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Le défi du recrutement

Le défi du recrutement

A l’occasion de la publication du Guide de recrutement 2024 de la CPME, Alain Gargani (*), président de la CPME Sud et membre du COMEX de la CPME, revient dans « La Tribune » sur les difficultés rencontrées sur le marché du travail par les petites et moyennes entreprises et livre ses propositions pour recruter et fidéliser ses collaborateurs.

Après avoir affronté crises économiques et incertitudes politiques, nos entreprises, en particulier les TPE et PME, se trouvent à un tournant crucial. Malgré des vents contraires, elles ont fait preuve d’une résilience admirable, en se réinventant et en innovant. Le talent de nos entrepreneurs est évident, et nous pouvons en être fiers.

Malgré tout, des difficultés subsistent concernant la capacité de recrutement. Trouver des talents, les fidéliser, devient une équation complexe pour nos entreprises. Les méthodes traditionnelles ne suffisent plus, il faut revoir notre copie. Nos stratégies de recrutement doivent s’adapter, notre politique interne doit évoluer. C’est une question de survie économique.

En cette rentrée 2024, alors qu’un nouveau gouvernement se met en place, je soumets aux pouvoirs publics trois propositions aptes à résorber rapidement les difficultés de recrutement de nos TPE-PME et ainsi à lever un frein essentiel à leur croissance et à leur compétitivité.

Aujourd’hui, les PME sont confrontées à une lourde pression qui limite leur capacité à embaucher et à rémunérer convenablement leurs salariés. Pour alléger ce fardeau, il est crucial de repenser le système actuel d’allègements de charges. Il faut permettre aux TPE-PME de mieux rémunérer leurs collaborateurs sans subir un surcoût prohibitif, et favoriser à la fois l’emploi et le pouvoir d’achat des salariés.

Maintenir le dispositif d’aide à l’embauche d’alternants jusqu’en 2027
Il est établi que la formation au sein de l’entreprise a tendance à favoriser la stabilité et l’intégration durable du salarié. Les alternants, en particulier, bénéficient d’un apprentissage concret qui répond directement aux besoins des entreprises. Afin de renforcer cette dynamique, il est essentiel de prolonger jusqu’en 2027 le dispositif d’aide à l’embauche d’alternants. A nouveau, le soutien de l’État est crucial pour les petites et moyennes entreprises, dont 58 % expriment aujourd’hui un besoin urgent de recruter.

Favoriser l’accès au logement pour les actifs

L’accès au logement est devenu pour beaucoup d’actifs un parcours du combattant. La baisse du taux de rotation dans le parc social, notamment, contraint les jeunes à se tourner vers le parc privé locatif, souvent plus cher et moins accessible.

Par ailleurs, la construction de logements neufs est entravée par des taux d’intérêts trop élevés, la fin annoncée de la loi Pinel et la raréfaction du foncier disponible. Le gouvernement doit agir pour permettre aux actifs de se loger près de leur lieu de travail, en garantissant des logements accessibles et décents.

Le défi du recrutement, bien que redoutable, est loin d’être insurmontable. En travaillant de concert, en réinventant nos méthodes, en valorisant nos métiers, nous pourrons attirer et fidéliser les talents dont nous avons tant besoin.

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(*) Alain Gargani, Docteur en sciences, a débuté sa carrière en tant qu’enseignant chercheur à l’INSA de Lyon. C’est lors de l’organisation de la Première Nuit des Étoiles avec Hubert Reeves qu’il découvre sa passion pour l’événementiel, fondant en 1996 l’agence pionnière Atout Organisation Science, agence PCO (Professionnel Congress Organiser) pionnière dans le domaine. Depuis 8 ans, il anime l’émission télévisée « Atout Santé », vulgarisant les pathologies du quotidien pour sensibiliser les citoyens. Durant la crise du Covid-19, il innove en créant ALGA, le premier palais des congrès virtuel, démontrant sa capacité à transformer les défis en opportunités.

L’IA générative : défi pour l’Europe

L’IA générative : défi pour l’Europe

Le vieux Continent ne devrait pas se perdre dans les critiques des technologies émergentes comme ChatGPT, ni dans les inquiétudes démesurées comme le remplacement des humains par les automates.

Par Camille Fumard, auteur, et Luc Julia, spécialiste mondial de l’intelligence artificielle et actuel directeur scientifique de Renault. dans la Tribune

Ces derniers mois, la Silicon Valley semblait avoir perdu de sa superbe. Nous avions déjà imaginé la fin de l’idéologie californienne hybridant la culture hippies/yuppies mais aussi la fin d’un lieu « où les grandes idées rencontrent l’argent intelligent », comme aime à le décrire Bill Draper, de la famille Draper, l’une des plus connues dans le domaine du capital-risque mondial. Nous portions alors notre regard vers d’autres contrées telles que la Silicon Wadi (en Israël) ou encore Shenzhen (en Chine). La Silicon Valley, dernier lieu, peut-être, du thymos (l’amour-propre) occidental dont la foi profonde est placée dans le potentiel émancipateur de la technologie, tombait alors en disgrâce. Échec du métaverse, fraude hallucinante de FTX pour les cryptomonnaies, effondrement et faillites bancaires avec notamment la banque régionale des startups, la Silicon Valley Bank…

Et, pourtant ! La Silicon Valley en a vu d’autres et n’en est pas à sa première tempête. De la « dot-com bubble » en passant par la bulle des CleanTech de 2008, elle incarne aussi cette patrie de l’échec, véritable cimetière des innovations. C’est ce lieu des rêveries vulnérables où l’échec représente un passage presque obligé pour réussir. L’esprit de conquête, en référence à la conquête de l’ouest, n’a donc jamais quitté son théâtre de jeu. On le voit récemment avec l’intelligence artificielle (IA) générative. Cette dernière percée technologique des grands modèles linguistiques LLM (s’entraînant sur des trillions de mots) a pris d’assaut l’industrie entraînant une véritable euphorie chez les entrepreneurs et startupers mais aussi les capital-risqueurs. Ce marché devrait atteindre 1.304 milliards de dollars d’ici 2032, selon Bloomberg Intelligence.

