Archive pour le Tag 'crise'

Page 3 sur 55

Pourquoi une crise immobilière

Pourquoi une crise immobilière (Xavier Lépine)

Xavier Lépine, président de l’Institut de l’Épargne immobilière et foncière (IEIF), revient sur la crise qui secoue la crise immobilière dans la Tribune

Xavier Lépine A l’heure des injonctions plus contradictoires que jamais – le logement est inabordable pour une partie croissante de la population, les coûts d’adaptation aux dérèglements climatiques sont monstrueux, reconstruire la ville sur la ville – Patrice Vergriete, par la hauteur de vue qu’il amènera, est « l’homme » de la situation. Je n’ai qu’un seul grand regret, que son ministère ne soit que celui du logement et non pas celui de l’immobilier. A l’heure où l’avenir du bureau est questionné, où de très nombreux Français travaillent partiellement de chez eux, où l’immobilier de l’Etat est une partie intégrante de la solution, de mon point de vue, il me semble évident que les barrières des usages sont floutées et qu’une approche plus holistique de l’immobilier (résidentiel et tertiaire) serait plus efficace.


Au-delà de ces mouvements gouvernementaux, faut-il s’attendre à une crise immobilière de grande ampleur ?

L’immobilier est un temps long, très long. Et ce qui arrive aujourd’hui est la conséquence de ce qu’on appelle en mathématiques le modèle de Reasons, c’est-à-dire une accumulation d’événements parfois lointains, sans conséquences systémiques lorsqu’ils sont pris isolément, mais qui provoquent un accident « vital » par leur simple accumulation. Nous sommes entrés dans une crise structurelle qui est la conséquence de quarante années de politique du logement qui n’a fait que creuser les inégalités au lieu de les réduire. Nous sommes en effet dans une situation où en vingt ans les prix de l’immobilier ont doublé alors que les revenus n’ont augmenté que de 30% ; et sur 40 ans ils sont multipliés par 12 alors que les revenus n’ont augmenté que de 5 fois. Un mètre carré reste toujours un m² et le « logement » est devenu dysfonctionnel. Insuffisance de l’offre, vieillissement de la population, décohabitation… C’est vrai partout dans le monde et partout dans le monde il y a ce décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus où la valeur d’usage (loyer) n’a plus de relation avec la valeur d’échange (prix). Mais la France a particulièrement échoué, faute d’avoir su faire évoluer ses modèles (notamment d’avoir accepté de faire des financements à 25 ans avec des taux d’intérêts proches de zéro alors que l’offre de logement était insuffisante) et d’avoir trop politisé le débat sur le thème logement social versus privé.

Les politiques publiques en matière d’immobilier sont pourtant très volontaristes, avec des budgets conséquents. Pourquoi jugez-vous aussi sévèrement l’action de l’État ?

Nous avons eu après la Seconde guerre mondiale, et pendant près de quarante ans, une politique du logement extrêmement inclusive et bénéfique pour la population. Une succession de lois novatrices, disruptives, ont permis de lancer la machine. La loi de 1948 a certes limité la hausse des loyers mais après les avoir multiplié par trois pour rattraper l’inflation de l’occupation des années 1940 et relancer l’entretien des immeubles. Elle a permis également de développer la copropriété – renforcée à partir de 1965 – qui existait pourtant depuis le Code Napoléon. De même, pour solvabiliser la demande, a été créé le crédit immobilier à taux fixe, que tout le monde nous envie, avec une décision politique très forte à l’origine, celle de ne pas rémunérer les dépôts bancaires et pendant longtemps le monopole du crédit foncier permettant ainsi de « fixer » le coût de l’argent et par la même une très forte visibilité financière pour les ménages. Même la loi Malraux de 1962 sur les monuments historiques a permis de réduire considérablement l’insalubrité, ce qui pourrait d’ailleurs inspirer le gouvernement en matière d’isolation thermique. Enfin, la loi de 1967 a permis de développer un métier qui n’existait pas vraiment en France, celui de promoteur immobilier, pour répondre à une demande qui augmentait en flèche. Cinq ans après les rapatriements d’Algérie et surtout l’impact du baby-boom, les enfants nés par millions – 1 million par année- en 1945 ayant 22 ans en 1967 ! Et toute l’originalité française a été d’inventer la VEFA – la vente en l’état futur d’achèvement – pour développer une activité extrêmement capitalistique sans capitaux propres … à la différence des modèles anglo-saxon des REITS (promoteurs et partiellement investisseurs). Ce sont toutes des décisions extrêmement fortes, courageuses même, qui font que nous sommes passés d’une France de quelques pourcents de propriétaires en ville à une France de 58% de propriétaires. Ce qui reste en-dessous aujourd’hui de la moyenne européenne (70% en Europe avec les deux pays les plus riches d’Europe Suisse – 40% – Allemagne 50% très en dessous de la moyenne) car c’est un pourcentage qui n’augmente que marginalement depuis des années.

A partir de quand alors la politique en matière de logement a pris, selon vous, un mauvais tournant ?

L’arrêt de la convertibilité du dollar en or juillet 1971 – de fait la fin des accords de Bretton Woods – ont créé un nouveau monde et signé la fin des Trente Glorieuses, avec des monnaies instables, le triplement du prix du pétrole en 1973 – le dollar ce n’est plus de l’or et les pays producteurs l’avaient bien compris ! -, des taux d’intérêt qui grimpent, une forte inflation, du chômage et … des faillites de promoteurs en cascade. Puis une série de lois, toutes vertueuses au démarrage, a plutôt involontairement aggravé la situation. En tête, la loi de décentralisation de 1982 qui a donné le pouvoir de construire au maire avant qu’il ne s’aperçoive au bout de quelques années qu’il fallait plutôt faire moins de résidentiel et plus de bureaux pour être réélu. Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu’elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l’État a sauvé la construction de logements, cela s’est traduit par une hausse des prix. C’était vrai pour le Perissol, c’était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix. La loi SRU de 2000 qui impose des quotas de logements sociaux a finalement malheureusement contribué à alimenter les prix du secteur libre.

Cette situation a empiré depuis les années 2000 : forte croissance mondiale très peu inflationniste avec l’arrivée de la Chine dans l’OMC, les taux d’intérêt baissent, les banques allongent la durée des crédits et les prix de l’immobilier explosent. Tout un système économique, social et fiscal dans un contexte de mondialisation qui fait qu’au total, le PIB nominal de la France a été multiplié par 7 en l’espace de quarante ans alors que la création monétaire l’a été de 50 fois. Concrètement, l’excès de croissance monétaire s’est répercuté sur les actifs, financiers bien sûr, mais également le prix de l’immobilier qui s’est envolé alors que les salaires ne suivaient que l’inflation général des prix à la consommation.

Quelle devrait être la réponse de l’État, selon vous ?

Nous avons souvent des réponses fiscales ou circonstancielles comme celles sur les meublés touristiques. Tout ceci est très cosmétique. Il serait grand temps de tout mettre sur la table et de voir vraiment ce qui marche et ce qui ne marche plus et l’État ne peut pas tout faire ; mais il peut être facilitateur. Il n’y a pas de solution unique mais un ensemble de réflexions profondes à mener. Les rénovations thermiques ne sont pas dans les moyens financiers de nombreux propriétaires alors même que l’immobilier est souvent très cher ; profitons de cette situation, l’immobilier peut servir de garantie pour autofinancer les travaux de rénovation énergétique via des prêts avance rénovation dont le capital serait remboursé lors de la mutation. Tous les jours, nous entendons de multiples petites voix qui nous disent que des centaines de milliers de logements ne seront plus louables faute d’avoir la bonne lettre (DPE)… et par ailleurs il faut démultiplier les logements sociaux… Proposons aux bailleurs privés de financer leurs travaux de rénovation en contrepartie d’un engagement à louer à des locataires éligibles au logement social (avec garantie locative). En contrepartie d’une baisse du loyer, nous adaptons le principe, déjà existant, d’un amortissement sur le bien. Cela soulage les organismes de logements sociaux et créé une mixité sociale beaucoup plus forte à l’intérieur des immeubles et nettement moins de coûts pour la collectivité.

Lire aussi
Rénovation énergétique des copropriétés : quand les travaux virent au casse-tête

Et quid des millions de mètres carrés de bureaux obsolètes ?

4 millions de m² de bureaux obsolètes rien qu’en région parisienne, 1,5 millions (3% du stock) de m² de plus chaque année… L’équation financière pour en transformer une partie en logements fonctionne de mieux en mieux car le prix des immeubles obsolètes est en train de chuter, mais se heurte à une lenteur, voire à une opposition de très nombreuses municipalités. A l’heure du ZAN, du recyclage urbain et de la lutte pour le climat c’est plus que choquant. Certains pays ont décidé d’accélérer le processus en réduisant le dispositif juridique à une autorisation de travaux. Nous avons historiquement su être les leaders de l’innovation en matière de logement, retrouvons cette dynamique en associant toutes les parties prenantes au service du logement durable pour tous : élus, règlementation, banques pour financer, investisseurs où chacun doit y trouver son intérêt.

Les banques et les assureurs pourraient-ils jouer un rôle plus important ?

Les banques prêtent moins car le crédit immobilier n’est pas un produit très rentable. Mais la dernière innovation financière dans le domaine du crédit immobilier remonte à 70 ans avec le crédit à taux fixe. Je suis frappé par le conservatisme du système bancaire dans ce domaine. Il existe pourtant une très grande variété de solutions financières. Par exemple, nous pouvons envisager que les propriétaires, qui sont généralement âgés, souscrivent un prêt avance mutation – remboursé au moment du décès – pour financer non seulement les travaux d’isolation thermique mais aussi transmettre par anticipation une fraction de leur héritage et permettre ainsi à leurs enfants ou petits-enfants d’avoir l’apport nécessaire pour acquérir leur logement. Nous parlons beaucoup de la solidarité intergénérationnelle en faveur des seniors mais l’inverse doit exister dans une société où le prix n’est plus accessible pour la majorité des générations montantes. C’est autorisé en France depuis la loi de 2006 mais les banques ne le font pas. Elles sont sans doute effrayées par les excès américains qui ont conduit aux subprimes, leur devoir de conseil sur ces montages et les possibles recours des héritiers. Mais il faut rappeler que le patrimoine immobilier des Français est de 8.000 milliards et est de plus en plus concentré, une aberration économique ! La vertu est au milieu des extrêmes et de nombreux pays proposent ce type de système en les encadrant.

Vous venez de créer une start-up, Neoproprio, qui remet au gout du jour le bail emphytéotique. A quel besoin cela répond-t-il ?

Il faut en effet de nouvelles voies pour débloquer un marché du logement devenu dysfonctionnel. Nous partons d’un constat : il est devenu presque impossible d’accéder à la propriété dans une grande ville. Ne rêvons pas, les prix du neuf comme de l’ancien ne vont pas baisser de 30%, les taux d’intérêts ne reviendront pas de sitôt à 1%, les coûts d’adaptation du logement au dérèglement climatique ne vont pas faire baisser les prix, le foncier continuera d’être rare… Les constructeurs automobiles ont su répondre à cette problématique en proposant « d’acheter en location » en proposant un coût abordable et largement choisi de manière optionnelle par l’acquéreur (apport, durée, option d’achat…) sur un bien dont la valeur résiduelle ne fait que baisser pour terminer à zéro. Neoproprio, c’est l’adaptation, via le concept d’un bail emphytéotique complété par des contrats, au logement… Un bien qui, à la différence essentielle d’une voiture, généralement s’apprécie dans le temps.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Nous proposons donc de libérer l’accès à la propriété, le dispositif permet de réduire d’un bon 30% le coût mensuel d’acquisition qui devient ainsi très comparable à un loyer. En acquérant son logement pour une durée de 25 ans à moitié prix et bénéficiant d’un engagement de rachat à tout moment, le néopropriétaire a ainsi la certitude de récupérer lors de la revente une part substantielle des mensualités qu’il aura payées : la différence entre le prix de rachat minimum garanti et le remboursement – anticipé – du principal restant dû du crédit immobilier qu’il aura contracté lors de l’acquisition. Une épargne – l’équivalent de trois ans de loyers s’il décide de déménager au terme de dix ans – qui peut alors servir d’apport personnel pour une autre acquisition.

Entre l’État qui subventionne et les banques qui fournissent le crédit, l’intervention d’une foncière dans l’équation permet, de manière rentable pour toutes les parties, de sortir de l’impasse actuelle ! L’immobilier peut constituer un formidable levier pour l’économie et la réduction des inégalités mais il doit être repensé de manière plus financière et moins obsessionnelle. Paradoxalement aux idées généralement reçues, c’est l’insuffisance d’innovations financières dans le secteur du logement alors que le monde s’est financiarisé qui est en partie responsable de la hausse disproportionnée des prix du logement. C’est précisément ce que nous proposons aux investisseurs institutionnels : investir dans le résidentiel de manière rentable avec un impact sociétal très puissant et noble, redonner l’accès à la propriété de leur logement à des générations entières via un partage du risque et de la rentabilité équilibré entre les deux parties.

