L’ Ukraine va contraindre à transformer l’Europe
L’invasion russe a montré les faiblesses européennes en matière de sécurité et de dépendance énergétique. L’Union a su réagir, mais le vrai défi sera de faire avancer une force et une politique de défense européenne communes en renforçant l’OTAN, explique dans une tribune au « Monde » la chercheuse allemande Daniela Schwarzer.
Tribune.
Face à la guerre en Ukraine, l’Europe s’est réveillée en sursaut – un réveil qui aurait dû se produire dès 2014, avec l’annexion de la Crimée, mais que nous avons collectivement décidé de négliger pour revenir au ronronnement réconfortant d’une économie en pleine reprise. Cette guerre n’est pas une lutte entre deux ennemis historiques réglant un vieux conflit post-impérial ; il s’agit en réalité d’une bataille pour l’âme et pour les valeurs fondamentales de l’Europe, la démocratie et la liberté.
La guerre en Ukraine transformera l’Europe. La façon dont nous y répondrons sera structurante pour notre continent et le monde entier. Le sommet de Versailles du 10 mars a indiqué l’étendue du travail que l’Union européenne doit achever. Alors que celle-ci se préparait à sortir de la crise sanitaire et économique due au Covid-19 pour avancer les trois grandes transitions de notre décennie – écologique, digitale et sociale –, l’ordre de sécurité européenne a été mis sens dessus dessous par l’invasion illégale de la Russie.
Ce geste inattendu et brutal a montré d’une part nos faiblesses en matière de politique de sécurité, et d’autre part notre extrême dépendance énergétique. Face à cette agression, la réaction de l’Europe s’est rapidement montrée unanime et profonde, aussi bien en France, où le président Emmanuel Macron a déployé tous ses efforts pour poursuivre une solution diplomatique, qu’en Allemagne, un pays qui avait du mal à croire qu’une véritable guerre puisse revenir sur le sol européen, tant elle a fait de la paix en Europe sa mission existentielle pendant près de soixante-dix ans.
Ce choc explique la réaction allemande, qui, dans un geste rarement vu dans le pays, et encore moins pour un nouveau gouvernement a la tête d’une coalition hétéroclite, a poussé le chancelier Scholz à proposer un renversement complet de l’attitude historique du pays en s’engageant à une forte augmentation des dépenses de défense. D’autres pays membres de l’Union se sont engagés à investir plus en matière de défense, d’après la déclaration du sommet de Versailles.
Mais le vrai défi sera de faire avancer une force et une politique de défense européenne communes, en renforçant l’OTAN grâce à un meilleur « burden sharing » (partage des coûts) entre contributions européennes et américaines. L’ambition qu’a le président Macron de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe a certainement fait un bond en avant avec le financement commun de l’armement pour l’Ukraine, de la même manière qu’elle a fait un bond en avant avec l’emprunt commun pour répondre à la crise due au Covid-19.
Comment contraindre les entreprises à lutter contre le dérèglement climatique
Comment contraindre les entreprises à lutter contre le dérèglement climatique
Les juristes de l’association Notre affaire à tous, à l’origine du procès « L’affaire du siècle » contre l’Etat pour inaction climatique, expliquent quels sont leurs leviers pour contraindre les entreprises à lutter contre le dérèglement climatique.(le Monde)
Laure Barbé et Paul Mougeolle sont juristes dans l’association Notre affaire à tous. La première coordonne le groupe de travail Multinationales et le second est en charge du dossier Total.
Notre affaire à tous a remporté le procès « L’affaire du siècle » contre l’Etat pour inaction climatique. Cette première peut-elle ouvrir la voie à des contentieux à l’égard des entreprises ?
Cette victoire a confirmé que le juge était en mesure de contrôler la trajectoire des gaz à effet de serre de l’Etat, non seulement dans l’adéquation des objectifs, mais aussi dans les mesures mises en œuvre. Nous espérons que la justice adoptera une approche similaire avec les entreprises. Cette décision pourrait également avoir des effets indirects : si l’Etat est enjoint à rehausser sa politique climatique, peut-être décidera-t-il d’adopter des réglementations plus ambitieuses à l’égard des entreprises.
A ce stade, la procédure est ralentie par des questions sur la compétence des tribunaux. Néanmoins, nous avons gagné en première instance, ce qui nous laisse bon espoir de voir le dossier évoluer sur le fond. A notre sens, Total n’est pas assez ambitieux dans l’évolution de son business model vers les renouvelables. Il vise la neutralité carbone, ce qui constitue un progrès, mais cet objectif ne s’applique qu’à l’Europe. Dans le reste du monde, le groupe prévoit au contraire d’accroître sa production d’hydrocarbures ces dix prochaines années, ce qui pourrait s’avérer fatal à l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris.
Le Groupe Casino est également ciblé. Pourquoi ?
Encore une fois, nous visons l’incohérence entre les annonces et les actes. Le fondement juridique de ce procès est le même que pour Total, même si l’étendue des allégations contre Casino ne porte pas sur l’ensemble de la stratégie climatique mais sur une filière précise. L’enquête de l’ONG Envol vert a démontré que des produits carnés vendus par Casino étaient issus de la déforestation en Amérique du Sud. Et surtout, que les mécanismes de vigilance mis en place par le groupe à l’égard de ses filiales étaient insuffisants.