Ukraine : risque d « emballement des prix » des matières premières
Samuel Vandaele, président des Jeunes Agriculteurs, craint ce vendredi soir sur franceinfo un « emballement des prix » des matières premières avec la guerre en Ukraine, notamment pour l’approvisionnement en blé.
Quelles sont les craintes des agriculteurs aujourd’hui ?
Samuel Vandaele : Il y a deux phénomènes en ce moment. Premièrement, on arrive au bout des négociations commerciales, qui ont lieu tous les ans et doivent se conclure au 1er mars. C’est là que va se définir pour l’ensemble des marques nationales, le prix payé aux agriculteurs de l’ensemble de nos produits. Deuxièmemement, il y a le conflit entre l’Ukraine et la Russie qui met beaucoup de doutes, parce que l’ensemble de nos charges, entre autres sur les matières premières, mais aussi sur les produits liés au gaz et au pétrole, risquent d’augmenter. Ces deux phénomènes se conjuguent et créent beaucoup de tensions, de craintes dans le milieu agricole. C’est cet ensemble de matières premières qui augmente énormément et donc qui pourrait fragiliser l’ensemble de notre élevage français.
Les prix du gaz vous inquiètent aussi : pourquoi ?
Il nous inquiète pour plusieurs raisons, pour le chauffage d’un certain nombre de bâtiments d’élevage, mais aussi parce que le gaz est utilisé dans la confection de beaucoup d’intrants comme les engrais et autres, qui ont déjà été multiplié [ndlr : en terme de prix] par trois en six mois. Il n’y a pas de craintes directement pour l’instant sur la pénurie de matières premières. C’est plutôt l’emballement des prix d’achat qui font craindre une forte crise.
Que peut faire Macron pour calmer l’inquiétude du monde agricole ?
C’est difficile de répondre, ce n’est pas seulement lié à la France. On pourrait voir un certain nombre de mesures bloquant un certain nombre de prix, mais c’est très compliqué à mettre en place. D’ailleurs, ça ne concerne pas que les agriculteurs : le gaz et le pétrole, ça concerne l’ensemble de nos concitoyens et de notre industrie française. Ce qu’on attend, c’est une position plutôt de l’Europe pour essayer de calmer, apaiser les tensions. Mais c’est très compliqué, on voit aussi la force de la Russie via Poutine. On espère que ça puisse se calmer. Le président de la République doit inaugurer le Salon de l’Agriculture samedi matin. Il a dit qu’il viendrait que sa visite serait certainement très écourtée, et que le Premier ministre prendrait le relais parce qu’en en état de guerre, il ne pouvait pas rester disponible sur le Salon de l’agriculture toute la journée.
La grande distribution doit-elle faire des efforts pour les prix payés aux agriculteurs, face aux risques de la guerre en Ukraine ?
La loi Egalim2 met en place des contrats pour fixer le prix des matières premières via nos coûts de production. Ceux-ci peuvent varier dans le temps suivant la hausse des matières premières. On attend que ces prix soient clairement fixés, que ces contrats soient correctement établis. On parle de la grande distribution, mais il y a aussi l’échelon intermédiaire, les industriels qui doivent aussi jouer le jeu de remettre la valeur sur produits et payer correctement les producteurs. Il y a de fortes inquiétudes. On a des endroits où on sent que ça se passe plutôt bien, d’autres un peu moins. Tout est très confidentiel parce que ça se passe dans des box de négociations à huis clos. On voit bien que c’est très compliqué parce que la grande distribution veut préserver le pouvoir d’achat des français, les industriels ont aussi un certain nombre de hausses avec les coûts de l’énergie.
On a encore peur que l’agriculture et les agriculteurs soient la variable d’ajustement. Il en va quand même de notre souveraineté alimentaire. On en a beaucoup parlé pendant le Covid. Nous, l’objectif, c’est de garder un maximum d’agriculteurs sur le territoire pour éviter d’avoir des fermes usines.