Les raisons de la crise immobilière (Xavier Lépine)

Les raisons de la crise immobilière (Xavier Lépine)

Xavier Lépine, président de l’Institut de l’Épargne immobilière et foncière (IEIF), revient sur la crise qui secoue la crise immobilière dans la Tribune

Xavier Lépine A l’heure des injonctions plus contradictoires que jamais – le logement est inabordable pour une partie croissante de la population, les coûts d’adaptation aux dérèglements climatiques sont monstrueux, reconstruire la ville sur la ville – Patrice Vergriete, par la hauteur de vue qu’il amènera, est « l’homme » de la situation. Je n’ai qu’un seul grand regret, que son ministère ne soit que celui du logement et non pas celui de l’immobilier. A l’heure où l’avenir du bureau est questionné, où de très nombreux Français travaillent partiellement de chez eux, où l’immobilier de l’Etat est une partie intégrante de la solution, de mon point de vue, il me semble évident que les barrières des usages sont floutées et qu’une approche plus holistique de l’immobilier (résidentiel et tertiaire) serait plus efficace.


Au-delà de ces mouvements gouvernementaux, faut-il s’attendre à une crise immobilière de grande ampleur ?

L’immobilier est un temps long, très long. Et ce qui arrive aujourd’hui est la conséquence de ce qu’on appelle en mathématiques le modèle de Reasons, c’est-à-dire une accumulation d’événements parfois lointains, sans conséquences systémiques lorsqu’ils sont pris isolément, mais qui provoquent un accident « vital » par leur simple accumulation. Nous sommes entrés dans une crise structurelle qui est la conséquence de quarante années de politique du logement qui n’a fait que creuser les inégalités au lieu de les réduire. Nous sommes en effet dans une situation où en vingt ans les prix de l’immobilier ont doublé alors que les revenus n’ont augmenté que de 30% ; et sur 40 ans ils sont multipliés par 12 alors que les revenus n’ont augmenté que de 5 fois. Un mètre carré reste toujours un m² et le « logement » est devenu dysfonctionnel. Insuffisance de l’offre, vieillissement de la population, décohabitation… C’est vrai partout dans le monde et partout dans le monde il y a ce décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus où la valeur d’usage (loyer) n’a plus de relation avec la valeur d’échange (prix). Mais la France a particulièrement échoué, faute d’avoir su faire évoluer ses modèles (notamment d’avoir accepté de faire des financements à 25 ans avec des taux d’intérêts proches de zéro alors que l’offre de logement était insuffisante) et d’avoir trop politisé le débat sur le thème logement social versus privé.

Les politiques publiques en matière d’immobilier sont pourtant très volontaristes, avec des budgets conséquents. Pourquoi jugez-vous aussi sévèrement l’action de l’État ?

Nous avons eu après la Seconde guerre mondiale, et pendant près de quarante ans, une politique du logement extrêmement inclusive et bénéfique pour la population. Une succession de lois novatrices, disruptives, ont permis de lancer la machine. La loi de 1948 a certes limité la hausse des loyers mais après les avoir multiplié par trois pour rattraper l’inflation de l’occupation des années 1940 et relancer l’entretien des immeubles. Elle a permis également de développer la copropriété – renforcée à partir de 1965 – qui existait pourtant depuis le Code Napoléon. De même, pour solvabiliser la demande, a été créé le crédit immobilier à taux fixe, que tout le monde nous envie, avec une décision politique très forte à l’origine, celle de ne pas rémunérer les dépôts bancaires et pendant longtemps le monopole du crédit foncier permettant ainsi de « fixer » le coût de l’argent et par la même une très forte visibilité financière pour les ménages. Même la loi Malraux de 1962 sur les monuments historiques a permis de réduire considérablement l’insalubrité, ce qui pourrait d’ailleurs inspirer le gouvernement en matière d’isolation thermique. Enfin, la loi de 1967 a permis de développer un métier qui n’existait pas vraiment en France, celui de promoteur immobilier, pour répondre à une demande qui augmentait en flèche. Cinq ans après les rapatriements d’Algérie et surtout l’impact du baby-boom, les enfants nés par millions – 1 million par année- en 1945 ayant 22 ans en 1967 ! Et toute l’originalité française a été d’inventer la VEFA – la vente en l’état futur d’achèvement – pour développer une activité extrêmement capitalistique sans capitaux propres … à la différence des modèles anglo-saxon des REITS (promoteurs et partiellement investisseurs). Ce sont toutes des décisions extrêmement fortes, courageuses même, qui font que nous sommes passés d’une France de quelques pourcents de propriétaires en ville à une France de 58% de propriétaires. Ce qui reste en-dessous aujourd’hui de la moyenne européenne (70% en Europe avec les deux pays les plus riches d’Europe Suisse – 40% – Allemagne 50% très en dessous de la moyenne) car c’est un pourcentage qui n’augmente que marginalement depuis des années.

A partir de quand alors la politique en matière de logement a pris, selon vous, un mauvais tournant ?

L’arrêt de la convertibilité du dollar en or juillet 1971 – de fait la fin des accords de Bretton Woods – ont créé un nouveau monde et signé la fin des Trente Glorieuses, avec des monnaies instables, le triplement du prix du pétrole en 1973 – le dollar ce n’est plus de l’or et les pays producteurs l’avaient bien compris ! -, des taux d’intérêt qui grimpent, une forte inflation, du chômage et … des faillites de promoteurs en cascade. Puis une série de lois, toutes vertueuses au démarrage, a plutôt involontairement aggravé la situation. En tête, la loi de décentralisation de 1982 qui a donné le pouvoir de construire au maire avant qu’il ne s’aperçoive au bout de quelques années qu’il fallait plutôt faire moins de résidentiel et plus de bureaux pour être réélu. Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu’elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l’État a sauvé la construction de logements, cela s’est traduit par une hausse des prix. C’était vrai pour le Perissol, c’était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix. La loi SRU de 2000 qui impose des quotas de logements sociaux a finalement malheureusement contribué à alimenter les prix du secteur libre.

Cette situation a empiré depuis les années 2000 : forte croissance mondiale très peu inflationniste avec l’arrivée de la Chine dans l’OMC, les taux d’intérêt baissent, les banques allongent la durée des crédits et les prix de l’immobilier explosent. Tout un système économique, social et fiscal dans un contexte de mondialisation qui fait qu’au total, le PIB nominal de la France a été multiplié par 7 en l’espace de quarante ans alors que la création monétaire l’a été de 50 fois. Concrètement, l’excès de croissance monétaire s’est répercuté sur les actifs, financiers bien sûr, mais également le prix de l’immobilier qui s’est envolé alors que les salaires ne suivaient que l’inflation général des prix à la consommation.

Quelle devrait être la réponse de l’État, selon vous ?

Nous avons souvent des réponses fiscales ou circonstancielles comme celles sur les meublés touristiques. Tout ceci est très cosmétique. Il serait grand temps de tout mettre sur la table et de voir vraiment ce qui marche et ce qui ne marche plus et l’État ne peut pas tout faire ; mais il peut être facilitateur. Il n’y a pas de solution unique mais un ensemble de réflexions profondes à mener. Les rénovations thermiques ne sont pas dans les moyens financiers de nombreux propriétaires alors même que l’immobilier est souvent très cher ; profitons de cette situation, l’immobilier peut servir de garantie pour autofinancer les travaux de rénovation énergétique via des prêts avance rénovation dont le capital serait remboursé lors de la mutation. Tous les jours, nous entendons de multiples petites voix qui nous disent que des centaines de milliers de logements ne seront plus louables faute d’avoir la bonne lettre (DPE)… et par ailleurs il faut démultiplier les logements sociaux… Proposons aux bailleurs privés de financer leurs travaux de rénovation en contrepartie d’un engagement à louer à des locataires éligibles au logement social (avec garantie locative). En contrepartie d’une baisse du loyer, nous adaptons le principe, déjà existant, d’un amortissement sur le bien. Cela soulage les organismes de logements sociaux et créé une mixité sociale beaucoup plus forte à l’intérieur des immeubles et nettement moins de coûts pour la collectivité.

Lire aussi
Rénovation énergétique des copropriétés : quand les travaux virent au casse-tête

Et quid des millions de mètres carrés de bureaux obsolètes ?

4 millions de m² de bureaux obsolètes rien qu’en région parisienne, 1,5 millions (3% du stock) de m² de plus chaque année… L’équation financière pour en transformer une partie en logements fonctionne de mieux en mieux car le prix des immeubles obsolètes est en train de chuter, mais se heurte à une lenteur, voire à une opposition de très nombreuses municipalités. A l’heure du ZAN, du recyclage urbain et de la lutte pour le climat c’est plus que choquant. Certains pays ont décidé d’accélérer le processus en réduisant le dispositif juridique à une autorisation de travaux. Nous avons historiquement su être les leaders de l’innovation en matière de logement, retrouvons cette dynamique en associant toutes les parties prenantes au service du logement durable pour tous : élus, règlementation, banques pour financer, investisseurs où chacun doit y trouver son intérêt.

Les banques et les assureurs pourraient-ils jouer un rôle plus important ?

Les banques prêtent moins car le crédit immobilier n’est pas un produit très rentable. Mais la dernière innovation financière dans le domaine du crédit immobilier remonte à 70 ans avec le crédit à taux fixe. Je suis frappé par le conservatisme du système bancaire dans ce domaine. Il existe pourtant une très grande variété de solutions financières. Par exemple, nous pouvons envisager que les propriétaires, qui sont généralement âgés, souscrivent un prêt avance mutation – remboursé au moment du décès – pour financer non seulement les travaux d’isolation thermique mais aussi transmettre par anticipation une fraction de leur héritage et permettre ainsi à leurs enfants ou petits-enfants d’avoir l’apport nécessaire pour acquérir leur logement. Nous parlons beaucoup de la solidarité intergénérationnelle en faveur des seniors mais l’inverse doit exister dans une société où le prix n’est plus accessible pour la majorité des générations montantes. C’est autorisé en France depuis la loi de 2006 mais les banques ne le font pas. Elles sont sans doute effrayées par les excès américains qui ont conduit aux subprimes, leur devoir de conseil sur ces montages et les possibles recours des héritiers. Mais il faut rappeler que le patrimoine immobilier des Français est de 8.000 milliards et est de plus en plus concentré, une aberration économique ! La vertu est au milieu des extrêmes et de nombreux pays proposent ce type de système en les encadrant.

Vous venez de créer une start-up, Neoproprio, qui remet au gout du jour le bail emphytéotique. A quel besoin cela répond-t-il ?

Il faut en effet de nouvelles voies pour débloquer un marché du logement devenu dysfonctionnel. Nous partons d’un constat : il est devenu presque impossible d’accéder à la propriété dans une grande ville. Ne rêvons pas, les prix du neuf comme de l’ancien ne vont pas baisser de 30%, les taux d’intérêts ne reviendront pas de sitôt à 1%, les coûts d’adaptation du logement au dérèglement climatique ne vont pas faire baisser les prix, le foncier continuera d’être rare… Les constructeurs automobiles ont su répondre à cette problématique en proposant « d’acheter en location » en proposant un coût abordable et largement choisi de manière optionnelle par l’acquéreur (apport, durée, option d’achat…) sur un bien dont la valeur résiduelle ne fait que baisser pour terminer à zéro. Neoproprio, c’est l’adaptation, via le concept d’un bail emphytéotique complété par des contrats, au logement… Un bien qui, à la différence essentielle d’une voiture, généralement s’apprécie dans le temps.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Nous proposons donc de libérer l’accès à la propriété, le dispositif permet de réduire d’un bon 30% le coût mensuel d’acquisition qui devient ainsi très comparable à un loyer. En acquérant son logement pour une durée de 25 ans à moitié prix et bénéficiant d’un engagement de rachat à tout moment, le néopropriétaire a ainsi la certitude de récupérer lors de la revente une part substantielle des mensualités qu’il aura payées : la différence entre le prix de rachat minimum garanti et le remboursement – anticipé – du principal restant dû du crédit immobilier qu’il aura contracté lors de l’acquisition. Une épargne – l’équivalent de trois ans de loyers s’il décide de déménager au terme de dix ans – qui peut alors servir d’apport personnel pour une autre acquisition.

Entre l’État qui subventionne et les banques qui fournissent le crédit, l’intervention d’une foncière dans l’équation permet, de manière rentable pour toutes les parties, de sortir de l’impasse actuelle ! L’immobilier peut constituer un formidable levier pour l’économie et la réduction des inégalités mais il doit être repensé de manière plus financière et moins obsessionnelle. Paradoxalement aux idées généralement reçues, c’est l’insuffisance d’innovations financières dans le secteur du logement alors que le monde s’est financiarisé qui est en partie responsable de la hausse disproportionnée des prix du logement. C’est précisément ce que nous proposons aux investisseurs institutionnels : investir dans le résidentiel de manière rentable avec un impact sociétal très puissant et noble, redonner l’accès à la propriété de leur logement à des générations entières via un partage du risque et de la rentabilité équilibré entre les deux parties.

