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« Plus personne ne veut travailler dans notre pays » (Laurent Wauquiez )

 « Plus personne ne veut travailler dans notre pays » (Laurent Wauquiez )

Laurent Wauquiez expose dans La Tribune (extrait) sa vision de la relocalisation, du travail, de la transition écologique, ou encore de la formation professionnelle.

 

 

Vous entamez un deuxième mandat à la tête de la région, quelles sont vos priorités économiques ?

LAURENT WAUQUIEZ - Avec 500.000 emplois industriels, soit un taux d’emplois industriels bien supérieur à la moyenne nationale et 52.000 établissements industriels, Auvergne Rhône-Alpes est la première région industrielle française. Notre territoire a su garder un entrepreneuriat familial. Je réamorce ainsi ce second mandat avec des repères.

Pour autant, notre pays est trop centralisé, ce qui pèse sur le dynamisme et la liberté laissés à nos entrepreneurs. Or, si l’on veut retrouver de l’énergie et de la liberté, il faut arrêter avec toutes ces règles administratives, centralisées, qui sont souvent en fort décalage avec la réalité du quotidien de la vie d’une entreprise. La crise du Covid a montré à quel point la France a payé le prix fort des erreurs accumulées pendant des années. Lorsque l’on dépend de la Chine, on dépend en effet de la Chine…

Vous avez mis la relocalisation comme l’une des priorités de votre programme à venir… Un vaste défi : comment comptez-vous l’aborder ?

Si notre région a pu proposer de la distribution de masques à un moment où personnes n’en avait, c’est précisément parce que l’on a su conserver ce terreau industriel.

J’assume cette politique régionale qui défend l’industrie. Ce qui me frappe, c’est que cela est presque devenu un gros mot en France. Si vous voulez être moderne, il faut parler de startups, de startup-nation, aller dans la Silicon Valley…

Si vous parlez de l’industrie, on vous regarde comme un « has been » : j’ai toujours pensé que c’était une gigantesque erreur. Pour moi, l’industrie est la première source de richesse et de création de valeur pour un pays, de création d’emplois, et nous voulons être la région qui défend l’industrie, et notamment le made in France.

Et en même temps, comment accompagner un sujet aussi lourd à l’échelle régionale ?

Auvergne Rhône-Alpes veut être une région tournée vers ses entreprises. Or, nous avons des entrepreneurs qui sont des champions, mais auxquels on demande de faire un sprint avec des boulets aux pieds… Un entrepreneur en France est confronté à des taxes et des charges qui, en s’ajoutant à l’impôt sur les sociétés, aboutissent à des coûts faramineux, qui grèvent leur compétitivité. A cause de cela, nous avons malheureusement perdu des projets d’attractivité qui devaient s’installer dans notre région.

Ce que j’ai essayé de mettre en place, et que je souhaite conserver pour ce second mandat, c’est d’essayer, au contraire, de leur faciliter la vie. Cela veut dire faire confiance aux entrepreneurs, alors que nous sommes dans un pays où l’administration repose trop souvent sur une méfiance par rapport au secteur privé.

Nous avons concrètement mis sur pied des politiques d’accompagnement pour leurs investissements, qui vont de l’investissement pour leurs machines à un accompagnement pour se déployer à l’export, à des partenariats pour leurs programmes de recherche…

Ma guerre, c’est de pouvoir leur proposer des dossiers simples, sans tracasserie administrative, en allant jusqu’à fusionner des agences existantes pour n’avoir qu’un seul point d’entrée qui puisse traiter une problématique d’apprentissage, de formation, d’export…

Dans votre discours de rentrée au Mézenc, vous évoquiez la notion du travail, et malgré les « attaques » que vous affirmez avoir subies après vos propos sur le « cancer de l’assistanat », cette notion vous tient aujourd’hui à cœur. Pour quelle raison ?

Le second problème, qui est aujourd’hui en train de devenir un enjeu majeur pour nos entreprises, c’est que plus personne ne veut travailler dans notre pays. C’est un défi fondamental. J’ai des entreprises qui définissent aujourd’hui leur activité, non pas en fonction de leurs commandes, mais des personnes qu’elles peuvent embaucher : c’est catastrophique.

Il faut mettre un nom sur les choses car sinon, on n’y arrivera jamais : on paie d’abord les conséquences de l’assistanat. Aujourd’hui, en France, la différence entre ce que l’on gagne en travaillant, et en restant chez soi, est trop faible.

