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Politique: La France chassée d’Afrique par la Russie qui vient conforter les dictatures


Politique: La France chassée d’Afrique par la Russie qui vient conforter les dictatures

Comment expliquer la série de départs des forces françaises, et quel rôle ont joué des acteurs russes dans cette contestation de la présence française ? Eléments de réponse avec Alain Antil, chercheur et directeur du centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

La Russie via le groupe Wagner notamment vient en Afrique d’une part pour conforter les dictatures et la corruption, d’autre part pour se rémunérer sur les richesses locales. La Russie est un modèle idéal pour permettre aux prédateurs de piller le pays.

Franceinfo : Hier, l’armée burkinabé a annoncé la fin officielle des opérations des forces françaises au Burkina Faso. Le dernier soldat français présent au Mali a quitté le pays en août, les derniers militaires français encore en Centrafrique sont partis en décembre… Comment décririez-vous cette contestation de la présence militaire française dans ces pays ?
Alain Antil : La première chose à dire est que ces trois pays sont dans une situation sécuritaire plus que préoccupante. Le Mali et le Burkina Faso se sont appuyés sur la France, et au Mali, malgré l’intervention de l’opération Barkhane, la situation ne s’est pas améliorée, voire s’est dégradée. Après l’opération Serval [en 2013] qui avait été efficace, des responsables français se sont montrés trop optimistes. L’écart entre ce qui avait été promis et ce qui est advenu est très important, et les populations voient que malgré les importants moyens dont la France dispose, les groupes jihadistes ont plutôt tendance à prospérer et les zones touchées par les violences à s’étendre.
La France est devenue le bouc émissaire de tout cela, alors que les causes principales du problème sont la faillite des forces de sécurité au Mali et au Burkina Faso, et la mauvaise gouvernance de ces pays. La situation politique s’est donc considérablement tendue au Mali et au Burkina Faso, dont les coups d’Etat sont l’une des manifestations, et ces pays ont décidé de revoir leurs politiques sécuritaires et leurs alliances.

Quels sont les éléments communs à cette contestation de la présence française dans différents pays ?
Nous avons pu observer des choses assez similaires. Des manifestations, bien sûr, mais également un bouillonnement sur des réseaux sociaux qui deviennent un champ d’affrontement politique, et où circulent énormément de propos anti-français. Il y a des informations justes, des informations détournées de leur contexte, mais aussi de vrais mensonges. Au Mali par exemple, certaines personnes sont persuadées que la France aide les groupes jihadistes, ou qu’elle est présente pour exploiter les ressources minières ou énergétiques du pays. La circulation de fausses informations a débuté sur les réseaux sociaux en République centrafricaine (RCA), puis nous avons constaté la même chose au Mali et au Burkina Faso. Cela a joué un rôle sur le départ des forces françaises, car cela contribue à galvaniser des manifestants dans les capitales. Ces rumeurs sur les réseaux sociaux, ajoutées au militantisme dans les capitales et au fait que certaines élites reprennent les mêmes slogans que ceux publiés en ligne… Cela dessine un environnement extrêmement difficile [pour la présence française].

Les manifestations ont eu surtout lieu dans les capitales, avec un impact médiatique maximal. Dans certains rassemblements, des symboles français ont été brûlés, la présence française était vilipendée… Des symboles de la présence française ont été attaqués, comme l’Institut français au Burkina Faso, et l’on pouvait voir des drapeaux russes flotter dans ces manifestations.

Vous évoquez des drapeaux russes. Comment des acteurs russes ont-ils contribué à nourrir cette contestation de la présence militaire française ?
La Russie a contribué au combat sur les réseaux sociaux contre la présence française. Financements de militants, diffusion de contenus… Toute une gamme d’actions a été déployée par la Russie pour abîmer l’image de la France dans ces pays. Des dessins animés anti-français ont par exemple été diffusés. Des militants ont été rémunérés pour diffuser de fausses informations, ou reprendre des éléments de médias russes francophones et les diffuser… Cet activisme des réseaux sociaux a contribué à accélérer la dégradation de l’image de la France. De nombreux Sahéliens urbains sont sur les réseaux sociaux, et peuvent reprendre sans filtre tout un ensemble d’informations.

