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Les inégalités: d’abord culturelles

Les inégalités, d’abord culturelles

Selon une note de France Stratégie, les inégalités se cumulent tout au long de la scolarité des élèves, dès la petite enfance. L’origine sociale joue un rôle déterminant.( papier des Echos)

A l’heure où le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, parle de « choc des savoirs » et de « mettre le paquet » sur les savoirs fondamentaux « à tous les niveaux » scolaires, une étude de France Stratégie, un organisme rattaché à Matignon, montre que les inégalités scolaires se construisent tout au long du parcours des élèves, et pas seulement au primaire.

Dans la fabrique des inégalités, plusieurs facteurs interviennent – le genre, l’ascendance migratoire et l’origine sociale. Mais c’est ce dernier élément qui pèse le plus.

France Stratégie rappelle les résultats de l’étude Pisa : selon les tests réalisés sur des élèves de 15 ans, 107 points séparent un élève d’origine favorisée et un autre d’origine défavorisée dans l’Hexagone. En moyenne dans les pays de l’OCDE, l’écart n’est que de 88 points.

Les inégalités débutent avant l’école. « La petite enfance pose les fondations de ces inégalités de parcours, explique Peggy Furic, l’une des auteures de la note. Les bénéfices des crèches, en termes de développement, sont très positifs et ils sont d’autant plus forts que les enfants sont issus d’une famille défavorisée. Pourtant, ce sont ces derniers qui y ont le moins accès. »

A l’école élémentaire aussi, de nouveaux écarts vont se creuser : la moitié des écarts observés en CM2 étaient déjà observables au CP, selon la note, qui souligne ainsi que « l’autre moitié des écarts résulte donc de disparités apparues entre le CP et le CM2 ».

L’étude ne dit rien, toutefois, des effets des dédoublements des petites classes ni de la scolarisation à trois ans en maternelle. Les élèves arrivent au collège « diversement armés », poursuivent leurs auteures et « le collège unique l’est moins qu’il y paraît », puisque les élèves d’origine défavorisée sont surreprésentés dans les classes relais, dans les Segpa – qui accueillent les enfants en grande difficulté – ou en CAP.

« Un mécanisme cumulatif »

Ces inégalités se creusent au lycée avec le choix des spécialités qui débouchent sur « des poursuites d’études aux rendements différenciés sur le marché du travail », selon France Stratégie. L’enseignement supérieur « prolonge et cristallise les inégalités de parcours construites par un mécanisme d’accumulation ». A niveau scolaire équivalent, des élèves issus de milieux défavorisés vont moins s’orienter vers l’enseignement supérieur, relève l’étude.

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« Les inégalités se construisent donc tout au long du parcours et elles se cumulent à chaque étape et aux moments de l’orientation qui sont vraiment des points de bifurcation », insiste Gilles de Margerie, commissaire générale de France Stratégie. « Il se passe des choses à chaque étape. » « Il y a un mécanisme cumulatif important qui commence très tôt et conduit à mettre le paquet sur le primaire ou à prioriser les étapes précoces de la scolarité, explique Johanna Barasz, l’une des coauteures. Mais il est important de ne pas reporter systématiquement à l’étape précédente la cause des inégalités, il y a une vraie réflexion à mener sur l’articulation entre la priorité au primaire – qu’il faut continuer à alimenter – et les autres étapes de la scolarité, pour résorber les inégalités. »

Cette résorption « dépasse l’enseignement des seuls établissements en éducation prioritaire », conclut-elle. Une donnée non négligeable, alors que la réforme de la carte de l’éducation prioritaire n’a cessé d’être reportée ces dernières années.

Le numérique et les pratiques culturelles

Le numérique et les pratiques culturelles

par
auteur
Emmanuel Vergès
Docteur, Enseignant vacataire en information/communication, spécialité « culture numérique », Aix-Marseille Université (AMU)
Emmanuel Vergès co-dirige l’office à Marseille, structure de recherche et d’ingénierie dans le champ de la coopération culturelle et d’accompagnement dans le champ des transformations digitales de la culture dans The conversation

La crise sanitaire a eu des impacts important sur le secteur culturel, questionnant son caractère essentiel, et révélant l’évolution de la sociologie des publics, leur pratique et le changement des prescripteurs d’offres. La crise à montré la nécessité de penser une transition digitale profonde lié à l’évolution des usages culturels en ligne.