On le voit très bien dans notre région, puisque ce sont les mêmes personnes qui vont de l’autre côté de la frontière, en Suisse, pour travailler plus de 40 heures par semaine. Mais ils gagnent deux fois plus et pour l’entrepreneur, le coût est quasiment le même, car il y a beaucoup moins de charges.

Le système social français fait que les charges retombent sur ceux qui travaillent. Et ceux qui en bénéficient sont prisonniers du piège de l’assistanat. C’est une facilité à court terme, mais cela ne leur permet pas de construire leur vie.

Que proposez-vous à ce titre, sur une question qui semble s’adresser en premier lieu à l’échelle nationale : quelle transcription possible à l’échelle régionale y voyez-vous ?

D’abord, il faut que des élus de terrain aient le courage de le dire : ce ne sont pas les Français qui ont perdu le sens du travail, mais le travail qui a perdu son sens. Il ne s’agit pas, comme le disait le Général de Gaulle, de sauter comme des cabris en criant : relocalisation, relocalisation.

C’est tout notre système social et économique qu’il faut revoir pour permettre de réussir cette relocalisation. Il faut d’abord des responsables politiques qui arrêtent de gaspiller l’argent public. Le « quoi qu’il en coûte », il n’y a pas de miracle, se retrouvera un jour sur la feuille de charges de l’entrepreneur.

Nous avons été la seule région française à avoir économisé sur ses dépenses de fonctionnement en fusionnant et le résultat, c’est que nous n’avons aucune augmentation de taxes et de charges. On a réduit de 15 % nos dépenses de fonctionnement, et nous n’avons fermé aucun service public, en démontrant ainsi qu’un service public plus efficace est possible.

 

L’un des marqueurs de votre mandat précédent aura justement été une forme de rigueur budgétaire assumée avec des économies de fonctionnement totalisant 1 milliard d’euros. Certains vous diront cependant qu’il vaut mieux s’endetter quand les taux sont bas. N’est-ce pas le moment d’emprunter ?

On trouvera toujours des politiques pour vous dire que c’est toujours le moment d’emprunter : soit parce que les taux sont bas, et c’est donc le moment de se ruiner, soit l’inverse. Je n’ai jamais cru à ça. Et il n’y a qu’à voir en Europe : la cigale c’est la France, et la fourmi c’est l’Allemagne. Lequel des deux réussit économiquement ?

Il faut arrêter l’argent facile, cela fait des années que l’on fait ça et cela nous a menés droit dans le mur. Pour une raison toute simple et que tout le monde comprend : vous n’avez ensuite plus la force de frappe pour investir, lorsque cela sera nécessaire.

En ce moment, l’Allemagne met des milliards sur la table pour prendre le tournant de l’automobile verte, car ils ont les moyens de le faire, à un moment où la France accuse 120 % de dette sur son PIB. Nous n’avons plus les moyens de mettre de l’argent sur la table pour une véritable stratégie économique ou industrielle.

Pour autant, on voit bien qu’il n’existe pas de « modèle » aujourd’hui pour financer ces gros dossiers industriels de gigafactory et c’est ce qui pose actuellement un problème en France…

Un cas comme celui de Verkor est intéressant, car il montre la manière dont un politique doit aborder un dossier industriel. Lorsque les fondateurs de cette startup sont venus me voir, ils ne comptaient que 30 collaborateurs et m’ont indiquer vouloir créer une industrie de 150 hectares avec 2.000 salariés.

Je me suis dit que ce n’était pas possible. Puis, je me suis renseigné, j’ai creusé le dossier,  j’ai vu ce qu’il se passait ailleurs, en Suède notamment (où le projet Northvolt, parti d’une toute petite équipe d’ingénieurs, s’est arrimé à Volkswagen ndlr), et je me suis aperçu que cette équipe avait de l’or dans les mains et que l’on tenait peut-être la pépite de demain.

Mais c’est typique du fait qu’un politique ne peut pas tout savoir et c’est donc pour cela que ce n’est pas à moi de décider, seul, version Louis XIV, qu’il y aura demain une gigafactory ici ou là.

C’est probablement cette tournure d’esprit que les politiques français n’ont pas suffisamment.

Il faut également être innovant et conquérant sur les métiers de demain, comme dans le cas d’Aledia, qui avec sa technologie de rupture, vise à inventer les LEDS de demain. C’est pour nous « le » gros dossier industriel de notre région, et que nous soutenons fortement par le biais de la recherche, de la politique de recrutement, et de son implantation, car son potentiel de création d’emplois est colossal. C’est l’équivalent d’Austerlitz, si l’on y arrive. Les grandes batailles d’aujourd’hui se font sur le terrain économique et les affrontements se traduisent par une compétition avec la Chine, les États-Unis, l’Inde… Et si l’on gagne, les montants sont colossaux.

