Cryptomonnaies: Les mineurs créateurs de monnaie fuient la Chine
Un article du Wall Street Journal explique la fuite des mineurs (créateurs) de cryptomonnaies suite à la décision chinoise de contrôler l’électricité considérable que cette monnaie exige pour faire tourner les ordinateurs.
Lorsque la Chine a décidé de s’en prendre au minage de cryptomonnaies au début de l’été, Bit Digital, entreprise cotée au Nasdaq, a mis les bouchées doubles pour transférer son parc de plus de 20 000 ordinateurs hors du pays.
Ces machines sont au cœur de l’activité de Bit Digital, qui est basée dans le New Jersey et tire ses bénéfices du minage de bitcoins en connectant ses ordinateurs surpuissants à des sources d’électricité bon marché, afin qu’ils puissent résoudre des problèmes mathématiques et « débloquer » de nouveaux bitcoins. Ce processus, qui était à la portée de n’importe quel utilisateur de PC il y a dix ans, s’est mué en une vaste industrie qui fait appel à de nombreux ordinateurs et nécessite des quantités considérables d’électricité.
Bit Digital et d’autres entreprises spécialisées dans le minage de cryptomonnaies se heurtent aujourd’hui à de nombreux obstacles dans le transfert de leurs ordinateurs hors de Chine, pays qui, auparavant, consommait les deux tiers de l’énergie mondiale dédiée au minage de bitcoins. Leurs machines sont très sensibles aux chocs, ce qui complique fortement leur conditionnement et leur transport international. Un nouvel ordinateur peut coûter 12 000 dollars.
Les entreprises ont dû décider s’il valait mieux déménager leur matériel par voie aérienne ou maritime, en tenant compte des frais et de la durée d’acheminement. Bit Digital a indiqué qu’elle comptait encore 9 484 ordinateurs de minage — soit environ un tiers de son parc — dans la province du Sichuan au 30 juin dernier. Elle a fait appel à de grands groupes de logistique internationaux pour l’aider à transférer son matériel, et espère pouvoir le récupérer en Amérique du Nord d’ici à la fin septembre, a précisé Samir Tabar, le directeur stratégique de Bit Digital. L’entreprise compte installer ses ordinateurs dans le Nebraska, en Géorgie, au Texas et dans la province canadienne de l’Alberta.
L’ensemble du processus pourrait coûter des millions de dollars. Ces derniers mois, les cours du pétrole ont augmenté, et les goulots d’étranglement causés dans le transport par la pandémie de coronavirus ont entraîné une flambée des coûts du fret. Les ordinateurs entrant aux Etats-Unis en provenance de Chine font par ailleurs l’objet de droits de douane à hauteur de 25 %. Outre les difficultés propres au conditionnement et au transport de ces machines fragiles, les entreprises doivent trouver des sites disposant d’une quantité d’énergie suffisante pour les accueillir.
« L’impact financier sur les “mineurs” en Chine est énorme, souligne Fred Thiel, le patron de Marathon, un spécialiste du minage de cryptomonnaies basé à Las Vegas. C’est un peu comme si General Motors devait fermer une usine et en construire une autre ailleurs », explique-t-il, établissant un parallèle avec le constructeur automobile de Detroit.
Après s’être longtemps opposée aux cryptomonnaies, la Chine était devenue un marché de premier plan du minage de bitcoins en raison du faible coût de son électricité
Les « mineurs » tirent leurs recettes des frais appliqués au traitement des transactions en bitcoins. En contrepartie, ils ont la possibilité de participer à une loterie, durant laquelle ils laissent leurs ordinateurs produire des numéros au hasard dans l’espoir de trouver celui qui permettra de débloquer de nouveaux bitcoins. Il est ainsi plus rentable de miner des bitcoins lorsque la valeur en dollars de la cryptomonnaie augmente. Si le bitcoin a pu grimper jusqu’à 65 000 dollars à la mi-avril, dopant les recettes du minage, la cryptomonnaie la plus populaire au monde a depuis perdu près d’un quart de sa valeur.
Le réseau du bitcoin a été conçu de tel sorte qu’il ne produise de nouvelles unités de cryptomonnaie que toutes les dix minutes, le nombre d’unités étant par ailleurs appelé à diminuer à l’avenir. La concurrence à laquelle se livrent les « mineurs » pour débloquer de nouveaux bitcoins entraîne donc une forte consommation d’énergie, car la seule manière d’augmenter leurs chances de trouver le bon numéro est de mettre en ligne davantage de machines. Lorsque le bitcoin a atteint son sommet en avril, le minage a rapporté plus de 70 millions de dollars par jour, alors qu’un indice de l’Université de Cambridge évalue la consommation annuelle d’électricité de cette activité à environ 130 térawatts/heure — soit plus que celle de l’Argentine.
