Macron : plus proche de Giscard ou de De Gaulle !
par Mathieu Souquière, essayiste, dans « le Monde ». Un exercice osé!
Si on peut rapprocher l’actuel président de la République de Valéry Giscard d’Estaing, la crise sociale et politique suggère de privilégier un autre parallèle, celui avec la pratique gaullienne du pouvoir : ultraverticalité sur la forme, ultraplasticité sur le fond, analyse, dans une tribune au « Monde », l’essayiste Mathieu Souquière.
Chaque président peut être ausculté dans son rapport au pouvoir ainsi qu’à ceux qui l’ont exercé avant lui, soit pour se situer en rupture soit pour assumer une filiation. S’agissant d’Emmanuel Macron, l’exercice permet d’éclairer la situation, en forme d’impasse, qui est aujourd’hui la sienne.
S’il a tout appris de François Hollande – « Il sait ce qu’il me doit », disait même ce dernier –, il n’en a rien gardé. Entre normalité, mollesse et indécision présumées, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée avait rapidement considéré celui qu’il servait comme une sorte d’antimodèle.
Cruauté supplémentaire, c’est avec Nicolas Sarkozy qu’il a fait mine de convoler, étant censé avoir en partage avec celui-ci – outre le suffrage de Brigitte Macron à dix années de distance –, une énergie sans limite, une capacité à gérer les crises, une prétention à casser les codes et les rentes. A la clé, un adoubement du cadet par son aîné ainsi résumé : « Macron, c’est moi en mieux » (selon des propos rapportés par Le Canard enchaîné en juin 2017).
Avec Jacques Chirac en revanche, rien de commun, à une exception près, celle d’avoir remporté la présidentielle dans un duel avec l’extrême droite et d’en subir le même effet paradoxal : des victoires écrasantes (surtout en 2002), mais perçues comme des victoires « au rabais », la présidentielle se transformant en un plébiscite artificiel.
C’est toutefois avec Valéry Giscard d’Estaing que la mise en miroir semble la plus évidente : le sacre de la jeunesse, la « fraîcheur » politique, le hold-up électoral opéré sur les décombres d’un système vermoulu, la compétence économique, le libéralisme tempéré, un tropisme européaniste et une forme d’arrogance technocratique.
A quelques nuances près, le macronisme ressemble à s’y méprendre à un néogiscardisme, jusque dans la pente suivie face au rude exercice du pouvoir : passant d’un réformisme audacieux à un conservatisme étroit, d’une gouvernance moderne à une présidence verticale non plus seulement descendante mais vue comme condescendante, d’une ambition de rassembler « deux Français sur trois » à un splendide isolement politique.