Des figures du panafricanisme actuel, comme Kémi Séba et Nathalie Yamb [deux militants influenceurs], ont également affiché leurs liens avec la Russie. Nathalie Yamb a appelé des dirigeants ouest-africains à se rapprocher de Moscou, Kémi Séba a déclaré qu’il avait rencontré le PDG de la société mère de Wagner, Evguéni Prigojine, et reçu un « appui logistique » de ce groupe… La milice Wagner fournit un partenaire de rechange à ces pays. Cette présence [en Centrafrique et au Mali] s’accompagne d’une très grande violence contre les groupes armés adversaires du pouvoir, mais aussi contre des civils.

Que peut offrir la milice Wagner par rapport aux militaires français ? Vous parlez de violence, d’exactions…
Wagner offre quelque chose que la France n’offre plus : la sécurisation du régime. Si Wagner n’avait pas été là, le président actuel de la RCA ne serait peut-être plus au pouvoir. Ces pays ont également des difficultés à attirer de nouveaux partenaires de sécurité. Peu de pays ont envie d’envoyer des soldats au Sahel par exemple. L’implication de Wagner présente aussi un double intérêt pour la Russie : être présent, sans être présent officiellement. Moscou peut toujours rétorquer, notamment sur les accusations d’atteintes aux droits de l’homme, qu’il s’agit d’un contrat commercial avec une entreprise russe et non une coopération bilatérale.

En acceptant Wagner, le partenaire africain pourrait obtenir par ailleurs un accès facilité à des livraisons d’armes russes. Les armes russes sont moins chères, et sont plus adaptées à des pays qui ont un budget plus faible en matière de défense. Or, ces pays réclament de l’armement. De plus, la France et d’autres Etats membres de l’Union européenne ne souhaitent pas livrer des armes à des pays où des exactions sont commises par les forces armées contre des populations civiles.

Il faut souligner qu’il est trop tôt pour savoir si Wagner est présent au Burkina Faso. A ce stade, les autorités disent qu’elles n’ont pas besoin de combattants étrangers.
Quelles sont les différences entre ces pays dans leur contestation de la présence française ?

Pour le Burkina Faso et le Mali, il y a beaucoup de ressemblances. La contestation vient de la jeunesse urbaine, mais également d’une partie des élites, y compris des élites étatiques. Certains militaires sont assez anti-français, même si la détérioration [des relations] est beaucoup plus forte avec le Mali qu’avec le Burkina Faso.

Faut-il voir aussi, dans ces pays, une contestation de la France en tant qu’ancienne puissance coloniale ?
Bien sûr. L’ancien colonisateur a été salué par les populations maliennes quand il est venu « sauver » le pays avec l’opération Serval. Mais plusieurs éléments ont progressivement généré un fort mécontentement, voire un rejet, dans les populations : l’installation de l’opération Barkhane sans définition de durée, d’abord, mais aussi une communication politique parfois désastreuse – je pense notamment au sommet de Pau – ou encore des discours des élites des pays qui se défaussaient de leurs responsabilités sur le partenaire français.

La France chassée d’Afrique par la Russie


La France chassée d’Afrique par la Russie

Comment expliquer la série de départs des forces françaises, et quel rôle ont joué des acteurs russes dans cette contestation de la présence française ? Eléments de réponse avec Alain Antil, chercheur et directeur du centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Franceinfo : Hier, l’armée burkinabé a annoncé la fin officielle des opérations des forces françaises au Burkina Faso. Le dernier soldat français présent au Mali a quitté le pays en août, les derniers militaires français encore en Centrafrique sont partis en décembre… Comment décririez-vous cette contestation de la présence militaire française dans ces pays ?
Alain Antil : La première chose à dire est que ces trois pays sont dans une situation sécuritaire plus que préoccupante. Le Mali et le Burkina Faso se sont appuyés sur la France, et au Mali, malgré l’intervention de l’opération Barkhane, la situation ne s’est pas améliorée, voire s’est dégradée. Après l’opération Serval [en 2013] qui avait été efficace, des responsables français se sont montrés trop optimistes. L’écart entre ce qui avait été promis et ce qui est advenu est très important, et les populations voient que malgré les importants moyens dont la France dispose, les groupes jihadistes ont plutôt tendance à prospérer et les zones touchées par les violences à s’étendre.
La France est devenue le bouc émissaire de tout cela, alors que les causes principales du problème sont la faillite des forces de sécurité au Mali et au Burkina Faso, et la mauvaise gouvernance de ces pays. La situation politique s’est donc considérablement tendue au Mali et au Burkina Faso, dont les coups d’Etat sont l’une des manifestations, et ces pays ont décidé de revoir leurs politiques sécuritaires et leurs alliances.