Vous avez notamment annoncé au printemps dernier la création d’un fonds souverain régional, un outil de financement public-privé destiné à renforcer les fonds propres des entreprises régionales en pleine crise. Où en est-il ? À quels défis pourra-t-il réellement permettre de répondre ?

Nous sommes allés prendre des idées à ce sujet à l’étranger, comme en Flandre, en Bavière, en Lombardie ou en Catalogne, où partout, ce type de fonds existe. En France, on s’aperçoit en revanche que tout est centralisé, tout remonte au niveau national et ce, même au niveau des banques.

Or, ce n’est pas l’argent qui manque aujourd’hui, mais nous avons une aversion au risque. C’est là que le fonds souverain peut aider, d’autant plus que nous voulons commencer petit, mais qu’il gagne en force de frappe. Nous venons de finaliser un premier closing à 100 millions, et notre objectif est d’aller jusqu’à 1 milliard.

Quand un fonds souverain arrive dans une entreprise, cela crée nécessairement une confiance, qui rend ensuite les choses plus faciles. J’ai demandé à ce sujet que l’État vienne à nos côtés à hauteur de 30 millions, et j’attends encore la réponse. Concernant les investissements, ce ne sera pas moi qui déciderai, mais j’ai fixé mes priorités pour ce fonds, car nous voulons qu’il favorise l’entrepreneuriat familial, qu’il soutienne la croissance des PME…

L’objectif est d’avoir une vraie force de frappe. Nous réfléchissons aussi en complément à créer un établissement public porteur de foncier, car cette question devient en parallèle un enjeu essentiel pour les grands projets d’implantation, qui ne trouvent plus de terrain pour se développer. Nous avons d’ailleurs déjà réservé des terrains qui pourraient potentiellement permettre d’accueillir des gigafactories…

Sur le plan de la transition écologique, comment va se traduire votre propre positionnement face aux élus écologistes qui sont désormais à la tête de plusieurs villes ou métropoles de la région. On sait que la Région a déjà beaucoup investi dans la filière hydrogène, mais nous avons également le solaire, l’éolienne, les batteries, la biomasse… Souhaitez-vous équilibrer davantage le « mix » régional ?

Le développement durable et l’économie décarbonée sont à la fois une menace et une opportunité. Une menace aussi car, lorsque je vois la folie portée par les élus autoproclamés écologistes de Grenoble ou de Lyon, on a affaire à des gens qui ne croient plus au développement industriel, et qui ne veulent plus accueillir de nouvelles entreprises sur leur territoire.

C’est pour moi l’écologie idéologique, sectaire et punitive. Celle à laquelle je crois, c’est l’écologie qui repose sur le progrès, qui repose sur la science, sur l’investissement, sur nos entreprises et qui fait naître des produits de demain qui seront plus respectueux de l’environnement.

Nous avons été très moteurs sur l’hydrogène et c’est l’un des domaines où nous avons travaillé avec des fonds européens, avec une culture de travail public-privé. Nous avons par exemple participé à la création d’une joint-venture avec Michelin et Engie (Hympulsion, dans le cadre du projet Zero Emission Valley, ndlr), en associant les PME de la région, pour devenir leader sur la fabrication de stations de recharge d’hydrogène.

Ce que l’on voudrait, en dehors du train à hydrogène, c’est être également les premiers à construire des cars à hydrogène. Car on oublie souvent que la première façon de faire du développement durable, c’est de fabriquer chez nous.

Vous avez jusqu’ici peu parlé de certaines filières comme le nucléaire, le solaire, l’éolien, qui font néanmoins partie du mix énergétique attendu pour accompagner la transition énergétique… Y êtes-vous favorable ?

Notre ambition est d’être à la fois la première région industrielle et en même temps, la première région verte. On est très en pointe sur la fabrication d’énergies renouvelables, mais en même temps, l’énergie nucléaire en est la raison, et je l’assume parfaitement, parce que tout est lié. Il faut développer à la fois le nucléaire, les panneaux photovoltaïques, les hydroliennes, la géothermie, etc.

Mais il ne faut pas lâcher le nucléaire, car c’est ce qui nous permet d’avoir l’énergie la moins chère d’Europe et qui constitue l’un des rares avantages compétitifs que nous offrons à nos industriels.