La technologie de l’IA générative permet en effet des expériences comme l’écriture d’une semaine de code en quelques secondes ou la génération de conversations textuelles qui semblent encore plus empathiques que celles que nous avons avec les humains. Autrefois associée à l’or, au pétrole, puis au silicium, ou encore à Internet, et aujourd’hui à l’IA générative, la foi profonde dans le potentiel émancipateur de la technologie bat toujours son plein. Finalement, seuls les succès, ceux qui ont un impact énorme sur le réseau, sont retenus. Et, l’IA générative a déjà changé les plans d’affaires des concurrents et des investisseurs.

A cet égard, le vieux Continent ne devrait pas se perdre dans les critiques des technologies émergentes comme ChatGPT, ni dans les inquiétudes démesurées comme le remplacement des humains par les automates dans le monde du travail. Nous avons déjà connu deux cycles de panique liés au chômage dû à la technologie : la panique de l’externalisation dans les années 2000 et la panique de l’automatisation dans les années 2010 comme l’écrit Marc Andreessen, cofondateur et associé général de la société de capital-risque Andreessen

Horowitz, dans son texte « Pourquoi l’IA sauvera le monde ». Non, la technique appelle plutôt à être rationnel. Al Gore dans son célèbre discours de 1993 sur l’expansion d’un réseau informatique national l’avait, par exemple, déjà compris en posant l’expression des « autoroutes de l’information » en opposition à la vision utopique du cyberespace des années 90. L’IA générative n’en est qu’à ses débuts. Elle va traverser des étapes, des étapes toujours domptées par des ingénieurs et architectes du numérique, mais elle façonnera tous les aspects de nos vies. On devrait voir arriver des avancées comme le perfectionnement de la mémoire des LLMs avec des fenêtres contextuelles plus larges ou encore en matière d’interactivité avec l’intégration de modèles multimodaux permettant d’aller au-delà du langage. Ainsi, selon la courbe de Gartner, l’IA générative, qui traverse à une vitesse encore jamais vue la fameuse « Hype Cycle », devrait rapidement atteindre la phase de développement éclairé puis celle de d’adoption progressive.

Démythifier l’IA générative et son fonctionnement, c’est peut-être là que tout se joue aujourd’hui, surtout pour une Europe qui tend à freiner la technologie plutôt que ses usages (l’IA ACT étant le dernier exemple en date). Nous parlons encore de ces dispositifs comme d’un éther conscient qui nous entoure alors que les générations doivent comprendre que nous parlons en réalité de quelque chose que l’homme conçoit, fabrique et contrôle. Le vrai combat à mener pour l’avenir est la lutte contre l’ignorance et l’absence d’une solide compréhension citoyenne du fonctionnement de la tech. En effet, pour que la génération future puisse saisir pleinement les opportunités offertes par l’IA générative et relever les défis qu’elle présente, nous devons agir maintenant. L’IA Literacy, terme dérivé de la littératie numérique qui désigne la capacité d’un individu à comprendre et utiliser l’information au moyen des technologies, est l’une des clés essentielles pour affronter le monde du travail de demain, être un consommateur avisé et un citoyen responsable.

Nous devons donc initier d’urgence un vaste programme d’IA Literacy qui vise à inscrire dans les écoles, à l’université et dans les entreprises des programmes pour apprendre à connaître l’IA, ses aspects techniques, la façon dont elle perçoit le monde, collecte et traite les données. Ce vaste chantier éducatif permettra de former une génération éclairée capable de tempérer la perception souvent inexacte selon laquelle l’IA est une force infaillible et omnisciente mais aussi d’éclairer nos décisions. Une visée qui va d’ailleurs de pair avec un cadre réglementaire pour la gestion des risques liés à l’IA, un « code de conduite » international attaché à de grands principes généraux. « Le génie de l’IA est sorti de la bouteille », explique Cynthia Breazeal, professeur d’arts et de sciences des médias au Massachusetts Institute of Technology. Il ne s’agit pas seulement du domaine de l’informatique et du codage. Cela touche tous les aspects de la société. Savoir solliciter l’outil change la donne et offre des repères pour éviter d’être trompé ou lésé par un programme informatique. Les étudiants devront s’entraîner à obtenir les bonnes informations, à générer les bons prompts mais aussi à détecter les failles ou les biais induits par les machines, de la même manière que les générations précédentes ont appris le système de catalogue pour naviguer dans la bibliothèque.

En saisissant l’importance de l’IA literacy, nous pourrons enfin opérer un glissement sémantique pour parler « d’intelligence augmentée » en lieu et place « d’intelligence artificielle », sans perdre de vue que l’outil technique est là pour d’abord optimiser l’intelligence humaine. Espérons que le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, et le ministre délégué de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, vont se charger de ce vaste chantier.

Guerre Ukraine: le défi de la dépollution

Guerre Ukraine: le défi de la dépollution

par
Daniel Hubé
Ingénieur environnementaliste, BRGM dans the Conversation


S’il existe de grandes disparités de contexte entre la guerre de 14-18 (« la Grande Guerre ») et celle d’Ukraine, une similitude est frappante : le rôle crucial joué par l’artillerie au sein des armées des deux belligérants, issues d’un même creuset, celui de l’ancienne armée de l’Union soviétique.

Les doctrines militaires en vigueur au sein de l’armée russe sont fondées sur la primauté de l’offensive sur tout autre mode d’action, la prévalence de la puissance de feu et de l’artillerie pour dominer le champ de bataille et l’exercice d’un commandement hypercentralisé qui ne laisse que peu de marges de manœuvre et d’initiatives aux subordonnés et acteurs militaires sur le terrain. L’importance de cette arme a été accentuée par l’efficacité limitée de l’aviation tactique (d’appui au sol) des deux camps.

Si la Première Guerre mondiale ne fut pas celle de l’artillerie, elle le devint. À la différence des tactiques offensives russes, l’offensive allemande sur la Belgique puis la France à l’été 1914 ne misa pas sur la puissance de feu de l’artillerie – cette dernière étant considérée dans les états-majors allemands comme français comme des armes secondaires.

