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Politique-«La logique structurale de la démocratie contemporaine, c’est la démagogie»

Politique-«La logique structurale de la démocratie contemporaine, c’est la démagogie»

Par Vincent lamkin, associé-fondateur de Comfluence, président d’Opinion Valley

dans l’Opinion

La critique des élites au nom du peuple est une vieille antienne, mais ses meilleurs serviteurs ne sont pas forcément ses avocats zélés. Car l’idéal démocratique n’a de portée que si gouvernants et gouvernés s’élèvent ensemble : c’est cette exigence qui permet l’équivalence des rôles, la circulation des individus dans le système social et une élévation mutuelle dans la relation au monde
Les élites – voilà un sujet qui coagule à lui seul le mauvais sang que se font nos vieilles démocraties. Le mot est censé convoquer « les meilleurs d’entre nous », inspirer le respect. Mais jetez-le en pâture, il tourne à l’humeur, au vinaigre, à l’insulte.

Serions-nous à un tournant historique – de ceux où les sociétés purgent les sommets pour y mettre de nouvelles têtes ? En France, à chaque nouveau coup de sonde, les baromètres confortent la défiance de l’opinion publique française envers ses élites dirigeantes.

De par le monde, on s’étonne – ou on ne s’étonne plus – de voir sacrés par le suffrage ces leaders inattendus, qu’on rassemble dans l’internationale du populisme… Plus pragmatiques qu’idéologues aux yeux de leurs électeurs, cassant volontiers les codes du jeu politique, ils ont pour point commun de construire leur légitimité sur un mépris certain des élites, qui le leur rendent bien.
En France, l’élection d’Emmanuel Macron a été la victoire – dans un exceptionnel concours de circonstances – d’une certaine idée de l’élitisme qui aura surtout contribué à faire monter les extrêmes et à exacerber les radicalités. Jamais Président sous la Ve République n’a concentré sur sa personne une impopularité si intensément haineuse. Le chef de l’Etat, qui aime à ouvrir Versailles pour recevoir ses hôtes de marque, s’est trouvé symboliquement rattrapé par ce haut lieu de mémoire. L’accusation pouvant se résumer ainsi : Marie-Antoinette était étrangère à son pays, Emmanuel Macron est étranger à la société.

La critique des élites au nom du peuple est une vieille antienne, mais ses meilleurs serviteurs ne sont pas forcément ses avocats zélés. Car l’idéal démocratique n’a de portée que si gouvernants et gouvernés s’élèvent ensemble : c’est cette exigence qui permet l’équivalence des rôles, la circulation des individus dans le système social et une élévation mutuelle dans la relation au monde.

La logique structurale de la démocratie consumériste contemporaine, ce par quoi elle tient désormais, c’est la démagogie. En quoi consiste-t-elle ? A demander toujours moins à des individus qui en demandent toujours plus
Or, nous vivons depuis plusieurs décennies une perversion lente du pacte démocratique et républicain ; affrontant un appauvrissement sans précédent de nos échanges symboliques. La logique structurale de la démocratie consumériste contemporaine, ce par quoi elle tient désormais, c’est la démagogie. En quoi consiste-t-elle ? A demander toujours moins à des individus qui en demandent toujours plus.

Ce n’est pas le courage des élites politiques – on le cherche – qui explique leur impopularité ou celle de leurs réformes, mais la toile de fond qui préfigure leur montée en scène. La démagogie des promesses politiques, la festivité sans contenu des grandes victoires électorales, les concessions faites aux logiques communautaristes, la société de l’information spectacle : voilà qui prépare le terrain à une ingouvernabilité croissante des démocraties.

Sensationnalisme. Dans le champ médiatique triomphe le sensationnalisme. Nous saute aux yeux la jouissance morbide des chaines d’information quand elles savent qu’un fait divers d’ampleur leur fera trois ou quatre jours. Affligeant, dans le champ du divertissement, ce voyeurisme stérile et racoleur de la téléréalité, qui finit par produire de nouvelles icônes sociales dont il serait bien difficile de dire à quelle élite elles appartiennent, et qui constituent pourtant une forme de référence pour nombre de jeunes gens qui y puisent peut-être des modèles d’inspiration et de réussite.

Dans le champ culturel et éducatif, c’est le triomphe du relativisme absolu. Le règne du « tout se vaut » qui permet de ne se fâcher avec personne, de bannir toute forme d’autorité morale et de se draper dans les meilleures intentions du monde en mettant tout et n’importe quoi sur un pied d’égalité.

Julien Benda avait dénoncé, dans la première moitié du vingtième siècle, la trahison des clercs, déplorant notamment le fourvoiement des intellectuels dans le champ des idéologies politiques. Il faut sans doute admettre que nous avons amorcé dans les dernières décennies du XXe siècle une autre trahison, celle des élites, sous l’effet d’un consumérisme généralisé de la relation.

La relation entre élites et gouvernés est doublement viciée. D’un côté, corrélativement à leur affaiblissement statutaire, les premières n’ont cessé de revoir à la baisse leurs exigences et de trahir leur intégrité intellectuelle pour préserver leurs prébendes… La conquête se fait quête ! De l’autre, des individus flattés dans leurs pulsions et légitimés dans leurs désirs par la société de consommation, enclins à revoir à la hausse (c’est-à-dire à la baisse) leurs attentes. En tirant le peuple vers le bas, les élites ne cessent d’abaisser leur propre niveau d’expression et les ambitions collectives qu’elles portent.

