Archive pour le Tag 'Décroissance'

Economie- «La décroissance a commencé» ( Jancovici)

Economie- «La décroissance a commencé» ( Jancovici)

Invité du « Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Paris Première», l’ingénieur expert du climat a estimé que la décroissance était nécessaire et qu’elle a déjà commencé tout en regrettant le manque de cohérence entre le discours politique et les actes.

De fait si on s’en tient compte à l’environnement conjoncturel, la consommation globale des ménages à effectivement diminué mais sous la contrainte de l’inflation. Ce dont ne parle pas l’expert.

Pour Jean-Marc Jancovici, la question du réchauffement climatique est à la fois très complexe… et très simple : nous avons passé les pics de production de charbon, de gaz et de pétrole, a-t-il affirmé dimanche au Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Paris Première, et qu’on le veuille ou non, «la décroissance physique a commencé» pour les Français.

conférencier et professeur à Mines ParisTech, et membre du Haut Conseil pour le climat) a salué une initiative «incontournable». Mais il reste sur ses gardes : «Il faudra juger sur pièces», a-t-il précisé, non seulement les décisions mais également leur mise en œuvre. Or Jean-Marc Jancovici a regretté «un décalage entre le discours et les actes».

«Quand vous changez les pratiques, il y a des gagnants et des perdants», a-t-il lancé, admettant que les seconds devaient évidemment être pris en compte et que c’était «difficile». Ainsi du trafic aérien : sa baisse est inéluctable, a estimé celui pour qui «l’avion vert n’existera pas», même en recourant à l’hydrogène qui doit en priorité être utilisé «pour fabriquer de l’acier, et des engrais».

Cependant estime nécessaire une adhésion de la société civile. Il considère donc qu’il ne faut pas imposer de contraintes trop fortes, ce qui serait injuste et irréaliste. Pour lui,
le nucléaire n’est pas incompatible avec les énergies renouvelables. Mais là encore «tout dépend de ce que l’on veut. Si l’on veut plus d’électricité mais pas nécessairement plus de garanties qu’on en a tout le temps, on peut développer massivement le renouvelable. Mais si l’on veut des garanties, on doit développer des moyens de back-up. Il serait stupide de remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables, mais je n’ai jamais dit qu’il serait stupide d’avoir du renouvelable.»

Environnement–Décroissance: une vue de l’esprit

Environnement–Décroissance:   une  vue de l’esprit

.

 

 

Jean-Hervé Lorenzi , fondateur du Cercle des économistes et président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence considère que la décroissance est une pure vue de l’esprit.(Dans l’opinion)

 

Cette crise ( de l’énergie) remet-elle en cause les politiques de transition énergétique ?

Tout dépend de quoi l’on parle. La forte activité créée par les dépenses de rénovation thermique des bâtiments fait que c’est du gagnant-gagnant. Par contre, une hiérarchie va s’imposer dans les énergies : le charbon est le plus polluant, suivi du pétrole, puis du gaz. C’est pour cela qu’il faut reprendre le nucléaire : une énergie propre et décarbonée pour laquelle je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas trouver de solution pour les déchets d’ici à un siècle. Il faut donc relancer les travaux sur les réacteurs de quatrième génération (projet Astrid) capables de régénérer des matières fissiles utilisées pour produire de l’électricité et lancer la construction de nouveaux EPR.»

Dans le cadre de la présidentielle, vous organisez un débat sur la croissance et la décroissance. Cet épisode énergétique ne nous met-il pas face à nos contradictions, entre fin du mois et fin du monde…

Le paradoxe, c’est qu’avec le chèque énergie ou le chèque carburant, on se retrouve à subventionner une énergie dont on cherche parallèlement à baisser la consommation. Je vois trois approches dans les années qui viennent : ceux qui croient en une croissance naturelle, ce qui est la pensée honnête de beaucoup d’industriels. C’est ce que j’appelle la croissance continue. Vous avez ensuite les tenants d’une croissance modifiée. Elle suppose des transformations très profondes de l’offre qui nécessiteront énormément d’argent : 45 milliards d’euros d’investissement sur les cinq prochaines années pour la décarbonation directe par exemple. C’est ce que j’appelle la croissance transformée. Et puis, il y a les décroissants, qui jouent sur l’offre plutôt que sur la demande. Une école très ancienne : au XVIIIe déjà, Malthus prônait d’avoir moins d’enfants. La théorie de la décroissance a ressurgi avec le rapport Meadows en 1972, Les Limites à la croissance (dans un monde fini) et se concrétise aujourd’hui dans les luttes contre le nucléaire — qui est une absurdité par rapport à la décarbonation — et la voiture — dans une logique de bien-pensance mainstream.

La décroissance est une impasse ?

Ces trois approches soutiennent des positions politiques sur des problèmes environnementaux. Il y a un rejet hypocrite, mais très fort, de la croissance du passé. Et il y a une expression sur la réduction de la demande qui ressemble à une leçon de catéchisme. Une espèce de négation de la réalité de ce qui est une société. La décroissance est en contradiction absolue avec le fait que nous allons passer de 7,5 à 10 milliards d’habitants en trente ans. Les décroissants défendent des positions centrées sur les biens individuels, je m’intéresse aux biens communs : manger, nourrir, se loger. Avec 2,5 milliards d’humains en plus, la décroissance est une pure vue de l’esprit.

Voyez-vous un risque de stagflation, comme dans les années 1970 ?

Je n’y crois pas. La situation sera extrêmement différente selon les pays en fonction de la démographie, qui est une question majeure. Nous avons la chance d’avoir en France une jeunesse nombreuse. On a des tas de signes de la vitalité du pays, comme le montre le succès de la French Tech par exemple. On a, en revanche, une éducation au fond du trou. Ce qui veut dire que nous avons de fortes marges de progression pour améliorer notre croissance potentielle.

Décroissance: une vue de l’esprit

 Décroissance:   une  vue de l’esprit

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Jean-Hervé Lorenzi , fondateur du Cercle des économistes et président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence considère que la décroissance est une pure vue de l’esprit.(Dans l’opinion)

 

Cette crise ( de l’énergie) remet-elle en cause les politiques de transition énergétique ?

Tout dépend de quoi l’on parle. La forte activité créée par les dépenses de rénovation thermique des bâtiments fait que c’est du gagnant-gagnant. Par contre, une hiérarchie va s’imposer dans les énergies : le charbon est le plus polluant, suivi du pétrole, puis du gaz. C’est pour cela qu’il faut reprendre le nucléaire : une énergie propre et décarbonée pour laquelle je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas trouver de solution pour les déchets d’ici à un siècle. Il faut donc relancer les travaux sur les réacteurs de quatrième génération (projet Astrid) capables de régénérer des matières fissiles utilisées pour produire de l’électricité et lancer la construction de nouveaux EPR.»

Dans le cadre de la présidentielle, vous organisez un débat sur la croissance et la décroissance. Cet épisode énergétique ne nous met-il pas face à nos contradictions, entre fin du mois et fin du monde…

Le paradoxe, c’est qu’avec le chèque énergie ou le chèque carburant, on se retrouve à subventionner une énergie dont on cherche parallèlement à baisser la consommation. Je vois trois approches dans les années qui viennent : ceux qui croient en une croissance naturelle, ce qui est la pensée honnête de beaucoup d’industriels. C’est ce que j’appelle la croissance continue. Vous avez ensuite les tenants d’une croissance modifiée. Elle suppose des transformations très profondes de l’offre qui nécessiteront énormément d’argent : 45 milliards d’euros d’investissement sur les cinq prochaines années pour la décarbonation directe par exemple. C’est ce que j’appelle la croissance transformée. Et puis, il y a les décroissants, qui jouent sur l’offre plutôt que sur la demande. Une école très ancienne : au XVIIIe déjà, Malthus prônait d’avoir moins d’enfants. La théorie de la décroissance a ressurgi avec le rapport Meadows en 1972, Les Limites à la croissance (dans un monde fini) et se concrétise aujourd’hui dans les luttes contre le nucléaire — qui est une absurdité par rapport à la décarbonation — et la voiture — dans une logique de bien-pensance mainstream.

La décroissance est une impasse ?

Ces trois approches soutiennent des positions politiques sur des problèmes environnementaux. Il y a un rejet hypocrite, mais très fort, de la croissance du passé. Et il y a une expression sur la réduction de la demande qui ressemble à une leçon de catéchisme. Une espèce de négation de la réalité de ce qui est une société. La décroissance est en contradiction absolue avec le fait que nous allons passer de 7,5 à 10 milliards d’habitants en trente ans. Les décroissants défendent des positions centrées sur les biens individuels, je m’intéresse aux biens communs : manger, nourrir, se loger. Avec 2,5 milliards d’humains en plus, la décroissance est une pure vue de l’esprit.

Voyez-vous un risque de stagflation, comme dans les années 1970 ?

Je n’y crois pas. La situation sera extrêmement différente selon les pays en fonction de la démographie, qui est une question majeure. Nous avons la chance d’avoir en France une jeunesse nombreuse. On a des tas de signes de la vitalité du pays, comme le montre le succès de la French Tech par exemple. On a, en revanche, une éducation au fond du trou. Ce qui veut dire que nous avons de fortes marges de progression pour améliorer notre croissance potentielle.

Environnement : l’impasse de la décroissance

Environnement : l’impasse de la décroissance 

 

Bertrand Piccard, Expert et chef d’entreprise considèrent que la radicalité en matière écologique discrédite l’urgence environnementale dans l’Opinion .  L’explorateur environnementaliste tente d’imposer un message fédérateur;  contre des clivages en matière d’écologie, Il propose l’écoréalisme.

Votre livre s’intitule Réaliste. Est-ce une justification de votre vision de l’écologie ou une injonction pour réussir la transition écologique ?

Nous sommes dans une urgence environnementale et nous n’avons plus de temps à perdre en querelles de chapelles, en clivages idéologiques. Il est temps d’unir, de fédérer, de concilier les différentes approches. L’objectif : être efficient. Alors oui, pour réussir la transition écologique, il faut arrêter de rêver et être réaliste.

Votre histoire familiale a abouti à vous définir comme un « pionnier réaliste »…

C’est vrai, tout dans ma vie m’a poussé à rechercher des résultats concrets. Que ce soit dans ma vie d’explorateur, d’humanitaire ou de thérapeute. Lors d’une conférence, on peut exposer des idées. Mais pour obtenir des résultats, il faut des actions qui permettent d’aboutir. J’ai vu mon grand-père et mon père réussir quand ils étaient réalistes, échouer quand ils étaient idéalistes. J’ai aussi croisé beaucoup de gens bien intentionnés, mais qui n’arrivaient à rien.

Par exemple ?