Quels sont les éléments communs à cette contestation de la présence française dans différents pays ?
Nous avons pu observer des choses assez similaires. Des manifestations, bien sûr, mais également un bouillonnement sur des réseaux sociaux qui deviennent un champ d’affrontement politique, et où circulent énormément de propos anti-français. Il y a des informations justes, des informations détournées de leur contexte, mais aussi de vrais mensonges. Au Mali par exemple, certaines personnes sont persuadées que la France aide les groupes jihadistes, ou qu’elle est présente pour exploiter les ressources minières ou énergétiques du pays. La circulation de fausses informations a débuté sur les réseaux sociaux en République centrafricaine (RCA), puis nous avons constaté la même chose au Mali et au Burkina Faso. Cela a joué un rôle sur le départ des forces françaises, car cela contribue à galvaniser des manifestants dans les capitales. Ces rumeurs sur les réseaux sociaux, ajoutées au militantisme dans les capitales et au fait que certaines élites reprennent les mêmes slogans que ceux publiés en ligne… Cela dessine un environnement extrêmement difficile [pour la présence française].

Les manifestations ont eu surtout lieu dans les capitales, avec un impact médiatique maximal. Dans certains rassemblements, des symboles français ont été brûlés, la présence française était vilipendée… Des symboles de la présence française ont été attaqués, comme l’Institut français au Burkina Faso, et l’on pouvait voir des drapeaux russes flotter dans ces manifestations.

Vous évoquez des drapeaux russes. Comment des acteurs russes ont-ils contribué à nourrir cette contestation de la présence militaire française ?
La Russie a contribué au combat sur les réseaux sociaux contre la présence française. Financements de militants, diffusion de contenus… Toute une gamme d’actions a été déployée par la Russie pour abîmer l’image de la France dans ces pays. Des dessins animés anti-français ont par exemple été diffusés. Des militants ont été rémunérés pour diffuser de fausses informations, ou reprendre des éléments de médias russes francophones et les diffuser… Cet activisme des réseaux sociaux a contribué à accélérer la dégradation de l’image de la France. De nombreux Sahéliens urbains sont sur les réseaux sociaux, et peuvent reprendre sans filtre tout un ensemble d’informations.

Des figures du panafricanisme actuel, comme Kémi Séba et Nathalie Yamb [deux militants influenceurs], ont également affiché leurs liens avec la Russie. Nathalie Yamb a appelé des dirigeants ouest-africains à se rapprocher de Moscou, Kémi Séba a déclaré qu’il avait rencontré le PDG de la société mère de Wagner, Evguéni Prigojine, et reçu un « appui logistique » de ce groupe… La milice Wagner fournit un partenaire de rechange à ces pays. Cette présence [en Centrafrique et au Mali] s’accompagne d’une très grande violence contre les groupes armés adversaires du pouvoir, mais aussi contre des civils.

Que peut offrir la milice Wagner par rapport aux militaires français ? Vous parlez de violence, d’exactions…
Wagner offre quelque chose que la France n’offre plus : la sécurisation du régime. Si Wagner n’avait pas été là, le président actuel de la RCA ne serait peut-être plus au pouvoir. Ces pays ont également des difficultés à attirer de nouveaux partenaires de sécurité. Peu de pays ont envie d’envoyer des soldats au Sahel par exemple. L’implication de Wagner présente aussi un double intérêt pour la Russie : être présent, sans être présent officiellement. Moscou peut toujours rétorquer, notamment sur les accusations d’atteintes aux droits de l’homme, qu’il s’agit d’un contrat commercial avec une entreprise russe et non une coopération bilatérale.

En acceptant Wagner, le partenaire africain pourrait obtenir par ailleurs un accès facilité à des livraisons d’armes russes. Les armes russes sont moins chères, et sont plus adaptées à des pays qui ont un budget plus faible en matière de défense. Or, ces pays réclament de l’armement. De plus, la France et d’autres Etats membres de l’Union européenne ne souhaitent pas livrer des armes à des pays où des exactions sont commises par les forces armées contre des populations civiles.

Il faut souligner qu’il est trop tôt pour savoir si Wagner est présent au Burkina Faso. A ce stade, les autorités disent qu’elles n’ont pas besoin de combattants étrangers.
Quelles sont les différences entre ces pays dans leur contestation de la présence française ?

