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Conventions citoyennes : le coup d’Etat permanent de Macron

Conventions citoyennes : le coup d’Etat permanent de Macron

 

En délicatesse avec l’opinion publique et le Parlement, Macron continue son opération de démolition démocratique en faisant l’impasse sur les institutions et les organisations représentatives. Le petit prince s’inspire de Machiavel- sujet de sa thèse–mais un Machiavel au petit pied qui ne sait pas trop lui-même quel est son projet hormis celui de servir les grands intérêts financiers.

Il a trouvé la martingale démocratique pour s’affranchir totalement des différentes institutions aussi bien de démocratie participative que de démocratie représentative. Pour lui ,il suffit de réunir quelques dizaines de poilus avec nombre d’experts pour les manipuler afin de gérer les orientations du pays ( le parti « en marche » -maintenant « renaissance » étant une fiction).

En réalité une sorte de coup d’état permanent pour contourner le nombre incalculable d’organismes de concertation mais aussi d’institutions délibératives comme le Parlement. C’est aussi le moyen pour lui de tenter de meubler son grand vide idéologique car la macronie est idéologiquement une illusion  qui disparaîtra avec Macron.

C’était le cas en matière d’environnement avec la fameuse convention citoyenne qui a fait flop. Ce sera évidemment le cas avec la convention citoyenne qui en quelque semaine doit régler les problèmes fondamentaux suivants qui influent sur la vie des Français : l’emploi, l’école, la santé, le vieillissement et la transition écologique !

Face à l’accueil très tiède de l’opinion publique, Macron a promis d’élargir le débat et de l’ouvrir sur Internet. Pire,  il envisage même des référendums.

Très récemment  ,il vient de décider d’une nouvelle convention citoyenne concernant cette fois la fin de vie. La difficulté pour un vrai débat est d’bord la complexité du sujet tout autant que les changements d’orientation de Macron. Macon s’est en effet d’abord prononcé pour une orientation du type de ce qui se pratiquent en Belgique.(Voir ci-après). Changement de position à nouveau car Macon affirme désormais que son modèle n’est pas belge. Sans doute est-il plus proche de ce qui existe aujourd’hui à travers la loi Léonetti et qui en vérité n’a jamais été correctement mis en œuvre.

La première démarche pertinente consisterait donc d’abord à faire le bilan de cette loi qui n’a que quelques années avant de s’engager dans des discussions de bistrot ou des réflexions manipulées par des « experts ».

On a bien vu à travers la convention citoyenne que ce type de formation pour la concertation ne pouvait aboutir qu’à des propositions de type auberge espagnol avec tout et le contraire. Comment en effet des citoyens en quelques semaines pourrait-il être plus compétents que les institutions, organisations et responsables  qui travaillent les différences questions sociétales depuis des dizaines d’années. Des organisations représentatives même si on peut discuter de leur degré. Des organisations également compétentes. Alors que les citoyens tirés au hasard n’ont évidemment aucune légitimité, aucun acquis collectif et scientifique.

La systématisation de ces conventions citoyennes révèle le caractère libertaire voir anarchique de Macron,  par contre très fidèle aux principes de soutien des grands intérêts financiers. On objectera que nombre d’institutions et d’organisation ne sont pas assez représentatives mais ce n’est pas les remplaçants par des réunions de bistrot qu’on  renforcera la crédibilité de la réflexion et des orientations. (Par ailleurs, la systématisation des conseils de défense révèlent la personnalisation du pouvoir et son caractère autoritaire)

 

Principe en Belgique ( la revue du praticien)