Le virtuel est devenu distanciel avec l’utilisation des outils de visioconférence pour garantir la continuité pédagogique, professionnelle des services publics, là où les écrans et les pratiques numériques étaient jusqu’alors massivement décriés comme des pratiques individualistes. Ces transformations digitales ont un impact sur les métiers, les missions et l’économie du secteur. Comment, dans ces conditions, éviter l’ubérisation massive de la création ? Comment proposer une digitalisation des offres, des créations, des outils de production et de diffusion, tout en garantissant la pérennité de « l’exception culturelle » ?

Une étude du ministère de la Culture réalisée pendant le confinement a révélé de profondes transformations des pratiques culturelles. Le confinement a favorisé le développement de pratiques culturelles amateurs, à domicile et en ligne.

L’étude note trois faits nouveaux par rapport aux analyses antérieures : le réinvestissement des plus jeunes dans les pratiques en amateur (musique, danse, arts graphiques, montage audio et vidéo) : « les 15-24 ans ont le plus développé ces activités pendant le confinement (71 % d’entre eux en ont pratiqué au moins une fois, soit +14 points par rapport à 2018) ».

Ensuite, les écarts sociaux qui étaient constatés dans les pratiques culturelles en présentiel par rapport aux enquêtes antérieures se sont réduits dans les situations en distanciel. Enfin, « l’école à la maison » a favorisé la pratique culturelle au sein de la famille avec l’accès aux ressources numériques culturelles proposées par les institutions et conçues pour les enfants (spectacles, vidéos, jeux, activités artistiques, arts plastiques, etc.) et les propositions pédagogiques d’activités et de consultation faites par les professeurs.

Cette étude vient abonder les enseignements de l’étude décennale sur les pratiques culturelles des Français, qui en 2020 proposait un panorama des évolutions sur les 50 dernières années. L’enquête montrait les limites des politiques de démocratisation de la culture, la difficulté de renouvellement des publics mais faisait par ailleurs le constat que les jeunes générations ont un socle commun de pratiques, avec le développement de pratiques culturelles exclusivement numériques pour 15 % de la population.

La transformation digitale est un processus en cours dans les entreprises depuis plusieurs années. Elle met en travail l’adaptation des outils et des compétences mais aussi l’évolution culturelle du travail de l’entreprise, managériale, économique et stratégique.

Par ailleurs, cette transformation contient des dimensions culturelles très importantes, comme a montré Philippe Breton dès les années 2000 ou Dominique Cardon, en racontant la genèse de ces outils, au croisement des mondes des ingénieurs, des hippies et des entrepreneurs des années 1960. Ces travaux prolongent les analyses importantes de Fred Turner sur l’importance des utopies et des mythes d’une génération dans la création et la diffusion des outils technologiques et des innovations dans les années 1960 à partir de la côte ouest des États-Unis, qui prônait un modèle contre-culturel de société et libéral.

De plus, le secteur culturel intègre les transformations digitales depuis l’émergence de ces technologies : informatisation des bibliothèques ou digitalisation des collections des musées, expérimentations de nouvelles formes de créations artistiques numériques, développement des médiations culturelles digitales à travers les cyberespaces, hackerspaces, fab labs ou tiers-lieux en tout genre, sans parler des NFT ou de la création par des IA.

Pourtant, le développement des pratiques numériques culturelles n’est pas au cœur du travail des structures culturelles (hors du champ spécifique des structures qui produisent et diffusent de l’art numérique). En effet, ces transformations impactent aujourd’hui les équipes et les personnels qui sont directement au contact des publics et donc au contact d’une évolution forte de la pratique culturelle – services de médiation, de relations aux Publics, d’accueil et de communication.