Malaise de la police: conséquence d’une grave crise de d’autorité et de légitimité du politique

Malaise de la police: conséquence d’une grave crise de d’autorité et de légitimité du politique


Au-delà des faits particuliers qui font émerger des contradictions entre le pouvoir politique et la justice, ressurgit le vrai problème de la crise d’autorité et de légitimité du politique.

L’autorité républicaine est en effet en pleine déliquescence et cela depuis des années. Progressivement, on a autorisé des prises de distance avec les règles qui conditionnent la vie en société. Tout commence souvent à l’intérieur des familles incapables de transmettre les valeurs de base puis se prolonge à l’école ou le pédagogisme a triomphé non seulement des programmes mais aussi de la discipline. La lâche suppression du service militaire a terminé le travail de destruction des liens sociétaux. Par parenthèse ce qui a transformé l’armée française en armée échantillonnaire qui serait vite balayée dans le cadre d’un conflit comme celui entre la Russie et l’Ukraine. Pour preuve nos reculs successifs en Afrique face à des ennemis pourtant de moindre importance. L’ensemble de la société s’est finalement accommodé de cette prise de distance avec les règles qui permettent de concilier liberté individuelle et libertés collectives.

La police est mise en cause mais c’est l’État tout entier qui est sur la sellette en raison d’absence d’orientation claire, de moyens et de cohérence.

Le problème de fond, c’est que le politique n’a plus de légitimité. Pour preuve, plus de 50 % des électeurs refusent désormais de voter et nos élus à tous les niveaux sont souvent choisis avec un socle d’électeurs de l’ordre de 10 à 15 %. Et certains des élus se croient investis pour imposer leur idéologie alors qu’ils ne représentent qu’une minorité.

Par ailleurs on a tout fait pour affaiblir les organisations intermédiaires qui permettaient d’entretenir des liens entre le politique et les citoyens. On leur a substitué des organisations fictives composées de technocrates, de courtisans et d’arrivistes.

Du coup dans chacun des secteurs, dans chaque couche de sociétés, l’accumulation de problèmes non traités fait sauter le couvercle de la cocotte-minute un moment donné. Le pays devient le champion du monde des chienlits Un seul exemple, l’économie de la drogue qui pourrit de plus en plus le pays et alimente les actions criminelles désormais dans un peu près l’ensemble des villes françaises et même les villes moyennes. Or le politique est largement responsable de cette situation d’abord parce que non légitime ensuite discrédité par sa politique clientéliste autant que par son immobilisme.

La restauration de cette légitimité est donc de l’autorité qui doit l’accompagner passe nécessairement par un retour aux pratiques démocratiques quand le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’aventuriers incompétents, d’idéologues et de courtisans. La crise n’est donc pas celle de la police ou même de la justice mais celle de la société tout entière en panne de repères et de démocratie. Mais certains objecteront peut-être que la France a actuellement les politiques qu’on mérite. Une manière d’acter le déclin global du pays.

immobilier: Menace de crise grave

immobilier: Menace de crise grave


Menace de bulles dans l’immobilier à commencer par les SCPI. Au premier semestre 2023, la collecte nette des SCPI s’est élevée à 4,1 milliards d’euros, en repli de 23 % par rapport au premier semestre 2022 entraînant mécaniquement une baisse de la valorisation. Autre indice de la baisse, celle des permis de construire qui diminuent d’environ 20 %

Les Sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) entrent dans une période difficile. Le géant de la gestion d’actifs Amundi a sonné le marché, lundi 24 juillet, en dévaluant de 12% à 17%, les parts de trois de ses principaux fonds immobiliers. Une décision qui pourrait faire tâche d’huile.

BNP Paribas Reim vient d’ailleurs d’annoncer une baisse de la valeur de la part de la SCPI Accimmo, comprise entre 15,28% et 17,28%. En mars dernier, une première alerte était passée presque inaperçue lorsque AEW Patrimoine a revu à la baisse la part de la SCPI Laffitte (-8,44%).« Je pense que quelques autres sociétés vont aussi suivre ce chemin », confie à La Tribune, Frédéric Puzin, cofondateur de la société de gestion Corum.

Officiellement, Amundi explique que cette baisse est due aux difficultés que subit l’immobilier cette année. « Le contexte d’inflation favorise plutôt les rendements locatifs mais la hausse rapide des taux de financement impacte, elle, la demande immobilière, via une baisse des volumes des transactions locatives et elle provoque ainsi la baisse des valorisations des biens », explique Marc Bertrand, directeur général d’Amundi Immobilier.

Selon une étude récente du think tank Terra Nova, les prix de l’immobilier pourraient chuter de 20% en 2023, en raison de la hausse des taux d’intérêt qui rend plus difficile l’accès au crédit pour les nouveaux acquéreurs. Cette situation s’annonce comme une crise majeure pour le secteur immobilier, qui a déjà connu de nombreuses phases difficiles par le passé. Les crédits immobiliers, accessibles à presque tout le monde ces dix dernières années, ont fait grimper les prix à des niveaux insoupçonnés.

Dans son rapport, Terra Nova estime que la hausse des taux d’intérêt est le principal moteur de cette baisse annoncée des prix de l’immobilier. Les taux d’emprunt ont en effet entamé une remontée depuis plusieurs mois, rendant plus difficile l’accès au crédit pour les futurs acquéreurs. Cette situation pourrait ainsi entraîner une baisse significative des prix, notamment pour les biens ne bénéficiant pas d’une situation géographique exceptionnelle ou d’une qualité de construction irréprochable.

De quoi fragiliser l’activité des professionnels : sur les quatre premiers mois de l’année, les défaillances de promoteurs étaient en hausse de 53,8% et celles de constructeurs de 55,6% selon les données du cabinet de conseil Altarès.

Conflit police-justice ou grave crise de légitimité du politique ?

Conflit police-justice ou grave crise de légitimité du politique ?


Au-delà des faits particuliers qui font émerger des contradictions entre le pouvoir politique et la justice, ressurgit le vrai problème de la crise d’autorité et de légitimité du politique.

L’autorité républicaine est en effet en pleine déliquescence et cela depuis des années. Progressivement, on a autorisé des prises de distance avec les règles qui conditionnent la vie en société. Tout commence souvent à l’intérieur des familles incapables de transmettre les valeurs de base puis se prolonge à l’école ou le pédagogisme a triomphé non seulement des programmes mais aussi de la discipline. La lâche suppression du service militaire a terminé le travail de destruction des liens sociétaux. Par parenthèse ce qui a transformé l’armée française en armée échantillonnaire qui serait vite balayée dans le cadre d’un conflit comme celui entre la Russie et l’Ukraine. Pour preuve nos reculs successifs en Afrique face à des ennemis pourtant de moindre importance. L’ensemble de la société s’est finalement accommodé de cette prise de distance avec les règles qui permettent de concilier liberté individuelle et libertés collectives.

La police est mise en cause mais c’est l’État tout entier qui est sur la sellette en raison d’absence d’orientation claire, de moyens et de cohérence.

Le problème de fond, c’est que le politique n’a plus de légitimité. Pour preuve, plus de 50 % des électeurs refusent désormais de voter et nos élus à tous les niveaux sont souvent choisis avec un socle d’électeurs de l’ordre de 10 à 15 %. Et certains des élus se croient investis pour imposer leur idéologie alors qu’ils ne représentent qu’une minorité.

Par ailleurs on a tout fait pour affaiblir les organisations intermédiaires qui permettaient d’entretenir des liens entre le politique et les citoyens. On leur a substitué des organisations fictives composées de technocrates, de courtisans et d’arrivistes.

Du coup dans chacun des secteurs, dans chaque couche de sociétés, l’accumulation de problèmes non traités fait sauter le couvercle de la cocotte-minute un moment donné. Le pays devient le champion du monde des chienlits Un seul exemple, l’économie de la drogue qui pourrit de plus en plus le pays et alimente les actions criminelles désormais dans un peu près l’ensemble des villes françaises et même les villes moyennes. Or le politique est largement responsable de cette situation d’abord parce que non légitime ensuite discrédité par sa politique clientéliste autant que par son immobilisme.

La restauration de cette légitimité est donc de l’autorité qui doit l’accompagner passe nécessairement par un retour aux pratiques démocratiques quand le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’aventuriers incompétents, d’idéologues et de courtisans. La crise n’est donc pas celle de la police ou même de la justice mais celle de la société tout entière en panne de repères et de démocratie. Mais certains objecteront peut-être que la France a actuellement les politiques qu’on mérite. Une manière d’acter le déclin global du pays.

Le conflit police-justice révèle une grave crise de légitimité du politique

Le conflit police-justice révèle une grave crise de légitimité du politique


Au-delà des faits particuliers qui font émerger des contradictions entre le pouvoir politique et la justice, ressurgit le vrai problème de la crise d’autorité et de légitimité du politique.

L’autorité républicaine est en effet en pleine déliquescence et cela depuis des années. Progressivement, on a autorisé des prises de distance avec les règles qui conditionnent la vie en société. Tout commence souvent à l’intérieur des familles incapables de transmettre les valeurs de base puis se prolonge à l’école ou le pédagogisme a triomphé non seulement des programmes mais aussi de la discipline. La lâche suppression du service militaire a terminé le travail de destruction des liens sociétaux. Par parenthèse ce qui a transformé l’armée française en armée échantillonnaire qui serait vite balayée dans le cadre d’un conflit comme celui entre la Russie et l’Ukraine. Pour preuve nos reculs successifs en Afrique face à des ennemis pourtant de moindre importance. L’ensemble de la société s’est finalement accommodé de cette prise de distance avec les règles qui permettent de concilier liberté individuelle et libertés collectives.

La police est mise en cause mais c’est l’État tout entier qui est sur la sellette en raison d’absence d’orientation claire, de moyens et de cohérence.

Le problème de fond, c’est que le politique n’a plus de légitimité. Pour preuve, plus de 50 % des électeurs refusent désormais de voter et nos élus à tous les niveaux sont souvent choisis avec un socle d’électeurs de l’ordre de 10 à 15 %. Et certains des élus se croient investis pour imposer leur idéologie alors qu’ils ne représentent qu’une minorité.

Par ailleurs on a tout fait pour affaiblir les organisations intermédiaires qui permettaient d’entretenir des liens entre le politique et les citoyens. On leur a substitué des organisations fictives composées de technocrates, de courtisans et d’arrivistes.

Du coup dans chacun des secteurs, dans chaque couche de sociétés, l’accumulation de problèmes non traités fait sauter le couvercle de la cocotte-minute un moment donné. Le pays devient le champion du monde des chienlits Un seul exemple, l’économie de la drogue qui pourrit de plus en plus le pays et alimente les actions criminelles désormais dans un peu près l’ensemble des villes françaises et même les villes moyennes. Or le politique est largement responsable de cette situation d’abord parce que non légitime ensuite discrédité par sa politique clientéliste autant que par son immobilisme.

La restauration de cette légitimité est donc de l’autorité qui doit l’accompagner passe nécessairement par un retour aux pratiques démocratiques quand le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’aventuriers incompétents, d’idéologues et de courtisans. La crise n’est donc pas celle de la police ou même de la justice mais celle de la société tout entière en panne de repères et de démocratie. Mais certains objecteront peut-être que la France a actuellement les politiques qu’on mérite. Une manière d’acter le déclin global du pays.

Politique-La police révèle une grave crise de légitimité du politique

Politique-La police révèle une grave crise de légitimité du politique


Au-delà des faits individuels qui font émerger des contradictions entre le pouvoir politique et la justice, ressurgit le vrai problème de la crise d’autorité et de légitimité du politique.

L’autorité républicaine est en effet en pleine déliquescence et cela depuis des années. Progressivement, on a autorisé des prises de distance avec les règles qui conditionnent la vie en société. Tout commence souvent à l’intérieur des familles incapables de transmettre les valeurs de base puis se prolonge à l’école ou le pédagogisme a triomphé non seulement des programmes mais aussi de la discipline. La lâche suppression du service militaire a terminé le travail de destruction des liens sociétaux. Par parenthèse ce qui a transformé l’armée française en armée échantillonnaire qui serait vite balayée dans le cadre d’un conflit comme celui entre la Russie et l’Ukraine. Pour preuve nos reculs successifs en Afrique face à des ennemis pourtant de moindre importance. L’ensemble de la société s’est finalement accommodé de cette prise de distance avec les règles qui permettent de concilier liberté individuelle et libertés collectives.

La police est mise en cause mais c’est l’État tout entier qui est sur la sellette en raison d’absence d’orientation claire, de moyens et de cohérence.