Elle s’imposa finalement dès 1915 comme une arme décisive avec les premiers bombardements massifs, seuls capables de briser un front figé au point mort selon une posture défensive. Dès 1917, l’arme lourde visa les positions arrière et mena des bombardements en profondeur sur des objectifs logistiques militaires mais aussi sur des civils, à des fins de terreur.

L’expérience de la Grande Guerre nous offre par conséquent un éclairage historique et environnemental sur ce qui se joue et va se jouer en Ukraine.

Les pollutions générées en temps de guerre sont des conséquences de l’intensité des destructions occasionnées par des armes d’une grande puissance, le bombardement d’installations industrielles et le déversement des produits chimiques renfermés dans les cavités creusées par les tirs. En Allemagne, les bombardements aériens stratégiques de la Seconde Guerre mondiale ont laissé des pollutions industrielles étendues des sols et des eaux souterraines.

Des contaminations liées directement aux armes, on sait peu de choses. Seules ont été étudiées les intoxications de civils et militaires par l’uranium appauvri (DU « depleted uranium ») : un métal dense, pyrophore, utilisé dans des projectiles perforants anti-blindage. Ces projectiles sont aujourd’hui inventoriés sur le terrain ukrainien par les instances internationales sur le déminage.

Plus préoccupante encore en Ukraine sera, à la sortie de guerre, la problématique du nettoyage des anciens champs de bataille, du débarrassage des restes et explosifs de guerre (REG) et des engins obsolètes. En France, qui a connu trois conflits majeurs dans les 100 dernières années, l’histoire et les études environnementales récentes semblent nous enseigner que la Grande Guerre a laissé ses traces.

Car les tirs s’accompagnent immanquablement de « ratés » qui, selon l’incidence de la trajectoire à l’impact et la nature du sol, ricochent ou pénètrent les sols. Ces engins non explosés sont à l’origine d’une pollution pyrotechnique des sols : 25 % des (milliards) engins tirés durant la Grande Guerre n’ont pas éclaté, 14 % des bombes larguées sur l’Europe durant la Seconde Guerre mondiale et environ 5 % pour des projectiles modernes.

Ils constituent une menace durable pour les populations et un frein à la sécurité des travaux de relèvement des ruines et de reconstruction. Le désobusage s’inscrivit dans la dynamique de la guerre en 14–18 : un mois après le déclenchement des hostilités, des instructions en ce sens étaient passées au sein des armées pour protéger les populations, reconquérir les terres agricoles et sécuriser les arrières d’approvisionnement.

En Ukraine, la problématique n’est pas nouvelle : en 2014, le pays était déjà le plus miné au monde, surclassant la Syrie.

À compter de 1993, deux ans après la chute de l’URSS, les munitions conventionnelles sont ajoutées à la liste des armes démolies en Ukraine, dans la Fédération russe et les nouveaux États post-soviétiques. Les forces armées ukrainiennes héritent alors de quantités significatives de munitions, ainsi que du redéploiement d’armes sur leur territoire après le retrait des troupes russes des anciens états du Pacte de Varsovie. Conduisant ainsi à l’accumulation d’énormes stocks de munitions dans le pays.

En 2005 déjà, en moyenne, la capacité de stockage dans les dépôts ukrainiens était dépassée de 20 à 40 %. Plus de 60 % de ces munitions (idem) sont entreposées à l’air libre et donc exposées aux intempéries, aux écarts de température et donc à la corrosion. Plus inquiétant, des composés chimiques instables se formèrent sur environ 15 % des engins présents dans ces dépôts. Après l’expiration de leur durée de vie, leur susceptibilité au choc, corrosion chimique et à la température s’accroît sensiblement.

Fin 2004, le stock officiel de munitions s’élevait à environ 2,5 millions de tonnes, parmi lesquels 1,5 million de tonnes classées en surplus, sujettes à démolitions (soit 60 % du stock). L’urgence concernait 340 000 tonnes, en grande partie constituées de projectiles entreposés depuis la Première et la Seconde Guerre mondiale, nombre d’entre eux étaient jugés intransportables. 24 000 tonnes de roquettes et missiles en tout genre nécessitaient une élimination en urgence.

L’Ukraine a délaissé ces munitions d’artillerie, roquettes, pour se focaliser d’abord sur la destruction des mines, en respect de la Convention d’Ottawa. Entre 2002 et 2003, l’Ukraine a démoli, avec l’assistance de l’OTAN 404 000 mines antipersonnelles de type PMP et 6 millions de mines chargées de liquide.

Entre 1996 et 1999, la démolition et la neutralisation des munitions n’ont pas été financées par l’État et seules les munitions « profitables » furent détruites pour les récupérer, les vendre et ainsi couvrir les coûts des opérations. La période est connue sous le nom « d’ère des démolitions sauvages » qui révéla un nombre de problèmes en lien avec les lourdeurs bureaucratiques, la corruption et d’autres abus.

De la fumée s’élève au-dessus d’une raffinerie ukrainienne après une attaque russe, à proximité de Lyssytchansk, dans le Donbass, le 22 mai 2022. Aris Messinis/AFP
Fraudes et démolitions contractuelles et commerciales illicites des restes de guerre jalonnèrent aussi la sortie de Grande guerre en France, entreprises et individus isolés cherchant le profit au détriment des intérêts collectifs de protection des populations.

Au-delà des préoccupations sécuritaires, ces surplus militaires en Ukraine sont un enjeu pour la sûreté, le risque de trafic d’armes, et l’alimentation du terrorisme par le détournement d’armes, matériels et matières explosibles anciennes. Il suffit de se projeter dans l’entre-deux-guerres en France pour s’en convaincre, avec le détournement d’armes anciennes à des fins terroristes, au bénéfice d’une organisation complotiste, le Comité secret d’action révolutionnaire (CSAR).

En 2005, l’Ukraine était en mesure de neutraliser environ 20 000 à 25 000 tonnes de munitions et des dizaines de milliers de pièces d’armes portatives – limite technique à la démilitarisation ou un frein pour conserver un arsenal, on l’ignore.

À ce rythme de travail, le temps nécessaire à l’éradication des stocks de munitions obsolètes et dangereuses s’élevait à environ 50 ans. Déloger des sols des engins de guerre pour pacifier les sols, le travail de déminage est dangereux, lent, difficile mais aussi coûteux. En Ukraine, 174 000 km2 de terrain seraient rendus dangereux par ces engins. Le retour des populations à une vie normale passe par la dépollution de ces sols.