On me dit souvent que la base de la lutte environnementale, c’est l’éducation. C’est fondamental. Mais d’ici à ce que ceux qu’on éduque arrivent au pouvoir, il faudra quarante ans. Désolé, la planète n’a pas quarante ans devant elle ! Nous avons plutôt dix ans pour agir. Il faut donc faire avec ceux qui prennent les décisions aujourd’hui dans ce monde. Et ceux-là ont le langage de la création d’emplois, de la rentabilité économique. Il faut donc leur donner une image attrayante de l’écologie !

Vous définissez-vous comme un radical malgré tout ?

Non, je veux être fédérateur. Je veux créer des intersections : protéger l’environnement, lutter contre les inégalités et favoriser l’économie en même temps.

Pourtant, vous saluez l’action de Greta Thunberg, « pourfendeuse de la complaisance et de la paralysie ». Une contradiction ?

J’ai apprécié à sa juste valeur son : comment osez-vous ?, très politiquement incorrect. Greta Thunberg est sur un autre registre : elle fait peur. C’est utile. Elle fait bouger les lignes. Elle donne envie d’agir. Elle pousse les gens à changer.

Etes-vous en contact avec elle ?

Oui, nous nous sommes parlé plusieurs fois. Il faudrait que Greta Thunberg ne se limite pas à la dénonciation, pour aussi aborder les solutions. Mais apporter des solutions ne suffit pas non plus ! Nous sommes complémentaires.

Et Nicolas Hulot, comment le classez-vous ?

Je l’apprécie parce qu’il est profondément bien intentionné. Et plus que d’autres, il inclut le facteur social et la lutte contre les inégalités. Mais lui aussi n’entre pas assez dans les solutions. Il ne croit pas en l’amélioration de la technologie.

L’urgence n’oblige-t-elle pas à une certaine radicalité ?

Non ! Car que se passe-t-il lorsqu’on est dans la radicalité, écologique ou industrielle d’ailleurs ? On exclut les autres, on leur fait peur, on crée des mouvements de rejets. Il faut arrêter la radicalité dans les deux sens, pour inciter écologistes et industriels au dialogue. Chacun doit trouver son avantage.

C’est mission impossible…

C’est la difficulté de cette approche, au risque d’être détesté des deux bords ! Certains me disent : mais vous défendez le capitalisme ! Mon but n’est pas de défendre le capitalisme, mais de voir où sont les bras de levier pour le rendre plus écologique et aller plus vite vers une protection de l’environnement tout en assurant le bien-être social de la population… Les citoyens bien intentionnés qui veulent rendre eux-mêmes la justice climatique me gênent car cela clive la communauté au lieu de la fédérer autour d’un but commun.

C’est cette démarche qui vous fait rejeter la décroissance ?

Philosophiquement, la décroissance se comprend : instiller de la sobriété dans un monde qui succombe à ses excès a du sens. Mais c’est d’un point de vue économique et psychologique faux parce que c’est une mesure radicale qui va détourner de l’écologie : l’humain est aussi un salarié en quête de travail, de loisir, de confort. Regardez les Gilets jaunes ! Pendant dix mois, ils ont battu le pavé parce que le diesel allait coûter 8 centimes de plus. C’est la preuve que la population n’est pas prête à faire des sacrifices, à assumer des mesures qui la forcent à décroître, c’est-à-dire dans ce cas à moins utiliser la voiture. Il faut donner aux gens des moyens de protéger l’environnement compatibles avec leurs besoins, avec leurs envies. Je ne crois pas que la décroissance volontaire soit une option viable pour nos sociétés.

D’où le concept de croissance qualitative quand jusqu’à présent le capitalisme s’est accommodé des externalités négatives et du gaspillage…

Oui. Aujourd’hui, nous vivons dans une société de gaspillage qui est inefficiente. Elle coûte cher, et d’abord aux plus démunis. Et à la planète ! L’économie doit davantage porter sur la qualité que sur la quantité de ce qui est consommé.

Vous utilisez beaucoup le concept d’efficience. Pourquoi ?

C’est le bon critère ! Il permet de moins consommer d’énergie tout en ayant de meilleurs résultats. Exemple : un moteur diesel ou à essence n’a, au mieux, que 27 % de rendement. Ce qui signifie qu’il égare en perte de frottement et de chaleur quelque 73 % de l’énergie contenue dans son réservoir. A titre de comparaison, les moteurs électriques de Solar Impulse avaient un rendement de 97 % ! Plutôt que de vouloir produire toujours davantage d’énergie, il faut prendre des mesures pour économiser celle que l’on produit.

«L’avantage du nucléaire est de répondre à l’urgence climatique en produisant de l’électricité moins carbonée que celle des centrales thermiques. Son inconvénient est de ne pas répondre aux critères de durabilité»

Et le nucléaire ?

C’est un débat passionnel ! Le rendement moyen d’une centrale est de 33 % (37 % pour les EPR dits « du futur »). La solution est de voir comment évolue son prix. Dans la moitié des pays d’Europe, les énergies éolienne et solaire sont déjà quatre fois moins chères. Ou le nucléaire parvient à abaisser son coût de revient, ou il va décliner de lui-même. Son avantage est de répondre à l’urgence climatique en produisant de l’électricité moins carbonée que celle des centrales thermiques. Son inconvénient est de ne pas répondre aux critères de durabilité.

Peut-on éviter une écologie punitive ?

Vous savez, il est déjà interdit de conduire en état d’ivresse, de tirer au fusil sur son voisin ou de frauder le fisc. Ces interdits rendent possible la vie en société. Pour avoir un monde plus propre, des choses devront donc être interdites : jeter des produits toxiques dans des rivières, dégazer en mer. Il faut limiter les interdictions aux actions toxiques. Et, pour le reste, faire évoluer le cadre légal. Beaucoup des solutions technologiques propres portées par la Fondation Solar Impulse sont en jachère parce que normes et standards environnementaux sont trop laxistes. Si les normes sur les voitures imposent un système anti-smog, l’émission de particules toxiques sera divisée par cinq. Pas de malentendu : je ne demande pas moins de liberté, ni une augmentation de la paperasserie administrative, mais une adaptation de la législation à la réalité du présent.

Avec la Fondation Solar Impulse, vous promouvez 1 300 solutions innovantes et rentables pour protéger l’environnement. La technologie est une des solutions, mais pas la solution. Vous n’êtes pas ce qu’on appelle un solutionniste. D’accord ?

On est d’accord. La technologie peut sauver ou détruire le monde. Et parfois une même technologie ! Ça ne suffit pas. Entendons-nous bien sur le terme. Sur les 1 300 solutions que l’on a identifiées, tout n’est pas de la high tech. Le plus souvent, il s’agit même de low tech, de bon sens. Refroidir des data centers avec des climatiseurs, c’est-à-dire fabriquer de l’énergie pour les refroidir, c’est aberrant ! Il faut les utiliser pour chauffer des quartiers de ville…

Vous le reconnaissez à la fin de votre ouvrage, vous êtes optimiste !

Non, je ne dis pas ça ! Je dis que je suis très optimiste quand je vois le nombre de solutions, pessimiste quand je vois le temps qu’il faut pour les mettre en œuvre, le retard législatif, la complaisance du système et l’inertie de la nature humaine. Optimisme ou pessimisme ne servent à rien. Je ne peux être que réaliste, pour la simple raison, une fois de plus, que je veux arriver à un résultat. Parce que c’est possible.

Environnement-Croissance verte ou décroissance ?

Environnement-Croissance verte ou décroissance ?

Un papier intéressant de France Info sur la problématique croissance verte-décroissance (extrait)

La décroissance plaide pour une frugalité choisie afin de limiter les effets du changement climatique. Popularisée dans les années 2000, elle est de nouveau mise en lumière à l’occasion de la primaire écologiste.

« Nous sommes tous ensemble dans un train qui va à toute vitesse vers un précipice. » Voici comment Delphine Batho, candidate à la primaire des écologistes pour la présidentielle 2022, décrit la crise climatique actuelle, sur franceinfo, début août, après la parution d’un rapport choc du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Pour la députée des Deux-Sèvres, une seule solution : embrasser « la décroissance ». De Sandrine Rousseau à Jean-Luc Mélenchon, elle n’est pas la seule, à gauche, à vouloir s’inspirer de ce mouvement qui prône une frugalité choisie afin de limiter les effets du dérèglement climatique.

Vous n’êtes pas familier du concept ? Pas de panique, Franceinfo vous a prévu un cours accéléré pour tout comprendre à ce mot qui s’invite dans le débat politique.

Qu’est-ce que la décroissance ?

Il s’agit d’un courant de pensée philosophique, politique, social et économique popularisé en France au début des années 2000. Pour ses partisans, la croissance économique, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), n’est pas soutenable du fait des ressources limitées de la Terre. Elle n’est pas non plus souhaitable au-delà d’un certain seuil car elle échoue depuis la fin des Trente Glorieuses à réaliser le plein emploi, la réduction des inégalités et la satisfaction de la population dans les pays développés, avancent-ils. 

Ses théoriciens proposent donc de lui substituer d’autres objectifs issus de la « réflexion sur ce que sont vraiment nos besoins fondamentaux et sur la façon dont on peut y répondre de manière soutenable écologiquement et plus juste socialement », explique à franceinfo Vincent Liegey, ingénieur et auteur notamment d’Exploring Degrowth : A Critical Guide (Pluto Press, 2020).

Concrètement, ça passe par quels types de mesures ?

Plus qu’un véritable mode d’emploi pour parvenir à un système décroissant, ses adeptes proposent des mesures dans différents domaines. Une réflexion récurrente est de distinguer les biens et les activités en fonction de leurs conséquences sur le climat, comme avec un taux de TVA différencié en fonction des produits, ou un quota d’unités de charge écologique détenu par chaque consommateur et dans lequel il puiserait chaque fois qu’il achète un bien. Logiquement, nombre des propositions des décroissants touchent aux secteurs des transports, de la construction et de l’alimentation, particulièrement polluants selon l’Insee.

Une autre réflexion qui traverse le courant décroissant est celle sur l’usage et le mésusage (l’usage abusif) des ressources. L’eau pourrait ainsi ne pas être payée au même prix selon qu’il s’agisse « de la boire ou bien de l’utiliser pour remplir sa piscine », explique Timothée Parrique, auteur d’une thèse (lien en anglais) en 2019 sur la décroissance, qui sera adaptée chez Flammarion en 2022.

Afin d’améliorer la justice sociale, certains décroissants imaginent une taxation plus importante des hauts revenus et la suppression des niches fiscales, dans la lignée des travaux de l’économiste de gauche et spécialiste des inégalités Thomas Piketty. Mais aussi l’instauration d’un revenu maximum ou d’un revenu universel. Enfin, sur le volet du bien-être, de nombreux décroissants prônent la réduction du temps de travail qui permettrait, selon eux, de partager l’emploi existant et d’investir davantage le temps libre pour l’art, la culture et les liens interpersonnels.

Mais au fait, ça vient d’où ?