On développe des communications via les réseaux sociaux, de la médiation avec les tablettes ou les smartphones, des visites virtuelles, de la production de ressources en ligne, de la médiation numérique dans les lieux culturels. Mais ces catégories de personnels sont peu présentes dans les instances de pilotage des structures culturelles, ce qui ne facilite pas la conduite de la transformation.
Pour questionner les enjeux stratégiques et penser globalement un pivotage des structures culturelles avec les transformations digitales, nous regardons ce qu’elles font tant aux pratiques, qu’aux compétences et aux lieux et institutions.

Il faut d’abord se pencher sur les publics et les pratiques contributives.

Quelle est la différence entre voir un film en salle de cinéma, sur une plate-forme de VOD ou encore faire un postvidéo sur TikTok ? C’est d’une part le changement de prescripteurs, mais aussi passer d’une pratique culturelle passive à une pratique contributive.. Face à ces évolutions, les professionnels doivent adapter leur offre à ces différents médiums et situations.

Du côté des artistes, cette transformation a d’autres conséquences.

Avec les outils et réseaux numériques, l’artiste devient producteur de son propre outil de travail en ligne, il est son propre prescripteur. La création digitale et l’animation de ses communautés de publics à travers les réseaux sociaux fondent sa légitimité bien plus que sa prescription par un professionnel. Pour cela, il se doit d’être multicompétent, d’être visible en ligne, quel que soit son secteur d’activité – musique, artisanat, cinéma… On pense à Lorraine Sorlet et son travail d’illustration, la Creole pour le monde musical et la mode…

Côté management, le travail culturel et artistique fait intervenir différentes personnes avec des statuts très divers : salariés, auteurs, artistes intermittents, bénévoles… Les transformations digitales impactent très fortement les conditions du travail et de la production et génèrent des différentiels très forts face au télétravail, à la digitalisation des œuvres ou à la prescription algorithmique, dans un contexte de transitions écologiques et financières importantes.

Les dynamiques managériales doivent alors repenser les conditions collectives du travail, par exemple en favorisant l’intelligence collective pour construire en confiance dans les groupes et entre individus, mais aussi l’agilité pour s’ajuster aux situations de transformations qui peuvent arriver de manière imprévisible (comme le confinement par exemple), et être les plus inclusives possibles. La diversité dans les équipes devient alors une réelle « ressource » humaine, au-delà de l’accumulation de compétences.

Cette transformation passe aussi par la création de lieux « indisciplinés » 20 ans après les premiers lieux numériques culturels et les nouveaux territoires de l’art, les tiers-lieux deviennent des lieux de culture et les théâtres ou bibliothèques se remixent. À l’heure des transitions écologiques et sociales, on pourrait imaginer que le théâtre devienne un tiers-lieu, ouvert du matin au soir tout au long de la semaine et de l’année, pour réinventer les fonctions sociales et culturelles de ces lieux sur les territoires. Certains lieux travaillent d’ores et déjà dans cette direction : l’Hotel Pasteur à Rennes, à la Maison des Métallos ou le 104 à Paris, ou encore la Friche de la Belle de mai à Marseille, ou encore la Scène nationale Malraux à Chambéry. Dans ce cadre, le médiateur culturel devient aussi concierge, hôte, community-manager.

Dans la culture, quand on aborde les transformations digitales, on a tendance un peu rapidement à considérer que ce ne sont que les plates-formes – les services de streaming vidéo, de streaming musical… – qui captent l’attention des internautes et des publics, et donc qui en captent la valeur économique. Face à cela, les producteurs institutionnels et privés tendent dès lors à s’organiser différemment avec les Institutions et l’État pour territorialiser la richesse numérique produite. Les acteurs de la culture régissent, avec Tenk, la plate-forme du documentaire lancé en 2016, ou la création de réseaux professionnels comme le TMN LAB ou Hacnum… (De la coopération culturelle à la culture de la coopération, Futurs Communs)
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Le rapport du Conseil d’analyse économique de février 2022 engage à une transformation profonde et collective des modes de production de ce qu’est la culture, dans une société mondialisée et digitalisée. : Avec le digital, le terme « culture » recouvre à la fois les œuvres et l’art, mais aussi nos pratiques, c’est-à-dire ce que nous faisons, chacune et chacun de nous, sur nos écrans quand on poste, swipe, like, ou commente…

La transformation digitale de la culture ne met pas seulement en jeu l’évolution des compétences des professionnels mais aussi les manières de penser les pratiques et les offres culturelles, dans un contexte d’évolution profonde et de lente érosion de la fréquentation des lieux d’art.

