Le maire Heller de Saint-Etienne craint la stigmatisation de l’islam
Dans une tribune à l’opinion le maire de Saint-Etienne craint la stigmatisation de l’islam. Une tribune intéressante dans la mesure elle rend bien compte des hésitations et atermoiements de la classe politique depuis des années sur une problématique centrale pour l’avenir de la société. Le maire LR de Saint-Etienne estime que « le président de la République ôte toute dimension universelle au débat législatif qui va s’engager » et « prend le risque d’une stigmatisation de l’islam, appréhendé uniquement sous l’angle d’une radicalisation »
Le président de la République a souhaité préciser sa pensée concernant la future loi sur les séparatismes qui sera présentée, début décembre, en Conseil des ministres avant examen par le Parlement. Immédiatement, Emmanuel Macron a indiqué que le futur texte de loi sera entièrement destiné à combattre les dangers que fait peser l’islam radical sur notre République et sa cohésion nationale.
De nombreuses évolutions sont à attendre de ce texte concernant, notamment, la loi de 1901 qui touche à la liberté d’association ainsi que, comme le laisse entendre le ministre de l’Intérieur, la loi de 1905 portant sur la laïcité. Il est évident que ces deux lois, textes essentiels, piliers incontournables des libertés fondamentales, ne peuvent être modifiées sans qu’un certain nombre de garanties ne soient apportées par le pouvoir exécutif.
Souhaitons, à l’image de l’abbé Lemire, s’exclamant à la tribune de l’Assemblée nationale le 11 avril 1905, que cette loi « ne laisse pas derrière elle une inquiétude et une injustice ». Avouons, que depuis 2017, malheureusement, le président de la République n’a jamais donné la preuve de savoir toujours éviter les écueils de l’inquiétude et de l’injustice.
Méthode. A cet effet, la méthodologie de discussion qui sera retenue sera absolument primordiale, afin d’éviter tout risque de dérive, au moment des débats, qui pourrait conduire à rogner sur les libertés fondamentales. Il est évident aussi que les collectivités territoriales participent, dans l’esprit du président de la République, de la conception de ce texte à venir. Il reste à espérer que les associations représentatives seront largement associées afin d’apporter leurs éclairages indispensables lors des débats législatifs. Les collectivités en général, et plus spécifiquement les communes, sont au contact direct des associations, en les accompagnant tous les jours, et construisent, aussi, une « laïcité du quotidien » qui permet une déclinaison opérationnelle et pragmatique des valeurs chères à Aristide Briand. Une action bénéficiant, désormais, d’une assise juridique stable offerte par la jurisprudence du Conseil d’Etat, dont il faudra tenir compte au moment des débats.
En revanche, sur le fond, on peut regretter que la longue présentation du président de la République s’intéresse d’abord aux différences d’opinion, en l’espèce religieuses, au risque de se retrouver dans une impasse. En effet, la loi de 1905 s’attache, dans son esprit, d’abord à la question de l’exercice des libertés fondamentales reconnues au citoyen. Ce texte a servi aussi, par extension, à définir le périmètre exact de l’expression, au sein de la sphère publique, de toute opinion religieuse, philosophique ou politique.
En inversant cette logique, le président de la République ôte toute dimension universelle au débat législatif qui va s’engager mais, de surcroît, prend le risque d’une stigmatisation de l’islam, appréhendé uniquement sous l’angle d’une radicalisation, voulue par une infime minorité, dont le danger pour la République et les citoyens, à commencer par nos compatriotes de confession musulmane, est incontestable.
Risque de division. Il aurait été préférable de conserver l’esprit de la loi de 1905 faisant de l’individu d’abord un citoyen et, ensuite, un « porteur de différences ». Cela aurait permis aussi de s’interroger sur l’apport culturel de chacun à ce creuset si précieux qu’est la République. Dans une société fragmentée et en proie à des questionnements sur le vivre ensemble, cela aurait mis aussi le principe de concorde, donc de cohésion nationale, au cœur des débats sans prendre le risque de diviser nos concitoyens entre eux. Ainsi, nous aurions été en mesure de rappeler avec fermeté et sérénité, ce principe incontournable de notre Pacte républicain, à savoir que les particularismes ne peuvent primer sur la loi universelle.
La démarche présidentielle ouvre alors la voie à une négociation pérenne de la République avec tous les particularismes, quelle que soit leur nature, cherchant une reconnaissance au Panthéon des valeurs républicaines. La société française vit, depuis de trop nombreuses années, à l’heure de clivages qui la minent et l’affaiblissent, au moment même où les défis à relever exigent un effort de cohésion. Les Français s’interrogent sur le sens même du projet partagé qui doit servir de moteur à la Nation. En les opposant tour à tour sur le plan économique, social, politique ou des enjeux de société, nombreux sont ceux, parmi nos responsables politiques, qui ont pris le risque, en jouant aux apprentis sorciers, de provoquer des cassures qui pourraient, à terme, se révéler irréparables.
Il est temps que le président de la République, après avoir affronté la crise des Gilets Jaunes, prenne la mesure de ces cassures profondes et du besoin de créer les conditions mêmes d’une réconciliation à laquelle les Français, dans leur ensemble, aspirent de manière intense. Il est temps que notre réflexion politique replace, au centre du débat, le citoyen, être doué de droits et devoirs, dont la liberté ne saurait, au nom des différences qui sont les siennes, venir miner notre maison commune : la République.
Est-ce un nouveau rendez-vous manqué pour le président de la République ?
Gaël Perdriau est maire de Saint-Etienne et vice-président des Républicains.