« La décroissance n’a pas attendu ce mot pour exister », note le philosophe Dominique Bourg, directeur de la revue La Pensée écologique et soutien de la candidate à la primaire écologiste Delphine Batho. Historiquement, la décroissance est la résultante de deux courants : la critique du développement et la prise en compte des questions écologiques. Le premier est conçu dès le début du XXe siècle par des penseurs pour qui développement ou technique ne vont pas nécessairement de pair avec le bien-être et le progrès humain. Le second naît dans les années 1970 avec un rapport intitulé « Les limites de la croissance » (en anglais) et les travaux de l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen pour qui la croissance infinie dans un monde fini est impossible.

Pourtant,  »les débats sur la pensée écologiste ont disparu dans les années 1980 avec le rouleau compresseur du néolibéralisme » et l’effondrement du bloc soviétique, avance Dominique Bourg. Il faut attendre le début des années 2000 pour voir ressurgir une nouvelle prise de conscience, grâce notamment « aux rapports du Giec et à l’intérêt des médias dominants pour les conséquences du dérèglement climatique ».

En 2002, la revue écologiste Silence consacre un numéro à la décroissance. Le mot est notamment popularisé par l’économiste Serge Latouche et le militant anti-pub Vincent Cheynet, et il est bientôt traduit en anglais par « degrowth », qui connaît un succès mondial. Le mouvement français connaît son apogée dans les années 2000 (lancement d’une revue et d’un parti politique, organisation de colloques et publication d’une multitude de livres…). Surtout à gauche, mais pas seulement. La décroissance est également reprise par certains milieux catholiques ou d’extrême droite, attirés par l’idée d’un certain ascétisme ou le rejet de la mondialisation, comme l’explique Le Monde.

Le bouillonnement militant et intellectuel autour de la décroissance se tasse pourtant dans la décennie suivante, notamment marquée par les divergences de vue entre ses promoteurs puis par le succès de la collapsologie. Pour autant, la décroissance a infusé certains cercles militants, qui la mobilisent pour justifier le développement d’alternatives concrètes comme les ressourceries, les monnaies locales, les jardins partagés et les coopératives.

Pourquoi m’en parlez-vous maintenant ?

Parce que le concept est de nouveau placé sous le feu des projecteurs par la primaire écologiste, qui se tient entre les 16 et 28 septembre. L’une des quatre candidates, l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho, revendique la décroissance comme étant au cœur de son engagement. Cette dernière « est la seule voie réaliste », expliquait-elle le 10 août sur franceinfo. Si son intérêt pour le sujet est longuement expliqué dans une note de campagne sur le site de son parti, Génération écologie, la candidate en dit néanmoins très peu sur la manière dont elle compte la mettre en pratique.

S’ils n’emploient pas ouvertement le terme, les autres candidats à la primaire écologiste (mais aussi des figures de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon) proposent également certaines mesures proches de la décroissance. L’économiste Sandrine Rousseau, qui souligne dans son programme que « notre Terre n’a pas de ressources illimitées », plaide pour « une véritable fiscalité carbone, en stoppant les subventions aux industries polluantes » et expliquait le 25 juillet dans l’émission YouTube « Backseat » qu’il faudrait « évidemment diminuer le volume de nos consommations ». Le maire de Grenoble, Eric Piolle, qui expliquait sur France Inter le 6 juillet refuser de choisir une « religion » entre « croissantiste » et « décroissantiste », promet dans son programme la mise en place d’un  »ISF climatique » pour taxer les particuliers les plus pollueurs et souhaite  »une loi sur la sobriété numérique qui vise la réduction de l’empreinte carbone de 40% du numérique » d’ici 2022

L’ancien chef d’entreprise Jean-Marc Governatori assure lui aussi refuser le débat entre « croissance et décroissance », même s’il souhaite « mettre en place dès maintenant une activité humaine compatible avec la biosphère dans des objectifs de pleine santé et de plein emploi ». Egalement prudent lorsqu’il emploie le mot de décroissance, comme il l’expliquait sur France Inter début juillet, l’eurodéputé Yannick Jadot annonce néanmoins dans son programme qu’il veut « augmenter la TVA sur tous les produits et services polluants et à l’obsolescence programmée » et mobiliser « 20 milliards par an dès 2021 et sur 2022-2027 pour la transformation des secteurs les plus polluants ».

Est-ce que la décroissance a déjà été mise en pratique ?

La décroissance « n’a jamais été appliquée à grande échelle, reconnaît Vincent Liegey, mais il y a déjà un grand nombre d’espaces dans nos sociétés dans lesquels des mesures décroissantes sont expérimentées au quotidien ». Entre autres exemples, on peut citer un fourmillement d’initiatives locales autour de la low tech, de la permaculture, des circuits courts, mais aussi des espaces comme des ressourceries ou le site de seconde main Leboncoin. Plusieurs pays ont par ailleurs proposé des indicateurs de progrès autres que le PIB, tels que la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Bhoutan… et même la France, depuis 2015. Le développement de la démocratie participative est également salué, avec des expérimentations comme la Convention citoyenne pour le climat. Les mouvements sociaux ne sont pas en reste, avec l’apparition de groupes de défense du climat comme Extinction Rebellion ou Fridays for Future.

Qu’en disent ses détracteurs ?

La décroissance rencontre un grand nombre de critiques, à la fois extérieures et intérieures à ses cercles. Voici les principales :

La critique du « retour en arrière ». Pour certains, la décroissance est synonyme d’un refus de la modernité et des technologies. Comme Emmanuel Macron, qui ironisait en septembre 2020 sur ceux qui, critiquant le déploiement de la 5G, préféreraient  »le modèle amish » et le  »retour à la lampe à huile »Dans un monde décroissant, bye bye les SUV et les iPhone 12. Néanmoins, « la décroissance n’est pas anti-technique, mais pour une réappropriation de la technique au service de l’amélioration du bien-être humain », assure l’essayiste Vincent Liegey.

La critique du catastrophisme. Cette première critique va de pair avec une seconde, selon laquelle les décroissants font l’impasse sur l’innovation, qui aurait toujours permis à l’humanité de relever les défis présentés par la nature. « C’est par la technique qu’on résoudra les problèmes posés. Quand on voit les progrès dans le solaire, l’éolien (…), la mise au point de bactéries pour dévorer des sacs plastiques… Cela peut aller tout aussi vite que le progrès des technologies fondées sur le carbone au XIXe siècle », estimait ainsi l’essayiste libéral Gaspard Koenig en septembre 2019 auprès de l’AFP. Il ne faut pas avoir une « foi aveugle » dans le progrès, répondent les partisans de la décroissance. Contrairement à ceux qui soutiennent la « croissance verte » ou le « développement durable », ils mettent en avant que l’alliance entre croissance économique et progrès technique n’a jamais prouvé qu’elle permettait de réduire suffisamment (lien en anglais) les pollutions pour répondre à l’urgence climatique actuelle.

La critique sur le maintien de la pauvreté. Pour les économistes libéraux, la croissance est un préalable à la redistribution des richesses. Moins de 10% de la population mondiale vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre plus de 35% trente ans plus tôt, rapporte en effet la Banque mondiale. Pour ces critiques, les décroissants seraient donc partisans de la récession, et à terme du maintien de la pauvreté dans les pays en voie de développement. Mais la théorie de la décroissance est sélective et ne concerne  »que les pays riches ayant déjà atteint des seuils de production suffisants pour satisfaire les besoins de leur population », répond l’économiste Timothée Parrique. « Les pays du Sud qui vivent dans la pauvreté doivent bien entendu produire ce dont ils ont besoin, mais pour ce faire, encore faut-il que les ressources soient disponibles – d’où la logique d’une décroissance dans les pays du Nord », ajoute-t-il. Pour éviter la confusion entre décroissance et récession, « il faudrait sans doute utiliser un terme comme celui d »acroissance’, avec [un] ’a-’ privatif », plaide Serge Latouche dans La Décroissance (Que sais-je ?, 2019).

La critique de la mise en œuvre. Les solutions avancées par les décroissants sont variées mais rarement présentées sous la forme d’un système cohérent qui permet d’envisager sa mise en œuvre concrète, notent plusieurs analystes, y compris parmi les adeptes de la décroissance. Quel système politique adopter pour la prise de décision en commun ? Jusqu’à quel point la production mondiale doit-elle décroître, et avec quelle population ? Comment concilier réduction du temps de travail et besoin accru de main-d’œuvre lié à une plus faible utilisation de la technologie ?  »Tout le monde tâtonne là-dessus depuis dix ans et on n’a pas encore la réponse. Le design d’une société compatible avec la durabilité de la Terre est quelque chose qu’on doit encore créer et qu’on n’a pas devant nous », reconnaît Dominique Bourg.

Société-Croissance verte ou décroissance ?

Société-Croissance verte ou décroissance ?

Un papier intéressant de France Info sur la problématique croissance verte décroissance (extrait)

La décroissance plaide pour une frugalité choisie afin de limiter les effets du changement climatique. Popularisée dans les années 2000, elle est de nouveau mise en lumière à l’occasion de la primaire écologiste.

« Nous sommes tous ensemble dans un train qui va à toute vitesse vers un précipice. » Voici comment Delphine Batho, candidate à la primaire des écologistes pour la présidentielle 2022, décrit la crise climatique actuelle, sur franceinfo, début août, après la parution d’un rapport choc du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Pour la députée des Deux-Sèvres, une seule solution : embrasser « la décroissance ». De Sandrine Rousseau à Jean-Luc Mélenchon, elle n’est pas la seule, à gauche, à vouloir s’inspirer de ce mouvement qui prône une frugalité choisie afin de limiter les effets du dérèglement climatique.

Vous n’êtes pas familier du concept ? Pas de panique, Franceinfo vous a prévu un cours accéléré pour tout comprendre à ce mot qui s’invite dans le débat politique.

Qu’est-ce que la décroissance ?

Il s’agit d’un courant de pensée philosophique, politique, social et économique popularisé en France au début des années 2000. Pour ses partisans, la croissance économique, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), n’est pas soutenable du fait des ressources limitées de la Terre. Elle n’est pas non plus souhaitable au-delà d’un certain seuil car elle échoue depuis la fin des Trente Glorieuses à réaliser le plein emploi, la réduction des inégalités et la satisfaction de la population dans les pays développés, avancent-ils. 

Ses théoriciens proposent donc de lui substituer d’autres objectifs issus de la « réflexion sur ce que sont vraiment nos besoins fondamentaux et sur la façon dont on peut y répondre de manière soutenable écologiquement et plus juste socialement », explique à franceinfo Vincent Liegey, ingénieur et auteur notamment d’Exploring Degrowth : A Critical Guide (Pluto Press, 2020).

Concrètement, ça passe par quels types de mesures ?

