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Réforme européenne du droit d’auteur

Réforme européenne du droit d’auteur

 

En gros  la réforme du droit d’auteur établit la notion de droits voisins qui fera payer l’hébergeur qui diffuse textes, photos, musique etc. l’autre disposition qui indispose les géants du numérique, c’est de les rendre responsable des contenus publiés par les milliards d’utilisateurs et de vérifier qu’ils respectent bien le droit d’auteur. Un texte européen plein de bonnes intentions qui visent à protéger les auteurs mais qui pourrait bien se retourner contre eux de deux manières. Pour se mettre à l’abri, les grands du numérique pourraient en effet supprimer 90 % au moins des productions, ce qui handicapera surtout les auteurs peu ou pas connus. Une sorte de censure opérée pour  se mettre à l’abri encore de non-respect des droits d’auteur. Autre risque, c’est de voir les grands du numérique produire eux-mêmes l’information, les textes et les images. Comme le craignent  dans  une tribune au « Monde » le juriste Cyrille Dalmont et l’historien Jean-Thomas Lesueur qui  prévoient ‘l’affaiblissement des médias classiques du fait du recours à l’IA par les GAFA pour produire l’information et au passage détourner la question des droits d’auteur. (Extraits)

«  Le long et pénible processus d’adoption de la directive « droits d’auteur » à Bruxelles arrive-t-il à son terme ? Mardi 26 mars, le Parlement européen devra se prononcer sur un texte de compromis obtenu de haute lutte entre la Commission, le Conseil et le Parlement. Il vise notamment à créer un « droit voisin » du droit d’auteur pour les éditeurs de presse, permettant ainsi aux médias de se faire rémunérer par les agrégateurs d’informations (Google) ou les réseaux sociaux (Facebook). Il a pour autre objectif de renforcer la position de négociation des créateurs et ayants droit face aux plates-formes comme YouTube ou Tumblr, qui utilisent leurs contenus. Si médias, journalistes, artistes, et plus globalement créateurs en tout genre, peuvent se réjouir de ce compromis, ils ne devraient le faire ni trop fort ni trop longtemps. C’est une bataille qu’ils sont en passe de remporter, selon toute vraisemblance, mais pas la guerre. Car la guerre des « droits d’auteur » est devant eux.

D’abord parce que les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) visés par la directive, vont s’empresser d’accroître le développement de leurs propres médias et chercher ainsi à se passer des médias traditionnels et de leurs contenus.

Ensuite parce qu’il est bien possible que la notion de « droits d’auteur » elle-même soit bientôt obsolète, avec la généralisation de la création automatique de contenus par des intelligences artificielles (IA).

On sait que c’est déjà le cas dans bien des rédactions de quotidiens, de magazines, d’émissions de télévision à travers le monde, qui utilisent de plus en plus d’outils autonomes, sans que leurs lecteurs ou leurs téléspectateurs en soient informés. En Chine a été lancé, en novembre 2018, un journal télévisé dont le présentateur est une IA. »

Bref un texte européen difficilement applicable qui pourrait se traduire par une atteinte à la liberté d’expression.

«Directive “droits d’auteur”: une entrave à la liberté(Bruno Alomar)

«Directive “droits d’auteur”: une entrave à la liberté. La tribune de (Bruno Alomar)

Bruno Alomar est économiste, ancien haut fonctionnaire à la Commission européenne, explique dans l’opinion que la directive droits d’auteur sous ses aspects séduisants constitue en fait uen entrave à la liberté  et à la  création.

 

 

«  Les débats passionnés autour de la révision de la directive « droits d’auteur » ne semblent pas devoir s’éteindre rapidement. La Commission des affaires juridiques du Parlement de l’Union a finalement accepté le texte, malgré des dissensions nettes en son sein (vote de 14 pour et 9 contre, plus 2 abstentions), signe du malaise autour de celui-ci, dont le fondement est certes plus qu’utile, mais dont les effets seraient, en l’état, critiquables.