Un fonds d’affectation spéciale pour le projet-cadre de démilitarisation a donc été mis en place sous l’égide de l’OTAN. La seconde phase du projet a été initiée en 2011. Le leadership de l’opération a été octroyé aux États-Unis, mais d’autres pays et organisations internationales contribuent aussi sur le plan financier et opérationnel. Depuis, plus de 29 600 tonnes de munitions, 2,4 millions de mines antipersonnelles ont été éliminées. Les opérations de démilitarisation des munitions anciennes en Ukraine furent temporairement suspendues avec la pandémie du Covid-19.

De nombreux enjeux sont associés à cette « ammo threat » : environnementaux, militaires et sécuritaires (risques d’explosions, d’actes de malveillance et terrorismes, trafics illégaux de munitions, etc.) mais aussi financiers.

L’historiographie de la sortie de la Grande Guerre nous enseigne aussi qu’« il n’existe pas de méthode appropriée pour éliminer les munitions » selon les termes de Francis Norman Pickett, géant du désobusage industriel en France et en Belgique dans l’entre-deux-guerres.

Des millions de tonnes de projectiles furent neutralisés et détruits industriellement dans la période de sortie de la Grande Guerre, dans l’entre-deux-guerres, jusqu’en 1941 en France, en Belgique et en Allemagne.

Les recherches environnementales démontrent aujourd’hui le caractère polluant de ces opérations pour les sols et les eaux souterraines, avec des pollutions rémanentes mesurables cent ans après la clôture de ces opérations.

La démolition de ces forts tonnages de REG a transformé les pollutions pyrotechniques des sols en pollutions chimiques.

La quête d’une stratégie pour libérer les sols ukrainiens de ces surplus est devenue d’importance majeure, renforcée par la prolifération des armes et la pollution des sols par les engins, mines et projectiles non explosés depuis 2014.

La tâche est immense et les enjeux, aussi économiques, dépassent les frontières du pays. Les combats, puis la pollution des terrains par les REG, surfaces par ailleurs transformées en champs de trous et bosses, entravent la libre culture des terres parmi les plus fertiles au monde et déséquilibrent les marchés du blé et des oléagineux à au niveau mondial.

C’est donc un autre défi qui attend l’Ukraine lorsque se tairont les canons, celui de la sortie du conflit. Car comme l’a écrit le chimiste allemand Karlheinz Lohs en 1991, « la guerre ne se termine pas le jour du dernier tir » et l’histoire nous enseigne qu’entrer en guerre est moins complexe qu’en sortir.

Les autorités ukrainiennes planchent sur des accords d’assistance au déminage mais le pays ne solutionnera pas ce problème tout seul. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, il est vraisemblable que les aspects liés à la protection de l’environnement soient relégués au second plan face aux enjeux sécuritaires. Une nouvelle fois, on protégera les populations face à un risque immédiat tout en délaissant les risques à long terme qu’elles ne comprennent pas, déportés du champ de bataille à l’eau du robinet.

Un défi environnemental et démographique

  • Un défi environnemental et démographique

Un papier de l’Opinion souligne le double défi relatif d’une part aux aspects écologiques d’autre part aux dimensions démographiques. Des objectifs qui n’ont pas de lien apparent mais qu’il faudra faire converger compte tenu de leur caractère d’urgence Les transitions écologique et démographique seront le grand chantier des prochaines décennies. Il y a urgence, pour atteindre les objectifs de décarbonation et affronter la vague inexorable du vieillissement. L’occasion de penser ensemble ces deux gros changements et de faire converger les politiques publiques

 

L’horloge tourne et les ambitions françaises de décarbonation patinent. Dans son rapport de juillet 2021, le Haut Conseil pour le Climat estimait que « les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de 2030 ». Rappelons que la Loi européenne sur le Climat fixe des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) : -55% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990, et la neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais la France n’est pas sur la bonne trajectoire. « Le rythme actuel de réduction annuelle devra doubler, pour atteindre 3,3% sur la période 2024-2028 » anticipe le Haut Conseil.

Certes, on note des avancées. Dans l’industrie, l’agriculture, la transformation d’énergie, les émissions de GES sont en recul de 41%, 9% et 46% depuis 1990. De même, après avoir longtemps stagné, les rejets des bâtiments (17% des émissions), décrochent enfin depuis 2015. Seul point noir, les transports, qui restent le principal émetteur de GES (31%). Leurs émissions sont en hausse constante, et si le Haut Conseil enregistre une décrue timide depuis 2015, il les juge toujours « hors de contrôle ».

La lutte contre le réchauffement climatique – la France doit diviser par six ses émissions par rapport aux niveaux de 1990 pour atteindre la neutralité carbone – est donc loin d’être gagnée. D’autant qu’elle se double d’un autre enjeu, planétaire lui aussi mais particulièrement aigu dans nos contrées européennes. Comment affronter l’hiver démographique qui s’annonce ? Dans l’immense majorité des pays développés, nous allons assister à un vieillissement brutal ainsi qu’à un effondrement rapide du nombre d’habitants. En 2050, la population de l’Union européenne sera passée de 517 à 473 millions de personnes. Seuls trois pays, l’Irlande, Le Royaume-Uni et la France, à la fécondité dynamique, verront leur population augmenter. Une bonne nouvelle qui, cependant, n’empêchera pas l’altération profonde de la structure des populations. En France, entre 2020 et 2030, le nombre de 75-84 ans passera de 4,1 à 6,1 millions, soit une hausse de 49%. Logiquement, le nombre des plus de 85 ans explosera à partir de 2030, avec une hausse de 58% jusqu’en 2040. Autre chiffre qui donne le vertige : en 150 ans, de 1920 à 2070, le rapport entre les 20-64 ans et les plus de 65 ans sera passé de 6,4 à 1,7.