Adoptée en 2002 et étendue aux mineurs en 2014, la législation belge poursuivait trois objectifs : mettre fin à des pratiques d’euthanasie clandestines, encadrer les demandes d’euthanasie et contrôler l’application de la dépénalisation de l’euthanasie. La loi belge dépénalise l’euthanasie sous réserve de plusieurs conditions. Le médecin doit s’as- surer que le patient est majeur ou mineur émancipé capable ou mineur doté de discernement et conscient au moment de la demande d’euthanasie. Le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. La demande doit être formulée par écrit et, dans l’hypothèse où le patient n’est pas en état de le faire lui-même, cette demande doit être écrite par un tiers qui ne peut avoir un intérêt matériel au décès du patient, en présence du médecin. Le médecin saisi d’une demande doit avoir au préalable informé le patient de son état de santé, de son espérance de vie, des possibilités de traitement, des soins palliatifs accessibles. Il s’agit donc d’une obligation d’information concernant les soins palliatifs et non de l’obligation imposée d’y recourir. La loi sur les droits du patient permet d’ailleurs à celui-ci de refuser toute offre de soins. La loi relative à l’euthanasie exige également que le médecin conduise plusieurs entretiens avec son patient pour s’assurer de la persistance de ses intentions, et à tout instant le patient peut renoncer à sa demande. Cette demande ne peut résulter que d’un choix, après avoir reçu toute l’information nécessaire.
Les auteurs de la proposition de loi sénatoriale à l’origine de la loi définitivement adoptée considéraient que l’état de nécessité avait pour effet de mettre à l’abri de poursuites pénales les médecins pratiquant des euthanasies. Pour eux, cette situation « entraînait des pratiques semi-clandestines, ne permettant pas le contrôle social de ces pratiques et rendant plus difficile la tenue d’un dialogue approfondi entre le patient et son médecin ». Cependant, tant implicitement les rapports de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (CFCEE) que des études scientifiques révèlent que cet objectif de transparence n’a pas été atteint.

Des conventions citoyennes partout !

Des conventions citoyennes partout !

 

Le collectif Horizon Terre, composé d’une quarantaine de membres académiques, associatifs et étudiants, estime, dans une tribune au « Monde », que les orientations de la recherche sont avant tout des choix de société auxquels les citoyens devraient prendre part.

Et de recommander que les conventions citoyennes se tiennent partout. Une bonne manière d’enterrer la démocratie représentative pour lui substituer une démocratie associative bidon avec des marionnettes tirées au hasard. Avec quelques experts et une belle manipulation pédagogique,  on parvient ainsi à des conclusions écrites d’avance. Une stratégie d’utopistes et de gauchistes bien connue. Comment prétendre que la population sera associée alors que ne participeront aux travaux qu’une dizaine de poilus « choisis au hasard » ?. NDLR

Cela figure dans la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche et pourtant ce n’est pas appliqué : « Mettre en place un débat citoyen périodique sur les orientations prioritaires de la politique de recherche nationale. » Nous faisons une proposition très concrète pour permettre l’application de cette loi : organiser des conventions citoyennes au niveau national et régional, par thématiques, pour décider de l’affectation de 10 % du budget de la recherche publique.

Nous considérons, d’une part, qu’un tel dispositif est nécessaire et urgent dans le contexte social et écologique actuel, d’autre part, qu’il est réaliste. « Nous », c’est le collectif Horizon Terre, une quarantaine de membres académiques, associatifs et étudiants. Nous avons travaillé depuis trois ans sur ce que pourraient être les priorités de la recherche dans le contexte des limites planétaires. Le document que nous avons produit, à lire sur Horizon-terre.org, constitue un matériau pour l’appropriation citoyenne du sujet des orientations de recherche.

Tout le monde s’accorde sur le constat que nos sociétés affrontent un défi sans précédent pour lutter contre les ravages écologiques. Un objectif majeur est d’atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément à la réglementation légale en France et en Europe. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a montré qu’il existait des chemins très différents permettant d’atteindre ce but. Certains scénarios visent la poursuite du consumérisme qui deviendrait « décarboné » ou « compensé en carbone », en faisant le pari que de nouvelles technologies le permettront.

D’autres scénarios privilégient au contraire la sobriété, les « low-tech », la relocalisation des activités et des changements comportementaux et organisationnels. Assurément, ces scénarios dessinent des sociétés très différentes entre lesquelles un choix devrait être fait de façon démocratique.

D’hypothétiques ruptures technologiques

Ces choix de société nécessitent également des connaissances et des technologies nouvelles : ingénierie high-tech d’un côté, ingénierie low-tech et sociale de l’autre. Sans ces connaissances, pas de choix : celles produites aujourd’hui seront celles qui seront mobilisées demain. Par conséquent, les orientations actuelles de la recherche dessinent ou verrouillent les futurs possibles.

Malheureusement, d’une part la société est mise à l’écart de ces choix, d’autre part un seul type de solution est privilégié, comme s’il n’y avait pas d’alternative. En effet, le 8 novembre 2021, le gouvernement a fait adopter au Parlement le plan d’investissement France 2030, doté de 34 milliards d’euros sur cinq ans, en moins de 45 minutes et en présence de seulement cinquante députés – autrement dit sans débat.