Plus qu’un véritable mode d’emploi pour parvenir à un système décroissant, ses adeptes proposent des mesures dans différents domaines. Une réflexion récurrente est de distinguer les biens et les activités en fonction de leurs conséquences sur le climat, comme avec un taux de TVA différencié en fonction des produits, ou un quota d’unités de charge écologique détenu par chaque consommateur et dans lequel il puiserait chaque fois qu’il achète un bien. Logiquement, nombre des propositions des décroissants touchent aux secteurs des transports, de la construction et de l’alimentation, particulièrement polluants selon l’Insee.

Une autre réflexion qui traverse le courant décroissant est celle sur l’usage et le mésusage (l’usage abusif) des ressources. L’eau pourrait ainsi ne pas être payée au même prix selon qu’il s’agisse « de la boire ou bien de l’utiliser pour remplir sa piscine », explique Timothée Parrique, auteur d’une thèse (lien en anglais) en 2019 sur la décroissance, qui sera adaptée chez Flammarion en 2022.

Afin d’améliorer la justice sociale, certains décroissants imaginent une taxation plus importante des hauts revenus et la suppression des niches fiscales, dans la lignée des travaux de l’économiste de gauche et spécialiste des inégalités Thomas Piketty. Mais aussi l’instauration d’un revenu maximum ou d’un revenu universel. Enfin, sur le volet du bien-être, de nombreux décroissants prônent la réduction du temps de travail qui permettrait, selon eux, de partager l’emploi existant et d’investir davantage le temps libre pour l’art, la culture et les liens interpersonnels.

Mais au fait, ça vient d’où ?

« La décroissance n’a pas attendu ce mot pour exister », note le philosophe Dominique Bourg, directeur de la revue La Pensée écologique et soutien de la candidate à la primaire écologiste Delphine Batho. Historiquement, la décroissance est la résultante de deux courants : la critique du développement et la prise en compte des questions écologiques. Le premier est conçu dès le début du XXe siècle par des penseurs pour qui développement ou technique ne vont pas nécessairement de pair avec le bien-être et le progrès humain. Le second naît dans les années 1970 avec un rapport intitulé « Les limites de la croissance » (en anglais) et les travaux de l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen pour qui la croissance infinie dans un monde fini est impossible.

Pourtant,  »les débats sur la pensée écologiste ont disparu dans les années 1980 avec le rouleau compresseur du néolibéralisme » et l’effondrement du bloc soviétique, avance Dominique Bourg. Il faut attendre le début des années 2000 pour voir ressurgir une nouvelle prise de conscience, grâce notamment « aux rapports du Giec et à l’intérêt des médias dominants pour les conséquences du dérèglement climatique ».

En 2002, la revue écologiste Silence consacre un numéro à la décroissance. Le mot est notamment popularisé par l’économiste Serge Latouche et le militant anti-pub Vincent Cheynet, et il est bientôt traduit en anglais par « degrowth », qui connaît un succès mondial. Le mouvement français connaît son apogée dans les années 2000 (lancement d’une revue et d’un parti politique, organisation de colloques et publication d’une multitude de livres…). Surtout à gauche, mais pas seulement. La décroissance est également reprise par certains milieux catholiques ou d’extrême droite, attirés par l’idée d’un certain ascétisme ou le rejet de la mondialisation, comme l’explique Le Monde.

Le bouillonnement militant et intellectuel autour de la décroissance se tasse pourtant dans la décennie suivante, notamment marquée par les divergences de vue entre ses promoteurs puis par le succès de la collapsologie. Pour autant, la décroissance a infusé certains cercles militants, qui la mobilisent pour justifier le développement d’alternatives concrètes comme les ressourceries, les monnaies locales, les jardins partagés et les coopératives.

Pourquoi m’en parlez-vous maintenant ?

Parce que le concept est de nouveau placé sous le feu des projecteurs par la primaire écologiste, qui se tient entre les 16 et 28 septembre. L’une des quatre candidates, l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho, revendique la décroissance comme étant au cœur de son engagement. Cette dernière « est la seule voie réaliste », expliquait-elle le 10 août sur franceinfo. Si son intérêt pour le sujet est longuement expliqué dans une note de campagne sur le site de son parti, Génération écologie, la candidate en dit néanmoins très peu sur la manière dont elle compte la mettre en pratique.

S’ils n’emploient pas ouvertement le terme, les autres candidats à la primaire écologiste (mais aussi des figures de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon) proposent également certaines mesures proches de la décroissance. L’économiste Sandrine Rousseau, qui souligne dans son programme que « notre Terre n’a pas de ressources illimitées », plaide pour « une véritable fiscalité carbone, en stoppant les subventions aux industries polluantes » et expliquait le 25 juillet dans l’émission YouTube « Backseat » qu’il faudrait « évidemment diminuer le volume de nos consommations ». Le maire de Grenoble, Eric Piolle, qui expliquait sur France Inter le 6 juillet refuser de choisir une « religion » entre « croissantiste » et « décroissantiste », promet dans son programme la mise en place d’un  »ISF climatique » pour taxer les particuliers les plus pollueurs et souhaite  »une loi sur la sobriété numérique qui vise la réduction de l’empreinte carbone de 40% du numérique » d’ici 2022

L’ancien chef d’entreprise Jean-Marc Governatori assure lui aussi refuser le débat entre « croissance et décroissance », même s’il souhaite « mettre en place dès maintenant une activité humaine compatible avec la biosphère dans des objectifs de pleine santé et de plein emploi ». Egalement prudent lorsqu’il emploie le mot de décroissance, comme il l’expliquait sur France Inter début juillet, l’eurodéputé Yannick Jadot annonce néanmoins dans son programme qu’il veut « augmenter la TVA sur tous les produits et services polluants et à l’obsolescence programmée » et mobiliser « 20 milliards par an dès 2021 et sur 2022-2027 pour la transformation des secteurs les plus polluants ».

Est-ce que la décroissance a déjà été mise en pratique ?

La décroissance « n’a jamais été appliquée à grande échelle, reconnaît Vincent Liegey, mais il y a déjà un grand nombre d’espaces dans nos sociétés dans lesquels des mesures décroissantes sont expérimentées au quotidien ». Entre autres exemples, on peut citer un fourmillement d’initiatives locales autour de la low tech, de la permaculture, des circuits courts, mais aussi des espaces comme des ressourceries ou le site de seconde main Leboncoin. Plusieurs pays ont par ailleurs proposé des indicateurs de progrès autres que le PIB, tels que la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Bhoutan… et même la France, depuis 2015. Le développement de la démocratie participative est également salué, avec des expérimentations comme la Convention citoyenne pour le climat. Les mouvements sociaux ne sont pas en reste, avec l’apparition de groupes de défense du climat comme Extinction Rebellion ou Fridays for Future.

Qu’en disent ses détracteurs ?

La décroissance rencontre un grand nombre de critiques, à la fois extérieures et intérieures à ses cercles. Voici les principales :

La critique du « retour en arrière ». Pour certains, la décroissance est synonyme d’un refus de la modernité et des technologies. Comme Emmanuel Macron, qui ironisait en septembre 2020 sur ceux qui, critiquant le déploiement de la 5G, préféreraient  »le modèle amish » et le  »retour à la lampe à huile »Dans un monde décroissant, bye bye les SUV et les iPhone 12. Néanmoins, « la décroissance n’est pas anti-technique, mais pour une réappropriation de la technique au service de l’amélioration du bien-être humain », assure l’essayiste Vincent Liegey.

La critique du catastrophisme. Cette première critique va de pair avec une seconde, selon laquelle les décroissants font l’impasse sur l’innovation, qui aurait toujours permis à l’humanité de relever les défis présentés par la nature. « C’est par la technique qu’on résoudra les problèmes posés. Quand on voit les progrès dans le solaire, l’éolien (…), la mise au point de bactéries pour dévorer des sacs plastiques… Cela peut aller tout aussi vite que le progrès des technologies fondées sur le carbone au XIXe siècle », estimait ainsi l’essayiste libéral Gaspard Koenig en septembre 2019 auprès de l’AFP. Il ne faut pas avoir une « foi aveugle » dans le progrès, répondent les partisans de la décroissance. Contrairement à ceux qui soutiennent la « croissance verte » ou le « développement durable », ils mettent en avant que l’alliance entre croissance économique et progrès technique n’a jamais prouvé qu’elle permettait de réduire suffisamment (lien en anglais) les pollutions pour répondre à l’urgence climatique actuelle.

La critique sur le maintien de la pauvreté. Pour les économistes libéraux, la croissance est un préalable à la redistribution des richesses. Moins de 10% de la population mondiale vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre plus de 35% trente ans plus tôt, rapporte en effet la Banque mondiale. Pour ces critiques, les décroissants seraient donc partisans de la récession, et à terme du maintien de la pauvreté dans les pays en voie de développement. Mais la théorie de la décroissance est sélective et ne concerne  »que les pays riches ayant déjà atteint des seuils de production suffisants pour satisfaire les besoins de leur population », répond l’économiste Timothée Parrique. « Les pays du Sud qui vivent dans la pauvreté doivent bien entendu produire ce dont ils ont besoin, mais pour ce faire, encore faut-il que les ressources soient disponibles – d’où la logique d’une décroissance dans les pays du Nord », ajoute-t-il. Pour éviter la confusion entre décroissance et récession, « il faudrait sans doute utiliser un terme comme celui d »acroissance’, avec [un] ’a-’ privatif », plaide Serge Latouche dans La Décroissance (Que sais-je ?, 2019).

La critique de la mise en œuvre. Les solutions avancées par les décroissants sont variées mais rarement présentées sous la forme d’un système cohérent qui permet d’envisager sa mise en œuvre concrète, notent plusieurs analystes, y compris parmi les adeptes de la décroissance. Quel système politique adopter pour la prise de décision en commun ? Jusqu’à quel point la production mondiale doit-elle décroître, et avec quelle population ? Comment concilier réduction du temps de travail et besoin accru de main-d’œuvre lié à une plus faible utilisation de la technologie ?  »Tout le monde tâtonne là-dessus depuis dix ans et on n’a pas encore la réponse. Le design d’une société compatible avec la durabilité de la Terre est quelque chose qu’on doit encore créer et qu’on n’a pas devant nous », reconnaît Dominique Bourg.

Croissance verte ou décroissance ?

Croissance verte ou décroissance ?

Un papier intéressant de France Info sur la problématique croissance verte décroissance (extrait)

La décroissance plaide pour une frugalité choisie afin de limiter les effets du changement climatique. Popularisée dans les années 2000, elle est de nouveau mise en lumière à l’occasion de la primaire écologiste.

« Nous sommes tous ensemble dans un train qui va à toute vitesse vers un précipice. » Voici comment Delphine Batho, candidate à la primaire des écologistes pour la présidentielle 2022, décrit la crise climatique actuelle, sur franceinfo, début août, après la parution d’un rapport choc du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Pour la députée des Deux-Sèvres, une seule solution : embrasser « la décroissance ». De Sandrine Rousseau à Jean-Luc Mélenchon, elle n’est pas la seule, à gauche, à vouloir s’inspirer de ce mouvement qui prône une frugalité choisie afin de limiter les effets du dérèglement climatique.