Nous avons beaucoup de sujets à considérer comme les vignobles dans la vallée du Rhône, qui s’ils étaient équipés d’ombrières solaires, seraient protégés du soleil et pourraient  produire de l’énergie. Cela constitue une façon neuve d’aborder la question de l’énergie.

Je le dis, en revanche : je suis très réticent à l’éolien, car cela saccage nos paysages. Donc je dirai à ceux qui ont des projets éoliens : allez voir ailleurs, parce que ce n’est pas ce que nous souhaitons encourager.

La question de la formation professionnelle est l’un des autres gros « morceaux » de l’action régionale. Quelles orientations souhaitez-vous impulser pour ce second mandat, où l’on vient de le voir, des enjeux se posent concernant l’accompagnement du recrutement et de la reconversion pour plusieurs secteurs économiques, à commencer par l’industrie. L’outil du Plan investissement dans les compétences (PIC), que la région Auvergne Rhône-Alpes avait pourtant choisi de déléguer à Pôle emploi, sera-t-il réévalué ?

Il faut bien entendu accompagner le recrutement. Toute une partie relève nécessairement de l’assurance-chômage, du système du RSA, mais il y a des choses que nous pouvons aussi faire à l’échelle régionale. Cela commence par le fait d’éviter qu’en France, lorsque l’on parle d’industrie, on identifie ce sujet à Germinal.

Pour cela, nous avons par exemple déployé des pôles de formation ultramodernes avec Michelin, qui permettent de donner l’image de ce qu’est véritablement l’industrie d’aujourd’hui, moderne, attractive, avec des métiers passionnants. Nous essayons aussi de multiplier les salons temporaires, où les étudiants et lycéens peuvent, sous forme de serious games, découvrir l’industrie. Ce sont des choses auxquelles je crois beaucoup, parce que cela leur donne envie.

Et évidemment, il s’agit aussi de prendre des personnes en reconversion et de leur proposer des formations liées à ces métiers. Mais sur ce point, on souhaite prendre des personnes qui soient volontaires : lorsque l’on constate que certains candidats partent en formation uniquement pour recharger les droits assurance-chômage et arrêtent la formation à mi-parcours, on les retire de nos listes. Cela doit aussi fonctionner avec un système de responsabilisation.

Se pose notamment la question de la reconversion professionnelle face aux métiers qui vont être bouleversés par la transition écologique : la Région possède la compétence sur le sujet de la formation. Songez-vous à vous poser comme chef de file afin de réorienter des filières comme l’automobile et le diesel vers de nouveaux métiers en tension ?

Je crois qu’il faut d’abord arrêter de partir d’une liste de rêves, complètement déconnectés de la réalité du marché du travail, et engager plutôt une réflexion à partir des métiers en tension, afin de définir une formation.

Ce sera notre logique et c’est ce que j’ai demandé à mes équipes, de réaliser un inventaire de ces entrepreneurs qui n’arrivent pas à recruter, à partir desquels on peut ensuite définir un catalogue de formations. Pour moi, ce qui fonctionne le mieux ce sont les formations en entreprise, et non pas les stages « parking » ou la multiplication des formations « feux d’artifice ».

Je suis par ailleurs avec beaucoup d’attention la reconversion du diesel et force est de constater que l’on paie d’ailleurs, à ce sujet, une absence totale de stratégie industrielle pour subventionner les véhicules électriques. Ce qui serait intelligent, c’est de pousser l’hydrogène, où il y a des pièces à usiner. Ou de dire que l’on ne subventionne que les véhicules électriques fabriqués en Europe. Ou encore de profiter pour mettre en place un plan stratégique pour développer la fabrication de batteries et voitures électriques dans le pays.

 

Que pensez-vous des dispositifs expérimentés à ce sujet à l’échelle nationale, comme le programme Territoire Zéro Chômeurs qui s’élargit actuellement à 60 territoires : est-ce un outil complémentaire ?

Je n’y crois pas du tout. Je pense que ce sont des dispositifs complètement « gadget », où l’on fait de la com’. C’est même typique de la folie française, car nous sommes aujourd’hui dans un pays où l’on est allé jusqu’au stade où même les salaires étaient payés par l’État.

En réalité, ces dispositifs poussent les gens parfois vers des formations artificielles, des faux jobs, ou des contrats aidés. Être un territoire zéro chômeurs, cela ne se décrète pas et découle de l’action même d’un territoire et de ses acteurs. C’est ce que font les entreprises de la vallée de l’Arve, lorsque des entrepreneurs de la plasturgie se battent par exemple pour développer l’emploi. Pour avoir zéro chômeurs, il faut plutôt faire confiance aux entrepreneurs.