« D’un côté, vous avez le vieillissement de la population qui est encore pré-analysé comme un risque alors que c’est une réalité, de l’autre vous avez la transition climatique, qui fonde tout le reste en cascade, avec l’obligation de changer les modes de consommation et de décarboner l’économie »

La question du vieillissement doit être traitée « avec plus de hauteur », plaide un spécialiste du grand âge qui estime que « la transition démographique fait partie des quatre grandes transitions mondiales qu’il faut aborder de front. À l’instar des mutations environnementales, numérique et démocratique, elle doit être traitée à l’aune du bouleversement qu’elle suscite ». « Il y a un point commun entre les transitions démographique et écologique, c’est le déni, abonde Laure de la Bretèche, directrice des politiques sociales à la Caisse des Dépôts et Consignations et Présidente d’Arpavie. Déni de la parole des scientifiques du côté écologique. Déni de l’évidence des évolutions démographiques, calculées depuis trente ans ».

Et celle-ci de souligner la convergence profonde qui lie ces deux thématiques : « D’un côté, vous avez le vieillissement de la population qui est encore pré-analysé comme un risque alors que c’est une réalité, de l’autre vous avez la transition climatique, qui fonde tout le reste en cascade, avec l’obligation de changer les modes de consommation et de décarboner l’économie », analyse-t-elle. « Quand vous avez des objectifs politiques, vous ne pouvez pas en avoir mille, donc si on veut gérer une priorité aussi énorme que celle de la transition énergétique, il faut que les autres soient compatibles et viennent s’ordonner autour d’elle ».

.Quelles sont les priorités justement ? A court terme, le vieillissement de la population concerne d’abord les 75-84 ans. Une population non dépendante qui n’est pas destinée à aller vivre en Ehpad. « Le premier défi de politique publique concerne les vieux fragiles mais valides », pointe un expert du vieillissement. Il comprend la rénovation énergétique et l’adaptation des logements, la refonte de l’urbanisme, ou encore la lutte contre l’isolement social. Le deuxième défi consiste à préparer l’afflux des plus de 85 ans à l’horizon 2030. « Il y a une double focale », distingue celui-ci. « S’occuper tout de suite des 75-84 ans et anticiper ce que sera l’explosion de la dépendance en 2030 ».

Le virage domiciliaire est au cœur de cette question. La quasi-totalité des personnes âgées souhaitent vivre chez elles le plus longtemps possible. Il faut donc aménager les logements pour leur garantir un confort thermique optimal et prévenir les risques de perte d’autonomie. La rénovation énergétique, pilotée par l’ANAH (Agence nationale de l’Habitat) dans le cadre du programme MaPrimeRénov’, est un chantier bien engagé. En 2021, 700 000 logements ont été rénovés, soit 200% de plus qu’en 2020. Avec seulement 23 000 logements adaptés à la perte d’autonomie, toujours sous l’égide de l’ANAH, force est de constater que la question du grand âge fait cependant figure de parent pauvre. « Il faut revoir l’ensemble des aides financières destinées à l’aménagement des logements des personnes âgées », plaide un fin connaisseur du sujet. Une solution ? la création de MaPrimeAdapt’ sur le modèle de MaPrimeRénov’. Les arbitrages ministériels ont été rendus et le dossier a obtenu le feu vert de l’exécutif… S’il devait être réélu, Emmanuel Macron l’a inclus dans son programme. Ce dispositif ne devrait donc pas voir le jour avant le deuxième semestre 2022.

« Arrêtons de rêver de la destruction des Ehpad pour faire autre chose à la place. Il faut utiliser l’existant, être frugal dans l’utilisation des terrains et proposer une amélioration fondamentale par le service et la connexion à la ville, dans des structures qui, jusque-là, étaient pensées comme des isolats »

Autre priorité immédiate, créer des villes bienveillantes. « Quand une personne âgée sort de chez elle, si c’est pour débarquer dans une jungle urbaine hostile, elle sera de facto assignée à résidence, avec un risque d’isolement social qui précipitera sa dépendance », avertit un spécialiste de la question des seniors. « Il faut des villes bienveillantes pour les seniors et la question du vieillissement a été récemment intégrée dans les programmes “Action Cœur de Ville” et “Petites Villes de Demain” que conduit l’ANCT (Agence Nationale de la Cohésion des Territoires) ». Au croisement des transitions écologique et démographique, on redécouvre aussi le concept de la ville du quart d’heure, inventé par le franco-colombien Carlos Moreno. « Il y a un parallèle évident entre la ville écologique qui nécessite de disposer autour de soi de services sociaux, économiques et culturels indispensables, et la révolution de la longévité qui nécessite qu’une personne âgée puisse vivre au cœur d’un quartier, à proximité des commerces et de la vie sociale » relève un autre spécialiste du vieillissement.

La même logique doit guider la réflexion sur la place des établissements collectifs dans la ville. Pas question de tout casser. Qu’il s’agisse de solutions alternatives, comme les résidences autonomie ou les structures d’habitat partagé, ou des Ehpad eux-mêmes, il va falloir répondre rapidement à une demande exponentielle. « Arrêtons de rêver de la destruction des Ehpad pour faire autre chose à la place. Il faut utiliser l’existant, être frugal dans l’utilisation des terrains et proposer une amélioration fondamentale par le service et la connexion à la ville, dans des structures qui, jusque-là, étaient pensées comme des isolats, défend Laure de la Bretèche. Il y a un changement de culture dans la manière de faire habiter les personnes âgées, qui doit être profondément inscrit dans la feuille de route des architectes et des urbanistes ».

Le « Green New Deal» européen : défi irréaliste et coûteux

 

Le « Green New Deal» européen  : défi irréaliste et coûteux

  • par Samuel Furfari, professeur de géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles, ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne. dans les Echos

Se vantant de sa stratégie énergétique qui doit montrer la voie au monde entier, stimulée par les innombrables ONG vertes, aveuglée par l’autoconviction qui règne au sein des institutions de l’Union européenne, celle-ci s’enfonce dans la crise énergétique. L’UE, face au fiasco de la COP26, au lieu de constater que le reste du monde ne la suit pas, s’entête à promouvoir encore plus les énergies renouvelables pourtant à la base de cette crise.