Le problème de fond, c’est que le politique n’a plus de légitimité. Pour preuve, plus de 50 % des électeurs refusent désormais de voter et nos élus à tous les niveaux sont souvent choisis avec un socle d’électeurs de l’ordre de 10 à 15 %. Et certains des élus se croient investis pour imposer leur idéologie alors qu’ils ne représentent qu’une minorité.

Par ailleurs on a tout fait pour affaiblir les organisations intermédiaires qui permettaient d’entretenir des liens entre le politique et les citoyens. On leur a substitué des organisations fictives composées de technocrates, de courtisans et d’arrivistes.

Du coup dans chacun des secteurs, dans chaque couche de sociétés, l’accumulation de problèmes non traités fait sauter le couvercle de la cocotte-minute un moment donné. Le pays devient le champion du monde des chienlits Un seul exemple, l’économie de la drogue qui pourrit de plus en plus le pays et alimente les actions criminelles désormais dans un peu près l’ensemble des villes françaises et même les villes moyennes. Or le politique est largement responsable de cette situation d’abord parce que non légitime ensuite discrédité par sa politique clientéliste autant que par son immobilisme.

La restauration de cette légitimité est donc de l’autorité qui doit l’accompagner passe nécessairement par un retour aux pratiques démocratiques quand le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’aventuriers incompétents, d’idéologues et de courtisans. La crise n’est donc pas celle de la police ou même de la justice mais celle de la société tout entière en panne de repères et de démocratie. Mais certains objecteront peut-être que la France a actuellement les politiques qu’on mérite. Une manière d’acter le déclin global du pays.

La crise immobilière

La crise immobilière

Xavier Lépine, président de l’Institut de l’Épargne immobilière et foncière (IEIF), revient sur la crise qui secoue la crise immobilière dans la Tribune

Xavier Lépine A l’heure des injonctions plus contradictoires que jamais – le logement est inabordable pour une partie croissante de la population, les coûts d’adaptation aux dérèglements climatiques sont monstrueux, reconstruire la ville sur la ville – Patrice Vergriete, par la hauteur de vue qu’il amènera, est « l’homme » de la situation. Je n’ai qu’un seul grand regret, que son ministère ne soit que celui du logement et non pas celui de l’immobilier. A l’heure où l’avenir du bureau est questionné, où de très nombreux Français travaillent partiellement de chez eux, où l’immobilier de l’Etat est une partie intégrante de la solution, de mon point de vue, il me semble évident que les barrières des usages sont floutées et qu’une approche plus holistique de l’immobilier (résidentiel et tertiaire) serait plus efficace.


Au-delà de ces mouvements gouvernementaux, faut-il s’attendre à une crise immobilière de grande ampleur ?

L’immobilier est un temps long, très long. Et ce qui arrive aujourd’hui est la conséquence de ce qu’on appelle en mathématiques le modèle de Reasons, c’est-à-dire une accumulation d’événements parfois lointains, sans conséquences systémiques lorsqu’ils sont pris isolément, mais qui provoquent un accident « vital » par leur simple accumulation. Nous sommes entrés dans une crise structurelle qui est la conséquence de quarante années de politique du logement qui n’a fait que creuser les inégalités au lieu de les réduire. Nous sommes en effet dans une situation où en vingt ans les prix de l’immobilier ont doublé alors que les revenus n’ont augmenté que de 30% ; et sur 40 ans ils sont multipliés par 12 alors que les revenus n’ont augmenté que de 5 fois. Un mètre carré reste toujours un m² et le « logement » est devenu dysfonctionnel. Insuffisance de l’offre, vieillissement de la population, décohabitation… C’est vrai partout dans le monde et partout dans le monde il y a ce décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus où la valeur d’usage (loyer) n’a plus de relation avec la valeur d’échange (prix). Mais la France a particulièrement échoué, faute d’avoir su faire évoluer ses modèles (notamment d’avoir accepté de faire des financements à 25 ans avec des taux d’intérêts proches de zéro alors que l’offre de logement était insuffisante) et d’avoir trop politisé le débat sur le thème logement social versus privé.

Les politiques publiques en matière d’immobilier sont pourtant très volontaristes, avec des budgets conséquents. Pourquoi jugez-vous aussi sévèrement l’action de l’État ?

Nous avons eu après la Seconde guerre mondiale, et pendant près de quarante ans, une politique du logement extrêmement inclusive et bénéfique pour la population. Une succession de lois novatrices, disruptives, ont permis de lancer la machine. La loi de 1948 a certes limité la hausse des loyers mais après les avoir multiplié par trois pour rattraper l’inflation de l’occupation des années 1940 et relancer l’entretien des immeubles. Elle a permis également de développer la copropriété – renforcée à partir de 1965 – qui existait pourtant depuis le Code Napoléon. De même, pour solvabiliser la demande, a été créé le crédit immobilier à taux fixe, que tout le monde nous envie, avec une décision politique très forte à l’origine, celle de ne pas rémunérer les dépôts bancaires et pendant longtemps le monopole du crédit foncier permettant ainsi de « fixer » le coût de l’argent et par la même une très forte visibilité financière pour les ménages. Même la loi Malraux de 1962 sur les monuments historiques a permis de réduire considérablement l’insalubrité, ce qui pourrait d’ailleurs inspirer le gouvernement en matière d’isolation thermique. Enfin, la loi de 1967 a permis de développer un métier qui n’existait pas vraiment en France, celui de promoteur immobilier, pour répondre à une demande qui augmentait en flèche. Cinq ans après les rapatriements d’Algérie et surtout l’impact du baby-boom, les enfants nés par millions – 1 million par année- en 1945 ayant 22 ans en 1967 ! Et toute l’originalité française a été d’inventer la VEFA – la vente en l’état futur d’achèvement – pour développer une activité extrêmement capitalistique sans capitaux propres … à la différence des modèles anglo-saxon des REITS (promoteurs et partiellement investisseurs). Ce sont toutes des décisions extrêmement fortes, courageuses même, qui font que nous sommes passés d’une France de quelques pourcents de propriétaires en ville à une France de 58% de propriétaires. Ce qui reste en-dessous aujourd’hui de la moyenne européenne (70% en Europe avec les deux pays les plus riches d’Europe Suisse – 40% – Allemagne 50% très en dessous de la moyenne) car c’est un pourcentage qui n’augmente que marginalement depuis des années.

A partir de quand alors la politique en matière de logement a pris, selon vous, un mauvais tournant ?

L’arrêt de la convertibilité du dollar en or juillet 1971 – de fait la fin des accords de Bretton Woods – ont créé un nouveau monde et signé la fin des Trente Glorieuses, avec des monnaies instables, le triplement du prix du pétrole en 1973 – le dollar ce n’est plus de l’or et les pays producteurs l’avaient bien compris ! -, des taux d’intérêt qui grimpent, une forte inflation, du chômage et … des faillites de promoteurs en cascade. Puis une série de lois, toutes vertueuses au démarrage, a plutôt involontairement aggravé la situation. En tête, la loi de décentralisation de 1982 qui a donné le pouvoir de construire au maire avant qu’il ne s’aperçoive au bout de quelques années qu’il fallait plutôt faire moins de résidentiel et plus de bureaux pour être réélu. Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu’elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l’État a sauvé la construction de logements, cela s’est traduit par une hausse des prix. C’était vrai pour le Perissol, c’était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix. La loi SRU de 2000 qui impose des quotas de logements sociaux a finalement malheureusement contribué à alimenter les prix du secteur libre.

Cette situation a empiré depuis les années 2000 : forte croissance mondiale très peu inflationniste avec l’arrivée de la Chine dans l’OMC, les taux d’intérêt baissent, les banques allongent la durée des crédits et les prix de l’immobilier explosent. Tout un système économique, social et fiscal dans un contexte de mondialisation qui fait qu’au total, le PIB nominal de la France a été multiplié par 7 en l’espace de quarante ans alors que la création monétaire l’a été de 50 fois. Concrètement, l’excès de croissance monétaire s’est répercuté sur les actifs, financiers bien sûr, mais également le prix de l’immobilier qui s’est envolé alors que les salaires ne suivaient que l’inflation général des prix à la consommation.

Quelle devrait être la réponse de l’État, selon vous ?

Nous avons souvent des réponses fiscales ou circonstancielles comme celles sur les meublés touristiques. Tout ceci est très cosmétique. Il serait grand temps de tout mettre sur la table et de voir vraiment ce qui marche et ce qui ne marche plus et l’État ne peut pas tout faire ; mais il peut être facilitateur. Il n’y a pas de solution unique mais un ensemble de réflexions profondes à mener. Les rénovations thermiques ne sont pas dans les moyens financiers de nombreux propriétaires alors même que l’immobilier est souvent très cher ; profitons de cette situation, l’immobilier peut servir de garantie pour autofinancer les travaux de rénovation énergétique via des prêts avance rénovation dont le capital serait remboursé lors de la mutation. Tous les jours, nous entendons de multiples petites voix qui nous disent que des centaines de milliers de logements ne seront plus louables faute d’avoir la bonne lettre (DPE)… et par ailleurs il faut démultiplier les logements sociaux… Proposons aux bailleurs privés de financer leurs travaux de rénovation en contrepartie d’un engagement à louer à des locataires éligibles au logement social (avec garantie locative). En contrepartie d’une baisse du loyer, nous adaptons le principe, déjà existant, d’un amortissement sur le bien. Cela soulage les organismes de logements sociaux et créé une mixité sociale beaucoup plus forte à l’intérieur des immeubles et nettement moins de coûts pour la collectivité.

Lire aussi
Rénovation énergétique des copropriétés : quand les travaux virent au casse-tête

Et quid des millions de mètres carrés de bureaux obsolètes ?

4 millions de m² de bureaux obsolètes rien qu’en région parisienne, 1,5 millions (3% du stock) de m² de plus chaque année… L’équation financière pour en transformer une partie en logements fonctionne de mieux en mieux car le prix des immeubles obsolètes est en train de chuter, mais se heurte à une lenteur, voire à une opposition de très nombreuses municipalités. A l’heure du ZAN, du recyclage urbain et de la lutte pour le climat c’est plus que choquant. Certains pays ont décidé d’accélérer le processus en réduisant le dispositif juridique à une autorisation de travaux. Nous avons historiquement su être les leaders de l’innovation en matière de logement, retrouvons cette dynamique en associant toutes les parties prenantes au service du logement durable pour tous : élus, règlementation, banques pour financer, investisseurs où chacun doit y trouver son intérêt.

Les banques et les assureurs pourraient-ils jouer un rôle plus important ?

Les banques prêtent moins car le crédit immobilier n’est pas un produit très rentable. Mais la dernière innovation financière dans le domaine du crédit immobilier remonte à 70 ans avec le crédit à taux fixe. Je suis frappé par le conservatisme du système bancaire dans ce domaine. Il existe pourtant une très grande variété de solutions financières. Par exemple, nous pouvons envisager que les propriétaires, qui sont généralement âgés, souscrivent un prêt avance mutation – remboursé au moment du décès – pour financer non seulement les travaux d’isolation thermique mais aussi transmettre par anticipation une fraction de leur héritage et permettre ainsi à leurs enfants ou petits-enfants d’avoir l’apport nécessaire pour acquérir leur logement. Nous parlons beaucoup de la solidarité intergénérationnelle en faveur des seniors mais l’inverse doit exister dans une société où le prix n’est plus accessible pour la majorité des générations montantes. C’est autorisé en France depuis la loi de 2006 mais les banques ne le font pas. Elles sont sans doute effrayées par les excès américains qui ont conduit aux subprimes, leur devoir de conseil sur ces montages et les possibles recours des héritiers. Mais il faut rappeler que le patrimoine immobilier des Français est de 8.000 milliards et est de plus en plus concentré, une aberration économique ! La vertu est au milieu des extrêmes et de nombreux pays proposent ce type de système en les encadrant.

Vous venez de créer une start-up, Neoproprio, qui remet au gout du jour le bail emphytéotique. A quel besoin cela répond-t-il ?