Vous aviez également placé la digitalisation comme un axe fort de ce nouveau mandat. La thématique n’est pas nouvelle, mais comment comptez-vous l’aborder ?

Sur ce terrain également, on peut aller plus loin, afin de répondre aux grands défis qui se posent devant nous. Et à ce titre, je n’entends pas les applications smartphone, mais comment on construit plutôt la mutation digitale de l’industrie, dans un pays où 40 % des PME n’ont aucun projet numérique.

Or, toutes les entreprises seront affectées par cette transformation, y compris des acteurs de la santé qui conçoivent, par exemple, des pompes à insuline, et pour lesquelles le défi sera de rendre leurs données connectées. Même chose pour les fabricants de parapentes qui souhaitent pouvoir recevoir aujourd’hui des mesures connectées, ou pour les acteurs de l’aéronautique. Nous utilisons d’ailleurs les fonds européens dans ce sens. C’est la même chose dans le domaine du développement durable et l’économie décarbonée.

Trente pour cent du réchauffement climatique à l’horizon 2030 seront générés par nos emails et par nos serveurs Internet. C’est délirant. C’est-à-dire que les emails que vous échangez chaque jour passent par des serveurs extrêmement consommateurs d’énergie. Et là, nous avons par exemple une petite pépite en Haute-Savoie qui est CoolLabs, et qui a eu l’idée de mettre les cartes de serveurs Internet dans un liquide qui va récupérer l’énergie, pour ensuite la réutiliser pour fabriquer de l’électricité et alimenter d’autres usages. C’est donc ça, l’écologie qui m’intéresse.

Autre priorité esquissée pour ce second mandat : la santé, qui avait déjà occupé une place non négligeable au cours des six dernières années, avec une croissance considérable de votre budget et des initiatives fortes comme la grande campagne de tests menée à l’échelle de la région. Allez-vous continuer à investir autant ?

Je crois qu’il faut tirer les leçons de cette crise et celle-ci a démontré que nous payons un vrai décrochage français. Nous sommes la seule puissance industrielle du Conseil de sécurité de l’ONU qui a été incapable de sortir son propre vaccin. Je pense que l’on a vraiment intérêt à ne pas se raconter d’histoires, il vaut mieux que l’on en tire les leçons.

D’abord, il nous a manqué des industries qui étaient capables de fabriquer en France. C’est pour cela qu’il faut défendre le made in France dans le domaine de la pharma. Mais il n’y a rien, l’irrémédiable.

Pour réussir le pari de la relocalisation, il faudra nous appuyer sur notre écosystème. Car on a la chance d’avoir avec nous des leaders et des entreprises comme l’Institut Mérieux, ou le façonnier du secteur pharmaceutique Fareva, qui a même racheté des sites qui auraient pu devenir des friches industrielles.

Deuxième ambition : inciter nos laboratoires de recherche ainsi que notre écosystème d’entrepreneurs à travailler ensemble et enfin, former et travailler, comme nous sommes en train de le faire avec Alain Mérieux, à la possibilité de mettre en place une école de formation sur des compétences recherchées, comme les techniciens de laboratoires.

On assiste également depuis quelques jours à la fin du « quoi qu’il en coûte » tel qu’on l’a connu jusqu’ici, suite aux annonces du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Quelle sera votre politique de soutien aux entreprises au sens large, craignez-vous de devoir abonder ou réorienter votre aide envers certains secteurs clés au sein du tissu régional, comme l’événementiel ou la montagne ?

Je me suis toujours méfié dès le début du « quoi qu’il en coûte ». Car à l’arrivée, le danger est que ce soient les entreprises qui payent. Dans notre région, nous n’avons pas suivi ce chemin : nous avons suivi l’approche allemande. Chaque euro que l’on a mis, on a veillé à ce qu’il ne soit pas gaspillé, à ce qu’il aide ceux qui en avaient besoin.

Cela donne aujourd’hui à notre région une grosse force de frappe pour accompagner des projets économiques et industriels, là où d’autres territoires sont plus courts financièrement.

On a anticipé les choses pour être capables de mettre de l’argent sur la table comme avec la montagne, où l’on va investir fortement pour accompagner nos stations de ski. Et voilà. Je n’ai jamais cru à la stratégie défensive, mais pour faire de l’offensive, il faut avoir les moyens.

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