Vous n’êtes pas familier du concept ? Pas de panique, Franceinfo vous a prévu un cours accéléré pour tout comprendre à ce mot qui s’invite dans le débat politique.

Qu’est-ce que la décroissance ?

Il s’agit d’un courant de pensée philosophique, politique, social et économique popularisé en France au début des années 2000. Pour ses partisans, la croissance économique, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), n’est pas soutenable du fait des ressources limitées de la Terre. Elle n’est pas non plus souhaitable au-delà d’un certain seuil car elle échoue depuis la fin des Trente Glorieuses à réaliser le plein emploi, la réduction des inégalités et la satisfaction de la population dans les pays développés, avancent-ils. 

Ses théoriciens proposent donc de lui substituer d’autres objectifs issus de la « réflexion sur ce que sont vraiment nos besoins fondamentaux et sur la façon dont on peut y répondre de manière soutenable écologiquement et plus juste socialement », explique à franceinfo Vincent Liegey, ingénieur et auteur notamment d’Exploring Degrowth : A Critical Guide (Pluto Press, 2020).

Concrètement, ça passe par quels types de mesures ?

Plus qu’un véritable mode d’emploi pour parvenir à un système décroissant, ses adeptes proposent des mesures dans différents domaines. Une réflexion récurrente est de distinguer les biens et les activités en fonction de leurs conséquences sur le climat, comme avec un taux de TVA différencié en fonction des produits, ou un quota d’unités de charge écologique détenu par chaque consommateur et dans lequel il puiserait chaque fois qu’il achète un bien. Logiquement, nombre des propositions des décroissants touchent aux secteurs des transports, de la construction et de l’alimentation, particulièrement polluants selon l’Insee.

Une autre réflexion qui traverse le courant décroissant est celle sur l’usage et le mésusage (l’usage abusif) des ressources. L’eau pourrait ainsi ne pas être payée au même prix selon qu’il s’agisse « de la boire ou bien de l’utiliser pour remplir sa piscine », explique Timothée Parrique, auteur d’une thèse (lien en anglais) en 2019 sur la décroissance, qui sera adaptée chez Flammarion en 2022.

Afin d’améliorer la justice sociale, certains décroissants imaginent une taxation plus importante des hauts revenus et la suppression des niches fiscales, dans la lignée des travaux de l’économiste de gauche et spécialiste des inégalités Thomas Piketty. Mais aussi l’instauration d’un revenu maximum ou d’un revenu universel. Enfin, sur le volet du bien-être, de nombreux décroissants prônent la réduction du temps de travail qui permettrait, selon eux, de partager l’emploi existant et d’investir davantage le temps libre pour l’art, la culture et les liens interpersonnels.

Mais au fait, ça vient d’où ?

« La décroissance n’a pas attendu ce mot pour exister », note le philosophe Dominique Bourg, directeur de la revue La Pensée écologique et soutien de la candidate à la primaire écologiste Delphine Batho. Historiquement, la décroissance est la résultante de deux courants : la critique du développement et la prise en compte des questions écologiques. Le premier est conçu dès le début du XXe siècle par des penseurs pour qui développement ou technique ne vont pas nécessairement de pair avec le bien-être et le progrès humain. Le second naît dans les années 1970 avec un rapport intitulé « Les limites de la croissance » (en anglais) et les travaux de l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen pour qui la croissance infinie dans un monde fini est impossible.

Pourtant,  »les débats sur la pensée écologiste ont disparu dans les années 1980 avec le rouleau compresseur du néolibéralisme » et l’effondrement du bloc soviétique, avance Dominique Bourg. Il faut attendre le début des années 2000 pour voir ressurgir une nouvelle prise de conscience, grâce notamment « aux rapports du Giec et à l’intérêt des médias dominants pour les conséquences du dérèglement climatique ».

En 2002, la revue écologiste Silence consacre un numéro à la décroissance. Le mot est notamment popularisé par l’économiste Serge Latouche et le militant anti-pub Vincent Cheynet, et il est bientôt traduit en anglais par « degrowth », qui connaît un succès mondial. Le mouvement français connaît son apogée dans les années 2000 (lancement d’une revue et d’un parti politique, organisation de colloques et publication d’une multitude de livres…). Surtout à gauche, mais pas seulement. La décroissance est également reprise par certains milieux catholiques ou d’extrême droite, attirés par l’idée d’un certain ascétisme ou le rejet de la mondialisation, comme l’explique Le Monde.

Le bouillonnement militant et intellectuel autour de la décroissance se tasse pourtant dans la décennie suivante, notamment marquée par les divergences de vue entre ses promoteurs puis par le succès de la collapsologie. Pour autant, la décroissance a infusé certains cercles militants, qui la mobilisent pour justifier le développement d’alternatives concrètes comme les ressourceries, les monnaies locales, les jardins partagés et les coopératives.

Pourquoi m’en parlez-vous maintenant ?

Parce que le concept est de nouveau placé sous le feu des projecteurs par la primaire écologiste, qui se tient entre les 16 et 28 septembre. L’une des quatre candidates, l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho, revendique la décroissance comme étant au cœur de son engagement. Cette dernière « est la seule voie réaliste », expliquait-elle le 10 août sur franceinfo. Si son intérêt pour le sujet est longuement expliqué dans une note de campagne sur le site de son parti, Génération écologie, la candidate en dit néanmoins très peu sur la manière dont elle compte la mettre en pratique.

S’ils n’emploient pas ouvertement le terme, les autres candidats à la primaire écologiste (mais aussi des figures de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon) proposent également certaines mesures proches de la décroissance. L’économiste Sandrine Rousseau, qui souligne dans son programme que « notre Terre n’a pas de ressources illimitées », plaide pour « une véritable fiscalité carbone, en stoppant les subventions aux industries polluantes » et expliquait le 25 juillet dans l’émission YouTube « Backseat » qu’il faudrait « évidemment diminuer le volume de nos consommations ». Le maire de Grenoble, Eric Piolle, qui expliquait sur France Inter le 6 juillet refuser de choisir une « religion » entre « croissantiste » et « décroissantiste », promet dans son programme la mise en place d’un  »ISF climatique » pour taxer les particuliers les plus pollueurs et souhaite  »une loi sur la sobriété numérique qui vise la réduction de l’empreinte carbone de 40% du numérique » d’ici 2022

L’ancien chef d’entreprise Jean-Marc Governatori assure lui aussi refuser le débat entre « croissance et décroissance », même s’il souhaite « mettre en place dès maintenant une activité humaine compatible avec la biosphère dans des objectifs de pleine santé et de plein emploi ». Egalement prudent lorsqu’il emploie le mot de décroissance, comme il l’expliquait sur France Inter début juillet, l’eurodéputé Yannick Jadot annonce néanmoins dans son programme qu’il veut « augmenter la TVA sur tous les produits et services polluants et à l’obsolescence programmée » et mobiliser « 20 milliards par an dès 2021 et sur 2022-2027 pour la transformation des secteurs les plus polluants ».

Est-ce que la décroissance a déjà été mise en pratique ?

La décroissance « n’a jamais été appliquée à grande échelle, reconnaît Vincent Liegey, mais il y a déjà un grand nombre d’espaces dans nos sociétés dans lesquels des mesures décroissantes sont expérimentées au quotidien ». Entre autres exemples, on peut citer un fourmillement d’initiatives locales autour de la low tech, de la permaculture, des circuits courts, mais aussi des espaces comme des ressourceries ou le site de seconde main Leboncoin. Plusieurs pays ont par ailleurs proposé des indicateurs de progrès autres que le PIB, tels que la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Bhoutan… et même la France, depuis 2015. Le développement de la démocratie participative est également salué, avec des expérimentations comme la Convention citoyenne pour le climat. Les mouvements sociaux ne sont pas en reste, avec l’apparition de groupes de défense du climat comme Extinction Rebellion ou Fridays for Future.

Qu’en disent ses détracteurs ?

La décroissance rencontre un grand nombre de critiques, à la fois extérieures et intérieures à ses cercles. Voici les principales :

La critique du « retour en arrière ». Pour certains, la décroissance est synonyme d’un refus de la modernité et des technologies. Comme Emmanuel Macron, qui ironisait en septembre 2020 sur ceux qui, critiquant le déploiement de la 5G, préféreraient  »le modèle amish » et le  »retour à la lampe à huile »Dans un monde décroissant, bye bye les SUV et les iPhone 12. Néanmoins, « la décroissance n’est pas anti-technique, mais pour une réappropriation de la technique au service de l’amélioration du bien-être humain », assure l’essayiste Vincent Liegey.

La critique du catastrophisme. Cette première critique va de pair avec une seconde, selon laquelle les décroissants font l’impasse sur l’innovation, qui aurait toujours permis à l’humanité de relever les défis présentés par la nature. « C’est par la technique qu’on résoudra les problèmes posés. Quand on voit les progrès dans le solaire, l’éolien (…), la mise au point de bactéries pour dévorer des sacs plastiques… Cela peut aller tout aussi vite que le progrès des technologies fondées sur le carbone au XIXe siècle », estimait ainsi l’essayiste libéral Gaspard Koenig en septembre 2019 auprès de l’AFP. Il ne faut pas avoir une « foi aveugle » dans le progrès, répondent les partisans de la décroissance. Contrairement à ceux qui soutiennent la « croissance verte » ou le « développement durable », ils mettent en avant que l’alliance entre croissance économique et progrès technique n’a jamais prouvé qu’elle permettait de réduire suffisamment (lien en anglais) les pollutions pour répondre à l’urgence climatique actuelle.

La critique sur le maintien de la pauvreté. Pour les économistes libéraux, la croissance est un préalable à la redistribution des richesses. Moins de 10% de la population mondiale vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre plus de 35% trente ans plus tôt, rapporte en effet la Banque mondiale. Pour ces critiques, les décroissants seraient donc partisans de la récession, et à terme du maintien de la pauvreté dans les pays en voie de développement. Mais la théorie de la décroissance est sélective et ne concerne  »que les pays riches ayant déjà atteint des seuils de production suffisants pour satisfaire les besoins de leur population », répond l’économiste Timothée Parrique. « Les pays du Sud qui vivent dans la pauvreté doivent bien entendu produire ce dont ils ont besoin, mais pour ce faire, encore faut-il que les ressources soient disponibles – d’où la logique d’une décroissance dans les pays du Nord », ajoute-t-il. Pour éviter la confusion entre décroissance et récession, « il faudrait sans doute utiliser un terme comme celui d »acroissance’, avec [un] ’a-’ privatif », plaide Serge Latouche dans La Décroissance (Que sais-je ?, 2019).