Cet article a été co-écrit avec Marie Picard, directrice artistique et media-designer aux Ateliers Pixelle. Elle expérimente auprès d’organismes publics et privés les nouvelles pratiques éditoriales et de création de contenu.

« La verticalité des institutions culturelles en cause

« La verticalité des institutions culturelles en cause

L’économiste Xavier Greffe constate, dans une tribune au « Monde », que création et pratiques culturelles se déploient dans de nouvelles dimensions de l’espace et du temps qui, renforcées par le confinement, ne correspondent plus à l’ancien monde « vertical ».

Tribune. 

 

Pourquoi la culture, dont l’importance économique est proclamée depuis des décennies, se trouve-t-elle marginalisée sitôt la première crise venue ? L’analyse de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les poids des activités culturelles par pays témoigne pourtant de cette importance en distinguant les secteurs culturels au sens traditionnel, de l’empreinte des compétences culturelles mobilisées dans nos sociétés quel que soit le secteur économique considéré : spectacle vivant, patrimoine, audiovisuel, mais aussi métiers d’art, design créatif, artisanat, luxe, mode et textiles, ameublements, jouets, etc.

En France, le secteur culturel au sens traditionnel atteignait en 2012 (dernière année normalisée) 3,89 % du PIB, 3,74 % de l’emploi et 1,8 % des exportations, chiffres comparables à ceux des autres pays, exception culturelle ou pas. En revanche, l’empreinte culturelle totale représentait 7,02 % du PIB, 7,49 % de l’emploi et 11,4 % des exportations (« La performance économique des secteurs fondés sur le droit d’auteur », OMPI, 2016).

Cela n’enlève évidemment rien aux pertes subies par les lieux de spectacle vivant, les musées et les salles de cinéma. A ceci près que le confinement a fait apparaître au grand jour des tendances qui se manifestaient depuis plusieurs années et que l’on tend trop vite à occulter en pensant que tout recommencera demain à l’image de ce qui vient d’être interrompu.

Sans doute est-ce dans le domaine de l’audiovisuel que les transformations sont les plus fortes, avec l’explosion du streaming (Netflix a pris trois ans d’avance sur son plan de développement pendant le premier confinement), les performances exceptionnelles des jeux vidéo, la croissance des achats de home cinéma et, plus récemment, le glas de la chronologie des médias, lorsque Warner Bros a décidé de sortir les nouvelles œuvres sur les plates-formes de streaming en même temps que dans les salles.

Mais l’effondrement, peut être durable, du tourisme international obligera aussi les musées à conquérir des publics de proximité en trouvant dans les médias sociaux de nouveaux leviers. Et derrière les difficultés du spectacle vivant, déjà anciennes mais occultée par la montée des festivals, des modèles d’affaires plus soutenables pour les artistes et plus accessibles pour les audiences sont apparus nécessaires.

Le modèle du « flot »

Ces indices témoignent surtout d’une transformation encore plus profonde de nos pratiques et de notre consommation. Le modèle qui a fondé notre politique culturelle (et les équilibres économiques qui en découlent) s’est organisé autour d’une approche cathartique de la culture, celle d’André Malraux nous invitant à élever nos âmes au contact d’œuvres d’art majeures, héritées ou vivantes. On peut y ajouter qu’à l’égal d’autres pays mais de manière très centralisée, notre volonté d’éducation esthétique pour tous nous a conduits à faire reculer les limites que le marché a opposées à la création des uns et à l’accès des autres.




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