Pour le Burkina Faso et le Mali, il y a beaucoup de ressemblances. La contestation vient de la jeunesse urbaine, mais également d’une partie des élites, y compris des élites étatiques. Certains militaires sont assez anti-français, même si la détérioration [des relations] est beaucoup plus forte avec le Mali qu’avec le Burkina Faso.

Faut-il voir aussi, dans ces pays, une contestation de la France en tant qu’ancienne puissance coloniale ?
Bien sûr. L’ancien colonisateur a été salué par les populations maliennes quand il est venu « sauver » le pays avec l’opération Serval. Mais plusieurs éléments ont progressivement généré un fort mécontentement, voire un rejet, dans les populations : l’installation de l’opération Barkhane sans définition de durée, d’abord, mais aussi une communication politique parfois désastreuse – je pense notamment au sommet de Pau – ou encore des discours des élites des pays qui se défaussaient de leurs responsabilités sur le partenaire français.

Daech vise maintenant les pays chrétiens d’Afrique

 Daech vise maintenant les pays chrétiens d’Afrique

Un article deBenoit Faucon, Nicholas Bariyo et Joe Parkinson dans le Wall Street Journal

Au moment où Daech s’effondrait en Irak et en Syrie, dans la jungle de l’est du Congo, un djihadiste prenait la parole sur YouTube pour déclarer que le califat se repliait en Afrique centrale.

« J’appelle tous les musulmans du monde à nous rejoindre au Congo, affirmait, au milieu d’une forêt, un homme se définissant comme arabe et arborant fusil automatique et chargeurs devant un improbable groupe de combattants. Je le jure devant Dieu : c’est ici que Daech a sa demeure. »

Pour les analystes, la vidéo montrait surtout que le groupe terroriste, à l’agonie, cherchait à faire parler de lui. Mais trois ans après la diffusion des images, la province de l’Etat islamique en Afrique centrale (ou ISCAP, pour Islamic State Central Africa Province) s’est développée au point que, le mois dernier, le département d’Etat américain a pour la première fois infligé des sanctions au groupe et à ses dirigeants.

Fin mars, au Mozambique, des centaines de combattants ont occupé une ville portuaire clé après plusieurs jours de siège au cours desquels ils ont massacré des dizaines d’habitants et provoqué le départ de milliers d’autres. L’attaque a également forcé Total à évacuer l’ensemble des salariés d’un projet gazier à 16 milliards de dollars, ainsi que 2 000 réfugiés.

L’organisation cible des pays à majorité chrétienne et vient se greffer aux groupes terroristes qui rassemblent les minorités musulmanes opprimées. Renonçant à ses velléités territoriales, Daech veut désormais adopter des tactiques de guérilla : cooptation de leaders locaux, renforcement des entraînements, amélioration de la tactique et de la propagande

Les militants congolais et mozambicains de l’ISCAP s’étaient par le passé battus pour l’autonomie de la région. Cette année, ils sont devenus le groupe terroriste le plus meurtrier, affirme SITE, un site spécialisé dans la surveillance des groupes extrémistes. Menée par Musa Baluku, un Ougandais vétéran du djihad, la milice (autrefois appelée Forces démocratiques alliées, ou FDA) a tué plus de 849 civils rien qu’en 2020, estime le département d’Etat.

L’essor de cette faction africaine témoigne de l’évolution de Daech, qui se rapproche désormais d’une multitude de groupes armés comme s’ils étaient ses franchisés. Voyant son rêve de califat en Syrie et d’islamisme radical partir en fumée, Daech a pris la décision (judicieuse) de s’ingérer dans des conflits locaux au Nigéria, en Libye et au Sahel, la région semi-aride qui s’étend d’est en ouest au sud du Sahara. Dans un premier temps, en Syrie et en Irak, Daech s’est aventurée en territoire musulman.

Mais aujourd’hui, l’organisation cible des pays à majorité chrétienne et vient se greffer aux groupes terroristes qui rassemblent les minorités musulmanes opprimées. Renonçant à ses velléités territoriales, Daech veut désormais adopter des tactiques de guérilla : cooptation de leaders locaux, renforcement des entraînements, amélioration de la tactique et de la propagande. L’objectif : donner le sentiment que le groupe peut frapper des intérêts occidentaux là où on ne l’attend pas.