La critique de la mise en œuvre. Les solutions avancées par les décroissants sont variées mais rarement présentées sous la forme d’un système cohérent qui permet d’envisager sa mise en œuvre concrète, notent plusieurs analystes, y compris parmi les adeptes de la décroissance. Quel système politique adopter pour la prise de décision en commun ? Jusqu’à quel point la production mondiale doit-elle décroître, et avec quelle population ? Comment concilier réduction du temps de travail et besoin accru de main-d’œuvre lié à une plus faible utilisation de la technologie ?  »Tout le monde tâtonne là-dessus depuis dix ans et on n’a pas encore la réponse. Le design d’une société compatible avec la durabilité de la Terre est quelque chose qu’on doit encore créer et qu’on n’a pas devant nous », reconnaît Dominique Bourg.

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L’évolution du concept de décroissance

L’évolution du concept de décroissance

 

L’historien François Jarrige retrace, dans une tribune au « Monde », les évolutions de ce concept depuis le XIXe siècle, quand il a fait surface en même temps que les premiers débats sur l’industrialisation du monde.(extrait)

 

Tribune. 

 

Chaque société a ses tabous ; ils s’accrochent parfois à des mots anodins ou étranges, comme celui de « décroissance », sans cesse repoussé et disqualifié depuis vingt ans. Anxiogène, peu mobilisateur, négatif, réactionnaire, lubie de riche ou concept (déjà) dépassé, tous les arguments éculés pour le discréditer ne peuvent résister au constat implacable, énoncé depuis des décennies maintenant, selon lequel l’extraction et l’accumulation matérielle atteignent leurs limites alors que les imaginaires dominants de la croissance nous poussent vers l’abîme.

Les grands médias s’intéressent aujourd’hui à la décroissance après des décennies de silence ou de déni. Ils y sont évidemment poussés par la force des choses, alors que le dernier rapport du GIEC conclut que « le changement climatique se généralise, s’accélère et s’intensifie ». Les pires prévisions, répétées depuis des décennies par ceux qui se disaient « décroissants », ne cessent de se confirmer, alors que s’impose l’urgence d’une réduction massive des émissions de CO2, c’est-à-dire de la plupart des flux de matières qui constituent le fondement de nos existences.

La décroissance n’est ni un programme d’action précis ni même une théorie, mais une aspiration née de la conscience aiguë des contradictions et impasses qui caractérisent nos modes de vie, nos infrastructures et nos imaginaires. Ce terme s’inscrit à la fois dans la longue durée des débats sur l’industrialisation du monde, et dans les temporalités plus courtes de l’évolution de l’écologie politique depuis les années 1970.

Envie d’en savoir plus sur la croissance et la décroissance ?

Longtemps, l’idée même de croissance économique n’avait aucun sens, la croissance renvoyant d’abord à la biologie pour décrire l’augmentation de taille des êtres vivants. Le terme fut repris par la théorie économique. Jusqu’au XIXe siècle, les sociétés vivaient dans un monde relativement stable, gérant la pénurie et des ressources contraintes. Dès les débuts de l’essor industriel, de nombreux doutes sont exprimés à l’égard du projet d’expansion continue de la production, et de nombreuses alertes sont formulées contre le projet moderne d’artificialisation du monde.

La question de la décroissance émerge surtout au XXe siècle, lorsque la croissance devient l’idéologie dominante et l’horizon principal. Le projet moderne d’accumulation matérielle s’intensifie en effet au milieu du XXe siècle ; de nouveaux critères économiques s’imposent afin de la mesurer et d’en faire une référence pour l’action publique (c’est le fameux PIB). C’est ce qui pousse certains observateurs et intellectuels à tenter d’ouvrir la « boîte noire » de la croissance, de pénétrer dans son fonctionnement, d’évaluer ses effets et ses impasses.

Economie- La décroissance : L’évolution du concept

Economie- La décroissance : L’évolution du concept

 

L’historien François Jarrige retrace, dans une tribune au « Monde », les évolutions de ce concept depuis le XIXe siècle, quand il a fait surface en même temps que les premiers débats sur l’industrialisation du monde.(extrait)

 

Tribune. 

 

Chaque société a ses tabous ; ils s’accrochent parfois à des mots anodins ou étranges, comme celui de « décroissance », sans cesse repoussé et disqualifié depuis vingt ans. Anxiogène, peu mobilisateur, négatif, réactionnaire, lubie de riche ou concept (déjà) dépassé, tous les arguments éculés pour le discréditer ne peuvent résister au constat implacable, énoncé depuis des décennies maintenant, selon lequel l’extraction et l’accumulation matérielle atteignent leurs limites alors que les imaginaires dominants de la croissance nous poussent vers l’abîme.

Les grands médias s’intéressent aujourd’hui à la décroissance après des décennies de silence ou de déni. Ils y sont évidemment poussés par la force des choses, alors que le dernier rapport du GIEC conclut que « le changement climatique se généralise, s’accélère et s’intensifie ». Les pires prévisions, répétées depuis des décennies par ceux qui se disaient « décroissants », ne cessent de se confirmer, alors que s’impose l’urgence d’une réduction massive des émissions de CO2, c’est-à-dire de la plupart des flux de matières qui constituent le fondement de nos existences.

La décroissance n’est ni un programme d’action précis ni même une théorie, mais une aspiration née de la conscience aiguë des contradictions et impasses qui caractérisent nos modes de vie, nos infrastructures et nos imaginaires. Ce terme s’inscrit à la fois dans la longue durée des débats sur l’industrialisation du monde, et dans les temporalités plus courtes de l’évolution de l’écologie politique depuis les années 1970.

Envie d’en savoir plus sur la croissance et la décroissance ?

Longtemps, l’idée même de croissance économique n’avait aucun sens, la croissance renvoyant d’abord à la biologie pour décrire l’augmentation de taille des êtres vivants. Le terme fut repris par la théorie économique. Jusqu’au XIXe siècle, les sociétés vivaient dans un monde relativement stable, gérant la pénurie et des ressources contraintes. Dès les débuts de l’essor industriel, de nombreux doutes sont exprimés à l’égard du projet d’expansion continue de la production, et de nombreuses alertes sont formulées contre le projet moderne d’artificialisation du monde.

La question de la décroissance émerge surtout au XXe siècle, lorsque la croissance devient l’idéologie dominante et l’horizon principal. Le projet moderne d’accumulation matérielle s’intensifie en effet au milieu du XXe siècle ; de nouveaux critères économiques s’imposent afin de la mesurer et d’en faire une référence pour l’action publique (c’est le fameux PIB). C’est ce qui pousse certains observateurs et intellectuels à tenter d’ouvrir la « boîte noire » de la croissance, de pénétrer dans son fonctionnement, d’évaluer ses effets et ses impasses.

Décroissance : L’évolution du concept

 

« La décroissance : L’évolution du concept

 

L’historien François Jarrige retrace, dans une tribune au « Monde », les évolutions de ce concept depuis le XIXe siècle, quand il a fait surface en même temps que les premiers débats sur l’industrialisation du monde.(extrait)

 

Tribune. 

 

Chaque société a ses tabous ; ils s’accrochent parfois à des mots anodins ou étranges, comme celui de « décroissance », sans cesse repoussé et disqualifié depuis vingt ans. Anxiogène, peu mobilisateur, négatif, réactionnaire, lubie de riche ou concept (déjà) dépassé, tous les arguments éculés pour le discréditer ne peuvent résister au constat implacable, énoncé depuis des décennies maintenant, selon lequel l’extraction et l’accumulation matérielle atteignent leurs limites alors que les imaginaires dominants de la croissance nous poussent vers l’abîme.

Les grands médias s’intéressent aujourd’hui à la décroissance après des décennies de silence ou de déni. Ils y sont évidemment poussés par la force des choses, alors que le dernier rapport du GIEC conclut que « le changement climatique se généralise, s’accélère et s’intensifie ». Les pires prévisions, répétées depuis des décennies par ceux qui se disaient « décroissants », ne cessent de se confirmer, alors que s’impose l’urgence d’une réduction massive des émissions de CO2, c’est-à-dire de la plupart des flux de matières qui constituent le fondement de nos existences.

La décroissance n’est ni un programme d’action précis ni même une théorie, mais une aspiration née de la conscience aiguë des contradictions et impasses qui caractérisent nos modes de vie, nos infrastructures et nos imaginaires. Ce terme s’inscrit à la fois dans la longue durée des débats sur l’industrialisation du monde, et dans les temporalités plus courtes de l’évolution de l’écologie politique depuis les années 1970.

Envie d’en savoir plus sur la croissance et la décroissance ?

Longtemps, l’idée même de croissance économique n’avait aucun sens, la croissance renvoyant d’abord à la biologie pour décrire l’augmentation de taille des êtres vivants. Le terme fut repris par la théorie économique. Jusqu’au XIXe siècle, les sociétés vivaient dans un monde relativement stable, gérant la pénurie et des ressources contraintes. Dès les débuts de l’essor industriel, de nombreux doutes sont exprimés à l’égard du projet d’expansion continue de la production, et de nombreuses alertes sont formulées contre le projet moderne d’artificialisation du monde.

La question de la décroissance émerge surtout au XXe siècle, lorsque la croissance devient l’idéologie dominante et l’horizon principal. Le projet moderne d’accumulation matérielle s’intensifie en effet au milieu du XXe siècle ; de nouveaux critères économiques s’imposent afin de la mesurer et d’en faire une référence pour l’action publique (c’est le fameux PIB). C’est ce qui pousse certains observateurs et intellectuels à tenter d’ouvrir la « boîte noire » de la croissance, de pénétrer dans son fonctionnement, d’évaluer ses effets et ses impasses.

Croissance– décroissance: Mais le PIB toujours au sens de la problématique !

Croissance– décroissance: Mais le PIB toujours au sens de la problématique !

 

L’enjeu n’est plus le développement matériel de nos sociétés, mais la transition écologique et sociale, rappelle l’économiste Aurore Lalucq dans une tribune au « Monde »(Extrait).

 

Tribune.

Le débat sur la croissance arrive à la fois au pire et au meilleur moment. Au meilleur, car il est plus que temps de nous interroger sur les finalités de notre modèle économique. Au pire, car notre débat public est incapable de supporter la moindre nuance. Or c’est bien de nuance qu’il va falloir nous armer si nous voulons éviter l’impasse à laquelle nous conduit l’opposition entre croissance verte et décroissance.

D’un côté, les tenants de la décroissance nous expliquent qu’il est urgent de « décroître » du fait de la corrélation entre croissance et émissions de gaz à effet de serre (GES). S’ils ont raison sur le diagnostic, ils négligent trop la manière dont ce discours peut être perçu.

En effet, pour bon nombre de personnes, la référence à la décroissance agit comme un repoussoir, véhiculant un imaginaire de privation. Ses détracteurs ne manquent d’ailleurs pas de la caricaturer comme un retour forcé à la bougie. Un discours particulièrement efficace, car nous avons été collectivement conditionnés par l’importance de la croissance et par la peur de sa disparition.

