertes ont été annoncés par les groupes européens (par exemple l’italien Enel, avec 17 milliards d’ici 2023 et 70 milliards d’ici 2030 dans le solaire ou l’éolien, ou l’espagnol Iberdrola, avec 75 milliards d’euros dans la transition écologique). A court terme, ces dépenses auront un impact négatif sur la rentabilité. A long terme, elles permettront de pérenniser les activités. La réduction des subventions, avec une hausse des taux, représente néanmoins un risque à ne pas sous-estimer dans le secteur des énergies renouvelables.

A ce mouvement d’investissement dans les énergies renouvelables s’ajoutent deux éléments de rupture : les innovations technologiques et les comportements des consommateurs. Ces derniers prennent l’habitude de produire leur énergie, ou de la stocker, de façon autonome. Avec les progrès techniques, les coûts continuent de diminuer, aussi bien pour les sources d’énergies propres, comme l’éolien (– 39 % sur le terrestre, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables [Irena], entre 2010 et 2020), que pour les batteries des véhicules électriques et celles de stockage stationnaire (en moyenne – 13 % par an depuis deux ans, selon l’Irena).

Les grands défis technologiques en 2021

Les grands défis technologiques en 2021

 

 

Après une année de croissance prodigieuse, 2021 pourrait s’annoncer plus délicate pour le secteur technologique d’après un article du Wall Street Journal

En 2020, la pandémie a permis aux géants de la tech comme Amazon et Microsoft d’atteindre de nouveaux sommets. Le recours au shopping en ligne et au travail à distance a accéléré à une vitesse qui aurait été inconcevable en l’absence du coronavirus.

Mais les Big Tech pourraient à présent connaître des temps plus difficiles. Fin 2020, les autorités américaines, chinoises et européennes ont lancé séparément des enquêtes pour déterminer si la taille de ces géants n’était pas devenue problématique. Aux Etats-Unis, ces investigations devraient continuer sous la présidence de Joe Biden, laquelle semble également encline à maintenir les restrictions aux exportations chinoises qui modifient le profil des chaînes d’approvisionnement mondiales.

Si les Big Tech risquent ainsi d’être confrontées à des difficultés inédites depuis des années, 2021 pourrait également apporter son lot d’opportunités. Le monde pourrait enfin entrer dans l’ère de la voiture électrique. Le président élu Joe Biden s’est engagé à faire de la cybersécurité une priorité. Et Washington instaurera des incitations financières en vue d’aider les entreprises américaines à garder une longueur d’avance sur leurs concurrentes chinoises.

Voici les principaux enjeux de 2021 pour le secteur technologique.

La réglementation

La plus grande source d’inquiétude en la matière pour les Big Tech reste la menace de poursuites pour pratiques anticoncurrentielles. Mais les démocrates, forts de leur pouvoir nouvellement acquis sur le Congrès, souhaiteront sans doute aussi un durcissement législatif.

Pour Google et Facebook, la menace est déjà bien réelle. Le département de la Justice, la Commission fédérale du commerce (FTC) ainsi que les procureurs généraux de certains Etats ont lancé coup sur coup à leur encontre cinq actions en justice en fin d’année dernière.

Pour ces entreprises, toute la question sera de savoir si l’administration Biden décidera d’élargir les procédures fédérales, de simplement les poursuivre, ou de chercher un accord. Google comme Facebook semblent désireuses d’en finir avec ces affaires. Chacune des deux entreprises nie toute mauvaise conduite.

Mais l’accumulation de poursuites du même ordre entamées par des plaignants privés complique encore la situation.

Pour Amazon et Apple, le risque est de voir des enquêtes préliminaires ouvertes par les autorités réglementaires fédérales conduire à de nouvelles poursuites.

Au-delà des actions d’ordre judiciaire, les entreprises technologiques peuvent craindre une offensive du Congrès en faveur d’un durcissement des lois antitrust existantes. Dans l’interprétation qu’en donne la jurisprudence, les règles actuelles ciblent avant tout l’impact des pratiques des entreprises sur les prix à la consommation. Leur mise en œuvre peut être épineuse dans le cas de moteurs de recherche ou réseaux sociaux essentiellement gratuits.

Après la fin tumultueuse de la présidence Trump, les démocrates pourraient vouloir faire usage de leur nouveau pouvoir au Congrès pour pousser des entreprises comme Facebook ou Twitter à réprimer davantage la désinformation et les discours haineux. Certains d’entre eux se sont exprimés en ce sens après l’attaque du Capitole, même si aucun n’a pour l’instant avancé de proposition claire.

