Berlin : un « budget parallèle » pour contourner les règles budgétaires
Pour respecter les règles budgétaires, l’Allemagne envisage tout simplement de créer de nouvelles entités publiques notamment pour investir dans les infrastructures. Une pratique qu’utilise d’ailleurs la France quand elle cantonne certaines dettes dans des entreprises publiques comme EDF ou encore la SNCF. Ces emprunts pourraient aussi être utilisés au service de la transition énergétique. On sait que l’Allemagne respecte en général l’orthodoxie financière et tente même de l’imposer à toute l’Europe. Cependant, aujourd’hui c’est la croissance allemande qui est en cause et qui risque même de tutoyer rapidement la récession. Cela en raison de la nette diminution du volume de ses exportations. Pour relancer la croissance Berlin envisage donc d’investir dans des infrastructures par ailleurs assez mal entretenues. La règle du “Schuldenbremse”, ou frein à l’endettement, autorise un déficit du budget fédéral équivalent à 0,35% du produit intérieur brut (PIB), soit environ 12 milliards d’euros par an, mais une fois pris en compte différents facteurs dont le taux de croissance du PIB, Berlin ne pourra réellement augmenter ses emprunts que de cinq milliards d’euros l’an prochain.
Or la première économie d’Europe est menacée de récession et la banque publique de développement KfW estime à 138 milliards d’euros les besoins d’investissement totaux du pays. Le projet de “budget parallèle” envisagé par plusieurs responsables gouvernementaux permettrait d’accroître les crédits alloués aux investissements publics sans grever le déficit du budget fédéral, ont expliqué plusieurs personnes qui ont requis l’anonymat.
Cette nouvelle dette serait assujettie aux règles du Pacte de stabilité et croissance européen, moins strictes que les règles nationales allemandes, ont ajouté les sources, ce qui permettrait au gouvernement d’augmenter la dépense publique sans avoir à réunir la majorité parlementaire des deux tiers nécessaire pour remettre en cause les règles constitutionnelles sur la dette.
“La Norvège a son pétrole, l’Allemagne a sa note souveraine. Elle constitue une sorte de ressource nationale”, a déclaré à Reuters un haut responsable fédéral.
“S’il est géré intelligemment, un organisme d’investissement public indépendant pourrait même gagner de l’argent en levant de nouvelles dettes”, a-t-il ajouté en rappelant que les rendements de la dette publique allemande étaient aujourd’hui négatifs.
Des porte-parole du ministère des Finances et de celui des Affaires économiques et de l’Energie ont refusé de commenter ces informations.
La porte-parole du ministère des Finances a renvoyé sur un communiqué publié auparavant par un ministre délégué en charge des relations avec le Parlement selon lequel Berlin ne croit pas que les crédits budgétaires soient insuffisants.
Les règles européennes autorisent les Etats membres de l’Union à afficher un déficit allant jusqu’à 1% du PIB à condition que leur ratio d’endettement soit sensiblement inférieur à 60%. Selon cette règle, l’Allemagne pourrait augmenter sa dette de jusqu’à 35 milliards d’euros par an, soit 30 milliards de plus que prévu par ses règles budgétaire nationales.
Pour Philip Steinberg, directeur du département de la politique économique au ministère des Affaires économiques et de l’Energie, réunir la majorité nécessaire pour modifier les règles nationales sur la dette publique serait compliqué et long, d’où la nécessité pour le gouvernement d’agir sur un autre front.
“Nous devons étudier toutes les possibilités permettant de financer les investissements nécessaires dans le cadre du frein à la dette, parmi lesquelles figurent la création d’organismes indépendants qui ne soient pas pris en compte dans le frein à la dette”, a-t-il dit. Par ailleurs, le ministre de l’Economie, Peter Altmaier, a évoqué lundi la possibilité de la création d’une fondation sur le climat dans laquelle Berlin pourrait injecter cinq milliards d’euros.
Cette fondation pourrait émettre des prêts à taux zéro dédiés au financement de projets de lutte contre le dérèglement climatique pour un montant maximal de 50 milliards d’euros, avec pour objectif prioritaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre allemandes, a-t-il dit.
Berlin doit présenter le 20 septembre un plan climat dont les besoins de financement pourraient justement avoisiner 50 milliards. Peter Altmaier a ajouté que des emprunts réalisés par une fondation à but non lucratif n’entreraient pas dans le champ d’application des règles imposant au gouvernement l’équilibre budgétaire car la fondation serait de droit privé.