Les prix du gaz naturel sur le marché spot ont été multipliés par cinq en un an, en raison de la très forte reprise économique en Chine et donc de l’augmentation tout aussi forte de sa consommation d’énergie. Grâce à l’abondance de gaz naturel – l’énergie du futur - , un seul marché devenu fluide existe à présent entre l’UE et l’Asie alors que les Etats-Unis, isolés géographiquement, se réjouissent du prix très bas de leur gaz de schiste.

La Chine préparée

La Chine, qui, elle, n’a pas mis tous ses oeufs dans le même panier, se débrouille en important plus de charbon d’Indonésie, en déchargeant après un an des cargaisons de charbon australien bloquées dans les ports chinois à la suite des sanctions décrétées envers l’Australie, en exploitant à fond ses petits charbonnages qu’elle était pourtant en train de fermer par manque de rentabilité économique.

Elle s’est préparée à la croissance de la demande en construisant des centrales nucléaires – l’électricité de l’avenir. Bref, elle fait le contraire de l’UE, car elle sait qu’il ne peut y avoir de croissance sans énergie abondante et bon marché comme l’avaient dit les pères fondateurs de la Communauté européenne à Messine le 2 juin 1955.

 

 

L’Europe est nue

Il y a quelques semaines, Kristoph Leith, le président d’Eurochambre, la fédération des chambres de commerces de l’UE, en quittant sa fonction a déclaré que les objectifs du Pacte vert de l’UE sont irréalistes. On aurait aimé qu’il ait eu le courage de le dire lorsqu’il était en fonction. Car c’est précisément là la force, et la faiblesse, de la Commission. Tout le monde se tait et elle croit qu’elle est dans le bon, et, pourtant, c’est une grosse déficience, car la situation actuelle est la conséquence de la politique énergétique soumise au dictat de la politique climatique. Comme l’empereur qui croit avoir des habits neufs dans la fable d’Andersen, l’Union européenne est nue face à cette crise qu’elle a contribué à créer.

 

Pour parer au plus pressé, on a vite jeté l’opprobre sur le président Poutine alors que Gazprom respecte les contrats signés en 2005 par Gaz de France et voulus par Jacques Chirac. Ne voulant pas détériorer ses bonnes relations commerciales – l’URSS avait commencé à vendre du gaz dans les années 1970 -, M. Poutine a déclaré que la Russie fournirait autant de gaz que possible. Vladimir Chizhov, l’ambassadeur russe auprès de l’UE, a déclaré : « Changez l’adversaire en partenaire et les choses se résolvent plus facilement. »

En effet, le président Obama porte, lui aussi, sa part de responsabilité en nous ayant entraînés en 2014 dans des sanctions contreproductives. Son pays possède tout le gaz qu’il veut, tandis que l’UE, pour son approvisionnement en gaz, doit compter d’abord sur son voisin russe. On ne peut pas exiger que la Russie danse comme siffle le parlement européen.

Vassalisation envers la Chine

Heureusement que Mme Merkel a tenu tête à la fois à la Commission européenne et à Jo Biden pour assurer l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2 , car, bien entendu, les dirigeants allemands ne sont pas dupes : les éoliennes et les panneaux solaires photovoltaïques ne vont pas pouvoir remplacer le nucléaire et le lignite.

Depuis le choc pétrolier de 1973, la Commission, appuyée avec conviction par le Parlement européen, a fait le maximum pour pousser ce qu’on appelait alors les énergies alternatives. Pourtant, l’énergie éolienne et celle solaire représentent, en 2019, 2,9 % de la demande en énergie primaire de l’UE, après avoir dépensé plus de 1.000 milliards d’euros depuis 2000. L’entêtement ne va rien modifier, le caractère variable et intermittent et la très haute occupation au sol ne changeront jamais, quel que soit le nombre de COP et de manifestations des activistes.

L’opiniâtreté de l’UE de saboter son économie au nom d’objectifs climatiques irréalisables restera dans l’histoire comme la cause de la vassalisation envers la Chine et l’Inde du continent qui avait inventé la modernité et la technologie. Il est urgent que l’UE s’arrête dans sa course folle, mais j’ai peu d’espoir que cette décision soit prise. Il nous restera le plaisir dérisoire d’avoir prévenu.

Samuel Furfari, professeur de géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles, ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne.

Le défi climatique passe par l’innovation

 Le défi climatique passe par l’innovation

 

Le président du parti Les Républicains, Christian Jacob,  appelle, dans une tribune au « Monde », à miser sur la technologie, plutôt que sur la décroissance, afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

Tribune.

 

Le dernier rapport du GIEC confirme que les ambitieux objectifs de réduction des gaz à effet de serre brandis comme des victoires en 2015 se révèlent inatteignables et sans effet. Auparavant, les experts du GIEC évoquaient un réchauffement climatique de l’ordre de 2,5 à 5,8 °C d’ici à la fin du siècle. Aujourd’hui, ils envisagent une hausse médiane de 3 °C. Même l’arrêt quasi total de la production mondiale, dû au Covid-19, n’a pas infléchi cette courbe. Quels que soient les efforts imposés aux populations, ils ont bien peu d’effet sur les émissions mondiales.

On oublie souvent cette évidence : la réduction des émissions des gaz à effet de serre n’est ni une affaire franco-française, ni uniquement européenne. Si elle l’était, les prévisions seraient plus optimistes. L’Union européenne ne produit que 10 % des émissions mondiales (dont moins de 1 % pour la France), les Etats-Unis 15 % et la Chine 30 %. Au lieu d’imposer des mesures clivantes, mieux vaudrait valoriser nos résultats, se montrer pragmatiques et diversifier notre approche à l’échelle de la planète.

Nous sommes l’un des pays dont le mix énergétique est le plus décarboné, avec seulement 51 % d’énergie fossile, contre une moyenne de 85 % dans le monde et de 76 % en Europe. L’électricité française est décarbonée à 89 % grâce au nucléaire (71 %), qui, de plus, garantit notre indépendance énergétique. Nous devons encore réduire drastiquement la part du carbone dans les transports, l’habitat et l’industrie, mais sans grever la croissance.

