coupures d’électricité: des conséquences graves et sous-estimées sur l’économie
par David Lacombled , président de la Villa numéris dans l’Opinion
Les centres de données et autres plateformes numériques sont suffisamment pointés du doigt pour ne pas l’oublier : ils ont besoin d’électricité pour fonctionner. Sans elle, plus d’Internet. Plus de téléphone, non plus. Auditionnée au Sénat, la directrice générale d’Orange, Christel Heydemann se montre très claire dans la présentation d’une situation autrement floue : «On ne sait pas comment se comportera le réseau. ». Adieu — temporairement, c’est à espérer — serveurs, relais mobiles, box Internet.
En cas de délestage, un serveur de données ne réagira pas différemment d’un congélateur. Certes, des générateurs, particulièrement polluants car fonctionnant au diesel, peuvent prendre temporairement le relais. Il n’en reste pas moins que des coupures répétées peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur les denrées comme des données allant jusqu’à leur perte. De surcroît, si les machines viennent à s’arrêter, elles se montrent surconsommatrices d’électricité au moment du redémarrage. Sans compter la nécessité d’avoir une température constante. Autrement dit, les factures d’énergie risquent de s’envoler là aussi, tout en affichant un bilan carbone désastreux. La filière, regroupée au sein de France Datacenter, est sous tension.
Au-delà, parce que l’architecture des réseaux est ainsi faite, en toile — le World Wide Web —, des coupures localisées pourraient avoir des conséquences plus globales. La circulation des données n’est pas territorialisée. L’effet papillon guette. Andrew Ellis, un chercheur britannique avait prédit, en 2015, un black-out d’Internet pour… 2023. Selon lui, le réseau devrait crouler sous le poids du big data.
« Au-delà de l’économie, les conséquences sociales et psychologiques seraient au moins aussi importantes que celles des confinements liés à la crise sanitaire »
Protéiformité. Immatérielle, l’économie dépend de plus en plus de solutions technologiques externalisées dans des serveurs et des centres pourtant bien réels. Le cloud computing semble irrésistible. Selon une étude du cabinet Gartner, d’ici à 2025, plus de la moitié du budget informatique des entreprises devrait être consacrée aux services à distance. Cette part est d’ores et déjà de 41 %. Il n’en reste pas moins que le réseau tire sa force de sa protéiformité.
Sa mort a été annoncée à plusieurs reprises. Pourtant, Bug de l’an 2000, voix sur IP, essor de l’Internet mobile, apparition des plateformes vidéos, mondialisation, rien n’y a fait, Internet est là, bien là, au cœur de nos vies. C’est d’ailleurs bien notre extrême dépendance qui nous fait craindre d’en être coupés. Sans doute, au-delà de l’économie, les conséquences sociales et psychologiques seraient au moins aussi importantes que celles des confinements liés à la crise sanitaire. Car si les équipements se disent « résilients », les humains enchaînent et encaissent les chocs. Maintenir le réseau sur pied s’avère vital.