De nouvelles règles en termes de confidentialité des données et un renforcement des normes en matière de responsabilité pourraient aussi être envisagées.

— par John D. McKinnon

Les Big Tech poursuivront-elles leur croissance ?

La dépendance vis-à-vis des géants de la tech a fortement augmenté en 2020, ménages et entreprises privilégiant les achats en ligne, et recourant en masse aux services informatiques et de cloud, ainsi qu’aux appareils mobiles et aux services de diffusion de vidéos en ligne. De plus petites entreprises, particulièrement bien placées pour tirer parti de la pandémie, ont également connu une croissance fulgurante, la palme revenant au spécialiste des services de vidéoconférence Zoom Video Communications.

Ces différents services faisant désormais partie du quotidien des consommateurs, le secteur devrait continuer d’avoir le vent en poupe cette année, selon les analystes. Des segments comme le commerce électronique, qui, selon certaines estimations, ont enregistré une croissance de près de 50 % en 2020, continueront de profiter de l’évolution des modes de consommation entraînée par la pandémie. Et même lorsque la vaccination permettra de nouveau l’accès aux bureaux et aux espaces publics, l’adoption du télétravail par le monde de l’entreprise devrait entretenir la demande pour les plateformes qui ont permis aux travailleurs et usagers de rester connectés.

« Nous savions déjà que les technologies jouaient un rôle important dans nos vies, mais nous ne voulions pas en prendre réellement la mesure, observe Gene Munster, directeur associé de la société de recherche et d’investissement Loup Ventures. Avec la pandémie, nous les avons totalement adoptées. »

Les Big Tech n’en seront pas moins confrontées à la loi des grands nombres en 2021. Les bénéfices records qu’elles ont enregistrés l’an dernier font planner la menace d’un ralentissement, en particulier pour les entreprises qui, sous l’effet de la pandémie, ont réalisé en quelques mois une croissance de plusieurs années. Cette décélération attendue de certains segments conduit les analystes à penser que les grands noms de la tech miseront davantage encore sur la diffusion de vidéos en ligne, et d’autres services appelés à connaître un bel avenir.

« Il faudra alimenter le moteur de la croissance », souligne M. Munster en référence à Amazon, Apple et d’autres groupes qui sont entrés ces dernières années sur de nouveaux marchés comme celui du streaming.

— par Sebastian Herrera

Les véhicules électriques

2021 sera une année charnière sur le marché des voitures électriques.

Tesla, dont la valeur en Bourse est aujourd’hui la plus élevée de tous les constructeurs automobiles, entend ouvrir deux nouvelles usines d’assemblage, l’une aux Etats-Unis et l’autre en Allemagne, et entrer sur le marché juteux des pick-up avec son Cybertruck entièrement électrique fin 2021 ou début 2022. Des constructeurs classiques comme Volkswagen, General Motors et Hyundai Motor comptent eux aussi lancer de nouveaux modèles électriques destinés au grand public.

« L’offensive est lancée », note Scott Keogh, le patron de Volkswagen aux Etats-Unis, où l’entreprise doit lancer en mars son crossover électrique ID.4.

D’autres lancements très attendus, de la part de start-up comme Rivian Automotive ou Lucid Motors, viendront étoffer encore l’offre de voitures électriques cette année.

Selon les patrons de l’automobile, cette diversité accrue et l’arrivée de nouveaux concurrents contribueront à doper les ventes de ces véhicules aux Etats-Unis, comme elles l’ont fait en Chine et en Europe. Les ventes de voitures électriques ont augmenté de 9,8 % en Chine l’an dernier, et ont bondi de 89 % en Europe entre janvier et novembre 2020, selon des statistiques de l’industrie automobile.

Aux Etats-Unis en revanche, où les analystes estiment que les quatre cinquièmes des véhicules électriques vendus en 2020 étaient de marque Tesla, les ventes de voitures électriques ont chuté d’environ 11 % l’an dernier, selon les données de LMC Automotive.

Le manque de stations de recharge constitue un obstacle important. Selon les données du gouvernement, les États-Unis comptent actuellement 96 000 stations publiques de recharge, une fraction du nombre nécessaire pour soutenir une forte croissance du marché, indiquent les analystes.

