Consommation: Le prix est devenu critère majeur
Face à l’inflation en particulier dans le domaine alimentaire le prix est devenu le critère central pour les consommateurs estime le président d’Intermarché. Interview dans la Tribune.
Le prix reste-t-il déterminant, même si l’inflation a diminué de 0,5 % en septembre ?
Il demeure sans discussion le critère absolu pour les consommateurs. Un signe parmi d’autres : les clients se rendaient en moyenne dans 4,2 enseignes distinctes en 2013. Ce chiffre est monté à 8 dix ans plus tard. Les consommateurs sont plus que jamais à l’affût des meilleures offres, quel que soit le type de magasin.
Face à l’inflation, comment le comportement des consommateurs a-t-il évolué ?
Ils font leurs courses plus souvent. Et diminuent leurs achats d’environ 5 %. Certaines familles de produits sont plus touchées, comme le poisson, en baisse de 10 à 15 %, ou la viande, qui diminue de 5 %. Les produits d’hygiène, dont le shampoing ou le dentifrice, accusent entre 4 % et 8 % de baisse.
Le fossé se creuse-t-il entre les différents acteurs de la grande distribution ?
Les indépendants – Leclerc, Système U, Intermarché – restent très proches les uns des autres, avec des écarts sur les étiquettes de 0 à 4 %. Les groupes intégrés sont généralement 10 % à 20 % plus chers.
Le coût du carburant est un sujet majeur pour les Français. Où en êtes-vous après l’échec de la vente à perte suggérée par le gouvernement ?
Cette idée n’était pas économiquement viable. Le poids du carburant dans le chiffre d’affaires des enseignes du secteur est trop important. Il représente, selon les supermarchés du groupement, de 30 % à 50 % des ventes. Et de 10 % à 15 % pour un hyper. Nous avons 1 642 stations-service, soit une tous les 17 kilomètres.
Nous vendons 6 milliards de litres de carburant par an, pour 11,5 milliards d’euros. Proposer de vendre le carburant à prix coûtant ponctuellement était plus responsable. Les Français font en moyenne un plein tous les quinze jours. Nous nous sommes alignés sur cette fréquence. Le pouvoir d’achat et l’inflation sont des sujets qui doivent être partagés par tous, acteurs économiques et pouvoirs publics. Or les pétroliers nous vendent le carburant en encaissant une marge de 15 %. Cette dernière doit être une variable d’ajustement.
Les Mousquetaires sont aussi producteurs. Baissez-vous vos prix sur vos produits ?
Notre outil industriel, avec 56 usines en France, nous le permet. Nous proposons de la viande ou du poisson de qualité à moins de 10 euros. Ce que les grandes multinationales n’ont pas voulu consentir comme effort, nous l’avons fait. Avec succès. Nous avons gagné 500 000 nouveaux clients depuis le début de l’année. C’est énorme.
Les multinationales continuent-elles d’augmenter leurs prix ?
Les PME jouent le jeu. Pas les multinationales. Au contraire : elles ont déjà augmenté leurs prix de 20 % à 25 %. Et annoncent des hausses supplémentaires de 10 % !
Comment réagissez-vous ?
On dit stop. On sélectionne les assortiments et on diminue le nombre de références des marques qui ne jouent pas le jeu. C’est le seul moyen de baisser le coût du panier du consommateur. Kellogg’s ou Unilever sont les champions de l’augmentation des prix. Seules leurs marges comptent, même s’ils mettent en avant leurs coûts de production. Comme Les Mousquetaires ont des usines en France, nous les connaissons aussi bien qu’eux. Le poids des dépenses alimentaires dans le budget des Français a bondi de 12 % à 16 % en trois ans. S’il ne redescend pas à 13 % ou 14 %, de multiples filières agricoles souffriront des conséquences. Notre mission collective doit être de limiter ces hausses pour préserver le pouvoir d’achat des Français.
Les Restos du Cœur annoncent devoir pour la première fois refuser du monde. Allez-vous les aider ?
Les Mousquetaires ont une responsabilité sociétale, avec 150 000 salariés et 3 000 chefs d’entreprise. Nous avons donné 1 million d’euros de produits aux Restos du Cœur, nos partenaires depuis trente ans. Si tous les industriels et acteurs économiques s’y mettent, la précarité sera vaincue. Et les Restos auront les millions d’euros qui leur manquent. Il faut une « union sacrée ». ■