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Défense de l’Europe : Trop d’effets d’annonce

Défense de l’Europe : Trop d’effets d’annonce

Il n’y a rien de nouveau sur une éventuelle condition d’achats d’armements produits en Europe, estime Nicolas Ravailhe, de l’Institut francophone de stratégies européennes, enseignant École de guerre économique et avocat au barreau de Bruxelles (droit européen) dans la Tribune

La facilité européenne de paix (FEP) est un mécanisme juridique sans spéculations de bonnes intentions d’achats « made in UE ». Le Conseil de l’Union européenne (UE) compétent pour les questions de défense a lancé le 20 mars une initiative destinée à « booster » les livraisons d’obus à l’Ukraine. Plusieurs déclarations ont fait croire à une avancée sur des achats de matériels conçus et produits en Europe. Il n’en est toujours rien à ce jour, deux mois après l’annonce de cette initiative à Stockholm le 8 mars. Le compromis politique toujours en débat devra être traduit en texte juridique. Cela n’a rien de confidentiel et aucune obligation d’achats en Europe n’y figure. En l’espèce, nous devons nous en tenir au texte publié sur le site du Conseil.

Puisque la matière est de nature intergouvernementale – et non communautaire, l’UE n’ayant aucune compétence en matière de défense -, il s’agit d’une décision du Conseil, dont la portée juridique s’impose aux participants, à la réserve près qu’un État membre de l’UE peut toujours sortir à tout moment d’un mécanisme intergouvernemental qui ne lui convient pas ou émettre des clauses de réserve (« opt-out »), contrairement aux politiques communautaires, financées par le budget de l’UE qui s’imposent à tous.

Outre la FEP, deux autres volets défense apparaissent. Le projet EDIRPA étant inopérant, le commissaire Thierry Breton cherche-t-il à le contourner en utilisant le fonds européen de la défense (FEDef) ? Le mécanisme EDIRPA consiste à subventionner sur le budget communautaire des achats groupés de « produits de défense ». Il est ensablé dans les débats parlementaires ; les uns veulent le réserver aux industriels européens afin de soutenir la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), les autres – une majorité à quelques exceptions près – considérant que l’urgence justifie de se fournir auprès de fournisseurs tiers / non-européens.

Ces derniers sont en position de force. Ils ont déjà obtenu l’assentiment du Conseil, contre la proposition initiale de la Commission, à une ouverture maximale, avec en outre un avantage aux « pays de la ligne de front ». Il en ressort une situation très inconfortable pour la position française qui historiquement se croyait plutôt bien implantée au Conseil et plus faible à la Commission européenne. La tentative de Thierry Breton d’utiliser le Fonds européen de défense semble inappropriée. En effet, le FEDef est conçu pour subventionner la recherche et le développement de projets nouveaux en coopération, mais en aucun cas des achats sur étagère.

Cet initiative est donc purement et simplement en marge de la réglementation européenne. L’UE n’a pas le droit d’acheter des obus avec les crédits du FEDef. La Cour des comptes européenne vient d’ailleurs d’adresser un carton jaune à la Commission européenne à propos du tout premier programme précurseur du FEDef. Le Parlement européen, qui comporte de nombreux opposants au FEDef, devrait aussi très vigilant.

L’initiative « SoS » « shelling on sale » serait dotée d’un milliard d’euros – sur les 2 milliards envisagés avant rallonge de 3,5 milliards – et les remboursements auraient pour plafond moins de 60% des dépenses. On s’attend ainsi à ce que les États européens livrent à l’Ukraine pour environ deux milliards d’euros d’obus (équivalent à 500.000 obus de calibre 155mm). Comme leurs stocks sont insuffisants, ils sont encouragés à acquérir ces munitions en vue de les céder aux forces ukrainiennes, et ce, auprès de n’importe quel fournisseur (y compris non-européen), urgence oblige.

Un milliard d’euros serait donc consacré à rembourser les livraisons d’obus par les États participants, mais cette fois, les Européens cherchent à mieux s’organiser, notamment pour diminuer les coûts d’acquisition et ne pas acheter en ordre dispersé. L’agence européenne de défense (AED), organe intergouvernemental de coopération en matière capacitaire, devra mettre sur pied ex nihilo une plateforme d’achat afin de publier en septembre un appel à la concurrence en vue de passer un « accord cadre » avec des fournisseurs potentiels présélectionnés parmi lesquels les États pourront passer des « marchés subséquents » auprès de l’un ou plusieurs de ces fournisseurs.