Ces groupes locaux sont désormais ses alliés et Daech les utilise pour sa propagande. L’organisation leur fournit des fonds et forme les combattants, mais, contrairement à ce qu’elle faisait dans son califat syro-irakien, elle ne s’occupe pas des affaires courantes, selon des responsables occidentaux.

Chrétien à 95 % et exempt d’idéologie djihadiste, le Congo est un parfait exemple de cette évolution. Nouvel allié local de Daech, les FDA sont nées dans les années 1990 d’une rébellion des musulmans ougandais qui se sentaient persécutés par le régime du président Yoweri Museveni. Poursuivi par Kampala, le groupe s’est réfugié dans l’est du Congo, aussi riche en groupes armés qu’en ressources minérales et où l’Etat central n’a guère d’emprise.

Des transfuges affirment que quelques volontaires arabes entraînés au combat figurent parmi les combattants de l’ISCAP. Le djihadiste de la vidéo YouTube a, lui, était identifié comme un Tanzanien d’origine arabe. Dans la région, le groupe terroriste s’est lancé dans une série d’attaques toujours plus hardies et plus élaborées, n’hésitant pas à s’attaquer à des prisons congolaises pour libérer certains de ses membres et recruter parmi les prisonniers libérés. En octobre, il a ainsi réussi à faire sortir 1 300 condamnés.

Les militaires congolais indiquent de leur côté avoir retrouvé les corps de deux combattants arabes, « probablement des instructeurs » au mois de décembre, après des affrontements près de la ville de Beni. Des photos prises par l’armée que le Wall Street Journal a pu consulter montrent un bras à la peau claire au bout d’un corps enterré par les terroristes en fuite. Des images aériennes réalisées par les drones des forces de sécurité de l’ONU révèlent aussi la présence d’un combattant blanc, mort, peu après l’attaque.

L’ISCAP, dont les effectifs sont passés de 200 à 1 500 combattants selon les services de renseignement ougandais, s’est rapprochée des insurgés mozambicains qui ont attaqué la ville portuaire de Palma le mois dernier.

Parmi les personnes tuées lors du raid figuraient des ressortissants britanniques et sud-africains travaillant sur le projet gazier. Elles ont perdu la vie après avoir tenté de fuir l’hôtel dans lequel 180 expatriés et locaux s’étaient réfugiés, ont rapporté des prestataires locaux. La police a retrouvé les corps décapités de douze hommes et procède actuellement à leur identification.

Les attaques, qui ont eu lieu pendant une mission d’entraînement des forces spéciales américaines au Mozambique, ont mis la puce à l’oreille de l’administration Biden, qui revoit actuellement sa politique vis-à-vis du continent africain et de Daech. Les sanctions prises en mars obligent les banques à geler les actifs de la branche congolaise de Daech et de son leader, Musa Baluku, ainsi que de la filiale mozambicaine et son chef, Abu Yasir Hassan. Elles ont également interdiction de traiter avec eux.

A la peine après des années de combats meurtriers et de défections, les FDA n’étaient pas une cible facile pour l’austère commandement de Daech. Le groupe a, un temps, combattu aux côtés de milices regroupant des animistes et des chrétiens, selon des transfuges des FDA et de l’armée congolaise. Des femmes et des enfants ont participé aux attaques, une pratique inimaginable pour Daech. En Syrie et en Irak, les terroristes formaient des « jeunes loups », mais ne les ont jamais envoyés au combat.

Fin 2017, peu après la diffusion de la première vidéo de l’ISCAP, Abdulrahman Ssali était âgé de 25 ans. Il a fait tout le trajet de l’Ouganda vers l’est du Congo à la demande son père, Abdurahuman Waswa, lettré musulman qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Quelques années plus tôt, l’homme avait secrètement rejoint les rangs d’un groupe islamique qui affirmait que les musulmans étaient persécutés en Ouganda depuis la chute d’Idi Amin Dada en 1979.

Aujourd’hui caché en Ouganda, son fils affirme qu’il pensait se rendre à une réunion de famille. En guise de retrouvailles, son père l’a convaincu de rejoindre Daech. Des instructeurs arabes, certains venus de Syrie, lui ont donné une mission simple : « faire prospérer la province de l’Etat islamique en Afrique centrale », se souvient-il. Abdulrahman fils a reçu une formation idéologique et militaire puis s’est battu à leurs côtés pendant des mois, affrontant l’armée congolaise et pillant les bananeraies pour y voler nourriture et jeunes enfants.