2021 pourrait cependant voir un progrès sur ce front. Durant sa campagne, Joe Biden s’était engagé à mettre en place 500 000 nouvelles stations publiques de recharge d’ici à 2030.

— par Ben Foldy

La cybersécurité

Le piratage massif d’agences fédérales mis au jour le mois dernier a révélé les lacunes des systèmes de défense américains dans le domaine de la cybersécurité. Après cette intrusion, que des responsables ont accusé la Russie d’avoir organisé, Joe Biden a affirmé que la cybersécurité serait une priorité à chaque échelon gouvernemental.

Pour Diane Rinaldo, qui a été administratrice entre 2018 et 2019 de la National Telecommunications and Information Administration, l’une des agences piratées, le Congrès pourrait commencer par prendre une mesure simple : allouer des fonds. Si, de par son nom, l’agence qu’elle administrait semblait devoir être à la pointe des technologies, ses employés devaient composer avec une infrastructure informatique hors d’âge, baptisée « Sneakernet », qui les obligeait par exemple à procéder à des interventions manuelles sur chaque ordinateur pour assurer la sauvegarde des e-mails, raconte Mme Rinaldo.

Selon elle, Sneakernet résume à lui seul le degré d’obsolescence des infrastructures informatiques de Washington. « C’est pourtant simple : il faut investir de l’argent. Les systèmes doivent être mis à niveau », souligne Mme Rinaldo, une républicaine.

Au-delà des services gouvernementaux, le principal enjeu de cybersécurité en 2021 est le même qu’en 2020, à savoir les confiscations de données personnelles par des logiciels malveillants (« ransomware »), indique Eric Chien, directeur technique de Symantec, la division de cybersécurité de Broadcom. La situation n’a pas changé dans ce domaine et les organisations doivent continuer de mettre en pratique les règles de base de cybersécurité pour empêcher ce type d’attaques.

La singularité de 2021 tient à la manière dont les organisations s’adapteront à la généralisation du télétravail. Avant la pandémie, il était faisable pour une entreprise de demander à quelques employés de se connecter à distance à ses systèmes au moyen de réseaux privés virtuels. Il est moins facile de procéder de la sorte avec l’ensemble du personnel.

« Que se passe-t-il si quelqu’un oublie qu’il est sur le réseau de son entreprise et se met à regarder Netflix, s’interroge M. Chien. Cela représente énormément de données. » Selon lui, les organisations peuvent mettre en place des systèmes de sécurité plus simples, laissant par exemple les employés se connecter s’ils sont sur le bon fuseau horaire et ne déclenchent pas d’avertissement de sécurité ou de logiciel malveillant.

— par Stu Woo

Le nationalisme technologique

En 2020, le gouvernement américain a pris des mesures pour empêcher d’agir certains grands noms chinois des technologies, en particulier le géant des télécoms Huawei et des fabricants de microprocesseurs. Cette année, il tentera de faire en sorte que les entreprises américaines et de pays alliés qui ont bénéficié de cette initiative ne gaspillent pas leur avance.

Selon des conseillers démocrates et des analystes de la Chine, il ne faut pas s’attendre à ce que l’administration Biden revienne sur les mesures qui ont été prises contre les entreprises technologiques chinoises.

« Il n’est pas question de faire machine arrière, affirme James Mulvenon, qui dirige une équipe d’analystes de la Chine au sein du groupe de défense SOS International. L’administration Biden entend maintenir certaines mesures utiles des politiques de Trump, et atténuer celles qui semblent avoir été prises à chaud dans un but punitif. »

Le nouveau gouvernement pourrait ainsi maintenir les restrictions aux exportations des géants chinois des télécoms et des microprocesseurs, tout en laissant aux tribunaux le soin de déterminer la légalité de l’interdiction de TikTok et WeChat décidée par l’administration Trump.

Le maintien du statu quo permettrait de laisser le temps aux responsables compétents de décider comment stimuler le secteur technologique américain. Le Congrès a récemment adopté une loi de sécurité nationale prévoyant l’octroi de subventions et d’incitations financières aux fabricants de microprocesseurs, des aides qui, selon les parlementaires, pourraient atteindre jusqu’à 3 milliards de dollars par projet. Les conseillers de Joe Biden ont indiqué qu’ils comptaient poursuivre les efforts de l’administration Trump pour inciter les entreprises américaines à développer des technologies d’équipement 5G à source ouverte susceptibles de concurrencer Huawei. Le président élu lui-même a fait des mesures d’encouragement à la fabrication de véhicules électriques américains (secteur dont la chaîne logistique est aujourd’hui dominée par la Chine) un pilier de son programme.