Le temps de recruter les acheteurs, de rédiger les documents de la consultation, de dépouiller les offres, voire de négocier avec les candidats si la procédure le permet, il peut se passer de nombreux mois. Les Ukrainiens ne verront pas l’ombre d’un obus acheté par ce mécanisme – s’il voit le jour – avant l’année 2024.

En outre, il se peut que les délais soient accrus par le contentieux probable que les candidats potentiels issus de pays non-européens pourront engager si le mécanisme est effectivement réservé aux 15 industriels européens repérés par la « task force » mise sur pied par Thierry Breton. A moins de se placer sous l’article 346 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’AED ne pourra en effet exclure les candidats « tiers » à cause de l’accord international sur les marchés publics. Or aucun intérêt de sécurité ne justifie de se référer à cet article qui, en règle générale, est honni par la Commission européenne à cause précisément de l’exception aux règles de concurrence de l’UE.

Enfin, à supposer que l’accord cadre soit bien réservé à des fournisseurs européens, que se passera-t-il ? Les États pourraient procéder par options : les uns achèteront leurs obus exclusivement hors BITDE et seront remboursés sur le premier milliard (FEP) ; les autres passeront des « marchés AED » afin « d’acheter européen ». Et comme les deux milliards sont tout à fait « fongibles » entre eux, rien ni personne n’empêchera les États à se faire rembourser plus d’un milliard sur le premier volet s’ils y trouvent leur intérêt. C’est l’avantage d’une « caisse de bienfaisance » comme la FEP et ses produits dérivés : on fait ce qu’on veut avec son argent. Aucune règle de bonne gestion budgétaire ne s’y applique sauf si la France avait la volonté d’y imposer des règles exigeantes pour ses intérêts et ceux de l’UE.

Tout cela illustre l’incapacité de l’UE à traiter sérieusement des questions de défense et pour cause, elle n’a pas été conçue pour cela. Quand plusieurs analystes des questions de défense, dont Alain Bauer, considèrent que désormais « l’Europe de la défense, c’est l’OTAN », on ne peut que constater que le droit comme les faits leur donnent raison.

Garde nationale : effet d’annonce !

Garde nationale : effet d’annonce !

Attentat après attentat, les Pouvoirs publics bricolent leur plan de lutte contre le terrorisme. Mais force est de constater que la réponse n’est guère adaptée à l’enjeu. Au mieux on se contente d’indiquer que de nouvelles tueries sont à prévoir mais sans problématiser la question et sans permettre à l’opinion d’être en mesure de comprendre et d’accepter une nouvelle articulation entre la problématique de sécurité et la problématique de liberté.  L’un des piliers du plan gouvernemental pour lutter contre le terrorisme repose sur l’opération sentinelle (opération Vigipirate renforcée) qui mobilise 10 000 militaires dans les rues et les lieux publics. En réalité une opération très symbolique qui vise surtout à rassurer la population. Cette action devrait relever des forces de police et non des forces militaires lesquelles  sont déjà épuisées par toutes les tâches de surveillance des rassemblements divers et variés, festifs ou non. On sait que la France s’est imprudemment engagée sur nombre de théâtres d’opérations de guerre au Moyen-Orient et en Afrique où les effectifs sont déjà insuffisants. Or avec l’opération sentinelle on se prive d’environ 10 % des effectifs de l’armée de terre. Pris de court une nouvelle fois,  le ministre de l’intérieur a sorti de son chapeau un service militaire pour ceux qui le souhaitent : une curieuse conception de la solidarité républicaine. De son côté, François Hollande vient de décider la mise en place d’une garde nationale qui n’est en fait qu’un renforcement des réservistes. A défaut de contenu,  la gauche a l’habitude d’utiliser des formules sémantiques flamboyantes comme celle de garde nationale qui ne constitue en fait qu’un effet d’annonce. Il est clair qu’en période préélectorale personne n’ose ouvrir le débat sur la nécessité d’un service national obligatoire par exemple de six mois et qui permettrait de libérer totalement les militaires de cette opération Sentinelle. Accessoirement cela offrirait un moyen de permettre une adhésion plus active aux valeurs de la république ; république dans les citoyens ne peuvent se comporter uniquement en consommateurs de liberté individuelle ou collective mais sans les contraintes de l’engagement. Le contexte commanderait pourtant un changement de statut du citoyen passant de la posture de consommateurs à celui d’acteur.




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