Alors que la population mondiale augmentera de 1,5 milliard d’habitants d’ici à 2030, la décroissance aggraverait davantage la situation des habitants réduits à la famine et à l’exode par le dérèglement climatique. Au contraire, l’agriculture devra produire davantage pour nourrir la planète. Ce qui est notre premier devoir. Les enjeux environnementaux et sociétaux demeurent, mais ils ne peuvent prévaloir sur ces enjeux stratégiques de sécurité alimentaire.

Il est primordial de maintenir notre indépendance énergétique. Tout miser sur l’électrique – comme l’a fait ce gouvernement, encore plus que le précédent – est dangereux, car nous deviendrons dépendants de la Chine, qui dispose de certains composants indispensables dans ce domaine.

La voiture électrique: défi économique et sociétal

La voiture électrique: défi économique et sociétal

 

Editorial du « Monde ».Extraits

 

 Invention française, fierté allemande, l’automobile est dans le collimateur de Bruxelles. Le 14 juillet, la Commission européenne a présenté sa feuille de route pour révolutionner ce secteur plus que centenaire. Dans le cadre du pacte vert, les véhicules à moteur thermique seront interdits de commercialisation dès 2035. Cette accélération de plus de cinq ans du calendrier a peu de chances d’être contestée politiquement, y compris en Allemagne, où les inondations ont tragiquement mis l’accent sur les dégâts du dérèglement climatique.

 

L’offensive de la Commission est justifiée. Si l’on admet l’urgence, alors il faut s’attaquer sérieusement aux deux principales sources d’émissions de gaz à effet de serre en Europe : les transports et la production d’électricité (sauf en France, du fait du nucléaire). Les voitures particulières sont responsables de près des deux tiers des émissions de CO2 du secteur des transports.

Le virage paraît d’autant plus logique que, avec la voiture électrique, la solution existe. La plupart des constructeurs ont déjà pris les devants. Ils vont dépenser des dizaines de milliards d’euros pour se passer en dix ans du moteur à essence inventé en 1886 par Carl Benz.

Cette révolution, cependant, va avoir un impact considérable sur un grand nombre d’activités et sur l’emploi. Par la sophistication et la large diffusion de ses produits, l’industrie automobile est au sommet de la chaîne de valeur industrielle. Sa production et son usage nécessitent le concours de myriades d’entreprises de toutes tailles, aussi bien dans la mécanique que dans les services. En France, selon le Comité des constructeurs d’automobiles, la filière fait travailler plus de 2 millions de personnes, du garagiste au fabricant d’acier, dont 200 000 dans l’industrie automobile. Tous vont être affectés – en premier lieu ceux qui participent à la fabrication des moteurs. On le voit déjà avec les disparitions ou les restructurations de fonderies et fabricants de composants, comme la fonderie du Poitou.

 

Les pouvoirs publics minimisent le choc en mettant en avant, et en subventionnant, l’installation d’usines de fabrication de batteries. Mais, à la différence du moteur thermique, l’Europe n’est pas en avance dans ce domaine. Elle est même en retard sur les Asiatiques, Chinois en tête, qui captent les deux tiers du marché. Le rattrapage à coût compétitif ne sera pas évident. De plus, les emplois de remplacement, qui ne seront pas aussi nombreux, requièrent d’autres qualifications.

L’autre défi est sociétal. La voiture, symbole de l’émancipation des classes moyennes et populaires des « trente glorieuses », va redevenir un produit cher, avec un coût supérieur de près de 10 000 euros à celui de son équivalent thermique. La place de l’automobile dans la société est remise en question. Rejetée par les écologistes depuis plus de quarante ans, elle est aussi un instrument de liberté incomparable, voire indispensable pour la moitié des Français, qui vivent en zone rurale ou dans des villes de moins de 50 000 habitants

Le pari de la mobilité propre ne concerne donc pas seulement les industriels. Depuis deux siècles, l’idée selon laquelle le progrès technique est source d’émancipation est la base du développement de nos sociétés. L’automobile y a largement participé. Sa remise en cause bouleverse les équilibres sociaux. Seul un large débat de société, assorti de solutions concrètes pour ceux qui ne peuvent s’en passer, permettra de reconfigurer l’usage de ce bien à forte valeur symbolique.

Licenciements et de faillites : le nouveau défi économique, social et politique

Licenciements et de faillites : le nouveau défi économique, social et politique

Macron avait bien annoncé qu’aucune entreprise ne serait soumis aux risques de faillite au début de la crise sanitaire mais les réalités sont là. En dépit des dizaines et des dizaines de milliards injectés dans l’économie, toutes les entreprises ne pourront être sauvées en particulier les PME. Du coup ,le pouvoir admet maintenant que le pays pourrait être largement exposé au risque de défaillance et de licenciements massifs . Jusque-là la question du chômage a été masquée par le soutien massif du financement du chômage partiel qui a profité à plus de la moitié des salariés du privé. À partir du 1er juin, les modalités de financement de ce chômage partiel vont commencer à changer puisque sauf exception les entreprises devront participer à hauteur de 15 % au financement de ce dispositif.

«Tous les indicateurs montrent une chute de la production très forte, des trésoreries très atteintes et des répercussions sur l’emploi. Je crains que les licenciements en nombre soient inévitables», juge Raymond Soubie, président du cabinet de conseil en ressources humaines Alixio et ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. «II y aura des licenciements, c’est certain. Mais aujourd’hui, on ne peut pas en connaître l’ampleur», confirme François Asselin, président de la CPME. Il n’empêche, les employeurs n’ont pas attendu longtemps pour se tourner vers les avocats. «Dès le début du confinement, des entreprises m’ont sollicitée pour préparer des plans sociaux dans les secteurs les plus touchés, comme la restauration et l’hôtellerie», confie Isabelle Mathieu, avocate associée chez Daem Partners.

 «La phase la plus difficile est devant nous car il va falloir sortir du chômage partiel. L’État va continuer de faire fonctionner le dispositif mais sans maintenir le niveau d’aides actuel. Le choc va donc être très fort sur les entreprises et sur les salariés», juge Raymond Soubie. Petit à petit, les employeurs touchés par la crise vont devoir assurer financièrement les salaires et les charges de l’entreprise sans pour autant retrouver un niveau normal d’activité.