Il faut en effet de nouvelles voies pour débloquer un marché du logement devenu dysfonctionnel. Nous partons d’un constat : il est devenu presque impossible d’accéder à la propriété dans une grande ville. Ne rêvons pas, les prix du neuf comme de l’ancien ne vont pas baisser de 30%, les taux d’intérêts ne reviendront pas de sitôt à 1%, les coûts d’adaptation du logement au dérèglement climatique ne vont pas faire baisser les prix, le foncier continuera d’être rare… Les constructeurs automobiles ont su répondre à cette problématique en proposant « d’acheter en location » en proposant un coût abordable et largement choisi de manière optionnelle par l’acquéreur (apport, durée, option d’achat…) sur un bien dont la valeur résiduelle ne fait que baisser pour terminer à zéro. Neoproprio, c’est l’adaptation, via le concept d’un bail emphytéotique complété par des contrats, au logement… Un bien qui, à la différence essentielle d’une voiture, généralement s’apprécie dans le temps.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Nous proposons donc de libérer l’accès à la propriété, le dispositif permet de réduire d’un bon 30% le coût mensuel d’acquisition qui devient ainsi très comparable à un loyer. En acquérant son logement pour une durée de 25 ans à moitié prix et bénéficiant d’un engagement de rachat à tout moment, le néopropriétaire a ainsi la certitude de récupérer lors de la revente une part substantielle des mensualités qu’il aura payées : la différence entre le prix de rachat minimum garanti et le remboursement – anticipé – du principal restant dû du crédit immobilier qu’il aura contracté lors de l’acquisition. Une épargne – l’équivalent de trois ans de loyers s’il décide de déménager au terme de dix ans – qui peut alors servir d’apport personnel pour une autre acquisition.

Entre l’État qui subventionne et les banques qui fournissent le crédit, l’intervention d’une foncière dans l’équation permet, de manière rentable pour toutes les parties, de sortir de l’impasse actuelle ! L’immobilier peut constituer un formidable levier pour l’économie et la réduction des inégalités mais il doit être repensé de manière plus financière et moins obsessionnelle. Paradoxalement aux idées généralement reçues, c’est l’insuffisance d’innovations financières dans le secteur du logement alors que le monde s’est financiarisé qui est en partie responsable de la hausse disproportionnée des prix du logement. C’est précisément ce que nous proposons aux investisseurs institutionnels : investir dans le résidentiel de manière rentable avec un impact sociétal très puissant et noble, redonner l’accès à la propriété de leur logement à des générations entières via un partage du risque et de la rentabilité équilibré entre les deux parties.

La révolte dans la police révèle une grave crise d’autorité et de légitimité du politique

La révolte dans la police révèle une grave crise d’autorité et de légitimité du politique


Au-delà des faits individuels qui font émerger des contradictions entre le pouvoir politique et la justice, ressurgit le vrai problème de la crise d’autorité et de légitimité du politique.

L’autorité républicaine est en effet en pleine déliquescence et cela depuis des années. Progressivement, on a autorisé des prises de distance avec les règles qui conditionnent la vie en société. Tout commence souvent à l’intérieur des familles incapables de transmettre les valeurs de base puis se prolonge à l’école ou le pédagogisme a triomphé non seulement des programmes mais aussi de la discipline. La lâche suppression du service militaire a terminé le travail de destruction des liens sociétaux. Par parenthèse ce qui a transformé l’armée française en armée échantillonnaire qui serait vite balayée dans le cadre d’un conflit comme celui entre la Russie et l’Ukraine. Pour preuve nos reculs successifs en Afrique face à des ennemis pourtant de moindre importance. L’ensemble de la société s’est finalement accommodé de cette prise de distance avec les règles qui permettent de concilier liberté individuelle et libertés collectives.

La police est mise en cause mais c’est l’État tout entier qui est sur la sellette en raison d’absence d’orientation claire, de moyens et de cohérence.

Le problème de fond, c’est que le politique n’a plus de légitimité. Pour preuve, plus de 50 % des électeurs refusent désormais de voter et nos élus à tous les niveaux sont souvent choisis avec un socle d’électeurs de l’ordre de 10 à 15 %. Et certains des élus se croient investis pour imposer leur idéologie alors qu’ils ne représentent qu’une minorité.

Par ailleurs on a tout fait pour affaiblir les organisations intermédiaires qui permettaient d’entretenir des liens entre le politique et les citoyens. On leur a substitué des organisations fictives composées de technocrates, de courtisans et d’arrivistes.

Du coup dans chacun des secteurs, dans chaque couche de sociétés, l’accumulation de problèmes non traités fait sauter le couvercle de la cocotte-minute un moment donné. Le pays devient le champion du monde des chienlits. Or le politique est largement responsable de cette situation d’abord parce que non légitime ensuite discrédité par sa politique clientéliste autant que par son immobilisme.

La restauration de cette légitimité est donc de l’autorité qui doit l’accompagner passe nécessairement par un retour aux pratiques démocratiques quand le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’aventuriers incompétents, d’idéologues et de courtisans. La crise n’est donc pas celle de la police ou même de la justice mais celle de la société tout entière en panne de repères et de démocratie. Mais certains objecteront peut-être que la France a actuellement les politiques qu’on mérite. Une manière d’acter le déclin global du pays.

La problématique de la crise immobilière

La problématique de la crise immobilière (Xavier Lépine)

Xavier Lépine, président de l’Institut de l’Épargne immobilière et foncière (IEIF), revient sur la crise qui secoue la crise immobilière dans la Tribune

Xavier Lépine A l’heure des injonctions plus contradictoires que jamais – le logement est inabordable pour une partie croissante de la population, les coûts d’adaptation aux dérèglements climatiques sont monstrueux, reconstruire la ville sur la ville – Patrice Vergriete, par la hauteur de vue qu’il amènera, est « l’homme » de la situation. Je n’ai qu’un seul grand regret, que son ministère ne soit que celui du logement et non pas celui de l’immobilier. A l’heure où l’avenir du bureau est questionné, où de très nombreux Français travaillent partiellement de chez eux, où l’immobilier de l’Etat est une partie intégrante de la solution, de mon point de vue, il me semble évident que les barrières des usages sont floutées et qu’une approche plus holistique de l’immobilier (résidentiel et tertiaire) serait plus efficace.


Au-delà de ces mouvements gouvernementaux, faut-il s’attendre à une crise immobilière de grande ampleur ?

L’immobilier est un temps long, très long. Et ce qui arrive aujourd’hui est la conséquence de ce qu’on appelle en mathématiques le modèle de Reasons, c’est-à-dire une accumulation d’événements parfois lointains, sans conséquences systémiques lorsqu’ils sont pris isolément, mais qui provoquent un accident « vital » par leur simple accumulation. Nous sommes entrés dans une crise structurelle qui est la conséquence de quarante années de politique du logement qui n’a fait que creuser les inégalités au lieu de les réduire. Nous sommes en effet dans une situation où en vingt ans les prix de l’immobilier ont doublé alors que les revenus n’ont augmenté que de 30% ; et sur 40 ans ils sont multipliés par 12 alors que les revenus n’ont augmenté que de 5 fois. Un mètre carré reste toujours un m² et le « logement » est devenu dysfonctionnel. Insuffisance de l’offre, vieillissement de la population, décohabitation… C’est vrai partout dans le monde et partout dans le monde il y a ce décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus où la valeur d’usage (loyer) n’a plus de relation avec la valeur d’échange (prix). Mais la France a particulièrement échoué, faute d’avoir su faire évoluer ses modèles (notamment d’avoir accepté de faire des financements à 25 ans avec des taux d’intérêts proches de zéro alors que l’offre de logement était insuffisante) et d’avoir trop politisé le débat sur le thème logement social versus privé.

Les politiques publiques en matière d’immobilier sont pourtant très volontaristes, avec des budgets conséquents. Pourquoi jugez-vous aussi sévèrement l’action de l’État ?

Nous avons eu après la Seconde guerre mondiale, et pendant près de quarante ans, une politique du logement extrêmement inclusive et bénéfique pour la population. Une succession de lois novatrices, disruptives, ont permis de lancer la machine. La loi de 1948 a certes limité la hausse des loyers mais après les avoir multiplié par trois pour rattraper l’inflation de l’occupation des années 1940 et relancer l’entretien des immeubles. Elle a permis également de développer la copropriété – renforcée à partir de 1965 – qui existait pourtant depuis le Code Napoléon. De même, pour solvabiliser la demande, a été créé le crédit immobilier à taux fixe, que tout le monde nous envie, avec une décision politique très forte à l’origine, celle de ne pas rémunérer les dépôts bancaires et pendant longtemps le monopole du crédit foncier permettant ainsi de « fixer » le coût de l’argent et par la même une très forte visibilité financière pour les ménages. Même la loi Malraux de 1962 sur les monuments historiques a permis de réduire considérablement l’insalubrité, ce qui pourrait d’ailleurs inspirer le gouvernement en matière d’isolation thermique. Enfin, la loi de 1967 a permis de développer un métier qui n’existait pas vraiment en France, celui de promoteur immobilier, pour répondre à une demande qui augmentait en flèche. Cinq ans après les rapatriements d’Algérie et surtout l’impact du baby-boom, les enfants nés par millions – 1 million par année- en 1945 ayant 22 ans en 1967 ! Et toute l’originalité française a été d’inventer la VEFA – la vente en l’état futur d’achèvement – pour développer une activité extrêmement capitalistique sans capitaux propres … à la différence des modèles anglo-saxon des REITS (promoteurs et partiellement investisseurs). Ce sont toutes des décisions extrêmement fortes, courageuses même, qui font que nous sommes passés d’une France de quelques pourcents de propriétaires en ville à une France de 58% de propriétaires. Ce qui reste en-dessous aujourd’hui de la moyenne européenne (70% en Europe avec les deux pays les plus riches d’Europe Suisse – 40% – Allemagne 50% très en dessous de la moyenne) car c’est un pourcentage qui n’augmente que marginalement depuis des années.

A partir de quand alors la politique en matière de logement a pris, selon vous, un mauvais tournant ?

L’arrêt de la convertibilité du dollar en or juillet 1971 – de fait la fin des accords de Bretton Woods – ont créé un nouveau monde et signé la fin des Trente Glorieuses, avec des monnaies instables, le triplement du prix du pétrole en 1973 – le dollar ce n’est plus de l’or et les pays producteurs l’avaient bien compris ! -, des taux d’intérêt qui grimpent, une forte inflation, du chômage et … des faillites de promoteurs en cascade. Puis une série de lois, toutes vertueuses au démarrage, a plutôt involontairement aggravé la situation. En tête, la loi de décentralisation de 1982 qui a donné le pouvoir de construire au maire avant qu’il ne s’aperçoive au bout de quelques années qu’il fallait plutôt faire moins de résidentiel et plus de bureaux pour être réélu. Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu’elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l’État a sauvé la construction de logements, cela s’est traduit par une hausse des prix. C’était vrai pour le Perissol, c’était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix. La loi SRU de 2000 qui impose des quotas de logements sociaux a finalement malheureusement contribué à alimenter les prix du secteur libre.

Cette situation a empiré depuis les années 2000 : forte croissance mondiale très peu inflationniste avec l’arrivée de la Chine dans l’OMC, les taux d’intérêt baissent, les banques allongent la durée des crédits et les prix de l’immobilier explosent. Tout un système économique, social et fiscal dans un contexte de mondialisation qui fait qu’au total, le PIB nominal de la France a été multiplié par 7 en l’espace de quarante ans alors que la création monétaire l’a été de 50 fois. Concrètement, l’excès de croissance monétaire s’est répercuté sur les actifs, financiers bien sûr, mais également le prix de l’immobilier qui s’est envolé alors que les salaires ne suivaient que l’inflation général des prix à la consommation.

Quelle devrait être la réponse de l’État, selon vous ?

Nous avons souvent des réponses fiscales ou circonstancielles comme celles sur les meublés touristiques. Tout ceci est très cosmétique. Il serait grand temps de tout mettre sur la table et de voir vraiment ce qui marche et ce qui ne marche plus et l’État ne peut pas tout faire ; mais il peut être facilitateur. Il n’y a pas de solution unique mais un ensemble de réflexions profondes à mener. Les rénovations thermiques ne sont pas dans les moyens financiers de nombreux propriétaires alors même que l’immobilier est souvent très cher ; profitons de cette situation, l’immobilier peut servir de garantie pour autofinancer les travaux de rénovation énergétique via des prêts avance rénovation dont le capital serait remboursé lors de la mutation. Tous les jours, nous entendons de multiples petites voix qui nous disent que des centaines de milliers de logements ne seront plus louables faute d’avoir la bonne lettre (DPE)… et par ailleurs il faut démultiplier les logements sociaux… Proposons aux bailleurs privés de financer leurs travaux de rénovation en contrepartie d’un engagement à louer à des locataires éligibles au logement social (avec garantie locative). En contrepartie d’une baisse du loyer, nous adaptons le principe, déjà existant, d’un amortissement sur le bien. Cela soulage les organismes de logements sociaux et créé une mixité sociale beaucoup plus forte à l’intérieur des immeubles et nettement moins de coûts pour la collectivité.

Lire aussi
Rénovation énergétique des copropriétés : quand les travaux virent au casse-tête

Et quid des millions de mètres carrés de bureaux obsolètes ?

