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L’état d’urgence met l’Etat de droit en question

L’état d’urgence met l’Etat de droit en question 

La frontière entre le droit commun et le régime d’exception se brouille de plus en plus, constate la professeure de droit, Stéphanie Hennette-Vauchez, qui s’inquiète, dans un entretien au « Monde », des conséquences d’une « normalisation » de l’état d’urgence sur les droits et les libertés des citoyens.

Dans La Démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente (Seuil, 224 pages, 19,90 euros), la juriste Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l’université de Nanterre et directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof), estime que, depuis 2015, les états d’urgence liés au terrorisme, puis à la crise sanitaire, ont, en France, durablement « dilué » les frontières entre la démocratie et l’autoritarisme.

Votre ouvrage est très critique sur les états d’urgence liés au terrorisme et à la crise sanitaire que la France a connus depuis 2015. Est-ce à dire que vous contestez le principe même d’un état d’exception ?

Je ne remets pas en cause la légitimité du recours, en temps de crise, à un régime d’exception : je critique la pratique, dans la France contemporaine, des états d’urgence à répétition. Nous avons vécu sous état d’urgence antiterroriste de 2015 à 2017, puis sous état d’urgence sanitaire, à quelques variations près, depuis 2020 : au total, ces périodes représentent quarante-quatre des soixante-quinze mois qui se sont écoulés depuis les attentats de novembre 2015…

Ce régime d’exception a fini par devenir un nouveau paradigme de gouvernement : il est tellement installé dans le paysage politique que les autorités ne le signalent même plus. Avant le deuxième confinement, le 14 octobre 2020, Emmanuel Macron, qui avait signé le matin même le décret rétablissant l’état d’urgence sanitaire, n’a pas prononcé une seule fois ce mot dans son allocution télévisée.

Vous analysez, dans votre livre, l’histoire des états d’exception depuis l’Antiquité. Sur quels principes étaient-ils fondés ?

Ces modèles historiques étaient caractérisés par un principe commun : la suspension de l’ordre juridique normal. Dans l’Antiquité romaine, l’état d’urgence reposait ainsi sur la désignation d’un dictateur qui disposait temporairement des pleins pouvoirs.

La suspension de l’Habeas Corpus anglais, en 1689, ou les lois françaises sur l’état de siège de 1849 ou 1878, reposaient sur une même logique d’écart à la norme. Ce modèle est théorisé, au lendemain de la première guerre mondiale, par le juriste allemand Carl Schmitt [1888-1985] : pendant l’état d’exception, le souverain doit, selon lui, jouir d’une autorité illimitée.

Ces modèles « autoritaires » du passé sont tombés en désuétude après la seconde guerre mondiale. Pourquoi ?

La réticence envers ces régimes d’exception correspond à la montée en puissance du paradigme de l’Etat de droit. Dans les années 1970-1980 s’impose, dans les démocraties occidentales, l’idée que l’action de l’Etat doit être subordonnée au respect de la séparation des pouvoirs, et des libertés individuelles – y compris dans les situations de crise.

 

Pas d ‘écologie sans démocratie

Pas d ‘écologie sans  démocratie 

 

Les changements radicaux exigés par la lutte contre le dérèglement climatique passent par un dialogue démocratique sincère entre citoyens et gouvernants, rappelle la présidente de la Commission nationale du débat public dans une tribune au « Monde ».

 

Depuis vingt-cinq ans, les procédures de participation du public aux décisions n’ont cessé de se multiplier. La loi de 2005, qui institutionnalise le principe du débat public, avait, à l’évidence, une double ambition. Une ambition démocratique tout d’abord : la convention d’Aarhus de 1998 visant à accompagner la transition démocratique des pays de l’Est avait posé le principe de l’association du public aux décisions dans le champ de l’environnement. Et une ambition plus utilitariste : multiplier la participation pour limiter les conflits et contentieux. Pour autant, ce droit de la participation est d’abord une conquête citoyenne. Il n’est pas uniquement né de la volonté des parlementaires.

Dans les années 1990, les conflits se multiplient autour des grands projets. Un groupe de personnes ayant « découvert » par la presse le projet de TGV Méditerranée s’auto-organise pour créer ce qui sera le premier débat public. Ce groupe interroge les pouvoirs publics, collecte de l’information, se forge sa propre opinion sur le projet, organise des débats où chaque personne a le même temps de parole. Cette initiative a clairement inspiré la création de la Commission nationale du débat public (CNDP).

Après vingt-cinq ans d’existence, nous pouvons affirmer que le débat public a un impact réel sur les décisions. Les statistiques l’attestent puisque 58 % des projets sortent profondément modifiés d’un débat public. Nous entretenons un dialogue démocratique quotidien, sur le terrain, ancré dans les territoires grâce aux 150 concertations et débats publics que nous organisons chaque année. Cet historique et cette présence concrète nous permettent de revendiquer une expertise et une expérience unique en matière de participation citoyenne. Nous connaissons les règles à respecter et les erreurs à ne pas commettre. Nous savons que la défiance à l’égard des responsables n’est que le reflet de celle dont ces derniers font preuve à l’égard du public.

Gouverner avec sincérité

La démocratie du quotidien est fragile, et son instrumentalisation politique dangereuse. Elle est fragile, car elle exige que les responsables soient sincères, qu’ils aient réellement l’intention de partager la décision avec le public, que les règles du jeu soient claires, garanties par la loi et par une instance indépendante de toutes les parties prenantes. La démocratie exige des règles et un défenseur de ces règles pour que toute personne ait la confiance qui l’incitera à « jouer le jeu ».

Gouverner autrement, c’est gouverner avec sincérité, avec clarté, avec le plus grand respect de chaque personne y compris les plus fervents opposants. C’est considérer que les bonnes décisions ne sont pas uniquement celles des expertes ou des experts, mais aussi celles nourries de l’expertise du quotidien, celles éclairées par la parole des personnes concernées. Cette exigence démocratique s’impose à toutes les personnes élues comme à l’ensemble des responsables, et notamment à celles et ceux qui se disent expertes ou experts.

La démocratie représentative et la démocratie participative s’enrichissent mutuellement et les responsables politiques de terrain portent de nombreuses initiatives. Par contre, les personnes dites expertes ont une relation plus suspicieuse à l’égard de la démocratie participative considérant que l’expertise est le préalable incontournable à toute bonne décision. Cette République de l’expertise, si puissante en France, renvoie trop souvent une image de défiance, parfois de mépris, à l’égard des publics.




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