Son père, qui maîtrise parfaitement la langue arabe, avait gravi les échelons du groupe. Un jour, il a ordonné l’exécution d’une fillette de 14 ans accusée de désertion, raconte-t-il. Et prévenu son fils que s’il essayait de s’échapper, le même sort lui serait réservé. « La décapitation de cette jeune fille m’a traumatisé », raconte Abdulrahman Ssali.

Il fait partie des quelques transfuges désormais placés sous la protection de l’Etat à Kampala et témoigne de la montée en puissance de l’ISCAP.

Selon des responsables occidentaux, les djihadistes ont dépensé un petit million de dollars pour ce nouveau groupe, soit 1 % de leur trésor de guerre, estimé à 100 millions de dollars par les Nations unies. D’après les experts de l’ONU, ils avaient davantage investi dans les pays où l’insurrection islamiste est plus ancienne : Afghanistan, Libye ou Philippines, par exemple.

En 2015, poursuivies par l’armée du Congo soutenue par l’ONU et minées par des dissensions internes, les FDA avaient failli disparaître. Après l’arrestation du fondateur du groupe, Jamil Mukulu, son remplaçant Musa Baluku s’était heurté à l’opposition de certains membres historiques, révèlent des échanges obtenus par Bridgeway Foundation, une organisation à but non lucratif qui étudie les insurrections en Afrique de l’Est. Selon un rapport de l’ONU, les FDA ne comptaient alors plus que 65 combattants.

Entre octobre 2019 et octobre 2020, le groupe a revendiqué 118 attaques, selon al-Naba, le magazine de Daech. Toujours en octobre de l’an passé, les FDA ont libéré 900 prisonniers d’un établissement de l’est du Congo, pour beaucoup des membres qui ont immédiatement rejoint les combats. Daech a affirmé que l’opération faisait partie d’un mouvement mondial pour « détruire les forteresses » et libérer les prisonniers, notamment en Syrie et en Afghanistan

Alors âgé de 37 ans, Musa Baluku, commandant aux traits poupins, avait eu une idée : s’allier au lointain Daech. « C’est nous qui avons décidé de nous placer sous la houlette de Daech, car cela permet de faire prospérer l’Etat islamique dans le monde », avait-il affirmé à un lieutenant lors d’un échange fin 2019 obtenu par Bridgeway. Il se targuait également de compter « des blancs » dans son groupe, faisant référence à des hommes venus du Moyen-Orient.

Pour les transfuges, les choses se sont mises à changer quand Waleed Ahmed Zein, un Kenyan, s’est mis à envoyer des dons à Musa Baluku. Il avait lui-même reçu cet argent de son père, qui s’était rendu en Syrie où il avait rejoint les rangs de Daech, selon une note des services de sécurité ougandais et une déclaration de la police kenyane.

Abdulrahman Ssali raconte qu’en 2018 et 2019, dans le camp congolais, il a vu des liasses de dollars dans la maison en terre du grand patron. Panneaux solaires, batteries, torches, lunettes à vision nocturne : les nouveaux équipements affluaient, tous portant des inscriptions en arabe, poursuit-il.

Les nouvelles armes ont, elles, permis aux militants de perpétrer des attaques plus meurtrières contre les villages chrétiens et les patrouilles militaires. Entre octobre 2019 et octobre 2020, le groupe a revendiqué 118 attaques, selon al-Naba, le magazine de Daech. Toujours en octobre de l’an passé, les FDA ont libéré 900 prisonniers d’un établissement de l’est du Congo, pour beaucoup des membres qui ont immédiatement rejoint les combats. Daech a affirmé que l’opération faisait partie d’un mouvement mondial pour « détruire les forteresses » et libérer les prisonniers, notamment en Syrie et en Afghanistan.

Les transfuges racontent qu’une partie de l’argent du bailleur de fonds kenyan a été utilisée pour acheter du nitrate d’ammonium et des minuteurs, éléments essentiels des engins explosifs improvisés. Des djihadistes yéménites et syriens se sont rendus au Congo pour former les combattants locaux aux tactiques militaires et à la confection de bombes, ajoutent-ils. En juillet 2020, un rapport de l’ONU indiquait que les FDA commençaient à utiliser des engins explosifs improvisés.

Les deux entités centrafricaines se sont peu à peu rapprochées, les Congolais revendiquant les attaques au nom de leurs alliés mozambicains, selon un rapport sur Daech et ses ramifications du programme de l’université George Washington sur l’extrémisme.