Conventions citoyennes: outil de communication politique ou de démocratie

Conventions citoyennes: outil de communication politique ou de démocratie

 

 

Antoine Denry ,directeur stratégie chez H+K Strategies Paris, professeur au CELSA et à l’Université Panthéon-Sorbonne s’interroge sur le rapport entre conventions citoyennes et démocratie.

 

Renforcer le rôle du Conseil économique, social et environnemental (CESE) est l’un des grands projets du mandat d’Emmanuel Macron, afin de promouvoir des formes de démocraties participatives et répondre ainsi à la défiance croissante qui vise les pouvoirs publics. En ce sens, les comités de citoyens tirés au sort qui émergent dans son sillage peuvent-ils remédier à la crise démocratique que nous vivons ? Ne remettent-ils pas en cause le principe même du suffrage universel et ne traduisent-ils pas in fine un mépris des élus susceptible d’aggraver encore la crise démocratique ?

Suite à la crise des Gilets jaunes, le grand débat national avait rencontré un vif succès, une loi organique a donc été adoptée le 15 décembre dernier pour prolonger ce grand élan. Elle consacre le principe de citoyens tirés au sort pour travailler avec le CESE et porter la voix de la société civile, entre le parlement et l’exécutif. Avec la Convention citoyenne pour le climat, cette ambition de rafraîchissement démocratique avait trouvé un premier débouché. Avec le Comité sur la vaccination et ses 35 citoyens tirés au sort il s’agit de pérenniser cet exercice et de faire du CESE la chambre des conventions citoyennes nationales.

L’objectif affiché de ces instances est louable : associer au processus décisionnel la parole civile au travers d’une délibération citoyenne de qualité. Néanmoins, le problème réside ailleurs. D’abord ce comité de vaccination fait partie d’un maquis déjà existant d’instances associées aux décisions sur le déploiement des vaccins : conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, comité scientifique, comité citoyen, comité des professionnels de santé, comité d’élus, comité de la société civile.

Ensuite et surtout, autant la convention citoyenne pour le climat visait à formuler des propositions, autant le comité sur la vaccination n’est lui chargé que « d’émettre des observations et d’interpeller Alain Fischer » dans un rapport remis « d’ici l’été ». C’est ce point-là qui vient mettre en exergue l’inanité du parlement et vient souligner le problème institutionnel de la Ve République depuis la mise en place du quinquennat.

Avec ce comité ou d’autres conventions annoncées, comme celle sur les discriminations, nous sommes face à un acte de communication politique qui vient en réalité pallier un problème institutionnel, à savoir la mauvaise représentation du corps électoral au sein de l’Assemblée nationale et la caducité du pouvoir parlementaire dans un régime devenu « présidentialiste ».

Les comités de citoyens peuvent-ils représenter une solution ? La participation citoyenne peut certes nourrir la délibération démocratique mais elle ne peut en aucun cas s’y substituer et venir remplacer le rôle de force de proposition et de contrôle que doit exercer le Parlement

Il est certes nécessaire que le pouvoir exécutif ait toute latitude pour gouverner mais trop d’autorité tue l’autorité, et aujourd’hui chacun sent bien que le pouvoir entre les mains du seul président de la République et du Premier ministre, l’Assemblée Nationale ne faisant que ratifier les décisions, pose problème. L’absence de réel contre-pouvoir représentatif de l’ensemble des Français est un sujet central. Le scrutin majoritaire à deux tours ne permet plus cette représentativité. Il a eu son efficacité dans le passé mais compte tenu désormais de la conjonction des élections présidentielles et législatives et des nouveaux rapports de force politique, certains courants représentant pourtant 20 % des électeurs ne sont quasiment pas représentés. Cela n’est pas sain et peut mener à des mouvements contestataires violents.

Aujourd’hui quelle réponse possible ? Une dose de proportionnelle était prévue dans l’accord électoral entre Bayrou et Macron lors de la campagne de 2017 mais il sera difficile pour le Président de tenir ses engagements compte tenu des urgences liées à la crise sanitaire. Certains pourraient y voir une manœuvre politique à l’heure où tous les yeux sont braqués sur la circulation du virus et l’approvisionnement en vaccins.

