Reprise économique après Covid : très contrastée dans le monde
Le directeur de la recherche de Natixis, Jean-François Robin, confirme, dans une tribune au « Monde », que l’épidémie de Covid-19 est un redoutable accélérateur des inégalités entre pays développés et émergents.
Tribune.
La reprise sera inégale, comme viennent de le confirmer les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), qui révise à la hausse la croissance des pays développés et réduit d’autant celle des émergents. L’écart entre les Etats bénéficiant d’une politique de vaccination efficace et les autres va se creuser inéluctablement. Et les « gagnants » de la première vague, comme le Vietnam ou l’Australie, sont désormais à la traîne et n’ont d’autre choix que de refermer leurs frontières faute de vaccination suffisante. L’Asie, première à être entrée dans la crise sanitaire, pourrait finalement être la dernière à en sortir (à l’exception notable de la Chine, avec 1,5 milliard de personnes vaccinées), alors que l’Europe, lente à se mettre en ordre de marche, a rattrapé les Etats-Unis pour atteindre les 70 % de primo-vaccinés.
La reprise sera ainsi plus forte dans les pays vaccinés, à même de rouvrir sans mettre en danger leur système de santé. La France devrait connaître une croissance de 5,5 % quand la Thaïlande devrait se rapprocher de 1 %. Les pays développés vont retrouver leur niveau de produit intérieur brut (PIB) beaucoup plus vite que les émergents (en moyenne deux ans, soit un temps très court pour les premiers par rapport à la crise de 2008 – cinq ans), alors que, parmi les seconds, seuls 40 % y parviendront.
La pauvreté a fortement augmenté, on estime désormais que 125 millions de personnes vivent avec moins de 1,90 dollar par jour ; et la malnutrition est passée de 135 millions de personnes touchées en 2019 à 165 millions en 2020, selon la Banque mondiale.
La croissance potentielle, et donc le futur, sera davantage affectée dans les pays les plus touchés, bien souvent à bas revenus, du fait à la fois d’un moindre soutien budgétaire – les pays riches ont pu mobiliser quasiment quatre fois plus de soutien budgétaire que les émergents et huit fois plus que les plus pauvres –, d’une surmortalité plus élevée, d’un choc sur l’éducation – les dommages à long terme sur le niveau d’éducation seront plus marqués là où les écoles ont été fermées le plus longtemps –, et de la rémanence du choc. Un article de Francesco Bianchi, Giada Bianchi et Dongho Song (The Long Term Impact of the Covid 19, NBER) estime que, avec le chômage, la surmortalité va perdurer pendant les quinze prochaines années aux Etats-Unis et chiffre à 800 000 le nombre de décès associés (suicide, alcoolisme, drogue, etc.).