4 millions de m² de bureaux obsolètes rien qu’en région parisienne, 1,5 millions (3% du stock) de m² de plus chaque année… L’équation financière pour en transformer une partie en logements fonctionne de mieux en mieux car le prix des immeubles obsolètes est en train de chuter, mais se heurte à une lenteur, voire à une opposition de très nombreuses municipalités. A l’heure du ZAN, du recyclage urbain et de la lutte pour le climat c’est plus que choquant. Certains pays ont décidé d’accélérer le processus en réduisant le dispositif juridique à une autorisation de travaux. Nous avons historiquement su être les leaders de l’innovation en matière de logement, retrouvons cette dynamique en associant toutes les parties prenantes au service du logement durable pour tous : élus, règlementation, banques pour financer, investisseurs où chacun doit y trouver son intérêt.

Les banques et les assureurs pourraient-ils jouer un rôle plus important ?

Les banques prêtent moins car le crédit immobilier n’est pas un produit très rentable. Mais la dernière innovation financière dans le domaine du crédit immobilier remonte à 70 ans avec le crédit à taux fixe. Je suis frappé par le conservatisme du système bancaire dans ce domaine. Il existe pourtant une très grande variété de solutions financières. Par exemple, nous pouvons envisager que les propriétaires, qui sont généralement âgés, souscrivent un prêt avance mutation – remboursé au moment du décès – pour financer non seulement les travaux d’isolation thermique mais aussi transmettre par anticipation une fraction de leur héritage et permettre ainsi à leurs enfants ou petits-enfants d’avoir l’apport nécessaire pour acquérir leur logement. Nous parlons beaucoup de la solidarité intergénérationnelle en faveur des seniors mais l’inverse doit exister dans une société où le prix n’est plus accessible pour la majorité des générations montantes. C’est autorisé en France depuis la loi de 2006 mais les banques ne le font pas. Elles sont sans doute effrayées par les excès américains qui ont conduit aux subprimes, leur devoir de conseil sur ces montages et les possibles recours des héritiers. Mais il faut rappeler que le patrimoine immobilier des Français est de 8.000 milliards et est de plus en plus concentré, une aberration économique ! La vertu est au milieu des extrêmes et de nombreux pays proposent ce type de système en les encadrant.

Vous venez de créer une start-up, Neoproprio, qui remet au gout du jour le bail emphytéotique. A quel besoin cela répond-t-il ?

Il faut en effet de nouvelles voies pour débloquer un marché du logement devenu dysfonctionnel. Nous partons d’un constat : il est devenu presque impossible d’accéder à la propriété dans une grande ville. Ne rêvons pas, les prix du neuf comme de l’ancien ne vont pas baisser de 30%, les taux d’intérêts ne reviendront pas de sitôt à 1%, les coûts d’adaptation du logement au dérèglement climatique ne vont pas faire baisser les prix, le foncier continuera d’être rare… Les constructeurs automobiles ont su répondre à cette problématique en proposant « d’acheter en location » en proposant un coût abordable et largement choisi de manière optionnelle par l’acquéreur (apport, durée, option d’achat…) sur un bien dont la valeur résiduelle ne fait que baisser pour terminer à zéro. Neoproprio, c’est l’adaptation, via le concept d’un bail emphytéotique complété par des contrats, au logement… Un bien qui, à la différence essentielle d’une voiture, généralement s’apprécie dans le temps.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Nous proposons donc de libérer l’accès à la propriété, le dispositif permet de réduire d’un bon 30% le coût mensuel d’acquisition qui devient ainsi très comparable à un loyer. En acquérant son logement pour une durée de 25 ans à moitié prix et bénéficiant d’un engagement de rachat à tout moment, le néopropriétaire a ainsi la certitude de récupérer lors de la revente une part substantielle des mensualités qu’il aura payées : la différence entre le prix de rachat minimum garanti et le remboursement – anticipé – du principal restant dû du crédit immobilier qu’il aura contracté lors de l’acquisition. Une épargne – l’équivalent de trois ans de loyers s’il décide de déménager au terme de dix ans – qui peut alors servir d’apport personnel pour une autre acquisition.

Entre l’État qui subventionne et les banques qui fournissent le crédit, l’intervention d’une foncière dans l’équation permet, de manière rentable pour toutes les parties, de sortir de l’impasse actuelle ! L’immobilier peut constituer un formidable levier pour l’économie et la réduction des inégalités mais il doit être repensé de manière plus financière et moins obsessionnelle. Paradoxalement aux idées généralement reçues, c’est l’insuffisance d’innovations financières dans le secteur du logement alors que le monde s’est financiarisé qui est en partie responsable de la hausse disproportionnée des prix du logement. C’est précisément ce que nous proposons aux investisseurs institutionnels : investir dans le résidentiel de manière rentable avec un impact sociétal très puissant et noble, redonner l’accès à la propriété de leur logement à des générations entières via un partage du risque et de la rentabilité équilibré entre les deux parties.

Hôpital public »: la crise va s’amplifier selon le porte-parole des urgentistes de France

Hôpital public »: la crise va s’amplifier selon le porte-parole des urgentistes de France

« On risque d’avoir une accélération de la politique de destruction de l’hôpital public », avec la nomination annoncée d’Aurélien Rousseau au ministère de la Santé, indique ce jeudi sur franceinfo, Christophe Prudhomme urgentiste et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). « Nous sommes très inquiets de la nomination d’Aurélien Rousseau qui lors de son passage à l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France n’a rien fait pour développer le secteur public ».


franceinfo : Quelle est votre réaction à l’arrivée annoncée d’Aurélien Rousseau au ministère de la Santé ?

Christophe Prudhomme : Il fait partie des ultralibéraux, il n’est plus du tout à gauche. On a bien vu que quand il a été directeur de l’ARS d’Ile-de-France, il a largement favorisé la fermeture de lits, les restructurations qui aboutissent au fait qu’en plein été nous ne savons quoi faire des malades parce qu’il y a énormément de lits de fermés. Il a favorisé le développement du secteur privé, les consultations sans rendez-vous du secteur privé avec le scandale du Cosem.

Pour vous rien ne va changer ?

Je pense que ça va être pire parce qu’à la différence de François Braun qui était de la société civile, un médecin, Aurélien Rousseau est un vrai politique très proche d’Emmanuel Macron. On risque d’avoir une accélération de la politique de destruction de l’hôpital public.

Quels sont les dossiers prioritaires d’Aurélien Rousseau ?

Le dossier prioritaire d’Aurélien Rousseau, ce serait de faire en sorte d’appliquer la Constitution pour le système de santé, c’est que tout citoyen puisse avoir un médecin traitant, et que tout citoyen soit à trente minutes d’un hôpital dont le service d’urgence est ouvert. Le système de santé est en train de s’effondrer et face au gouvernement que l’on a aujourd’hui, la santé doit être un service public dans le cadre de l’aménagement du territoire avec un financement à 100% de la Sécurité sociale. Nous sommes très inquiets de la nomination d’Aurélien Rousseau qui lors de son passage à l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France n’a rien fait pour développer le secteur public. On change les têtes mais on ne change pas de politique.

Face à la crise: une dissolution ou un référendum pour Jean-Louis Debré

Face à la crise: une dissolution ou un référendum pour Jean-Louis Debré

Pour Jean-Louis Debré, Emmanuel Macron « s’est enfermé dans ce slogan des cent jours, promettant un apaisement du pays ». « Or, force est de constater que ces cent jours », décrétés le 17 avril et dont l’échéance était fixée au 14 juillet, « n’ont pas été à la hauteur de l’espérance présidentielle ». Il ne voit que la dissolution ou un référendum pour sortir de de l’immobilisme politique

Celui qui a présidé l’Assemblée nationale entre 2002 et 2007 rappelle que le général de Gaulle avait « réglé la crise de 1968 par un retour devant le peuple souverain », avec une dissolution de l’Assemblée nationale qui lui était pourtant favorable. « Vous ne pouvez pas passer des textes aussi importants que la réforme des retraites sans avoir une consultation populaire », insiste-t-il. Faute de majorité absolue à l’Assemblée, l’exécutif avait fait adopter le texte en recourant à l’article 49-3, qui permet d’échapper au vote.

Un remaniement pourrait-il calmer les choses ? « Les Français n’ont rien à fiche des changements de ministres. D’ailleurs, on n’en connaît que quatre ou cinq », lance-t-il. L’ancien ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac (1995-1997) appelle à des « mesures fortes aux effets immédiats » sur « le problème fondamental du pouvoir d’achat », et « ensuite, s’occuper de réformer l’école, la justice, mais sans partir dans toutes les directions ».

Société-Crise de l’autorité et crise de la transmission

Société-Crise de l’autorité et crise de la transmission

Par MYRIAM REVAULT D’ALLONNES, philosophe, dans Caféphilo93 ( extrait)

On le dit partout : nous vivons une « crise » de l’autorité. Son ampleur nous paraît sans précédent puisqu’elle touche non seulement la sphère politique mais aussi la famille, l’école et même le pouvoir judiciaire. Cette évidence partagée, nul ne la conteste. Mais cerner la nature exacte de la crise et interroger la notion – « qu’est-ce que l’autorité ? » – est une tout autre affaire. Nombreux sont ceux qui, déplorant la perte de l’autorité, nous exhortent à la restaurer, autrement dit à la rétablir dans son état et dans la considération ou dans l’estime dont elle devrait jouir.

Il nous faudrait à la fois revenir à un paradigme perdu et regagner une reconnaissance qui fait défaut. Or jamais on ne retrouve les paradigmes perdus et, si la reconnaissance vient à manquer, il importe d’abord d’en rechercher les raisons. Mais surtout – et c’est bien par là qu’il faut commencer – ces invites à restaurer l’autorité recouvrent un contresens massif sur la notion elle-même puisqu’ils sont essentiellement des appels à réintroduire de la coercition, de l’ordre et de l’obéissance alors que l’autorité exclut le recours à la force ou à des moyens extérieurs de contrainte. Si l’on doit y avoir recours, cela signifie qu’elle a échoué. L’autorité n’est pas – quoi qu’on en dise – « tout ce qui fait obéir les gens ». Elle n’est pas le pouvoir et elle ne se réduit pas davantage à n’être qu’un instrument du pouvoir, une « augmentation » de la domination, même si le pouvoir prend souvent le masque de l’autorité. Elle n’a précisément pas besoin de s’affirmer sur le mode « autoritaire ». Telle est la première confusion qu’il importe de dissiper et qui n’appartient pas qu’au sens commun. Autorité, reconnaissance et dissymétrie non hiérarchique On résumera cette brève mise au point en disant que si le pouvoir requiert l’obéissance, l’autorité, quant à elle, appelle la reconnaissance et qu’à cet égard, elle se distingue aussi bien de la contrainte par force que de la pure et simple persuasion.

Elle exclut l’usage des moyens de coercition mais elle ne procède pas non plus de la persuasion par arguments, laquelle présuppose une relation entre égaux. Elle ne repose donc ni sur le pouvoir de celui qui commande ni sur une raison commune. Dans la relation d’autorité, ce que les deux termes ont en commun, c’est la relation dissymétrique elle-même dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité. Le premier enjeu serait donc – à partir de ce noyau que constitue la reconnaissance – de comprendre la nature de cette dissymétrie non hiérarchique. Non hiérarchique dans la mesure où elle ne répond pas au modèle de la relation commandement/obéissance, où elle ne coïncide pas avec un rapport de domination. Dissymétrique car la légitimité tient à une certaine prééminence, à une certaine supériorité de celui qui l’exerce. * Myriam Revault d’Allonnes est philosophe, professeur des Universités à l’École Pratique des Hautes Études. Son dernier livre : Le pouvoir des commencements, Essai sur l’autorité, Seuil, 2006. Conférence donnée au cours de la session 2005 des Semaines Sociales de France, « Transmettre, partager des valeurs, susciter des libertés » Transmettre, partager des valeurs, susciter des libertés 64 Ce n’est pas tout.

Au motif que la modernité a massivement récusé toute autorité procédant du divin ou de la tradition et qu’elle a cherché son fondement en elle-même, on feint de croire qu’avec cette nouvelle donne, l’autonomie des individus conduit à la perte de toute instance légitimante. Dans un monde où prévaut l’accord des volontés individuelles ne subsisterait que l’arbitraire des subjectivités, réglé au mieux par les échanges contractuels. Or c’est précisément ce qu’il importe d’interroger : le mouvement d’émancipation critique propre à la modernité a-t-il fait disparaître toute référence au tiers ? La perte avérée des modes traditionnels de donation du sens n’a-t-elle donné lieu qu’à la vacuité et au vide de sens ? Les conflits interminablement négociés au sein des démocraties modernes ne sont-ils bordés par aucun garant ? L’égalité ne souffre-t-elle la reconnaissance d’aucune dissymétrie ? Qu’est-ce qui, dans ces conditions, fait autorité dans une société qui s’est donné à elle-même le principe constitutif de son ordre ? Que l’autorité ne soit plus ce qu’elle était, que son acception traditionnelle n’ait plus cours est un fait incontestable. Selon l’acception traditionnelle, on pouvait énoncer la proposition suivante : lorsque le passé est transmis comme tradition, il fait autorité.