Les comités de citoyens peuvent-ils représenter une solution ? La participation citoyenne peut certes nourrir la délibération démocratique mais elle ne peut en aucun cas s’y substituer et venir remplacer le rôle de force de proposition et de contrôle que doit exercer le Parlement. Soit le peuple est consulté directement pour prendre des décisions, et cela s’appelle un référendum, soit les citoyens choisissent des personnes censées les représenter, et c’est une élection, ce que nous faisons très régulièrement, presque tous les ans même.

Et si le but est de sonder l’opinion, il faut un panel bien plus grand que quelques dizaines de personnes qui ne représentent qu’elles-mêmes. Nul ne peut prétendre qu’il n’est pas nécessaire de trouver de nouveaux modes d’expression des citoyens mais nul ne peut soutenir que le tirage au sort confère autant de légitimité démocratique, donc d’autorité et de droit à décider, que le suffrage universel.

Antoine Denry est directeur stratégie chez H+K Strategies Paris, professeur au CELSA et à l’Université Panthéon-Sorbonne.

Corruption : Premières conventions judiciaires ou la justice à l’américaine

Corruption : Premières conventions judiciaires ou la  justice à l’américaine

Premières conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) pour des faits de corruption, conclues par le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) avec des fournisseurs d’EDF, .Des conventions qui sont des sortes de négociations entre les auteurs de délits et la justice au nom d’une  meilleure lutte contre la corruption. Bref,  la justice à l’américaine s’invite en France (comme la politique). Pas sûr que ces procédures judicaires soient très adaptées à l’esprit d’égalité. Ces conventions qui avaient été très critiquées par le conseil d’Etat. (Voir article ci-dessous).  Le 1er juillet 2011, le directeur de la sécurité d’EDF avait informé la direction centrale de la police d’un système de corruption en place depuis plusieurs années au sein de la direction des achats du groupe. Il avait été informé par le directeur d’une société prestataire de service qu’un salarié de cette direction demandait des commissions en échange de l’attribution ou du maintien de certains marchés. L’enquête a notamment permis d’établir que les sociétés Kaeffer Wanner (KW), spécialisée dans les travaux d’isolation et de peinture, et SET Environnement (dépollution), avaient versé des commissions indues à cet acheteur d’EDF. Les deux sociétés ont reconnu les faits et bénéficié de transactions rendues possibles par la loi “Sapin 2” du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique pour mettre fin aux poursuites les visant. Au terme d’une CJIP signée le 14 février et validée le 23, SET Environnement doit verser 800.000 euros (680.000 euros de restitution de profits indus et 120.000 euros de pénalité). KW a pour sa part accepté, selon les termes d’une CJIP signée le 15 février et validée le 23, 2,710 millions d’euros, pour un avantage tiré des marchés conclus frauduleusement estimé à 3,3 millions d’euros. A ces montants s’ajoutent pour chacune des deux sociétés le versement de 30.000 euros de dommages et intérêts à EDF. Elles se sont en outre engagées à se soumettre au contrôle de la nouvelle Agence française anti-corruption (AFA), chargée de vérifier si elles mettent en place les mesures de détection et de prévention de la corruption prévues par la loi Sapin 2. Les sommes en question n’ont rien à voir avec les 300 millions d’euros que la banque HSBC a accepté de payer à l’Etat français dans le cadre de la toute première CJIP, pour avoir aidé des contribuables français à soustraire au fisc plus de 1,6 milliard d’euros.

Mais dans le cas de KW et SET Environnement, la transaction a été conduite au niveau d’un tribunal d’instance et non du Parquet national financier et c’est également la première fois qu’un contrôle a posteriori est exigé.

 

Ci -dessous article du site Conventions réguler la mondialisation

LA CONVENTION JUDICIAIRE D’INTÉRÊT PUBLIC : LE PRAGMATISME À L’ÉPREUVE DE LA PRATIQUE

7 avril 2017

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite loi SAPIN II, a développé un nouvel arsenal législatif dont l’ambition affichée est de « hisser la France au niveau des meilleurs standards internationaux en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique »[1].

Cette loi prévoit ainsi pêle-mêle la création de l’Agence Française Anticorruption, institue une nouvelle peine de mise en conformité, élargit le champ d’application de certains délits, protège les lanceurs d’alerte ou encore facilite le prononcé de peines d’inéligibilité.