Comme l’écrivit l’écrivain Nicolás Gómez Dávila, non sans ironie, « on est venu à bout des analphabètes, pour multiplier les illettrés ». Le pire est que cette approche ne créé pas de la satisfaction durable, mais de la frustration à répétition. L’enfant roi a son corollaire : un citoyen gâté, nourri au ressentiment.

Vincent Lamkin est associé-fondateur de Comfluence, président d’Opinion Valley.

« La Religion dans la France contemporaine »

« La Religion dans la France contemporaine »

Dans « La Religion dans la France contemporaine », les sociologues et historiens des religions Philippe Portier et Jean-Paul Willaime analysent les mutations qui touchent tout autant aux dimensions privées que sociales et politiques de la religion.(Analyse du Monde)

 

Analyse

Depuis des années, les problématiques liées aux questions religieuses ont envahi les discours politiques, les chaînes d’information et les amendements parlementaires. Du voile islamique à l’organisation du culte musulman, de l’enseignement privé confessionnel à la radicalisation, du mariage pour tous à la bioéthique, elles sont omniprésentes. Elles ont réinstallé dans le débat public une question que l’on avait cru résolue depuis des lustres : celle de l’articulation entre le politique et le religieux, entre l’Etat et les « Eglises », selon le modèle fixé par la loi de 1905. La laïcité est redevenue conflictuelle.

Certains ont discerné dans ces diverses manifestations un « retour du religieux » d’autant plus paradoxal qu’il s’inscrit dans une progression constante de la désaffiliation confessionnelle. Entre 1952 et 2018, les Français ne se réclamant d’aucune religion sont passés de 4 % à 58 %. Il est vrai que cette tendance ne touche pas toutes les traditions de la même manière. Si de nombreuses églises catholiques se vident – mais pas toutes –, des mosquées s’agrandissent, des églises évangéliques ouvrent chaque mois et des temples bouddhistes font recette. Comment s’y retrouver dans ce maelström de données, de discours, de crispations, d’évolutions dont certaines semblent contradictoires ?

« Promesses de bonheur décrédibilisées »

Les sociologues et historiens des religions Philippe Portier et Jean-Paul Willaime, qui ont tous deux dirigé le Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL) de l’Ecole pratique des hautes études, proposent une mise en perspective de ces mutations à la lumière du passage de nos sociétés de la modernité à un régime d’ultra-modernité. L’ultra-modernité, c’est en quelque sorte la modernité réflexive, celle qui applique à ses réalisations sociales (la confiance dans la raison, incarnée par l’Etat et son école, dans le progrès, la science…), souvent sacralisées, ses propres armes : la lecture critique, le doute. Sous l’influence des bouleversements environnementaux, scientifiques, numériques, la croyance au progrès qui a accompagné la modernité a laissé place à un certain désenchantement, les craintes se sont substituées aux certitudes. « Les promesses de bonheur terrestre par lesquelles on avait cru pouvoir remplacer les promesses de bonheur céleste ont été, à leur tour, décrédibilisées », écrivent-ils, et « leur dimension d’espérance s’est dissipée ».

Cette mutation des quatre ou cinq dernières décennies a des conséquences majeures sur le religieux. Autant la modernité avait conduit à une sécularisation des individus et des institutions et à un effacement tendanciel du religieux, autant l’ultra-modernité lui offrirait des conditions propices à une nouvelle forme d’actualité. Non pas à travers la présence d’antan, héritée et encadrée par un dispositif hiérarchique complet. Mais une place renouvelée, ajustée aux interrogations et aux incertitudes des sociétés contemporaines. Loin de renvoyer au passé, soutiennent les auteurs, les transformations actuelles traduisent une reconfiguration du religieux qui affecte tout autant ses dimensions privées que sociales et politiques.

Twitter à plus de 140 caractères : ou la mort de la littérature française contemporaine

Twitter à plus  de 140 caractères : ou la mort de la littérature française contemporaine

On vient à peine de banaliser le « fast aphorisme numérique »  que déjà les écrivains au  bestseller d’une ligne sont renvoyés aux principes  premiers de l’écriture. En effet Twitter veut faire sauter le verrou de 140 caractères et passer à 10 000. Une vraie révolution culturelle. Dommage car nombre de succès littéraires était fondés sur le rétrécissement de la pensée et du verbe. Un seul exemple,  un des grands succès de 2015 « Le crime du compte Neuville » d’Amélie Nothomb paru  chez Albin Michel écrit sans doute en une journée-ceci expliquant cela-  ne compte que 130 pages avec en plus une énorme police de  caractères et de très grandes  marges. Pour donner une idée cette œuvre magistrale dans son volume (comme dans son contenu), ne représenterait qu’une trentaine de pages si l’on retenait la mise en page d’« A la recherche du temps perdu » de Proust (texte intégral paru chez Gallimard en 1999). Du coup cette décision de Twitter constitue un coup d’arrêt à la logique d’écriture des romans réalisés en une journée entre deux verres de beaujolais  à la terrasse du Café de Flore.  Décidément, Twitter ne sait plus quoi faire pour séduire de nouveaux utilisateurs ! Après avoir expérimenté en décembre 2015 l’affichage des tweets par pertinence et non plus dans un ordre chronologique, voilà que le site de microblogging réfléchit à abandonner à sa fonction historique, la limite des 140 signes pour un tweet… comme une rumeur le laissait déjà entendre en septembre.  La nouvelle limite pourrait être de 10 000 caractères !  De quoi porter un coup fatal à la logique de production intellectuelle dans le domaine philosophique et surtout politique. Un aspect positif toutefois : la retombée sur l’emploi. On prévoit en effet la création de milliers de postes de nègres pour aider nos élites à produire au-delà de trois lignes de réflexion.




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