C’est par l’argent et les armes que l’idéologie extrémiste s’est infiltrée dans les camps. L’armée congolaise qui a tué des militants des FDA a retrouvé des textes en arabe rédigés par le bureau de la recherche de Daech, une entité basée dans la ville irakienne de Mossoul qui diffuse les éléments doctrinaux qui étayent sa vision du monde.

Abdulrahman Ssali se souvient, lui, d’un régime aussi rigide que brutal. Dès 10 ans, les enfants étaient formés au maniement des armes, à l’arabe et à l’idéologie de Daech. Les voleurs dont le butin dépassait les deux dollars risquaient de voir leur main coupée. Quiconque propageait une rumeur avait la bouche cousue au fil de fer. Allumer une lampe de poche au passage d’un drone était passible de mort.

Les tactiques militaires traduisaient une même violence. Lors d’un raid sur une bananeraie, Abdulrahman Ssali a vu des combattants décapiter un couple et repartir, couverts du sang de leurs victimes, avec leurs enfants, leurs poules et leurs chèvres.

Au Mozambique, en novembre, les militants ont transformé un stade de football en terrain d’exécution sur lequel ils ont décapité 50 personnes, selon les médias publics mozambicains.

Après avoir été témoin de ces exactions, Abdulrahman Ssali a décidé de s’échapper. Profitant d’une accalmie lors d’une attaque, il s’est caché dans la végétation avant de marcher pendant sept jours, se nourrissant de racines et buvant de l’eau stagnante, avant de se rendre à l’armée congolaise. Un an plus tard, cette dernière l’a remis aux services de renseignement ougandais.

Il reste hanté par son passage au sein du groupe terroriste et regrette d’avoir laissé sa sœur au camp. « Mon père m’a piégé, je n’ai jamais eu l’intention de rejoindre ces islamistes radicaux, regrette-t-il, les larmes toutes proches. Et maintenant, peut-être que je ne reverrai jamais ma sœur. »

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Marion Issard)

Traduit à partir de la version originale en anglais

Covid : un besoin de 12 milliards pour les pays pauvres d’Afrique

Covid  : un besoin de 12 milliards pour les pays pauvres

L’Afrique aura besoin de 12 milliards de dollars pour s’approvisionner et distribuer les doses de vaccins nécessaires à l’interruption de la circulation du nouveau coronavirus, montre un rapport établi par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Ce document plaide notamment pour une prolongation du moratoire accordé par les pays du G20 sur le remboursement du service de la dette des pays africains et souligne les besoins de ces derniers en terme de liquidités.

Mali: les pays d’Afrique de l’Ouest veulent le rétablissement du président Keïta

Mali: les pays d’Afrique de l’Ouest veulent «le rétablissement» du président Keïta

Ils ont également décidé d’envoyer «immédiatement» une délégation à Bamako, à l’issue d’un sommet extraordinaire.

Les pays voisins du Malide (de  la Cedeao)  ont réclamé jeudi 20 août le «rétablissement» du président Ibrahim Boubacar Keïta renversé par coup d’Etat et ont décidé d’envoyer «immédiatement» une délégation à Bamako, à l’issue d’un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CDEAO sur «la situation au Mali».

«Nous demandons le rétablissement du président Ibrahim Boubacar Keita en tant que président de la République» a déclaré le chef de l’Etat nigérien Mahamadou Issoufou qui assure la présidence de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à la fin d’un sommet virtuel. «Nous décidons de dépêcher immédiatement une délégation de haut niveau pour assurer le retour immédiat de l’ordre constitutionnel», a-t-il ajouté.

«Le Mali est dans une situation critique, avec des risques graves qu’un affaissement de l’Etat et des institutions n’entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, avec toutes les conséquences pour l’ensemble de notre communauté. C’est dire que ce pays a plus que jamais besoin de notre solidarité», a poursuivi le président nigérien, rappelant aux putschistes «leur responsabilité sur la sûreté et la sécurité du président Ibrahim Boubacar Keita et des officiels arrêtés».

La Cédéao va mener des discussions et «faire comprendre aux responsables de la junte militaire que les temps de prise de pouvoir par la force sont révolus dans notre sous-région», a ajouté le président Issoufou, demandant «la mise en oeuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les militaires putschistes et leur partenaires et collaborateurs». La Cédéao a d’ores et déjà condamné le coup d’Etat ayant renversé mardi le président Keïta et suspendu le Mali de ses organes de décision.

 




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