Lors de la préparation de cette loi, le législateur est parti du constat que malgré un dispositif législatif d’ores et déjà développé en matière de lutte anticorruption, le nombre de condamnations restait encore très limité en France. Avec cette loi, l’objectif était donc, d’une part, de renforcer la prévention et la répression, mais d’autre part, de rendre enfin efficientes ces dispositions.

Or, c’est cette recherche d’efficacité qui a conduit la France à adopter une sorte de transaction pénale intitulée « convention judiciaire d’intérêt public », prévue à l’article 22 de la loi et insérée au nouvel article 41-1-2 du code de procédure pénale.

Dans l’exposé sommaire du 20 mai 2016 présentant l’amendement relatif à ce dispositif, il était ainsi souligné l’absence de condamnation définitive d’une société pour corruption d’agent public étranger depuis la création de cette infraction en 2000. L’argument de procédures particulièrement longues était également avancé, ainsi que la légèreté et la disproportion des peines par rapport à la gravité des faits. Enfin, il était rappelé les sommes importantes versées par les entreprises françaises à d’autres Etats, comprendre les États-Unis, pour des faits analogues.

Avec la convention judiciaire d’intérêt public, la France adopte donc une solution pragmatique et autorise désormais le procureur de la République à proposer à une personne morale mise en cause pour des faits de corruption, trafic d’influence, ou blanchiment de fraude fiscale, de conclure une transaction qui aura pour effet d’éteindre l’action publique.

Salué par certains et critiqué par d’autres, ce « deffered prosecution agreement » à la française a soulevé de nombreuses questions lors des débats parlementaires. Le Conseil d’Etat[2] saisi pour avis sur le projet de loi au mois de mars 2016 avait d’ailleurs avoué n’avoir pu « surmonter les difficultés que ce dispositif lui a paru présenter ». Il avait ainsi considéré que « le dispositif envisagé ne permettrait pas à la justice pénale d’assurer pleinement sa mission, qui est de concourir à a restauration de la paix publique et à la prévention de la récidive ». Il avait toutefois admis qu’une telle procédure pourrait être « envisageable » pour le seul « traitement des faits de corruption transnationale ». Modifié à plusieurs reprises, le dispositif final prend en compte certaines critiques du Conseil d’Etat mais sa logique même heurte encore certains spécialistes, tant la France est en principe étrangère à ce type de négociation en matière pénale.

A titre d’exemple, les organisations non gouvernementales spécialisées dans la lutte anti-corruption et qui ont suivi l’avancée de cette loi avec beaucoup d’attention ont eu des avis très partagés sur la question. Alors que Sherpa craint le renforcement d’un « sentiment de deux poids, deux mesures », Transparency International France a au contraire salué une « réforme de grande portée » qui « donne à la justice un moyen qu’elle n’avait pas jusqu’à présent » en prévoyant « une transaction non seulement sur les pénalités mais sur les mesures à mettre en œuvre au sein de l’entreprise pour éviter la récidive ».

Ainsi, après une présentation du fonctionnement de ce dispositif (I), il conviendra de s’interroger sur l’efficacité réelle de ce dispositif en France (II).

 

  1. La convention judiciaire d’intérêt public : conditions et conséquences

 

  • Conditions d’application de la convention judiciaire d’intérêt public

 

L’article 41-1-2, I, du code de procédure pénale prévoit que tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut désormais proposer à une personne morale mise en cause pour certains délits prévus par la loi et notamment la corruption, le trafic d’influence, et le blanchiment de fraude fiscale, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant une ou plusieurs obligations parmi lesquelles :

  • le versement d’une amende dont le montant sera fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel,
  • La mise en place d’un programme de conformité sous le contrôle de la nouvelle Agence française anticorruption, dont les frais seront supportés par la personne morale,
  • L’indemnisation de la victime.

A cet égard, il convient de souligner une incohérence dans la rédaction de cet article qui prévoit au point III que cette convention puisse être conclue dans le cadre d’une information judiciaire, soit après la mise en mouvement de l’action publique.

Il faut donc comprendre que la convention judiciaire d’intérêt public peut en réalité être proposée, soit par le Procureur de la République avant la mise en mouvement de l’action publique, soit par le juge d’instruction, ou sur demande de Procureur de la République dans le cadre d’une information judiciaire. Notons que dans cette dernière hypothèse, la personne morale doit en outre reconnaître les faits.