Au cœur de ce débat, l’article 13. Il vise à obliger les plateformes d’hébergement de contenu à signer des accords avec les titulaires de droits (de la musique, du cinéma, du livre, de la photographie, bref, de tout ce qui est protégeable) ou en l’absence d’accord, à mettre en œuvre un dispositif de filtrage empêchant la mise en ligne de tout contenu potentiellement protégé. L’article apparaît louable dans l’intention : celle de protéger les créateurs et les auteurs et leur garantissant que leurs droits, dont ils vivent parfois, ne sont pas lésés. Toutefois, au-delà de cette volonté, les effets collatéraux de cet article méritent une analyse approfondie tant ils pourraient se révéler contreproductifs. La surveillance automatique des contenus apparaît ainsi disproportionnée, en termes de restriction des libertés, par rapport au but poursuivi.

Soyons concrets : une telle mesure supposerait que les plateformes signent des accords avec les titulaires de droits pour l’intégralité des œuvres existantes dans le monde. Outre le fait qu’il n’existe aucune base de données répertoriant l’ensemble des œuvres existant sur cette planète, des contenus pouvant relever du statut de l’œuvre sont créés chaque seconde (ce texte en est le parfait exemple) et l’on comprend donc assez difficilement vers qui les plateformes devraient se tourner pour signer de tels accords leur garantissant une immunité juridique.

La grande force du Web a été sa capacité à transcender les barrières et les frontières, à favoriser la création, le partage de connaissances, la mise en relation des individus

. Lorsqu’il n’y aura pas d’accord possible, le texte est clair : il s’agira pour les plateformes de mettre en place des logiciels de filtrage pour prévenir la mise en ligne de ce qui n’aura pas pu faire l’objet d’un accord. La situation semble ubuesque : si une plateforme n’est pas en capacité de signer des accords faute de pouvoir identifier toutes les œuvres protégées, comment pourrait-elle prévenir la mise en ligne des mêmes œuvres sans les avoir identifiées ? Et si d’aventure un contenu protégé passait à travers les mailles de ce gigantesque chalut, le texte prévoit que la plateforme aurait immédiatement à répondre de cette violation du droit d’auteur. De quoi inciter ces mêmes plateformes à restreindre au maximum ce qui pourra être autorisé, et à bannir pour de bon les parodies et autres « mêmes », ou plus simplement toute photographie sur Instagram devant un monument protégé ou toute citation sur Twitter de son auteur favori.

A vrai dire, cet article semble surtout avoir pour objectif de faire de YouTube et consorts une nouvelle chaîne de télévision, c’est-à-dire un espace sur lequel chaque contenu devra avoir fait l’objet d’une validation préalable à la mise en ligne, ici par un logiciel alimenté par les titulaires de droit. L’idée est en effet séduisante pour l’industrie musicale : prendre le meilleur de ce que les plateformes ont pu lui apporter (le chiffre d’affaires des trois plus grosses majors a augmenté d’un milliard de dollars entre 2016 et 2017 grâce au streaming) tout en excluant à terme les contenus postés par monsieur tout le monde, lesquels ne rapportent rien. Le Web représente en effet pour les majors une opportunité sans précédent de faire connaître les artistes en touchant instantanément une audience mondiale, de fédérer une communauté de fans et d’interagir quotidiennement avec celle-ci. Il s’agirait de faire des plateformes de nouvelles chaînes de télévisions spécialisées dans la diffusion de contenus « pré-autorisés » : des clips musicaux et des bandes-annonces avec pour unique but de promouvoir des artistes. Une telle mesure ne pourrait qu’aller à l’encontre de la philosophie d’Internet. La grande force du Web a été sa capacité à transcender les barrières et les frontières, à favoriser la création, le partage de connaissances, la mise en relation des individus. En termes d’influence et de rayonnement, la disponibilité et l’accessibilité quasi-planétaires des contenus permettent à des artistes – et à leur pays d’origine puisqu’il s’agit également de soft power – de se faire connaître du plus grand nombre. Il s’agit donc d’un défi à la fois personnel pour les créateurs de contenu et national pour les Etats qui, souvent, les portent. L’absence actuelle de barrière à l’entrée pour les créateurs offre ainsi une possibilité de se faire connaître qu’une intermédiation telle qu’instaurée par la directive viendrait fortement limiter.

Au sein du cyberespace toujours plus mondialisé, concurrentiel voire conflictuel, restreindre la liberté de création et d’information est une erreur stratégique tendant à diminuer toujours d’avantage la place de l’Europe et des Européens, aboutissant à l’étouffement progressif du secteur de la création ; l’exact contraire du but initialement visé. »




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