Lorsque que l’autorité se présente historiquement, elle devient tradition. Voilà bien une formulation à laquelle nous ne pouvons plus souscrire. Est-ce à dire que l’autorité « en général » s’est évanouie ? La relation d’autorité s’est-elle définitivement absentée du monde contemporain ? Et surtout, est-elle devenue obsolète ? Crise de l’autorité et avènement de la modernité Il faut rappeler que la « crise » de l’autorité ne date pas d’aujourd’hui : elle est consubstantielle à l’avènement même de la modernité. Si flottantes et diverses que soient les définitions de cette « modernité », on s’accorde au moins sur l’idée qu’elle se caractérise massivement par un mouvement d’arrachement au passé et à la tradition. Elle répond à une volonté à la fois d’auto-fondation rationnelle et d’auto-institution politique : les deux sont inséparables et ont précisément en commun de revendiquer un mode de légitimité qui se détache non sans violence de la tradition et du passé. Lorsque la philosophie des Lumières conteste l’« autorité » porteuse de préjugés en la soumettant au crible de la raison critique, elle s’en prend certes à cette forme de précédence qu’est l’autorité énonciative et vise un mode d’autorité intellectuelle lié au primat d’un énoncé ancien (Aristoteles dixit). Mais cette contestation ne prend sens que sur fond d’une radicale mutation de l’autorité institutionnelle, autrement dit juridico-politique. Ce que confirme à l’évidence la source latine : auctor (l’auteur) et auctoritas (l’autorité) appartiennent, nous le savons, au même champ sémantique.

Tous deux viennent du verbe augere : augmenter. Le discrédit de la notion de préjugé C’est donc la question de l’autorisation qui est ici en jeu. Puisque l’augmentation par la précédence est battue en brèche par les principes mêmes de la modernité, de quoi peut bien s’autoriser un énoncé afin de fonder sa crédibilité ? De quoi s’autorise un pouvoir – et plus généralement une institution – qui puisse entraîner la reconnaissance de sa légitimité ? Si la source de l’autorité est « déconnectée » du régime de la tradition, la modernité a-t-elle inventé une nouvelle figure de la transcendance ? Ou alors cette dernière a-telle disparu et avec elle l’autorité en général ? À cet égard, rien n’est plus emblématique de ce qu’on a appelé la « crise de la conscience européenne » (ce mouvement qui va de la Renaissance aux Lumières) que l’article « autorité » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. « Qu’importe que d’autres aient pensé de même ou autrement que nous, pourvu que nous pensions juste, selon les règles du bon sens et conformément à la vérité ? Il est assez indifférent que votre opinion soit celle d’Aristote, pourvu qu’elle soit selon les lois du syllogisme.

À quoi bon ces fréquentes citations, lorsqu’il s’agit de choses qui dépendent uniquement du témoignage de la raison et des sens ? … Ceux à qui il manque assez d’étendue pour penser eux-mêmes se contentent des pensées d’autrui et comptent les suffrages. » Ce texte (anonyme) porte non pas sur l’autorité politique, auquel Diderot consacre un article spécifique, mais sur le rejet du principe d’autorité en matière de connaissance. Il ne faut admettre que ce qui s’impose à la raison et écarter ce qui relève du pré-jugé, c’est-à-dire du jugement non fondé. Or ce fondement s’est déplacé et même retourné : du poids de la tradition et de l’héritage des Anciens vers la capacité d’autonomie et d’auto-réflexion. Penser par nous-mêmes, « penser par soi-même », « sans préjugés », dira Kant au § 40 de la Critique de la Faculté de juger, énonçant ainsi l’une des trois maximes qui doivent normer l’exercice du jugement. Cette maxime, précise-t-il, est celle d’une raison qui n’est jamais « passive » et l’on « appelle préjugé la tendance à la passivité c’est-à-dire à l’hétéronomie de la raison ».

Crise des quartiers: une affaire de volonté

Crise des quartiers: une affaire de volonté

« La banlieue ce n’est pas une affaire de milliards. C’est d’abord une question de volontarisme politique » (Xavier Bertrand) . Interview dans la Tribune.

Les quartiers populaires s’embrasent depuis la mort tragique de Nahel, ce jeune homme tué par balle par un policier à Nanterre. Approuvez-vous l’action de l’exécutif ?

XAVIER BERTRAND- Je soutiens très clairement l’action des forces de l’ordre. La priorité, c’est la sécurité, l’ordre et la justice. Il n’y a pas de débat là-dessus, ni de place pour la polémique.

Des émeutes de 2005 à celles de 2023, les mêmes problèmes semblent provoquer les mêmes effets. L’amplification des réseaux sociaux en plus et la jeunesse des émeutiers. La France des quartiers populaires en est à ce point de délitement ?

2023 n’est pas comparable avec 2005. Cette semaine, nous avons franchi des paliers insoutenables, notamment avec des agressions contre les maires. On l’a vu avec Vincent Jeanbrun, (ndlr, le maire de L’Haÿ-les-Roses) dont la famille a été attaquée à son domicile ou encore avec Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise. Des centaines de commerces ont été pillés ; des bâtiments publics et des mairies ont été saccagés. On a tiré sur des policiers et lancé des mortiers d’artifice en direction des forces de l’ordre ! On est entré dans autre chose par rapport à 2005. Nous avons franchi un cap supplémentaire dans la haine de ces jeunes envers la République. Je salue d’ailleurs l’action et le professionnalisme des forces de l’ordre.

Pourquoi cette aggravation ?

L’hyper violence est la marque de notre époque. Je le vois à Saint-Quentin. En 2005, nous n’avions pas eu le moindre problème. Cette fois, les tirs de mortiers sur les pompiers ont précédé la mise à sac de commerces. Les raisons sont bien sûr multiples. Mais la première c’est la crise de l’autorité et du respect. C’est bien la preuve qu’il faut refonder une vraie République des droits et des devoirs. Aujourd’hui, la politique doit être tournée davantage vers les gens. Dans ces quartiers, la quasi-totalité des habitants sont de braves gens et les premières victimes des pillards. De la même manière, tous les jeunes ne sont pas des casseurs. C’est la raison pour laquelle les Français exigent la plus grande fermeté vis-à-vis de ceux qui se sont livrés à ces exactions. Je rappelle mon combat pour la mise en place de peines minimum d’un an de prison ferme pour celles et ceux qui agressent les forces de l’ordre ou de secours. Je demande au gouvernement qu’il nous donne en toute transparence le nombre de condamnations suite à ces émeutes, mais aussi les peines infligées à ces pillards et le nombre de parents dont la responsabilité juridique a été engagée comme le permet la loi. La crédibilité de l’État passe par cette fermeté sans faille. Toute faiblesse de la justice serait coupable et aggraverait l’exaspération des Français.

Vous êtes acteur de la politique de la Ville. Est-ce un échec collectif pour la droite, la gauche, le centre qui se sont succédé au pouvoir depuis 25 ans ?

J’en ai marre d’entendre cette rengaine ! J’en ai assez qu’on mette tout le monde dans le même sac. De 2002 à 2012, nous avons agi avec la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, Ministre de l’Intérieur puis Président de la République ; avec la politique pénale de Rachida Dati, avec la politique en direction des quartiers de Jean-Louis Borloo. Mais la droite n’est plus au pouvoir depuis onze ans. Il y a des émeutes urbaines aux États-Unis, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou même en Suisse. La droite française n’est quand même pas responsable des violences partout dans le monde ! Quand on met tout le monde dans le même sac, par facilité ou même parfois par cynisme, quand on affirme que toutes les politiques ont échoué, c’est faire le lit des extrêmes et notamment de ces incapables d’extrême-droite.

Cette explosion de violence, illustre-t-elle un problème de relation entre la police et la jeunesse des quartiers, souvent issue de l’immigration et qui se sent stigmatisée ?

Mais si c’était ça le cœur du problème, alors pourquoi s’en prennent-ils aux pompiers qui sont là pour sauver des vies ? Si c’était ça le problème, pourquoi vont-ils piller les commerces de leurs quartiers ? Ras-le-bol de la théorie de l’excuse. Je le répète : en premier, il faut rétablir l’ordre et le respect de l’autorité, et avant tout celle des parents. C’est le préalable à tout. Ça ne résume pas un projet de société, mais c’est un préalable. L’autorité doit à nouveau être érigée comme un principe de base.

Dites-vous que cette crise couvait depuis longtemps avec le choix d’Emmanuel Macron, au début de son premier mandat, de renoncer à un grand plan banlieue recommandé par Jean-Louis Borloo ?

Le plan Borloo recommandait justement de s’occuper maintenant davantage des gens que des bâtiments. Il s’agissait d’engager très vite de nouvelles actions concrètes sur le terrain. On a perdu du temps sur ce sujet comme sur bien d’autres.

Cette crise est-elle l’un des symptômes de la crise migratoire et de l’incapacité du pays à absorber les quelque 3,5 millions d’immigrés arrivés sur le territoire national depuis 2005 ?

Oui et ça fait des années que la politique d’intégration est un échec. Et depuis dix ans, nous vivons au rythme d’une politique migratoire incontrôlée. Qu’attend le gouvernement pour réguler tout ça ? La banlieue ce n’est pas une affaire de milliards. C’est d’abord une question de volontarisme politique : imposer la sécurité, développer l’emploi dans ces quartiers populaires et remettre le service public au cœur de nos priorités notamment l’école… comme dans toute la France.

Avec le recul, maintenez-vous votre opposition à la réforme des retraites rendue encore plus nécessaire avec les sombres prévisions contenues dans le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites ?

Évidemment. Je maintiens que cette réforme était mal construite et injuste. Je maintiens qu’on pouvait travailler plus longtemps mais lorsqu’on avait commencé à travailler jeune, quand on est une femme avec une carrière fracturée et pour ceux qui sont cabossés physiquement par leur travail, il faut pouvoir partir plus tôt à la retraite. Une réforme équilibrée et juste était possible. J’avais proposé de la financer en supprimant plus vite les régimes spéciaux. On n’a pas voulu m’écouter. Et puis, comment a-t-il pu imaginer réformer les retraites sans avoir au préalable repenser le rapport des Français au travail : rémunération, reconnaissance dans le travail, perspectives d’évolution de carrière, conditions de travail… ? Quand on fait tout à l’envers, il ne faut pas s’étonner d’avoir la totalité des syndicats contre soi, y compris les plus réformistes comme la CFDT. Ma conviction profonde est que s’il n’y a pas la justice au cœur des réformes, les Français ne voudront plus les accepter.

En se divisant, la droite a-t-elle définitivement perdu sa fonction de parti de gouvernement ?

La droite a perdu l’élection présidentielle avant tout chose et pour la troisième fois consécutive. La droite a toujours été composée de sensibilités et de personnalités différentes. Parce que nos idées sont, à mon avis, le plus en résonance avec ce que veulent les Français, je suis intimement convaincu que nous sommes toujours à même de diriger le pays. Nous le démontrons en gérant avec efficacité nos collectivités.

Saluez-vous le succès de la politique de réindustrialisation du gouvernement qui a permis l’ouverture d’usines notamment dans les Hauts-de-France ?

J’ai poussé à fond pour la réindustrialisation de la Région Hauts-de-France depuis décembre 2015 et mon élection au conseil régional. Je suis bien sûr satisfait que le gouvernement suive la même logique. Tant mieux. Je rappellerai quand même le combat qu’il a fallu livrer en 2018 pour éviter la fermeture de l’usine Ascoval près de Valenciennes. Certains m’avaient reproché d’avoir interpellé trop durement le Président de la République et le gouvernement pour dire qu’il y avait encore de la place pour une politique industrielle dans la Région et dans le pays. Ascoval a été le premier symbole de ce combat que j’ai toujours porté. Le Président a désormais fait de la réindustrialisation et du nucléaire des priorités nationales, tant mieux. En 2019 quand Stellantis cherchait à implanter en France une première usine de batteries électrique, la Région s’est battue seule pour l’avoir. Maintenant, on travaille ensemble, en particulier avec Bruno Le Maire. C’est ce que j’appelle l’intérêt général.

Cela montre aussi une chose : nous avons absolument besoin d’une nouvelle étape dans l’organisation des pouvoirs dans notre pays. L’État central doit se concentrer sur les fonctions régaliennes et préparer l’avenir avec des choix stratégiques, notamment la réindustrialisation. Ensuite, l’État doit laisser la main aux territoires, aux élus locaux et même aux représentants de l’État dans les territoires pour agir au plus près. Si on doit aujourd’hui aller beaucoup plus vite dans les implantations, il faut que ce soient les préfets de Région qui reprennent les responsabilités qui sont aujourd’hui freinées dans les ministères. C’est ça la République des territoires que je défends. Dans les Hauts-de-France, cela marche. Nous avons réussi à avoir nombre d’implantations au point de créer une « vallée de la batterie ».