Difficile par ailleurs de parler de réduction de la consommation à des personnes qui n’ont jamais pu totalement y goûter. Et si cela est vrai en France, ne parlons même pas des pays qui n’ont pas eu accès aux mêmes possibilités de développement, car nous les avons privés de leur « droit à polluer ».

De l’autre côté, les hérauts de la croissance verte nous expliquent qu’il serait possible de découpler émissions de GES et croissance, autrement dit de produire plus en polluant moins, et ce, grâce au progrès technique. Malgré des innovations certaines, la promesse du découplage permis par une rupture technologique reste à l’état de chimère.

L’Agence européenne de l’environnement estime que le découplage semble « peu probable », rappelle qu’« aucun consensus scientifique n’a jamais émergé au fil des années » et que, pour atteindre nos objectifs climatiques, nous allons être obligés de mettre la croissance de côté.

 

Parier sur le découplage serait donc irresponsable, alors que toute la communauté scientifique s’accorde sur l’urgence d’agir pour limiter l’impact du dérèglement climatique. Mais on ne peut pour autant disqualifier en bloc la logique qui sous-tend ce discours, à savoir la peur de renoncer à la prospérité. Mais croissance et prospérité vont-elles encore de pair ? Rien n’est moins sûr tant on observe, dans nos économies développées, un décrochage entre l’évolution du produit intérieur brut (PIB) et celle du bien-être depuis plus de quarante ans.

Décroissance : Une réflexion très embryonnaire

Décroissance : Une réflexion très embryonnaire

 

Même si les cinq candidats à la primaire des écologistes ont tous pris position sur le sujet, leur réflexion demeure encore embryonnaire, observe l’économiste Timothée Parrique, dans une tribune au « Monde » (extrait).

 

Tribune.

 

Au cours des débats à la primaire d’EELV, un mot est souvent revenu : « décroissance ». Les cinq candidats ont tous pris position sur la question. Si la députée Delphine Batho en a fait son cheval de bataille, ses concurrents sont apparus sur la réserve. Eric Piolle se dit « ni croyant dans la croissance ni croyant dans la décroissance ». Yannick Jadot « se fout complètement » de la question, tout comme Sandrine Rousseau, qui estime que « la décroissance, ça n’a pas tellement de sens économique, en vrai », constat partagé par Jean-Marc Governatori. Le sujet est pourtant en train de devenir incontournable chez les écologistes, au risque, malheureusement, de s’enliser dans quatre faux débats.

La décroissance est bien plus qu’une simple réduction du PIB. Sur ce point, le véritable clivage se situe aujourd’hui entre l’« économisation » du monde et sa « déséconomisation », c’est-à-dire le constat, partagé au cours des débats des Verts, que certaines activités seraient mieux organisées en dehors de la logique de l’accumulation monétaire. L’objectif serait alors de construire une économie du bien-être qui ne soit pas obnubilée par l’argent, une économie où la production serait socialement utile et écologiquement soutenable : moins de PIB, certes, mais plus d’égalité, de convivialité et de soutenabilité.

Pour ou contre le PIB ? Il y a un consensus chez les écologistes sur le fait que le PIB mesure mal ce qui compte vraiment. Ce qu’il faut changer, ce n’est donc pas la mesure, mais le système que l’on cherche à mesurer. L’économie ressemble à une voiture lancée à pleine vitesse contre un mur écologique. L’urgence est de la ralentir avant l’accident. Le véritable apport de la décroissance est de mettre l’accent sur des stratégies socialement acceptables pour ralentir cette économie hors de contrôle. Réduction du temps de travail, garantie de l’emploi, redistribution des richesses, relocalisation de la production, rationnement du budget carbone… C’est une économie alternative – et un chemin de transition – à concevoir entièrement.

Qualité ou quantité ? Les débats autour de la décroissance s’embourbent souvent dans des listes de « plus » ou de « moins » : plus de panneaux solaires et de pistes cyclables, moins de pesticides et de pollution, etc. Chacun fait ses courses, mais on oublie que les crises environnementales sont avant tout une affaire d’échelle. Passé une certaine taille critique, toute activité économique – aussi désirable soit-elle – devient écologiquement problématique.

Croissance verte ou décroissance ?

Croissance verte ou décroissance ?

Un papier intéressant de France Info sur la problématique croissance verte décroissance (extrait)

La décroissance plaide pour une frugalité choisie afin de limiter les effets du changement climatique. Popularisée dans les années 2000, elle est de nouveau mise en lumière à l’occasion de la primaire écologiste.

« Nous sommes tous ensemble dans un train qui va à toute vitesse vers un précipice. » Voici comment Delphine Batho, candidate à la primaire des écologistes pour la présidentielle 2022, décrit la crise climatique actuelle, sur franceinfo, début août, après la parution d’un rapport choc du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Pour la députée des Deux-Sèvres, une seule solution : embrasser « la décroissance ». De Sandrine Rousseau à Jean-Luc Mélenchon, elle n’est pas la seule, à gauche, à vouloir s’inspirer de ce mouvement qui prône une frugalité choisie afin de limiter les effets du dérèglement climatique.

Vous n’êtes pas familier du concept ? Pas de panique, Franceinfo vous a prévu un cours accéléré pour tout comprendre à ce mot qui s’invite dans le débat politique.

Qu’est-ce que la décroissance ?

Il s’agit d’un courant de pensée philosophique, politique, social et économique popularisé en France au début des années 2000. Pour ses partisans, la croissance économique, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), n’est pas soutenable du fait des ressources limitées de la Terre. Elle n’est pas non plus souhaitable au-delà d’un certain seuil car elle échoue depuis la fin des Trente Glorieuses à réaliser le plein emploi, la réduction des inégalités et la satisfaction de la population dans les pays développés, avancent-ils. 

Ses théoriciens proposent donc de lui substituer d’autres objectifs issus de la « réflexion sur ce que sont vraiment nos besoins fondamentaux et sur la façon dont on peut y répondre de manière soutenable écologiquement et plus juste socialement », explique à franceinfo Vincent Liegey, ingénieur et auteur notamment d’Exploring Degrowth : A Critical Guide (Pluto Press, 2020).

Concrètement, ça passe par quels types de mesures ?

Plus qu’un véritable mode d’emploi pour parvenir à un système décroissant, ses adeptes proposent des mesures dans différents domaines. Une réflexion récurrente est de distinguer les biens et les activités en fonction de leurs conséquences sur le climat, comme avec un taux de TVA différencié en fonction des produits, ou un quota d’unités de charge écologique détenu par chaque consommateur et dans lequel il puiserait chaque fois qu’il achète un bien. Logiquement, nombre des propositions des décroissants touchent aux secteurs des transports, de la construction et de l’alimentation, particulièrement polluants selon l’Insee.

Une autre réflexion qui traverse le courant décroissant est celle sur l’usage et le mésusage (l’usage abusif) des ressources. L’eau pourrait ainsi ne pas être payée au même prix selon qu’il s’agisse « de la boire ou bien de l’utiliser pour remplir sa piscine », explique Timothée Parrique, auteur d’une thèse (lien en anglais) en 2019 sur la décroissance, qui sera adaptée chez Flammarion en 2022.

Afin d’améliorer la justice sociale, certains décroissants imaginent une taxation plus importante des hauts revenus et la suppression des niches fiscales, dans la lignée des travaux de l’économiste de gauche et spécialiste des inégalités Thomas Piketty. Mais aussi l’instauration d’un revenu maximum ou d’un revenu universel. Enfin, sur le volet du bien-être, de nombreux décroissants prônent la réduction du temps de travail qui permettrait, selon eux, de partager l’emploi existant et d’investir davantage le temps libre pour l’art, la culture et les liens interpersonnels.

Mais au fait, ça vient d’où ?

« La décroissance n’a pas attendu ce mot pour exister », note le philosophe Dominique Bourg, directeur de la revue La Pensée écologique et soutien de la candidate à la primaire écologiste Delphine Batho. Historiquement, la décroissance est la résultante de deux courants : la critique du développement et la prise en compte des questions écologiques. Le premier est conçu dès le début du XXe siècle par des penseurs pour qui développement ou technique ne vont pas nécessairement de pair avec le bien-être et le progrès humain. Le second naît dans les années 1970 avec un rapport intitulé « Les limites de la croissance » (en anglais) et les travaux de l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen pour qui la croissance infinie dans un monde fini est impossible.

Pourtant,  »les débats sur la pensée écologiste ont disparu dans les années 1980 avec le rouleau compresseur du néolibéralisme » et l’effondrement du bloc soviétique, avance Dominique Bourg. Il faut attendre le début des années 2000 pour voir ressurgir une nouvelle prise de conscience, grâce notamment « aux rapports du Giec et à l’intérêt des médias dominants pour les conséquences du dérèglement climatique ».

En 2002, la revue écologiste Silence consacre un numéro à la décroissance. Le mot est notamment popularisé par l’économiste Serge Latouche et le militant anti-pub Vincent Cheynet, et il est bientôt traduit en anglais par « degrowth », qui connaît un succès mondial. Le mouvement français connaît son apogée dans les années 2000 (lancement d’une revue et d’un parti politique, organisation de colloques et publication d’une multitude de livres…). Surtout à gauche, mais pas seulement. La décroissance est également reprise par certains milieux catholiques ou d’extrême droite, attirés par l’idée d’un certain ascétisme ou le rejet de la mondialisation, comme l’explique Le Monde.

Le bouillonnement militant et intellectuel autour de la décroissance se tasse pourtant dans la décennie suivante, notamment marquée par les divergences de vue entre ses promoteurs puis par le succès de la collapsologie. Pour autant, la décroissance a infusé certains cercles militants, qui la mobilisent pour justifier le développement d’alternatives concrètes comme les ressourceries, les monnaies locales, les jardins partagés et les coopératives.

Pourquoi m’en parlez-vous maintenant ?

Parce que le concept est de nouveau placé sous le feu des projecteurs par la primaire écologiste, qui se tient entre les 16 et 28 septembre. L’une des quatre candidates, l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho, revendique la décroissance comme étant au cœur de son engagement. Cette dernière « est la seule voie réaliste », expliquait-elle le 10 août sur franceinfo. Si son intérêt pour le sujet est longuement expliqué dans une note de campagne sur le site de son parti, Génération écologie, la candidate en dit néanmoins très peu sur la manière dont elle compte la mettre en pratique.

