Ukraine : Hollande conseille Macron !
L’ancien président de la République revient sur ses expériences de négociateur avec le maître du Kremlin. Dans un entretien au « Monde », il appelle, après les « crimes de guerre insupportables » à Boutcha et Marioupol, à renforcer les sanctions économiques contre la Russie et l’aide militaire à l’Ukraine.
Dans le retour de ses expériences avec Poutine, Hollande commet un oubli fondamental concernant la bienveillance qu’il a témoignée au dictateur (lui et d’autres avant lui). C’est précisément cette bienveillance pour ne pas dire cette complicité qui a permis à Poutine de développer sa politique de déstabilisation un peu partout en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. NDLR
Entretien.
François Hollande, président de la République de 2012 à 2017, avait eu, avec la chancelière allemande Angela Merkel, un rôle diplomatique actif, en 2014, après l’annexion de la Crimée et le soutien russe à la rébellion du Donbass, pour arriver aux accords de paix de Minsk de février 2015. « Parler avec Poutine, c’est devoir l’écouter pendant des heures en sachant qu’il ne fera rien de ce qu’il dit et ne dira rien de ce qu’il veut faire », explique-t-il aujourd’hui dans un entretien au Monde.
Le massacre de Boutcha, au nord-ouest de Kiev, où des dizaines de cadavres ont été découverts, et la tragédie de Marioupol imposent-ils d’aller plus loin dans les sanctions contre la Russie et dans l’aide militaire à l’Ukraine, y compris avec les armes offensives que demande Kiev ?
Les atrocités commises par l’armée russe à Boutcha et les bombardements incessants sur Marioupol, dont les victimes sont essentiellement civiles, constituent des crimes de guerre insupportables et intolérables dont les auteurs auront à répondre, un jour ou l’autre, devant les tribunaux internationaux. Les protestations verbales et les indignations répétées ne peuvent suffire. L’issue de cette guerre dépend de l’ampleur des sanctions infligées à la Russie, notamment sur le gaz et le pétrole, mais surtout de l’appui des Occidentaux à l’Ukraine sous forme de livraison d’armes leur permettant de lancer des contre-offensives, notamment des systèmes antiaériens de longue portée. Nous ne devons certes pas être des cobelligérants, mais nous ne pouvons quand même pas priver les Ukrainiens des moyens de libérer leur territoire, ou alors l’ignominie n’a pas de limites.
Avez-vous été surpris de l’unité montrée par les Européens ?
L’Europe avance dans les crises et par les crises. L’agression russe en Ukraine, par sa gravité même, a eu pour conséquences d’accélérer un certain nombre de décisions qui peinaient à être prises. Par exemple, le réarmement allemand, qui était attendu parce que Berlin consacrait peu à la défense, la sienne comme celle de l’Europe.
Les Vingt-Sept se sont aussi coordonnés sur une transition énergétique qui devra être beaucoup plus rapide que ce qui avait été prévu, pour se libérer de la dépendance au gaz russe mais aussi, plus globalement, par rapport à ce qu’une énergie fossile coûteuse et rare peut représenter pour notre économie. La relation Europe-OTAN s’est clarifiée, alors même qu’il y a encore quelques mois certaines voix s’élevaient pour dire que l’organisation était en quasi-obsolescence. Chacun a compris désormais que c’est dans l’Alliance atlantique que l’Europe de la défense peut trouver sa place.