 «Dans cette phase de redémarrage, les entreprises pourraient être confrontées à de véritables crises de liquidité», prévient Hector Arroyo, partner en restructuration au sein du cabinet Baker McKenzie.

Pour l’heure, certaines entreprises essaient surtout préventivement de se réorganiser pour justement éviter des procédures de licenciement lourdes et coûteuses. Et, «l’accord de performance collective (APC) est le meilleur outil qui permet de s’adapter face à une crise conjoncturelle», estime Deborah David. Prévus dans les ordonnances Pénicaud, les APC signés à la majorité des syndicats offrent la possibilité aux entreprises de revoir temporairement les conditions de travail des salariés. «Avec les APC, on peut descendre jusqu’au smic mais ça ne se passe jamais comme ça. On vient plutôt raboter des RTT, augmenter la durée du travail, ou faire travailler quelques jours fériés», précise Olivier Angotti, avocat associé chez FTMS. Reste le risque politique : jusqu’à quel niveau de chômage l’opinion. Acceptera sans broncher les conséquences économiques de la crise sanitaire. Les sondages de septembre seront sans doute de ce point de vue significatif pour éclairer la situation

« La “peuplecratie » est un défi pour la démocratie» (Marc Lazar)

 « La “peuplecratie » est un défi pour la démocratie» (Marc Lazar)

Marc Lazar, sociologue et historien s’interroge sur la peuplecratie dans une tribune au Monde (extraits)

« Pourquoi ce néologisme un peu lourd de « peuplecratie », alors que l’étymologie grecque de démocratie, c’est « le pouvoir du peuple » ?

Je dois reconnaître qu’en italien cela sonne mieux : popolocrazia.Ilvo Diamanti, avec qui j’ai écrit ce livre, est aussi un éditorialiste de talent, inventeur de mots. L’émergence de nouvelles pratiques politiques, voire de nouveaux régimes, nécessite de forger de nouvelles notions. Ainsi, dans les années 1930 et 1950, celle de « totalitarisme » pour tenter d’appréhender ce que pouvaient avoir en commun le bolchevisme, le fascisme et le nazisme.

Or, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, les mouvements populistes d’aujourd’hui sont en train de faire muter les bases mêmes de la démocratie libérale et représentative.

La démocratie, dans sa pratique moderne, se fonde sur la séparation des pouvoirs et sur tout ce qui relève de l’Etat de droit né des Lumières. Nous entrons maintenant, sous la pression de ces mouvements, dans une tout autre période…

Ces mouvements populistes et leurs leaders martèlent que la souveraineté du peuple est sans limite. Tous les contre-pouvoirs doivent céder le pas au suffrage universel.

Le deuxième élément qui les caractérise est la mise en avant non seulement d’une démocratie directe mais aussi d’une démocratie immédiate, sans aucune forme de médiation, passant outre les corps intermédiaires et les partis.

Leur discours est celui d’une urgence permanente. Ils clament qu’il y a des solutions simples pour tous les problèmes, d’où leur demande d’une pratique référendaire systématique. Ils ont compris aussi la révolution que représentent les réseaux sociaux, qu’ils utilisent à fond.

La « peuplecratie » serait donc à la fois une nouvelle phase de la démocratie et une menace pour celle-ci ?

La « peuplecratie » n’a pas encore vaincu, mais elle est là comme un grand défi pour la démocratie libérale et représentative. »

La plus grande fiabilité des voitures électriques : un vrai défi pour les constructeurs

La plus grande fiabilité des voitures électriques : un vrai défi pour les constructeurs

 

Ce n’est pas vraiment une découverte mais une confirmation : les voitures électriques sont notoirement plus fiables que les voitures thermiques. Des études de l’Institut Allemand pour l’économie automobile révèlent que les coûts d’entretiens pour une voiture électrique seraient jusqu’à 40% inférieurs à une voiture thermique. Pour 8 000 kilomètres parcourus en cycle urbain, une voiture thermique demanderait 3 650 euros à entretenir. C’est 1 300 euros de plus qu’une voiture électrique, qui exigerait 2 350 euros selon des devis. Le moteur électrique est très endurant. Sa durée de vie est de plusieurs millions de kilomètres. Ce moteur à courant continue est donc plus fort qu’un moteur classique. Le principal point d’entretien de la voiture électrique se situe au niveau de sa batterie. Sa longévité varie de trois à dix ans et elle est changée pour des raisons de capacités.  Un moteur électrique permettrait de rouler au moins un million de kilomètres. Dès lors le taux de renouvellement du parc posera un redoutable problème au plan de charge des constructeurs.   »Les voitures électriques sont en effet très fiables », a affirmé Jake Fisher, responsable des essais automobiles pour Consumer Reports, une association à but non lucratif, lors d’une rencontre avec la presse jeudi à Detroit, la capitale de l’automobile américaine. « Les voitures électriques sont de par leur conception moins compliquées que celles à moteur à combustion ou hybrides », a-t-il souligné, en raison notamment de l’absence de système d’alimentation en essence, de refroidissement ou de pièces d’usure comme les filtres et les bougies. Selon les essais réalisés par Consumer Reports, la Chevrolet Bolt fabriquée par General Motors présente ainsi une très grande fiabilité, même si ce constructeur est connu pour la relative fragilité de ses modèles. « Il s’agit de l’un des véhicules les plus fiables de la gamme de General Motors », a affirmé Jake Fisher. Il a précisé que les voitures électriques Tesla figuraient également parmi les voitures les plus fiables testées par Consumer Reports lorsqu’il s’agit de la mécanique. Le Model X fabriqué par le constructeur californien a toutefois reçu de mauvaises notes mais liées à l’aménagement intérieur et au système d’info-divertissement (autoradio, GPS…). Une enquête effectuée auprès de 640.000 consommateurs a permis de constater que les problèmes sur des voitures neuves étaient désormais plus fréquents avec des véhicules neufs qu’auparavant, notamment en raison de l’augmentation des équipements électroniques, a-t-il ajouté. Les voitures électriques sont depuis quelques années en plein développement en raison de leur contribution à la lutte contre la pollution et au réchauffement climatique, plusieurs pays ayant mis en place des politiques d’incitations à leur achat.

 




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