Après s’être longtemps opposée aux cryptomonnaies, la Chine était devenue un marché de premier plan du minage de bitcoins en raison du faible coût de son électricité, en particulier dans les régions riches en charbon de la Mongolie intérieure et du Xinjiang, ainsi que dans le Sichuan et le Yunnan, producteurs d’énergie hydroélectrique. Si certaines entreprises comme Bit Digital avaient envisagé la possibilité que la Chine s’en prenne au minage, et ont commencé à transférer leurs ordinateurs dès la fin 2020, d’autres ont été prises de court par les annonces de Pékin en mai et les mesures des gouvernements locaux qui s’en sont suivies.
« C’était une possibilité que nous avions à l’esprit, mais jusqu’à maintenant ce n’était pas une question urgente », explique Alejandro De La Torre, vice-président de Poolin, un pool de minage de cryptomonnaies présent depuis longtemps en Chine. Les pools de minage permettent à des groupes de « mineurs » de conjuguer leur puissance de calcul pour augmenter leurs chances de débloquer des bitcoins et d’en partager les bénéfices.
La récente offensive chinoise contre le minage, qui a entraîné ce que certains nomment la « grande migration des mineurs », survient alors que le gouvernement a fixé d’ambitieux objectifs de réduction du recours au charbon, entendant faire de la Chine une championne de la lutte contre le changement climatique. Les spécialistes du minage jusqu’alors actifs en Chine transfèrent leurs machines aux Etats-Unis, mais aussi au Kazakhstan, ou encore en Russie.
M. De La Torre indique qu’il s’est mis en quête d’endroits aux Etats-Unis où il pourrait déménager une partie de son matériel de minage installé en Chine et construire un vaste centre de données.
L’activité de minage semble repartir à la hausse. Un indicateur de la puissance de calcul destinée au minage de bitcoins, qui avait atteint début juillet son plus bas niveau depuis septembre 2019, s’est redressé ces dernières semaines
Bit Digital fait appel à des entreprises comme Compute North pour trouver des sites où transférer ses dernières machines. Compute North, qui propose des infrastructures d’hébergement de matériel de minage au Texas, dans le Dakota du Sud et dans le Nebraska, a connu une telle hausse de la demande ces derniers mois qu’elle a décidé de créer cinq nouveaux sites pour accueillir des « mineurs ». Ces sites se trouvent au Texas et en Caroline du Nord.
D’autres entreprises ont vu le jour dans les services logistiques dédiés aux spécialistes du minage souhaitant relocaliser leur matériel. A Shenzhen, dans le sud de la Chine, des employés d’une entreprise nommée Hash House s’affairent ces derniers temps à nettoyer, tester, réparer et reconditionner les machines de minage avant de les charger dans des avions. Installées dans des zones rurales ou industrielles à travers le pays, ces machines pourraient être sales et rouillées, observe Kirk Su, le propriétaire de Hash House.
Selon Dave Perrill, le patron de Compute North, les grands acteurs du secteur qui ont accès à des ressources et ont des partenariats aux Etats-Unis — comme Bit Digital — sont bien mieux placés pour tirer leur épingle du jeu dans cet exode. Compute North, qui s’est associé à des groupes de services collectifs comme le Nebraska Public Power District, accompagne les nouveaux arrivants dans le processus complexe que constitue la recherche de sources d’énergie fiables et abordables.
« Comme pour tous les marchés, il y a un peu de darwinisme », observe M. Perrill. Son entreprise a reçu davantage de demandes d’hébergement d’activités de minage en provenance de Chine que ses capacités existantes ne lui permettent d’accueillir.
L’activité de minage semble repartir à la hausse. Un indicateur de la puissance de calcul destinée au minage de bitcoins, qui avait atteint début juillet son plus bas niveau depuis septembre 2019, s’est redressé ces dernières semaines.
Les adeptes des cryptomonnaies affirment que la migration des activités de minage accentuera la décentralisation du bitcoin en assurant une concurrence dans le déblocage de bitcoins et la vérification des transactions à l’échelle mondiale.
(Traduit à partir de la version originale en anglais par Anne Montanaro)
Traduit à partir de la version originale en anglais