S’ils n’emploient pas ouvertement le terme, les autres candidats à la primaire écologiste (mais aussi des figures de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon) proposent également certaines mesures proches de la décroissance. L’économiste Sandrine Rousseau, qui souligne dans son programme que « notre Terre n’a pas de ressources illimitées », plaide pour « une véritable fiscalité carbone, en stoppant les subventions aux industries polluantes » et expliquait le 25 juillet dans l’émission YouTube « Backseat » qu’il faudrait « évidemment diminuer le volume de nos consommations ». Le maire de Grenoble, Eric Piolle, qui expliquait sur France Inter le 6 juillet refuser de choisir une « religion » entre « croissantiste » et « décroissantiste », promet dans son programme la mise en place d’un  »ISF climatique » pour taxer les particuliers les plus pollueurs et souhaite  »une loi sur la sobriété numérique qui vise la réduction de l’empreinte carbone de 40% du numérique » d’ici 2022

L’ancien chef d’entreprise Jean-Marc Governatori assure lui aussi refuser le débat entre « croissance et décroissance », même s’il souhaite « mettre en place dès maintenant une activité humaine compatible avec la biosphère dans des objectifs de pleine santé et de plein emploi ». Egalement prudent lorsqu’il emploie le mot de décroissance, comme il l’expliquait sur France Inter début juillet, l’eurodéputé Yannick Jadot annonce néanmoins dans son programme qu’il veut « augmenter la TVA sur tous les produits et services polluants et à l’obsolescence programmée » et mobiliser « 20 milliards par an dès 2021 et sur 2022-2027 pour la transformation des secteurs les plus polluants ».

Est-ce que la décroissance a déjà été mise en pratique ?

La décroissance « n’a jamais été appliquée à grande échelle, reconnaît Vincent Liegey, mais il y a déjà un grand nombre d’espaces dans nos sociétés dans lesquels des mesures décroissantes sont expérimentées au quotidien ». Entre autres exemples, on peut citer un fourmillement d’initiatives locales autour de la low tech, de la permaculture, des circuits courts, mais aussi des espaces comme des ressourceries ou le site de seconde main Leboncoin. Plusieurs pays ont par ailleurs proposé des indicateurs de progrès autres que le PIB, tels que la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Bhoutan… et même la France, depuis 2015. Le développement de la démocratie participative est également salué, avec des expérimentations comme la Convention citoyenne pour le climat. Les mouvements sociaux ne sont pas en reste, avec l’apparition de groupes de défense du climat comme Extinction Rebellion ou Fridays for Future.

Qu’en disent ses détracteurs ?

La décroissance rencontre un grand nombre de critiques, à la fois extérieures et intérieures à ses cercles. Voici les principales :

La critique du « retour en arrière ». Pour certains, la décroissance est synonyme d’un refus de la modernité et des technologies. Comme Emmanuel Macron, qui ironisait en septembre 2020 sur ceux qui, critiquant le déploiement de la 5G, préféreraient  »le modèle amish » et le  »retour à la lampe à huile »Dans un monde décroissant, bye bye les SUV et les iPhone 12. Néanmoins, « la décroissance n’est pas anti-technique, mais pour une réappropriation de la technique au service de l’amélioration du bien-être humain », assure l’essayiste Vincent Liegey.

La critique du catastrophisme. Cette première critique va de pair avec une seconde, selon laquelle les décroissants font l’impasse sur l’innovation, qui aurait toujours permis à l’humanité de relever les défis présentés par la nature. « C’est par la technique qu’on résoudra les problèmes posés. Quand on voit les progrès dans le solaire, l’éolien (…), la mise au point de bactéries pour dévorer des sacs plastiques… Cela peut aller tout aussi vite que le progrès des technologies fondées sur le carbone au XIXe siècle », estimait ainsi l’essayiste libéral Gaspard Koenig en septembre 2019 auprès de l’AFP. Il ne faut pas avoir une « foi aveugle » dans le progrès, répondent les partisans de la décroissance. Contrairement à ceux qui soutiennent la « croissance verte » ou le « développement durable », ils mettent en avant que l’alliance entre croissance économique et progrès technique n’a jamais prouvé qu’elle permettait de réduire suffisamment (lien en anglais) les pollutions pour répondre à l’urgence climatique actuelle.

La critique sur le maintien de la pauvreté. Pour les économistes libéraux, la croissance est un préalable à la redistribution des richesses. Moins de 10% de la population mondiale vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre plus de 35% trente ans plus tôt, rapporte en effet la Banque mondiale. Pour ces critiques, les décroissants seraient donc partisans de la récession, et à terme du maintien de la pauvreté dans les pays en voie de développement. Mais la théorie de la décroissance est sélective et ne concerne  »que les pays riches ayant déjà atteint des seuils de production suffisants pour satisfaire les besoins de leur population », répond l’économiste Timothée Parrique. « Les pays du Sud qui vivent dans la pauvreté doivent bien entendu produire ce dont ils ont besoin, mais pour ce faire, encore faut-il que les ressources soient disponibles – d’où la logique d’une décroissance dans les pays du Nord », ajoute-t-il. Pour éviter la confusion entre décroissance et récession, « il faudrait sans doute utiliser un terme comme celui d »acroissance’, avec [un] ’a-’ privatif », plaide Serge Latouche dans La Décroissance (Que sais-je ?, 2019).

La critique de la mise en œuvre. Les solutions avancées par les décroissants sont variées mais rarement présentées sous la forme d’un système cohérent qui permet d’envisager sa mise en œuvre concrète, notent plusieurs analystes, y compris parmi les adeptes de la décroissance. Quel système politique adopter pour la prise de décision en commun ? Jusqu’à quel point la production mondiale doit-elle décroître, et avec quelle population ? Comment concilier réduction du temps de travail et besoin accru de main-d’œuvre lié à une plus faible utilisation de la technologie ?  »Tout le monde tâtonne là-dessus depuis dix ans et on n’a pas encore la réponse. Le design d’une société compatible avec la durabilité de la Terre est quelque chose qu’on doit encore créer et qu’on n’a pas devant nous », reconnaît Dominique Bourg.

Croissance–décroissance : un débat de sophistes

Croissance–décroissance : un débat de sophistes

Si l’on fait abstraction des 7 à 8 millions de personnes sans emploi, des exclus totaux du progrès, de la montée des inégalités, on peut évidemment sans dommages se livrer un véritable débat de sophistes sur la problématique de la croissance et de la décroissance.

Certes,  on pourra à juste titre critiquer  le mode d’évaluation statistique de l’activité économique trop réduite par le PIB aux aspects uniquement quantifiables et quantifiés. Le problème dominant reste cependant celui du travail autant pour des questions économiques, sociales que sociétales. ( On voit ce que donne l’absence de travail dans les banlieues).

Les écolos bobos et les gauchistes militent pour réduire de manière drastique la richesse produite. Mais c’est évidemment un discours de nantis de la part de ce qui y ont déjà largement accès . Surtout si l’on se place dans le champ international. Les écolos bobos considèrent que ce n’est pas la création de richesses qui a priori est prioritaire mais l’amélioration du bien-être. La question se pose cependant du financement de ce bien-être. Ou alors on peut de manière hypocrite , il faut admettre une sorte de délocalisation des lieux de production qui fera subir encore davantage aux plus pauvres » d’ailleurs »  le coût de ce nouveau bien-être des pays riches.

Par parenthèse,  ce que nous faisons en instaurant des normes trop brutales en Europe qui délocalisent  la production. Les pays riches peuvent alors s’enorgueillir d’une consommation propre en ignorant le caractère gris voire noir de la production.

Cette démarche est largement partagée par la plupart des membres d’écologie les Verts et son secrétaire général Julien bayou. Pas étonnant la plupart sont d’anciens fonctionnaires ou assimilés, Julien bayou y compris.

Dès lors que le revenu est assuré sans qu’on se préoccupe trop des conditions de son financement, il est alors facile de militer pour une réduction de la richesse produite tout en préconisant par ailleurs une plus grande redistribution. Mais financée comment ? En vérité sur le grand capital comme disait déjà Georges Marchais dont les écolos bobos ne sont que les héritiers idéologiques plus ou moins conscients avec la différence que Georges Marchais défendait pas  la réduction de la production.

Sur une pancarte d’une manifestation parue dans la presse figure le slogan  » non à l’avion oui aux piétons » ! Comme si la marche à pied pouvait être une alternative à toutes les mobilités. À moins d’habiter dans une grande métropole et d’utiliser les transports publics nombreux et de qualité mais financés en grande partie par l’impôt prélevé précisément sur la richesse nationale, donc sur le niveau de production. De toute évidence, il y a encore des progrès à faire pour articuler économie et environnement et éviter le débat de sophistes.

L’écologie et la décroissance

L’écologie et  la décroissance

 

L’innovation et la technologie ne sont pas les ennemies de la cause environnementale. Surmonter les défis écologiques sans elles revient à proposer un projet de décroissance qui mènera à une impasse, estime Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».

« Parmi les combats que le nouveau maire Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de Bordeaux, Pierre Hurmic, a menés au cours de sa carrière politique, la lutte contre les lignes de train à grande vitesse fut sans doute l’un des plus acharnés. Pourtant, ce mode de « transport de niche et de riches qui ne profite qu’aux métropoles » selon lui a sans doute joué un rôle dans sa victoire lors des élections municipales du 28 juin. Le TGV a contribué à réveiller « la belle endormie » qu’était Bordeaux en accélérant un changement sociologique de la population sans lequel ce bastion de droite réputé imprenable pendant soixante-treize ans n’aurait sans doute jamais basculé dans le camp écologiste.

Quelle ironie ! La modernité et la technologie seraient donc parfois susceptibles, malgré elles, de faire avancer la cause environnementale. Pour être honnête, ces derniers jours, on avait fini par croire que les deux étaient définitivement incompatibles.

Il y a eu d’abord cette improbable polémique sur les dangers potentiels de la cinquième génération de téléphonie mobile (5G). Que voulez-vous, Pierre Hurmic « n’aime pas les techniques imposées ». Il n’est pas le seul : à Strasbourg, Lyon ou encore Besançon, les maires écologistes fraîchement élus ont fait de la lutte contre la 5G leur cheval de bataille.

Il est plus facile de nourrir des thèses ésotériques sur la propagation des ondes ou d’affirmer comme le maire EELV de Grenoble Eric Piolle, que la 5G sert surtout à regarder du porno, que d’expliquer ce que cette technologie peut apporter, parfois de façon contre-intuitive, au développement durable : l’essor des villes intelligentes appelées à devenir moins gourmandes en énergie, permettre la circulation des véhicules autonomes afin de réinventer les déplacements dans les centres urbains, encourager la télémédecine ou l’enseignement à distance, dont la récente pandémie a montré toute l’utilité.

Peu importe si les maires n’ont pratiquement aucun levier pour réglementer l’implantation des antennes relais de 5G sur leur territoire, comme l’a rappelé le conseil d’Etat dans une décision d’octobre 2011. Faire semblant d’avoir la main sur le sujet en menaçant de décréter des moratoires est sans doute beaucoup plus facile et plus payant sur le plan électoral que d’imaginer comment mettre l’innovation au service de l’environnement. »

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