En tout état de cause, après avoir été approuvée par les deux parties, cette convention doit être homologuée par le Président du Tribunal lors d’une audience publique au cours de laquelle le Président vérifie le bienfondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l’amende et la proportionnalité des mesures prévues aux avantages tirés du manquement. Ce contrôle renforcé du juge du siège résulte des vives critiques du Conseil d’Etat à l’égard de la première version de ce dispositif qui prévoyait une simple homologation sans contradictoire, ni débat public.

Enfin, la loi prévoit que la personne morale puisse se rétracter dans un certain délai. Dans cette hypothèse, le Procureur de la République est alors contraint de mettre en mouvement l’action publique, sauf élément nouveau.

 

  • Conséquences de la convention judiciaire d’intérêt publique

 

Tout d’abord, il convient de souligner que l’ordonnance de validation de la convention n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation. En outre, la convention judiciaire d’intérêt public n’est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire.

Par ailleurs, en évitant de s’exposer à un procès pénal, les personnes morales lèvent l’aléa judiciaire et peuvent dès lors échapper au prononcé de certaines peines complémentaires qui peuvent avoir des conséquences extrêmement dommageables sur leur activité. Ainsi en est-il notamment de la dissolution, de la fermeture des établissements ayant servi à commettre les faits ou encore de l’exclusion des marchés publics.

S’agissant de la publicité, la convention fera l’objet d’un communiqué de presse du Procureur de la République. L’ordonnance de validation, le montant de l’amende d’intérêt public et la convention seront en outre publiés sur le site internet de l’Agence française anticorruption.

Enfin et surtout, l’exécution des obligations prévues dans la convention mettra un terme à l’action publique. Toutefois les représentants légaux de la personne morale mise en cause demeureront pour leur part responsables en tant que personnes physiques.

 

  1. La convention judiciaire d’intérêt public : une avancée en demi-teinte

 

  • La recherche louable d’un pragmatisme inspiré des méthodes outre-Atlantique

 

Il est indéniable qu’en adoptant un tel système, la France a voulu faire sienne la méthode du deffered prosecution agreement qui a déjà tant coûté aux entreprises françaises. Pour rappel, cinq sociétés françaises (BNP, ALSTOM, TOTAL, ALCATEL-LUCENT et TECHNIP) ont en effet déjà conclu un tel accord avec les autorités américaines et se sont ainsi vu imposer de lourdes amendes pour éviter un procès public aux Etats-Unis.

D’autres Etats européens ont par ailleurs également mis en place un tel dispositif, parmi lesquels la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou encore l’Allemagne.

Or, en France, tel que cela a été rappelé en introduction, les condamnations pour des faits de corruption sont extrêmement rares. Ainsi, depuis 2000, aucune société n’a été condamnée définitivement du chef de corruption d’agent public étranger, et seules sept personnes physiques.

Ces infractions sont en effet extrêmement difficiles à détecter et à réprimer dans la mesure où elles sont le plus souvent dissimulées grâces à des modes opératoires particulièrement élaborés et présentant en outre des éléments d’extranéité.

La France a donc nécessairement été conduite à s’intéresser à ce dispositif qui présente un double avantage indéniable.

D’une part, la conclusion d’une telle convention permet d’éviter la lourdeur et la longueur des enquêtes diligentées pour ce type de faits. En effet, compte tenu de la complexité des faits et de la faiblesse des moyens alloués aux enquêteurs, ces enquêtes peuvent durer de nombreuses années et font ainsi peser un risque très important pour l’entreprise. Cette procédure présente donc l’avantage de la rapidité et de la prévisibilité tant pour l’entreprise que pour l’Etat.

D’autre part, un tel dispositif pourra permettre à la France de récolter des sommes importantes pour l’Etat. Selon la députée PS Sandrine MAZETIER à l’origine de l’amendement relatif à la convention judiciaire d’intérêt public, l’objectif annoncé de cette mesure était « d’obtenir des sanctions beaucoup plus lourdes que celles que notre droit prévoit actuellement » et d’éviter que ces sommes ne partent vers des Etats étrangers.

C’est donc bien dans un souci de pragmatisme et d’efficacité que le législateur français a adopté la convention judiciaire d’intérêt public.

