Et maintenant juger le criminel Poutine
Un papier du Monde estime que Les démocraties doivent soutenir le travail de la justice ukrainienne et celui de la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête début mars. Il importe que la guerre menée par le président russe ne reste pas impunie.Poutine de ce point de vue porte une responsabilité personnelle de nature criminelle qui mérite maintenant d’être jugée
Pour Joe Biden, président des Etats-Unis, Vladimir Poutine est un « criminel de guerre ». Deux semaines avant lui, le 2 mars, le premier ministre britannique, Boris Johnson, avait jugé le président russe coupable de « crimes de guerre » en Ukraine, Etat souverain envahi par l’armée russe le 24 février. Il s’agit là d’accusations graves, mais à la portée purement politique. Alors que les témoignages d’exactions délibérées contre les civils se multiplient en Ukraine, il appartient maintenant à la justice internationale de faire son travail. Il est indispensable qu’elle puisse réserver à cette agression et à ses conséquences sur la population le traitement judiciaire qu’elles méritent.
Sous quelle forme ? La juridiction la plus appropriée est, bien sûr, la Cour pénale internationale (CPI). Une quarantaine de pays, dont la France, lui ont demandé de se saisir de ce dossier. La Russie a retiré, en 2016, sa signature du traité créant la CPI, qu’elle avait signé en 2000, mais ses ressortissants visés par un mandat d’arrêt peuvent être arrêtés partout.
Le 2 mars, le procureur de la CPI, le Britannique Karim Khan, a ouvert une enquête sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre susceptibles d’avoir été commis en Ukraine depuis le 21 novembre 2013 – requête spécifique formulée par Kiev.
Le travail de recueil des preuves a donc commencé. Le procureur s’est rendu en Ukraine le 16 mars. Il y a rencontré la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova, dont les services recueillent des preuves depuis le premier jour. La CPI peut poursuivre tous les auteurs de crimes de guerre, y compris Vladimir Poutine, puisqu’elle ne reconnaît pas l’immunité accordée aux chefs d’Etat par les juridictions nationales.
Le procureur Khan enquête aussi sur les crimes qui pourraient être commis côté ukrainien (contre les prisonniers, par exemple) et a adressé une requête à la Russie pour demander sa coopération.
La CPI pourrait ainsi émettre en quelques mois des mandats d’arrêt contre des officiers russes en Ukraine, que Kiev, s’ils ont été faits prisonniers, pourrait choisir de transférer à La Haye. Ces mandats d’arrêt comportent souvent une partie sur l’historique des crimes dont les suspects sont accusés : leur supérieur hiérarchique n’est autre que Vladimir Poutine, dont la responsabilité, au moins dans la décision du déclenchement de la guerre, pourrait être citée. Rien, juridiquement, n’empêchera le procureur d’émettre un mandat contre le président Poutine si les preuves sont réunies.
L’Ukraine a également saisi, le 27 février, la Cour internationale de justice ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme. Le juriste Philippe Sands et l’ex-premier ministre britannique Gordon Brown demandent, eux, la création d’un tribunal spécial pour examiner le crime d’agression commis par la Russie, accusation qui ne fait ici aucun doute mais dont ne peut s’emparer la CPI, puisque les deux Etats concernés, la Russie et l’Ukraine, n’ont pas ratifié son statut.
Toutes ces initiatives sont bienvenues, tant il importe que la guerre de Vladimir Poutine ne reste pas impunie. Il faut, en tout cas, soutenir le travail de la justice ukrainienne et celui de la CPI, afin que la perspective de mandats d’arrêt puisse faire réfléchir certains responsables russes, civils et militaires. Pour qu’ils ne dorment jamais en paix, il faut leur rappeler le sort, entre autres, des dirigeants serbes Slobodan Milosevic et Radovan Karadzic, que l’on a fini par traîner devant les juges de La Haye.