« La priorité des Etats-Unis est d’augmenter leur propre production de microprocesseurs afin d’être moins dépendants d’usines potentiellement instables en Asie, observe Dan Wang, analyste en technologies de Gavekal Dragonomics basé à Pékin. De son côté, la Chine doit rebâtir d’importants segments de la chaîne logistique des équipements et logiciels pour semiconducteurs. »

Traduit à partir de la version originale en anglais

Coronavirus : les défis européens prioritaires

Coronavirus : les défis européens prioritaires

 

Dacian Ciolos  ,  député européen et président d’un groupe centriste évoque les défis européens prioritaires dans l’Opinion

Le premier cas de Covid était détecté sur notre Continent voici un an. Et une nouvelle fois l’épidémie flambe, et contraint les Européens à prendre des décisions difficiles. Toutefois, cette année, malgré l’inquiétude liée aux « variants », nous pouvons espérer retrouver un vent de liberté, grâce aux vaccins et nous aurons du pain sur la planche pour surmonter les cinq défis : sanitaire, économique, climatique, migratoire et démocratique.

A l’image du « pot au noir » bien connu des marins où se succèdent grains et vents faibles avant de toucher les alizés, nous sommes dans une transition, sans qu’il soit possible de prédire avec exactitude quand nous retrouverons des vents stables. La cohésion et la recherche de solutions communes seront la clef.

La campagne de vaccination est la première pierre de l’Europe de la santé. Elle porte une ambition forte : que chaque Européen soit sur un pied d’égalité dans l’accès au vaccin. Les autorisations doivent continuer à se faire avec sérieux et sans délai inutile ; la transparence dans les achats être la plus totale.

Après la gestion des urgences et la négociation du plan de relance historique, l’Europe ne peut se reposer sur ses acquis. Il faudra finaliser et mettre en œuvre les plans nationaux, lancer les projets et faire preuve de réactivité pour être à la hauteur du « whatever it takes » jusqu’au bout. Une question se pose d’ailleurs déjà : laisserons-nous les Etats-Unis prendre le large notamment avec le nouveau plan de 1900 milliards de dollars ?

Reconstruire, innover et transformer sera central, notamment en s’appuyant sur le Green Deal et ses déclinaisons, l’économie circulaire ou le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières par exemple. Les défis économiques et climatiques ne sont pas derrière nous.

L’Europe avancera d’autant plus vite qu’elle sera à même d’approfondir, en même temps, sa dimension citoyenne et démocratique, et qu’elle sera solide sur ses valeurs communes à la fois en interne et en externe, y compris avec la Chine

Agenda digital. Nous passerons, aussi, à la vitesse supérieure sur l’agenda digital. L’urgence à reprendre en main notre destin en la matière n’est plus à démontrer. Cette année doit permettre de tracer notre propre chemin numérique, alors que l’Amérique « laisse faire », et la Chine en a fait l’instrument de son totalitarisme. C’est un enjeu à la fois économique et démocratique.

Au-delà, notre Union devra bâtir une politique d’asile et de migration commune, dossier majeur pour les prochains mois, tout autant que celui de nos relations avec notre périphérie orientale et méditerranéenne, et les Balkans occidentaux.

Sur l’ensemble de ces sujets, l’Europe avancera d’autant plus vite qu’elle sera à même d’approfondir, en même temps, sa dimension citoyenne et démocratique, et qu’elle sera solide sur ses valeurs communes à la fois en interne et en externe, y compris avec la Chine. Le mécanisme d’Etat de droit doit être pleinement appliqué. Nous avons vu aux Etats-Unis l’importance d’une justice indépendante.

Et nous devons saisir l’occasion de la Conférence sur le futur de l’Union comme une véritable opportunité de clarifier non seulement notre fonctionnement, mais aussi d’associer étroitement les citoyens dans la définition d’un avenir partagé à l’échelle du continent.

et libéral Renew Europe depuis 2019. Il est ancien Premier ministre de Roumanie. Sa chronique «Europa» est publiée en alternance avec celle de Manfred Weber, président du groupe PPE, chaque dimanche sur lopinion.fr et le lundi dans le journal.

 




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