Toutefois, si ce mécanisme a largement fait ses preuves aux Etats-Unis, il est permis de s’interroger sur son succès en France.

 

  • Des possibles difficultés à résoudre en pratique

 

Avant même son adoption, ce système était déjà très attendu par plusieurs entreprises et de nombreux praticiens du droit.

Cependant, cette nouvelle transaction soulève plusieurs questions qui devront nécessairement être résolues avec le temps si la convention judiciaire d’intérêt public veut atteindre l’ensemble des objectifs qui lui ont été assignés.

Tout d’abord, l’on peut s’interroger sur le sort qui sera réservé aux personnes physiques. Comme l’avait souligné le Conseil d’Etat dans son avis, ce dispositif instaure en effet une différence de traitement judiciaire entre les personnes morales et les personnes physiques, celui-ci étant uniquement applicable aux personnes morales.

Or, si l’un des objectifs de la convention judiciaire d’intérêt public est d’accélérer les procédures et partant, d’éviter des enquêtes longues, coûteuses et fastidieuses, il est fort à croire que le Procureur de la République limitera les poursuites à la personne morale. Doit-on donc s’attendre à une certaine impunité des personnes physiques ? Ou au contraire, les personnes physiques ne pouvant bénéficier de la convention, celles-ci se verront-elles soumises à des procédures beaucoup plus longues, et a fortiori anxiogènes, que celles réservées aux seules personnes morales ?

Dans un second temps, l’on peut également s’interroger sur l’intérêt qu’auront les entreprises françaises à décider de conclure une telle convention lorsque l’on connaît le faible nombre de condamnations en la matière et le montant limité des amendes prononcées.

 

En effet, les entreprises poursuivies pour des faits de corruption ou trafic d’influence peuvent se voir infliger des peines d’amende d’un montant de 1 000 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Toutefois, et tel que cela avait été soulevé lors de la présentation de l’amendement, « lorsque les sanctions interviennent, c’est tardivement, et elles sont très légères et donc disproportionnées par rapport à la gravité des faits ».

Au contraire, aux Etats-Unis, les entreprises craignent réellement la tenue d’un procès pénal et les amendes peuvent atteindre des montants extrêmement élevés :  « C’est donc la peur de la procédure judiciaire américaine de droit commun qui vient justifier la transaction[3]».

C’est pourquoi les entreprises acceptent les amendes considérables fixées aux termes des deferred prosecution agreement. A titre d’exemple, le deffered prosecution agreement conclu entre TOTAL SA et le département de la justice américaine (« DOJ ») au mois de mai 2013 prévoyait une amende d’un montant de 245,2 millions de dollars, et ce, sans compter l’ensemble des frais annexes, afférents notamment au monitorat imposé trois années durant.

De même, celles-ci se voient imposer des obligations souvent nombreuses et détaillées qui peuvent avoir des conséquences extrêmement importantes sur le fonctionnement de l’entreprise.  A cet égard, il n’est pas rare que ces entreprises soient contraintes de revoir toute leur organisation interne et de se séparer de certains dirigeants.

Or, pour que la convention judiciaire d’intérêt public soit aussi efficace en France, il faudrait que les sociétés françaises se sentent réellement menacées par la justice française. Dans le cas contraire, ce dispositif risque de rester lettre morte.

En effet, si la France décide d’imposer des amendes équivalentes à celles fixées dans les deferred prosecution agreement, les sociétés françaises pourraient être tentées de refuser et préférer s’exposer à l’aléa judiciaire, mais si la France décide d’imposer des montants moindres, se posera la question de la crédibilité de la France, notamment vis-à-vis des Etats-Unis en matière de lutte contre la corruption…

Ce qui devrait toutefois convaincre les entreprises françaises de conclure une telle convention sera tout d’abord le fait de pouvoir anticiper la sanction et d’échapper, dès lors, au prononcé de peines complémentaires, telle que l’exclusion des marchés publics, qui peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur ces sociétés. Ensuite, les entreprises françaises pourront préférer conclure une convention avec l’Etat français, de peur d’être rattrapées par des autorités régulatrices étrangères. Enfin d’un point de vue réputationnel, la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public sera certainement moins dommageable qu’un procès public étalé dans le temps.

Il sera donc intéressant de suivre la pratique de cette nouvelle forme de justice afin, le cas échéant, d’y apporter les adaptations nécessaires.




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