L’emploi revient dans les Hauts-de-France, y a-t-il un risque de pénurie de main-d’œuvre ?

J’ai une obligation de résultat. Dans la seule industrie automobile, il va falloir trouver dans les années qui viennent entre 13.000 et 20.000 salariés. Cela veut dire la mobilisation de moyens d’action totalement inédits. Nous travaillons tous ensemble : État, collectivités locales, organismes de formation, constructeurs automobiles. Cela veut dire que nous devons faire des efforts dans la formation initiale pour former pour ces nouveaux emplois mais aussi faire davantage dans la formation des demandeurs d’emploi. L’an dernier, sur Dunkerque, nous avons formé plus de 1.000 chômeurs aux métiers de l’industrie.

Le Président de la République avait donné 100 jours à la Première ministre pour apaiser et lancer de nouveaux chantiers après la réforme des retraites. Pourquoi refusez-vous sa main tendue ?

Quelle main tendue ? La situation politique dans laquelle se trouve Emmanuel Macron est connue : il a gagné l’élection présidentielle et a perdu les législatives. Il avait la majorité absolue, il ne l’a plus. Il lui manque 35 sièges pour avoir une majorité absolue. Donc tant qu’il sera dans le déni, il ne pourra rien faire. Rien. Aucune action politique efficace pour les quatre prochaines années. Et pourtant, la France a tant besoin de modernisation, d’apaisement. Le Président peut faire semblant de pouvoir agir, sa responsabilité est entière. Son premier mandat, entre la crise des gilets jaunes, le Covid et la guerre en Ukraine, n’aura pas permis à la France d’avancer comme il le faudrait. Espérons que le second mandat ne s’enfoncera pas dans l’immobilisme qui rapprochera encore un peu plus les extrêmes du pouvoir. Il faut prendre la mesure de la situation politique et donc imposer un changement complet de méthode. Il ne peut pas continuer à diriger le pays comme s’il avait une majorité absolue. Il ne peut pas continuer à travailler en regardant les élus en chiens de faïence alors que nous pourrions vraiment avoir un travail partenarial. Il ne peut pas faire avancer le pays sans avoir un véritable dialogue avec les partenaires sociaux. Nous avons besoin d’un gouvernement avec des ministres qui incarnent pleinement leur fonction aujourd’hui, et ils sont trop peu nombreux à le faire. Nous avons besoin en urgence d’une politique résolument différente en matière de sécurité et de justice. Il ne peut pas continuer à faire comme si les services publics pouvaient se contenter d’effets d’annonce. Nous avons besoin d’une nouvelle ambition sur la lutte contre le réchauffement climatique, sur la santé, le logement, l’école, la dette… La liste des angles morts de ce gouvernement est longue. Emmanuel Macron ne peut pas continuer comme si rien n’était grave.

Vous avez déclaré qu’Emmanuel Macron était en état de cohabitation. Cela veut-il dire qu’il n’est plus en état de faire avancer le pays sans vous ?

Oui et c’est une cohabitation inédite. Aucun parti politique n’incarne la majorité à lui seul. Il existe en revanche deux groupes parlementaires qui permettraient au gouvernement de bénéficier de cette majorité absolue. Ce sont Les Républicains et LIOT (ndlr, Liberté, indépendants, outre-mer et territoires).

Il faut arrêter de faire passer les députés membres du groupe LIOT comme des gauchistes extrémistes, car ils n’ont strictement rien à voir avec les Insoumis. Il faut arrêter de faire passer les députés LR pour autre chose que ce qu’ils sont, c’est-à-dire des élus responsables. C’est donc au Président de la République de prendre la mesure de la situation politique et ensuite d’engager une politique radicalement différente. C’est à lui de prendre une initiative franche et claire vis-à-vis de ces deux groupes politiques. Nous ne pouvons pas continuer avec sa politique d’effets d’annonce qui a remplacé celle des actions concrètes qui changeraient le quotidien des Français.

Sur l’immigration, il n’y a vraiment aucune voie de passage, y compris avec Gérald Darmanin, qui a pourtant des positions assez proches des vôtres…

Nos propositions sont claires, équilibrées et applicables immédiatement. LR reprend d’ailleurs celles que j’avais défendues le 4 novembre 2021 lors d’un discours sur l’immigration pendant la campagne de la primaire de droite. Ces propositions correspondent aux pratiques du Canada, de l’Australie ou de bien d’autres pays démocratiques. Si le Président veut nous tendre la main, il peut commencer en reprenant nos textes sur l’immigration.

CRISE DE L’AUTORITE, CRISE DE LA TRANSMISSION

CRISE DE L’AUTORITE, CRISE DE LA TRANSMISSION

Par MYRIAM REVAULT D’ALLONNES, philosophe, dans Caféphilo93 ( extrai)

On le dit partout : nous vivons une « crise » de l’autorité. Son ampleur nous paraît sans précédent puisqu’elle touche non seulement la sphère politique mais aussi la famille, l’école et même le pouvoir judiciaire. Cette évidence partagée, nul ne la conteste. Mais cerner la nature exacte de la crise et interroger la notion – « qu’est-ce que l’autorité ? » – est une tout autre affaire. Nombreux sont ceux qui, déplorant la perte de l’autorité, nous exhortent à la restaurer, autrement dit à la rétablir dans son état et dans la considération ou dans l’estime dont elle devrait jouir.

Il nous faudrait à la fois revenir à un paradigme perdu et regagner une reconnaissance qui fait défaut. Or jamais on ne retrouve les paradigmes perdus et, si la reconnaissance vient à manquer, il importe d’abord d’en rechercher les raisons. Mais surtout – et c’est bien par là qu’il faut commencer – ces invites à restaurer l’autorité recouvrent un contresens massif sur la notion elle-même puisqu’ils sont essentiellement des appels à réintroduire de la coercition, de l’ordre et de l’obéissance alors que l’autorité exclut le recours à la force ou à des moyens extérieurs de contrainte. Si l’on doit y avoir recours, cela signifie qu’elle a échoué. L’autorité n’est pas – quoi qu’on en dise – « tout ce qui fait obéir les gens ». Elle n’est pas le pouvoir et elle ne se réduit pas davantage à n’être qu’un instrument du pouvoir, une « augmentation » de la domination, même si le pouvoir prend souvent le masque de l’autorité. Elle n’a précisément pas besoin de s’affirmer sur le mode « autoritaire ». Telle est la première confusion qu’il importe de dissiper et qui n’appartient pas qu’au sens commun. Autorité, reconnaissance et dissymétrie non hiérarchique On résumera cette brève mise au point en disant que si le pouvoir requiert l’obéissance, l’autorité, quant à elle, appelle la reconnaissance et qu’à cet égard, elle se distingue aussi bien de la contrainte par force que de la pure et simple persuasion.

Elle exclut l’usage des moyens de coercition mais elle ne procède pas non plus de la persuasion par arguments, laquelle présuppose une relation entre égaux. Elle ne repose donc ni sur le pouvoir de celui qui commande ni sur une raison commune. Dans la relation d’autorité, ce que les deux termes ont en commun, c’est la relation dissymétrique elle-même dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité. Le premier enjeu serait donc – à partir de ce noyau que constitue la reconnaissance – de comprendre la nature de cette dissymétrie non hiérarchique. Non hiérarchique dans la mesure où elle ne répond pas au modèle de la relation commandement/obéissance, où elle ne coïncide pas avec un rapport de domination. Dissymétrique car la légitimité tient à une certaine prééminence, à une certaine supériorité de celui qui l’exerce. * Myriam Revault d’Allonnes est philosophe, professeur des Universités à l’École Pratique des Hautes Études. Son dernier livre : Le pouvoir des commencements, Essai sur l’autorité, Seuil, 2006. Conférence donnée au cours de la session 2005 des Semaines Sociales de France, « Transmettre, partager des valeurs, susciter des libertés » Transmettre, partager des valeurs, susciter des libertés 64 Ce n’est pas tout.

Au motif que la modernité a massivement récusé toute autorité procédant du divin ou de la tradition et qu’elle a cherché son fondement en elle-même, on feint de croire qu’avec cette nouvelle donne, l’autonomie des individus conduit à la perte de toute instance légitimante. Dans un monde où prévaut l’accord des volontés individuelles ne subsisterait que l’arbitraire des subjectivités, réglé au mieux par les échanges contractuels. Or c’est précisément ce qu’il importe d’interroger : le mouvement d’émancipation critique propre à la modernité a-t-il fait disparaître toute référence au tiers ? La perte avérée des modes traditionnels de donation du sens n’a-t-elle donné lieu qu’à la vacuité et au vide de sens ? Les conflits interminablement négociés au sein des démocraties modernes ne sont-ils bordés par aucun garant ? L’égalité ne souffre-t-elle la reconnaissance d’aucune dissymétrie ? Qu’est-ce qui, dans ces conditions, fait autorité dans une société qui s’est donné à elle-même le principe constitutif de son ordre ? Que l’autorité ne soit plus ce qu’elle était, que son acception traditionnelle n’ait plus cours est un fait incontestable. Selon l’acception traditionnelle, on pouvait énoncer la proposition suivante : lorsque le passé est transmis comme tradition, il fait autorité.

Lorsque que l’autorité se présente historiquement, elle devient tradition. Voilà bien une formulation à laquelle nous ne pouvons plus souscrire. Est-ce à dire que l’autorité « en général » s’est évanouie ? La relation d’autorité s’est-elle définitivement absentée du monde contemporain ? Et surtout, est-elle devenue obsolète ? Crise de l’autorité et avènement de la modernité Il faut rappeler que la « crise » de l’autorité ne date pas d’aujourd’hui : elle est consubstantielle à l’avènement même de la modernité. Si flottantes et diverses que soient les définitions de cette « modernité », on s’accorde au moins sur l’idée qu’elle se caractérise massivement par un mouvement d’arrachement au passé et à la tradition. Elle répond à une volonté à la fois d’auto-fondation rationnelle et d’auto-institution politique : les deux sont inséparables et ont précisément en commun de revendiquer un mode de légitimité qui se détache non sans violence de la tradition et du passé. Lorsque la philosophie des Lumières conteste l’« autorité » porteuse de préjugés en la soumettant au crible de la raison critique, elle s’en prend certes à cette forme de précédence qu’est l’autorité énonciative et vise un mode d’autorité intellectuelle lié au primat d’un énoncé ancien (Aristoteles dixit). Mais cette contestation ne prend sens que sur fond d’une radicale mutation de l’autorité institutionnelle, autrement dit juridico-politique. Ce que confirme à l’évidence la source latine : auctor (l’auteur) et auctoritas (l’autorité) appartiennent, nous le savons, au même champ sémantique.

Tous deux viennent du verbe augere : augmenter. Le discrédit de la notion de préjugé C’est donc la question de l’autorisation qui est ici en jeu. Puisque l’augmentation par la précédence est battue en brèche par les principes mêmes de la modernité, de quoi peut bien s’autoriser un énoncé afin de fonder sa crédibilité ? De quoi s’autorise un pouvoir – et plus généralement une institution – qui puisse entraîner la reconnaissance de sa légitimité ? Si la source de l’autorité est « déconnectée » du régime de la tradition, la modernité a-t-elle inventé une nouvelle figure de la transcendance ? Ou alors cette dernière a-telle disparu et avec elle l’autorité en général ? À cet égard, rien n’est plus emblématique de ce qu’on a appelé la « crise de la conscience européenne » (ce mouvement qui va de la Renaissance aux Lumières) que l’article « autorité » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. « Qu’importe que d’autres aient pensé de même ou autrement que nous, pourvu que nous pensions juste, selon les règles du bon sens et conformément à la vérité ? Il est assez indifférent que votre opinion soit celle d’Aristote, pourvu qu’elle soit selon les lois du syllogisme.

À quoi bon ces fréquentes citations, lorsqu’il s’agit de choses qui dépendent uniquement du témoignage de la raison et des sens ? … Ceux à qui il manque assez d’étendue pour penser eux-mêmes se contentent des pensées d’autrui et comptent les suffrages. » Ce texte (anonyme) porte non pas sur l’autorité politique, auquel Diderot consacre un article spécifique, mais sur le rejet du principe d’autorité en matière de connaissance. Il ne faut admettre que ce qui s’impose à la raison et écarter ce qui relève du pré-jugé, c’est-à-dire du jugement non fondé. Or ce fondement s’est déplacé et même retourné : du poids de la tradition et de l’héritage des Anciens vers la capacité d’autonomie et d’auto-réflexion. Penser par nous-mêmes, « penser par soi-même », « sans préjugés », dira Kant au § 40 de la Critique de la Faculté de juger, énonçant ainsi l’une des trois maximes qui doivent normer l’exercice du jugement. Cette maxime, précise-t-il, est celle d’une raison qui n’est jamais « passive » et l’on « appelle préjugé la tendance à la passivité c’est-à-dire à l’hétéronomie de la raison ».

12345...55



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol