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Logement : pour un autre conception

Logement :  pour un autre conception 

Philosophe de la ville et de l’architecture, Philippe Simay a parcouru le monde à la découverte des habitats les plus étonnants. De cette expérience est née un questionnement : comment habiter le monde en société et en harmonie avec l’environnement ? Rencontre. (Cet article est issu de T La Revue n°11 – « Habitat : Sommes-nous prêts à (dé)construire? », actuellement en kiosque).

 

C’est une philosophie révolutionnaire de l’habitat que Philippe Simay enseigne à ses élèves de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, diffuse auprès des lecteurs de la revue Métropolitiques ou des téléspectateurs d’Arte friands de sa série de documentaires « Habiter le monde ». Révolutionnaire parce qu’elle combine frugalité, sobriété et innovation, parce qu’elle dépèce la standardisation hégémonique des formes et des techniques coupable d’éradiquer les savoir-faire traditionnels, parce qu’elle démontre l’extrême nocivité du béton, parce qu’elle discrédite le moteur productiviste par la faute duquel l’habitat est devenu un simple (et vite obsolète) produit de consommation, parce qu’elle fait riposte aux propriétés d’exclusion et de déshumanisation aujourd’hui dominantes dans notre rapport à l’espace. « Or, habiter – qui informe beaucoup sur ce que nous sommes -, c’est considérer, solliciter et accueillir le dehors pour enrichir son dedans, c’est s’unir à autrui, à tous les êtres vivants – humains, animaux, végétaux », estime l’auteur de La Ferme du Rail : pour une ville écologique et solidaire (avec son épouse Clara Simay, Actes Sud, 2022). Et de placer la conscience écologique au cœur de sa révolution espérée de l’habitat. Un habitat alors imbriquant intimement écologie environnementale (enjeu climatique, consommation d’énergie, usage des matériaux bio-sourcés, économie circulaire, etc.) et écologie sociale (insertion, alimentation, santé, formation), conjurant les injustices (environnementales, sociales, spatiales), privilégiant la réparation de l’existant à la construction du neuf, reconnaissant le citoyen dans son utilité déterminante au territoire où il réside. Un habitat responsable, un habitat qui revitalise la démocratie, un habitant réhumanisé et réhumanisant.

Un article intéressant à plusieurs points de vue mais qui cependant ne répond pas clairement à la question de la folie de l’hyper concentration urbaine. Certains aspects sont par ailleurs traités de manière un peu ésotérique! NDLR

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Pourquoi et comment les sujets de l’habitat, de l’architecture, de l’urbanisme, de la construction, interrogent-ils l’exercice de la philosophie ?

Philippe Simay- Philosopher, c’est apprendre à habiter, c’est-à-dire à questionner la façon dont nous sommes présents au monde, aux choses, aux autres et à soi-même. Nous n’avons pas d’autre choix que d’occuper physiquement un espace et de le transformer en fonction de nos besoins. Mais les réponses apportées à cette exigence n’ont rien d’évident. Cet espace, comment le penser, le bâtir, l’occuper, le transformer, l’activer ? La manière dont nous habitons informe beaucoup sur nous-mêmes. Ces fascinantes interrogations nous placent à la croisée de la philosophie et de l’anthropologie.

Mais si habiter est une modalité que nous partageons universellement, elle est une réalité kaléidoscopique : infini est le nombre de configurations – géographiques, historiques, culturelles – qui déterminent les façons d’occuper l’espace. « Absolument tout le monde est extrêmement concerné par le lieu où il vit, l’interrogation sur l’avenir des territoires habités est universellement partagée », avez-vous constaté lors de votre périple sur la planète. Un même diagnostic, mais des remèdes bien différents…

Au cours de mes voyages, j’ai été impressionné par ce constat : partout sur la planète, les individus et les sociétés ont « quelque chose à dire » de passionnant sur la façon dont ils habitent. J’ai été frappé par les discours extrêmement nourris, incroyablement argumentés de mes interlocuteurs. Chaque individu sait ce qu’habiter signifie pour lui. Je ne connais pas d’autre sujet qui déclenche des raisonnements aussi structurés.

La mondialisation – du commerce, de la consommation, des processus – exerce, dans nombre de domaines, un mal sournois, tentaculaire : l’uniformisation. Ce poison contamine-t-il l’habitat dans les mêmes proportions ?

Absolument. Et c’est d’ailleurs à lutter contre cette standardisation, à défendre les trésors de la pluralité – en matière d’architecture mais aussi de modes de vie – que j’emploie mes voyages, mes rencontres, mes travaux. Des pays qui possédaient une architecture vernaculaire traditionnelle extrêmement riche l’ont progressivement perdue au profit d’architectures standardisées. Et que dire du béton, premier matériau de construction au monde, avec une production de 6 milliards de m3 par an ! Observez comment il s’est répandu partout, en Asie mais aussi en Afrique de l’Ouest où le ciment est devenu synonyme de réussite. Heureusement, certains architectes, comme le Burkinabé Diébédo Francis Kéré, premier Africain à recevoir, cette année, le Prix Pritzker, défendent encore la construction en terre crue.

Toutefois, ne nions pas que le béton a été un matériau capital de progrès urbanistique, social, sociétal, en premier lieu dans les pays en voie de développement…

Le béton a été, pendant un temps, un outil d’émancipation : économique à produire, facile à mettre en œuvre, il a permis de promouvoir partout en Europe une architecture de qualité. Ainsi, par exemple, le mouvement Bauhaus mettait en exergue un même design quelles que soient les classes sociales auxquelles il s’adressait. Mais ce caractère démocratique du béton a occulté ses conditions de production. Conditions écologiques d’abord, puisque chaque mètre cube nécessite 350 kg de ciment, 700 kg de sable, 1 200 kg de gravillons et 150 litres d’eau, soit autant de ressources non-renouvelables. Conditions sociales, ensuite, parce que la culture du béton a appauvri les techniques de construction ou d’artisanat, jusqu’à les voir disparaître. Aujourd’hui, qui oserait le nier ? Même si les industriels communiquent abondamment sur l’innovation des « bétons haute performance », nombreux – notamment les jeunes – sont ceux qui cherchent des alternatives.

De jeunes diplômés d’AgroParisTech ont d’ailleurs récemment exhorté leur auditoire à entrer en dissidence avec les pratiques traditionnelles de leur filière. Cet acte de contestation, voire de rébellion, l’observez-vous dans votre environnement ? Y souscrivez-vous ?

Cette colère, je la vois monter également parmi mes étudiants. On leur enseigne que l’architecture a pour vocation de permettre aux personnes d’habiter du mieux possible, or ils constatent que les techniques conventionnelles de construction, toujours fondées sur le béton, l’aluminium, l’acier – soit les matériaux les plus carbonés – sont une arme de destruction massive de la planète. « Quelque chose » dissone en eux : la manière dont ils reçoivent leurs études n’est pas alignée sur les difficultés qu’ils éprouvent à se projeter dans un monde devenu vulnérable et de plus en plus incertain. Le monde de la construction est sorti de ses gonds, et la génération en devenir a le courage de le dire.

La manière dont nous habitons le monde, notre logement, notre conscience – et en filigrane notre intégrité, notre éthique – devraient, idéalement, être homogènes. Du rêve à la réalité, il existe bien souvent un abîme. L’Occident consumériste, capitaliste, aliénateur, extracteur, dévoie-t-il le sens du verbe « habiter » ?

Je le crois profondément. La logique de l’économie linéaire, « extraire – consommer – jeter », traduit une trajectoire délétère pour la planète. Il est urgent de sortir d’un système productiviste qui conçoit le logement comme un produit de consommation rapidement obsolète. Il n’est également plus tolérable que 98 % des matériaux qui constituent nos habitats soient non renouvelables alors que l’on pourrait construire avec des matières premières issues de la biomasse (chanvre, bois, paille, etc.). L’extraction et la consommation de matières premières détruisent massivement nos écosystèmes. Nous feignons de l’ignorer en exploitant des terres et des hommes à l’autre bout de la planète, dans des pays pauvres. Mais nous sommes rattrapés par ces images de sols éventrés, de forêts décimées, de nappes phréatiques empoisonnées. Il est temps de se réveiller.

À n’être que des « consommateurs » de notre logement, nous ne pouvons pas le considérer comme un lieu d’espace vers l’autre, de construction de relations sociales, de relations humaines, d’intégration dans un environnement…

Cette relation fondamentale aux autres doit se retrouver dans l’acte même de construire, dans la relation aux matériaux qui nous permettent d’habiter. Nous ne nous en soucions jamais, comme si nous pouvions prendre et jeter impunément les matériaux. Mais il existe de par le monde de nombreuses sociétés qui interrogent vraiment ce que l’on peut prendre, mais aussi ce que l’on doit rendre à la nature. En Papouasie, j’ai pu rencontrer les Korowai, qui vivent dans une forêt immense. La ressource en bois est pléthorique et pourrait être largement exploitée. Pourtant, ils veillent à ne pas étendre le périmètre de leurs maisons. D’où vient une telle sagesse ? Ils estiment qu’ils n’habitent pas simplement leur maison mais l’ensemble de la forêt, qui constitue un milieu vivant. Attention, cela ne signifie pas qu’ils ne coupent pas d’arbres ; mais plutôt que chaque arbre composant cette forêt est un être vivant auquel ils réservent une attention particulière. Sur la rive péruvienne du lac Titicaca, s’étend une île artificielle faite de joncs. Lesquels se désagrègent très vite et doivent être coupés toutes les deux semaines pour régénérer le socle de l’île. On devine comment cela se traduit en termes de consommation de ressources… De ce jonc, dénommé totora, un Indien uros me confia un jour : « Elle est mon père et ma mère. » Symboliquement, il m’indiquait que nous avons des devoirs envers les plantes comme nous en avons envers nos parents. Nous pouvons utiliser des matériaux qui proviennent de la vie, mais nous devons avoir pour eux respect ou amour, et a minima attention. La conscience écologique, la conscience de partager un espace avec d’autres êtres vivants, devrait être centrale dans notre conception de l’habitat.

En Occident, la notion de propriété en général est centrale, celle du logement en particulier est cardinale. Avec pour conséquence le sentiment d’exercer un droit sur l’espace intérieur et extérieur que l’on habite. Mais « philosophiquement » est-il juste d’être propriétaire de ce bout de planète ? N’est-ce pas l’addition de ces propriétés qui conduit à la dévastation de la planète ?

Le sujet de la propriété devrait être indissociable de celui de la responsabilité. Être propriétaire ne devrait pas autoriser à entreprendre « n’importe quoi », ni « n’importe comment ». Dans son remarquable ouvrage, La propriété de la terre (Wildproject, 2018), la juriste Sarah Vanuxem démontre par le droit que la propriété ne peut être considérée comme le pouvoir souverain d’un individu sur les choses mais qu’il implique des obligations vis-à-vis de la Terre, qui nous est commune. Nous savons pertinemment que nos manières de construire et d’habiter arrivent désormais à une forme d’épuisement, d’impasse. Elles doivent évoluer dans le sens d’une grande responsabilité.

Les expériences de mixité – sociale, ethnique, intergénérationnelle – s’étendent. Avec à la clé des résultats nécessairement contrastés. De quelles « valeurs » un tronc commun doit-il être constitué assurant à ces expériences de s’accomplir et d’essaimer ?

L’espace, habité en commun, doit être produit en commun : voilà la valeur centrale pour sortir d’une culture de l’expertise et du travail en silo. C’est ce que nous avons voulu montrer avec l’équipe de la Ferme du Rail dont ma femme est l’une des architectes. Cette aventure, entreprise dans le cadre de l’appel à projet « Réinventer Paris » lancé par Anne Hidalgo, a pour cadre une minuscule parcelle du 19ᵉ arrondissement. Nous y avons bâti la première ferme urbaine à Paris, riche d’une activité maraîchère et composée d’un bâtiment de logements – qui héberge des personnes en situation de grande précarité – et d’une serre avec un restaurant. Ces personnes sont formées pour collecter des déchets organiques, fabriquer du compost, amender les sols, et cultiver des produits bio. Nous voulons harmoniser et même imbriquer l’écologie environnementale (enjeu climatique, consommation d’énergie, usage des matériaux bio-sourcés, etc.) et l’écologie sociale (insertion, alimentation, santé, formation). Ces deux dimensions de l’écologie sont indissociables l’une de l’autre : accomplir l’une exige d’intégrer l’autre, et leurs bienfaits respectifs se nourrissent mutuellement. Injustices environnementale, sociale, spatiale sont insécables. Y faire riposte répond de la même logique, car c’est la condition pour rassembler les consciences, fédérer les énergies, et déterminer un sens, une utilité concrète à cette dynamique. À cette condition, nous pouvons habiter autrement.

Les nouvelles technologies dissolvent les frontières spatiales et temporelles, plaçant leurs utilisateurs dans une extrême promiscuité. Elles nous font vivre dans l’hyperconnectivité instantanée. Est-ce supportable, lorsque s’y ajoutent l’hyperdensification, l’hyperurbanisation caractéristiques des villes, partout sur la planète ?

 Nous avons des raisons d’avoir peur mais nous avons aussi des raisons et, peut-être, le devoir d’espérer. Il existe une ambivalence intrinsèque des technologies qu’il est possible de retourner à son avantage. Internet est à la fois ce système qui mondialise la communication et qui s’empare de nos données ; les réseaux sociaux démocratisent la parole et propagent en même temps les discours de haine. Tant qu’il est possible de la « hacker » – au sens de requestionner, détourner, se réapproprier à des fins démocratiques -, toute innovation technologique mérite de se développer ; et il vaut mieux « être dans » le système que l’on s’emploie ainsi à corriger, à limiter, à améliorer, plutôt que de s’en éloigner au risque alors de laisser dériver ces technologies vers des pratiques délétères.

La standardisation des modèles (de consommation, d’architecture, de villes) est-elle corrélée aux nouvelles possibilités de mobilité par lesquelles nous défions l’organisation traditionnelle des espaces ?

Il n’est pas rare qu’un touriste qui séjourne à Shanghai ou à Rio de Janeiro aille boire un café dans un Starbucks, se restaurer dans un McDonald’s, et s’habiller chez Zara. Comment expliquer qu’à l’autre bout de « son » monde il éprouve le besoin de retrouver ce qu’il connaît plutôt que de s’aventurer dans l’inconnu ? Probablement parce que c’est facile et rassurant. Quand les lieux ont une identité trop forte, ils exigent du temps et des efforts. Pour nombre de personnes, c’est une entrave à la mobilité. Les lieux doivent donc perdre une partie de leur singularité pour devenir accessibles. C’est le revers de la médaille : l’identité des lieux n’est pas compatible avec l’exigence de mobilité et d’immédiateté universelles.

Mais on peut faire aussi (et heureusement !) le choix de s’exposer volontairement à cette altérité, de se confronter délibérément à cet inconnu, et ainsi de se placer dans le « merveilleux inconfort » où patientent les véritables trésors du voyage…

C’est l’art du voyage, or il disparaît peu à peu. Car la mobilité, le trajet, le transport, ce n’est pas le voyage. Le voyage, c’est l’idée que toutes les étapes du parcours ont une valeur, c’est la conviction que seule l’expérience de la traversée doit compter. L’exposition aux véritables découvertes, aux déplacements en soi, aux imprévus, aux temps longs, peu de personnes y sont enclines. La logique dominante est de « rationaliser au maximum » son séjour et d’emmagasiner le plus et le plus vite possible.

Lors de vos voyages, parfois dans des zones très inhospitalières, vous avez observé la manière dont l’homme habite l’espace, c’est-à-dire l’occupe, le domine ou s’y soumet, respecte (ou non) son environnement, s’associe (ou non) aux autres membres de son espèce, etc. Avons-nous à « apprendre, philosophiquement, » de la façon dont les animaux composent leur habitat ? Est-il encore possible de dépasser notre anthropocentrisme ?

Question fondamentale. Nos sociétés occidentales considèrent qu’habiter est le propre de l’humain, que seul l’homme habite. Notre anthropocentrisme établit des lignes de partage entre nature et culture, comme s’il était possible de les dissocier ! Cette vanité aveugle nous empêche d’observer la manière, si riche d’enseignements, dont les espèces animales composent leur habitat. Elles aussi habitent, et c’est l’intrication des façons d’habiter de et entre toutes les espèces vivantes qui permet de fabriquer le monde. Pourquoi continue-t-on de ne pas toutes les estimer comme des cohabitants ? L’enjeu capital est de partager l’espace avec eux alors que l’espèce humaine demeure obsédée par sa seule relation à l’espace. Dès lors, pourquoi faudrait-il concevoir l’architecture seulement pour l’espèce humaine ? Pourquoi ne devrait-elle pas être pensée pour rendre la vie possible pour l’ensemble des êtres vivants ?

L’habitat est porteur d’enjeux économiques majeurs : choix des matériaux, types de construction, ingénierie, gestion des risques. Vous l’affirmez : la construction du neuf doit devenir l’exception et non la règle. Nous devons apprendre à faire avec ce qui reste, à réparer et à valoriser l’existant. Si l’on admet que la pertinence d’une pensée se mesure aussi à sa faisabilité et aux conditions de sa mise en œuvre, le philosophe (que vous êtes) a-t-il questionné l’économiste (que vous n’êtes pas) pour estimer les répercussions économiques, financières, sociales d’un tel aggiornamento ?

Le livre que Clara et moi avons écrit sur l’aventure de la Ferme du Rail aborde concrètement ce sujet. Certes, à une petite échelle, mais elle a une valeur. L’architecture écologique se heurte à des obstacles, aussi bien idéologiques, normatifs, assurantiels, etc., et – comme un sempiternel leitmotiv – économiques. Nous démontrons qu’une fois les externalités de production et de consommation réintégrées, le coût final des matériaux traditionnels est sensiblement plus élevé que celui des solutions alternatives que nous proposons. L’extraction des minerais à l’autre bout du globe est-elle d’un coût neutre ? Une fois estimées les nombreuses externalités négatives, la tonne de ciment est-elle toujours aussi abordable ? Et le coût social du travail non déclaré ou des accidents est-il négligeable ? Travailler en réemploi des matériaux déjà produits permet de ne consommer aucune nouvelle ressource, produire des matériaux bio ou géo-sourcés grâce à l’économie circulaire est très économe, créer des réseaux de solidarité entre territoires urbains et agricoles profite équitablement, dégager des économies « matérielles » encourage une meilleure rémunération des ouvriers et l’ouverture de chantiers d’insertion, etc. C’est, au final, redonner un véritable sens, une exigence éthique au projet de construction. Cette réalité, malheureusement, est encore très difficile à promouvoir dans ce secteur de l’architecture fondé sur l’utilisation des ressources nouvelles – elle serait la « garantie » que chaque partie prenante de l’écosystème « profite » financièrement du cycle.

Quel serait votre habitat idéal ?

Lors de mes reportages aux quatre coins du globe, je me suis parfois hasardé à poser cette question à mes interlocuteurs. La réponse était immuable : « Nulle part ailleurs qu’ici, chez moi. » Mon propre « habitat idéal » est, lui aussi, « chez moi », dans ce quartier cosmopolite et bigarré du 19e arrondissement de Paris auquel je suis très attaché. Ce que ce quartier m’a donné, j’éprouve le devoir de le lui rendre, à partir des merveilleuses ressources matérielles, humaines, sociales, associatives que nous contribuons à cultiver – grâce notamment à la Ferme du rail. Ici sont mes racines, je veux être loyal à ce territoire, je veux agir en responsabilité à son égard, selon le délicieux principe de réciprocité. Faire avec les autres rend chacun d’entre nous davantage présent au monde, individuellement mais aussi ensemble. Et c’est une immense source de satisfaction.

Une conception plus globale du pouvoir d’achat

Une conception plus globale du pouvoir d’achat

 

L’économiste Gilles Rotillon observe, dans une tribune au « Monde », que la hausse des prix et les modifications de nos comportements et de la structure de notre consommation nous poussent à faire des arbitrages entre biens de consommation et biens communs.

La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, promulguée le 16 août 2022, ne semble pas, à première vue, poser de problème, mis à part les clivages politiques traditionnels : qui pourrait être contre le fait que l’on puisse maintenir un certain niveau de vie surtout quand on a déjà toutes les difficultés à boucler les fins de mois ?

Mais il faut s’entendre sur ce que l’on entend par « pouvoir d’achat », qui désigne généralement la capacité d’acquérir des biens nécessaires à la vie, à commencer par les plus fondamentaux – un logement, de la nourriture, de l’énergie – et, si possible, d’autres biens qui semblent rendre la vie plus supportable en échappant à la seule quête de la survie quotidienne (qui est quand même la situation de milliards d’habitants sur terre), comme le smartphone ou la télévision.

Autrement dit, ce que ce « pouvoir » permet d’acheter, ce sont des biens privés disponibles par définition sur le marché. Et c’est la grande force de ce dernier que « d’offrir » à tous les biens qu’ils demandent.

Derrière cette évidence, il y a en réalité deux arbitrages.

Le premier, c’est l’arbitrage entre biens privés et biens publics, qui fait que, dans un pays comme la France, la plupart de ses habitants acceptent de payer des impôts pour financer des biens publics que tous jugent indispensables à une vie décente, comme l’éducation, la santé, la sécurité, la mobilité ou la justice.

Cela signifie que l’acceptation de l’impôt est grande parce que chacun sait ce qu’il permet de faire, ce qui revient à accepter de réduire son revenu, donc sa consommation de biens privés, pour augmenter la fourniture de ces biens publics fondamentaux.

Ce ne fut pas le cas pendant tout le XIXe siècle et le début du XXe siècle. L’instauration de l’impôt sur le revenu en 1914 a d’abord été combattue par les conservateurs représentant les agriculteurs et les cadres du commerce et de l’industrie. Il a été aussi vigoureusement combattu par les principaux journaux de l’époque, comme Le TempsLe Matin et Le Figaro. Finalement, il prendra la forme qu’on lui connaît aujourd’hui en 1920 avec l’instauration du taux marginal d’imposition.

Cet arbitrage tend à être remis en question par les politiques néolibérales actuelles qui visent précisément à réduire la qualité de ces biens publics, comme l’illustre tragiquement la fermeture des lits pendant la pandémie ou le manque d’attractivité du métier d’enseignant. Mais le fait que ces politiques rencontrent une vive opposition, non seulement chez les personnels concernés, soignants ou enseignants, mais aussi dans un large public, prouve que l’arbitrage biens privés-biens publics n’est pas remis en cause par la majorité et fait partie du débat public.

Phénomène Zemmour : « une conception mythique de l’histoire »

Phénomène Zemmour : « une conception mythique de l’histoire »

 

Dans son essai, Le Venin dans la plume. Edouard Drumont, Eric Zemmour et la face sombre de la république (La Découverte, 2019), l’historien Gérard Noiriel analyse les ressorts rhétoriques du discours d’Éric Zemmour. (Dans le JDD, extrait)

 

Pour quelles raisons dressez-vous un parallèle entre Éric Zemmour et le journaliste antisémite Edouard Drumont?
Je ne compare par leurs arguments, mais leur rhétorique, c’est-à-dire leur art de convaincre. Dans les deux cas, ces polémistes privilégient le registre émotionnel : la victimisation, la construction d’un ennemi que l’on fait remonter à des temps reculés. Les Juifs ont tué le Christ pour Drumont, la menace musulmane chez Zemmour, qu’il date de 732 avec la bataille de Poitiers. L’utilisation des faits-divers est aussi commune aux deux. Ils sont généralisés et toujours imputés à une même communauté. La théorie du grand remplacement, on la trouve déjà chez Drumont. Mais chez Drumont, c’est le grand remplacement par en haut. Il ne cesse d’affirmer que les juifs contrôlent tout : la politique, la finance, la presse, le monde intellectuel. Alors que Zemmour, c’est le grand remplacement par le bas, dans les banlieues, les cités… Bien sûr, il y a des différences, et évidemment le sort des juifs en 1940 n’est pas celui des musulmans aujourd’hui. Mais la structure qui sous-tend l’argumentation est la même. Elle oppose toujours le « nous » Français menacé de disparaître sous les coups d’un ennemi héréditaire. Tous les deux vivent également à des époques révolutionnaires de l’industrie de la communication. Drumont saisit les opportunités qui apparaissent avec le passage à la presse de masse. Désormais, le peuple lit le journal. La popularité de Zemmour vient des médias des années 2000, avec les réseaux sociaux et les chaînes d’infos en continu.

Un autre point commun de leur argumentation est celui d’une supposée tyrannie des minorités.

C’est ce que j’appelle la logique de l’inversion, qui consiste à inverser les rapports de force réels. C’est-à-dire à présenter les majoritaires comme dominés, et les minoritaires comme des dominants. Dans le discours de ces polémistes, ce ne sont pas les Français, les individus dans toute leur diversité, leur complexité, qu’elle soit sociale, de genre ou d’engagement politique, qui sont présentés, mais le Français ou la France, un personnage mis en scène dans une conception qui n’a rien à voir avec la recherche historique mais qui repose sur une conception mythique de l’histoire. Cela repose le plus souvent sur des faits, qui sont marginaux mais généralisés. Par exemple quand un rappeur l’insulte ou insulte « les Blancs », Zemmour y voit la preuve que toute notre civilisation est menacée par la tyrannie des minorités. Ces insultes sont évidemment condamnables car elles sont contraires aux principes de notre démocratie. De plus, elles permettent à Zemmour de se présenter comme une victime. Ce qui explique que ceux qui sont de vraies victimes de notre société puissent s’identifier à lui. La même logique populiste se retrouve dans la dénonciation des élites, alors qu’il en fait lui-même partie. Ça plait beaucoup à ceux qui s’estiment exclus de la société.

Dans son dernier livre, il prend à nouveau la défense de Maurice Papon ou exonère certaines responsabilités du régime de Vichy…
Jusqu’à présent, les seules mesures concrètes qu’a présentées Zemmour pour « redresser la France » sont des mesures répressives. Il a affirmé notamment que s’il était élu président de la République, il supprimerait la loi de 1972 relative à la lutte contre le racisme, loi qu’il qualifie de liberticide et au nom de laquelle il a été condamné. La première de ces lois a été adoptée en 1939, avec le décret-loi Marchandeau. Mais aussitôt arrivé au pouvoir, Pétain s’est empressé de la supprimer, pour permettre à tous les antisémites de l’époque de déverser leur flot de haine dans la presse. On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi Zemmour s’acharne à réhabiliter Pétain et le régime de Vichy.

Sondage laïcité : une conception revue en baisse chez les lycéens (étude de l’Ifop)

Sondage laïcité : une conception revue en baisse  chez les lycéens (étude de l’Ifop)

Une étude de l’IFOP pour la LICRA qui remet en fait en cause le concept français de laïcité.

 

 ENQUÊTE AUPRÈS DES LYCÉENS SUR LA LAÏCITÉ ET LA PLACE DES RELIGIONS À L’ÉCOLE ET DANS LA SOCIÉTÉ

 

A l’occasion d’un numéro spécial consacré à la laïcité, le magazine de la LICRA « Droit de Vivre » a commandé à l’Ifop une enquête permettant de mieux cerner la place que les lycéens accordent aujourd’hui à la religion, le sens qu’ils donnent à la laïcité dans l’enceinte scolaire mais aussi leur point de vue sur le droit de « blasphémer » à la manière d’un journal satirique comme Charlie Hebdo.

 

Pour cela, l’Ifop a mis en place un dispositif d’étude d’envergure permettant de mesurer la spécificité de la population lycéenne sur ces sujets – à travers des indicateurs offrant des comparaisons avec le point de vue de l’ensemble des Français majeurs – mais aussi d’analyser certaines variables pouvant influencer leur rapport à la laïcité comme leur affiliation religieuse, leur degré de religiosité ou leur évolution dans certains contextes scolaires (ex : éducation prioritaire, enseignement professionnel). Au regard de cette enquête menée auprès d’un échantillon représentatif d’un millier de lycéens – constitué à partir des dernières données ministérielles (RERS 2020) –, la population scolarisée dans le second cycle du second degré apparaît imprégnée d’une vision très « inclusive » de la laïcité dans laquelle celle-ci est réduite au principe de neutralité de l’État tout en étant associée à une grande tolérance à l’égard des manifestations de religiosité dans l’espace scolaire (ex : voile).

 

Ces jeunes, et tout particulièrement les lycéens musulmans et/ou scolarisés dans les zones d’éducation prioritaire (REP), se distinguent aussi par leur hostilité à toute critique susceptible de heurter la susceptibilité des minorités.

 

 

1 – Des jeunes majoritairement favorables au port du voile dans les lycées

 

Si on observe depuis longtemps une plus grande réticence de la jeunesse à la prohibition des signes religieux, c’est la première fois qu’une enquête montre que les lycéens sont majoritairement favorables au port de tenues religieuses dans les lycées publics. Le port de signes religieux ostensibles (voile, kippa…) par les élèves dans les lycées publics s’avère ainsi soutenu par plus d’un lycéen sur deux (52 %), soit une proportion deux fois plus grande que dans la population adulte (25 %).

 

Cette adhésion à l’expression religieuse des élèves dans l’espace scolaire semble en hausse si on se fie aux données de l’enquête REDCo[1] (2006-2009) qui montrait qu’il y a une quinzaine d’années, cette idée était majoritairement rejetée (à 58 %) par les élèves de 14-16 ans. Ce hiatus entre les lycéens et le reste de la population se retrouve dans leur net soutien au port de tenues religieuses par des parents accompagnateurs (à 57 %, contre 26 % chez l’ensemble des Français), mais aussi dans leur adhésion beaucoup plus forte à leur port par les agents du service public : 49 % des lycéens y étant favorables pour des policiers ou des enseignants (contre 21 % chez l’ensemble des Français), signe d’une faible imprégnation des principes de neutralité fixés à la fonction publique depuis 1905.

 

Mettant plus directement le doigt sur la question de l’islam et des injonctions à la pudeur pesant sur les femmes, le port du « burkini » lors des cours de natation n’est, lui, soutenu que par une minorité de lycéens mais avec, là aussi, un degré d’acception nettement plus élevé (38 %) que dans la population adulte (24 %). Dans tous les cas, ces indicateurs mettent tous bien en exergue un très net clivage générationnel sur la question des tenues religieuses dans l’espace scolaire, mais aussi un clivage entre les lycéens musulmans et les autres.

 

2 – Une vision très « ouverte » et dépolitisée de la laïcité

 

Pour les lycéens, la laïcité constitue avant tout un cadre juridique destiné à assurer la séparation du religieux du politique, la liberté de conscience et l’égalité entre les religions. Contrairement à leurs aînés, ils ne l’associent pas à une forme d’anticléricalisme.

 

En effet, les lycéens se distinguent par leur rejet de l’idée selon laquelle la laïcité consisterait à « faire reculer l’influence des religions dans la société » : seuls 11 % d’entre eux partagent ce point de vue, soit deux fois moins que chez l’ensemble des Français âgés de 18 ans et plus (26 %). À l’inverse, ils affichent leur préférence pour une vision assez minimaliste de la laïcité en l’associant en priorité à un traitement égal des différentes religions (à 29 %, soit 10 points de plus que chez l’ensemble des Français). II est intéressant de noter que cette association de la laïcité à l’absence de discrimination entre les croyants est particulièrement forte dans les rangs des adeptes des religions minoritaires (38 %) – notamment les élèves de confession musulmane (37 %) –  mais aussi d’autres catégories souvent plus exposées aux discriminations telles que les personnes perçues comme « non blanches » (42 %) ou résidant dans des banlieues populaires (37 %).

 

Cette lecture littérale de la laïcité fixée par la loi de 1905 va de pair avec une faible politisation du concept : les deux tiers des jeunes interrogés (68 %) estiment que la laïcité ne se rattache à « aucun courant » idéologique particulier, contre 16 % qui l’associent à la gauche, 8 % au centre et 8 % à la droite. Ainsi, son association à l’extrême droite – de l’ordre du possible depuis que le RN s’est emparé du sujet dans une logique « musulmanophobe » – reste donc marginale, y compris chez les musulmans (4 %).

 

3 – Des lois « laïques » perçues par beaucoup comme discriminatoires envers les musulmans

 

Les accusations de « musulmanophobie » portées depuis des années envers les lois associées (1905, 2004) ou apparentées (2010) à la laïcité n’en imprègnent pas moins fortement les représentations que se font les jeunes de ces dispositifs législatifs. Dans un contexte marqué par un renforcement de la laïcité au sein de l’institution scolaire – via des initiatives comme la Charte de la laïcité (2013), le Vade-mecum pour la laïcité (2018), le Conseil des sages (2018) ou les équipes Valeurs de la République –, on ne peut que constater l’impact des discours décrivant par exemple la loi de 2004 comme une loi de « ségrégation » antimusulmans (Edwy Plenel, janvier 2015) et, depuis son vote, un « durcissement des mesures discriminatoires contre la population musulmane[2] ».

 

Sans être encore majoritaire, l’étiquette diffamante d’« islamophobie » colle ainsi à ces grandes lois au point qu’un nombre élevé de lycéens (37 %) les jugent désormais discriminatoires envers les musulmans. Et ce sentiment n’est pas l’apanage des musulmans (81 %) : il est également partagé par beaucoup d’élèves scolarisés en zone d’éducation prioritaire (55 %), en lycée professionnel (43 % en bac pro) ou se percevant par les autres comme « non blancs » (64 %). Déjà observée par Olivier Galland et Anne Muxel dans leur enquête auprès des lycéens en 2016[3]  – tout particulièrement dans les lycées très populaires et à forte proportion de jeunes d’origine étrangère – cette « solidarité » de segments non musulmans de la population lycéenne serait d’après Olivier Galland le produit d’un « phénomène d’acculturation leur faisant rejoindre les opinions de leurs camarades musulmans lorsque ceux-ci sont très représentés dans l’espace scolaire [4] ».

 

4 – Un « droit au blasphème » rejeté par une (courte) majorité de lycéens

 

Récemment remise sur le devant de la scène par l’affaire Mila (2020), le « droit au blasphème » clive profondément une opinion lycéenne qui penche contre ce droit pourtant acquis depuis plus d’un siècle (1881) : 52 % des lycéens contestent la liberté de se montrer irrespectueux vis-à-vis une religion et ses dogmes, soit une proportion quasi identique à celle observée chez l’ensemble des Français (50 %).

 

Cette question du « droit au blasphème » met surtout en lumière le clivage existant sur ce sujet entre les musulmans et le reste de cette jeunesse scolarisée dans le second degré. En effet, si les jeunes musulmans s’opposent massivement (à 78 %) au droit d’outrager une religion – tout comme les personnes perçues comme « non blanches » (à 65 %) ou habitant dans les banlieues populaires (à 60 %) –, ce n’est le cas que d’une minorité de catholiques (45 %), d’élèves sans religion (47 %) ou non scolarisés en REP (44 %).

 

D’après Jean-François Mignot, qui observait la même tendance dans l’enquête auprès des lycéens dirigée par Olivier Galland et Anne Muxel (2016), cette réaction s’expliquerait par « une conception de l’islam selon laquelle la critique de la religion, de ses croyances, de ses pratiques témoigne d’un manque de respect envers les croyants eux-mêmes, comme si l’irrévérence envers la religion agressait l’estime de soi des croyants[5] ».

 

Dans ce cadre, il n’est pas étonnant que les lycéens soutiennent moins que la moyenne (à 49 %, contre 59 % chez l’ensemble des Français) le droit des journaux à caricaturer les personnages religieux, sachant que là aussi, l’opposition à cette publication – partagée en moyenne par un lycéen sur quatre (27 %) – est très forte dans les rangs des musulmans (61 %) et, plus largement, chez les élèves se disant « religieux » : à 45 %, contre 22 % chez les élèves non religieux mais pas athées et 15 % chez les athées convaincus.

 

Enfin, les lycéens se distinguent par un soutien moins ferme au choix, fait par Samuel Paty, de présenter en cours ces caricatures pour illustrer la liberté d’expression : 61 % d’entre eux estiment qu’il a eu raison de le faire, contre 71 % chez les enseignants du second degré. La proportion de lycéens estimant qu’il a eu tort n’en reste pas moins faible (17 %), sauf dans les rangs des musulmans (48 %), des élèves en REP (27 %) ou de ceux se disant religieux (31 %).

 

5 – Retour en 2015 : une condamnation des attentats faisant moins l’unanimité

 

En 2015, la perturbation des minutes de silence organisées en l’honneur des victimes de Charlie Hebdo a suscité débats et polémiques sur l’attitude ambiguë de certains élèves à l’égard des attaques terroristes sans que beaucoup de données représentatives n’appuient ces assertions.

 

À la suite des travaux pionniers d’Anne Muxel et d’Olivier Galland sur l’ampleur des formes de désolidarisation exprimées à l’égard des victimes, cette étude a donc le mérite donner un aperçu de l’opinion des lycéens sur ce sujet à partir d’un échantillon national représentatif de la jeunesse scolarisée dans un second cycle du second degré. Or, il en ressort une condamnation des terroristes moins forte que chez l’ensemble des Français mais aussi moins consensuelle que dans le passé. En effet, si la proportion de lycéens ne condamnant pas fermement ces attentats reste une minorité (16 %), leur nombre semble avoir augmenté par rapport à une enquête de 2016 où elle s’élevait à 7 % [6] chez l’ensemble des jeunes âgés de 15 à 17 ans.

 

Toutefois, les différences de cibles entre les deux enquêtes – l’une portant sur tous les jeunes de 15 à 17 ans, l’autre sur les lycéens de 15 ans et plus – incitent à rester prudent sur ces évolutions et à approfondir plutôt certaines variables d’analyse. Cette analyse montre que la désapprobation radicale du terrorisme fait moins l’unanimité chez élèves musulmans : 9 % « condamnent les terroristes mais partagent certaines de leurs motivations », 2 % déclarent qu’ils « ne les condamnent pas » et 11 % se disent indifférents à l’égard des terroristes ayant assassiné tous ces personnes.

 

Au total, la proportion d’élèves musulmans n’exprimant pas de condamnation totale à l’égard des terroristes est donc presque deux fois supérieure (22 %) à celle observée chez les non-musulmans (14 %). Cependant, cette tendance à se montrer émotionnellement indifférent à l’égard des attentats touche encore plus fortement les élèves en REP – 30 % ne condamnent pas explicitement les auteurs des attentats –, sans doute parce qu’ils voient dans l’irrévérence envers l’islam une forme d’irrespect tellement inacceptable qu’elle légitime la violence. Il faut sans doute y voir l’influence de l’importance donnée à la notion de « respect » dans une jeunesse populaire qui condamne par principe tout contenu potentiellement offensant pour des minorités perçues comme « dominées ».

 

LE POINT DE VUE DE FRANÇOIS KRAUS SUR L’ENQUÊTE

 

Au regard du double clivage mis en exergue par cette enquête – celui entre les jeunes et le reste des Français d’une part, celui entre les jeunes musulmans et le reste de la jeunesse d’autre part  –, il est difficile de ne pas avoir des doutes sur la pérennité de la loi de 2004 : son assise politique ne pouvant que s’effriter au fil des années en raison du poids croissant des musulmans en France (18% chez les nouveau-nés masculins en 2016, contre 8% en 1997*) mais aussi d’une évolution des mentalités qui fait de l’acceptation des expressions religieuses dans l’espace scolaire un marqueur générationnel affectant l’ensemble des jeunes de moins de 25 ans (53%) et pas seulement les minorités religieuses et/ou ethniques. L’intériorisation des notions de droit à la différence et la primauté donnée au respect de la liberté de choix de chacun y sont sans doute pour beaucoup dans une génération qui se distingue par un certain relativisme des valeurs et un grand respect pour les minorités. Ainsi, la question du frein à la liberté de « blasphémer » se posera également sans doute à terme pour une « génération offensée » (Fourest, 2020) qui tend plus toute autre à interpréter la critique à l’égard d’un dogme ou d’un personnage religieux comme une forme d’irrespect envers les croyants eux-mêmes..

 

François Kraus, directeur du pôle « politique / actualités » au Département Opinion de l’Ifop

 

* cf Jérôme Fourquet L’Archipel français, Points, septembre 2020. p 190

 

[1] Enquête européenne sur « la religion dans l’enseignement. Contribution au dialogue ou facteur de conflit dans des sociétés européennes en mutation ? » réalisée entre 2006 et 2009.

[2] Joan W. Scott, La politique du voile, Paris, Éditions Amsterdam, 2017.

[3] Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La Tentation radicale. Enquête auprès des lycées, Puf, 2018.

[4] Olivier Galland, La laïcité au prisme du regard des jeunes, Telos, 1er décembre 2019.

[5] Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La Tentation radicale, op. cit., p. 174.

[6] Olivier Galland, Anne Muxel (dir.), La Tentation radicale, op. cit., p. 170.

Laïcité : « pour une conception unique  » (Jean Glavany)

Laïcité : « pour une  conception unique  » (Jean Glavany)

Jean Glavany, ancien ministre, ardent défenseur de la laïcité, refuse de cautionner le débat actuel entre plusieurs conceptions de la laïcité, qui divise la sphère politique.  »Il faut rétablir une conception unique, celle de la République », dit-il sur Europe 1

INTERVIEW

Avec 48 autres personnalités, il signe une tribune dans le Journal du dimanche, dans laquelle il appelle à « porter haut l’idéal laïc ». L’ancien ministre socialiste Jean Glavany, auteur de La laïcité, un combat pour la paix, est revenu, dimanche sur Europe 1, sur la controverse, ancienne, mais remise au centre du débat depuis l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, sur les différentes conceptions de la laïcité qui divisent la sphère politique.

« La laïcité est une valeur complexe et subtile », explique Jean Glavany. La loi de 1905, rappelle-t-il, « est une loi de caractère libéral, mais qui dit bien que ces libertés s’exercent dans les limites de l’ordre public ». La laïcité est donc un « subtil équilibre entre deux jambes : une jambe libérale et une jambe d’ordre public ».

Pour Jean Glavany, les deux conceptions antagonistes qui s’affrontent régulièrement dans le débat intellectuel, sont des conceptions « qu’ont ces hémiplégiques, ceux qui retiennent uniquement le volet libéral et oublient l’ordre public, c’est une grande partie de la gauche et de l’extrême-gauche, et ceux qui oublient le volet liberté et le respect des différences ».

« Il y a ceux qui parlent des droits et jamais des devoirs, d’autres qui parlent des devoirs et jamais des droits », résume l’invité d’Europe 1.

Or, dit encore Jean Glavany, « ces deux conceptions sont erronées », car la laïcité « fait marcher en même temps les deux jambes, sinon on est hémiplégique ».  »Non, il n’y a pas deux conceptions de la laïcité », martèle l’ancien ministre. Et de conclure : « Il faut rétablir une conception unique de la laïcité, celle de la République ».

Territoire zéro chômeur : conception et calculs erronés »

Territoire zéro chômeur : conception et calculs erronés »

Professeur d’économie à Sciences Po,  Pierre Cahuc dénonce, dans une tribune au « Monde », les arguments des promoteurs en faveur de l’extension du dispositif de lutte contre le chômage, actuellement en discussion au Parlement

Tribune. La chronique « Territoire zéro chômeur : pour la généralisation d’un dispositif d’utilité sociale », publiée le 19 septembre dans « Le Monde », plaide pour la généralisation du dispositif d’utilité sociale « Territoires zéro chômeur de longue durée » qui fait l’objet d’un projet de loi actuellement en débat au Parlement, en reprenant à son compte les arguments de ses promoteurs.

Cette initiative crée des entreprises à but d’emploi (EBE) dont la finalité est d’embaucher en CDI des chômeurs de longue durée, rémunérés au smic, afin de répondre à des besoins non satisfaits, car peu rentables. Leurs activités ne doivent pas concurrencer l’emploi existant. L’expérimentation concerne 10 territoires, qui emploient environ 800 personnes. Le projet de loi propose de l’étendre à 50 territoires supplémentaires.

La chronique soutient tout d’abord que le coût de ce dispositif est somme toute modique, de l’ordre de 6 000 euros annuels par équivalent temps plein. Cette évaluation est étonnante : deux rapports, rédigés par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales (pages 28 et 35) d’une part, et un comité scientifique d’autre part, montrent que le coût annuel net d’un emploi créé par ce dispositif s’élève à 25 000 euros et non 6 000 euros.

Le texte affirme aussi qu’il faut tenir compte de « la valeur proprement incalculable que représentent la dignité et l’utilité retrouvées » grâce à l’accès à l’emploi des personnes qui en sont durablement exclues. On ne peut qu’être d’accord : la privation d’emploi est une atteinte à la dignité, source de souffrance, dont les effets délétères sur la santé et l’espérance de vie sont bien documentés.

Il n’y a aucun doute sur ce sujet. Il faut donc financer des dispositifs qui accompagnent vers l’emploi. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut donner de véritables emplois avec des perspectives d’avenir. Et c’est là que le bât blesse avec cette expérimentation, qui suppose qu’obtenir un emploi rémunéré à vie au Smic est suffisant pour retrouver sa dignité.

Une autre conception de l’urbanisme ?

Une autre conception de l’urbanisme ?

Martin Vanier est géographe, professeur à l’Ecole d’urbanisme de Paris et consultant pour le cabinet Acadie imagine ce que devraient être les métropoles : des grappes de villes reliées entre elles à l’échelon régional.(interview l’Opinion). Un interview intéressante mais qui ne pose propose pas cependant une révolution de l’aménagement du territoire mais seulement une autre façon de métropoliser.

 

La crise sanitaire que nous traversons montre à quel point les grandes villes par leur densité de population sont inadaptées à un confinement de la population. Sont-elles un problème ou la solution dans la gestion de l’après ?

Si l’on considère que la gestion de l’après, c’est encore le traitement de la crise, et qu’il faut continuer à limiter la circulation du virus, c’est évidemment plus facile à réaliser dans un territoire de faible densité où la distanciation physique est déjà là. Le café du coin dans le chef-lieu du canton active moins les circulations que la brasserie parisienne. Le problème central, c’est la densité habitante. En France, la moyenne est de 117 habitants au km2, mais elle n’existe concrètement nulle part. La densité réelle va des 40 000 habitants au km2 de la moitié nord du 11e arrondissement de Paris au moins de 10 habitants au km2 de certains cantons des Alpes-du-sud. Même entre les grandes villes, les différences sont importantes. La moyenne de la densité à Paris, 20 000 habitants par km2, c’est deux à quatre fois la densité dans les autres métropoles.

Les grandes villes ont-elles un argument à faire valoir dans la sortie du confinement ?

En pleine crise, nous avons tous envie de nous protéger à la campagne. Une fois ce moment passé, nous aurons besoin de sociétés urbaines. Ce qui nous a sauvés de la pandémie, c’est la recherche scientifique, les structures hospitalières, des réseaux professionnels de solidarité de tous ordres. Les villes en sont dépositaires et savent aussi répondre quasi militairement à ces moments de crise. Le paradoxe, c’est qu’on les fuit dans ces mêmes périodes. Ceci dit, les métropoles sont les solutions aux problèmes à condition qu’elles ne fonctionnent pas toutes seules sur elles-mêmes. Elles ne vivent pas en extraterritorialité, elles sont liées à l’ensemble du territoire : être métropolitain, ce n’est pas être citadin, c’est habiter un système de divers territoires, au fil de sa trajectoire de vie, un peu partout en France.

« Nous pouvons vivre dans une économie mondialisée et nous recentrer sur des grappes de villes qui fonctionnent dans une relative proximité »

La sortie du confinement s’accompagnera d’une limitation des déplacements. La façon de vivre que vous décrivez sera mise entre parenthèses. Faut-il s’attendre à des grandes villes repliées sur elles-mêmes ?

Le Premier ministre a limité les déplacements dans un rayon de 100 kilomètres autour du domicile. C’est plutôt judicieux. C’est le système de territoires dont je parle. Avant la crise, les circulations à grande distance s’intensifiaient dans ce qu’on a pu appeler « la métropole France », grâce au TGV. Nous pourrions revenir à un système plus régionalisé. Ce n’est pas la fin du monde. Nous pouvons vivre dans une économie mondialisée et nous recentrer sur des grappes de villes qui fonctionnent dans une relative proximité.

Dans vos travaux, vous considérez la métropolisation comme la forme locale de la mondialisation. Si l’on considère qu’il faut limiter la mondialisation à la lumière de cette crise, faut-il également réduire la métropolisation ?

La crise que nous traversons passe pour une remise en cause des deux. Mais il ne faut renoncer ni à l’une ni à l’autre, et continuer l’histoire plurimillénaire qui est la leur. L’information scientifique, l’élaboration d’un vaccin, la solidarité, la lutte contre le dérèglement climatique sont des enjeux globaux. Ceci dit, inutile de produire des biens périssables à l’échelle intercontinentale. On peut le faire dans un rayon inférieur à mille kilomètres. C’est déjà beaucoup. De la même façon, l’avenir n’est pas de démétropoliser mais de métropoliser autrement. Les très grandes métropoles comme la région parisienne avec ses sept millions d’habitants agglomérés sont clairement répulsives. Mais les métropoles pourraient être des réseaux de nœuds urbains plus modestes, comme en Italie ou en Allemagne, des grappes de villes de 50 000 à 500 000 habitants. On est bien à l’échelle des 100 kilomètres définis par Edouard Philippe. On observe cela depuis longtemps dans l’ouest de la France, du Havre à Nantes, de Rennes aux abords de la région parisienne avec des agglomérations intermédiaires comme Angers ou Le Mans, à condition qu’elles fonctionnent davantage ensemble. Cette crise nous invite à inventer un système métropolitain plus léger et plus maillé. Toulouse par exemple manque encore de relais. La métropole ne peut s’appuyer que sur des petites villes ou des « petites moyennes » : Albi, Auch, Montauban… Si l’on veut éviter qu’elle devienne un jour une métropole de 1,5 million d’habitants, il lui faut accepter des réels relais métropolitains dans un rayon de 100 kilomètres.

Le concept de résilience urbaine se répand dans les grandes villes à la faveur de cette crise. Que dit-il de la situation de nos pôles urbains ?

C’est sans doute le concept clé des réflexions urbanistiques des prochaines années. Il interroge notre vulnérabilité, notre capacité à créer des systèmes immunitaires capables de résister à un choc et pose des questions très intéressantes. Il s’agit de nos capacités à affronter non pas l’incertain mais l’imprévisible. Personne ne peut prétendre répondre par une réponse toute prête. Cela interpelle le mode de fonctionnement des transports, des espaces publics, des systèmes de santé, etc.

 

La résilience incite-t-elle forcément les villes à devenir décroissante ?

Pas nécessairement. D’ailleurs, celui qui viendra parler de décroissance alors que l’on entre dans la récession la plus effroyable de notre histoire n’aura pas beaucoup de succès. Je préfère parler de post-croissance et de notre capacité à nous développer autrement que dans une course à l’accumulation. Continuons à faire circuler des avions mais pas forcément plus gros ou pour aller plus vite.

Vous avez mené beaucoup de travaux de prospective territoriale dans votre carrière. Aviez-vous imaginé un scénario semblable à celui que nous vivons aujourd’hui ?

Jamais. On pensait les grandes pandémies derrière nous. La leçon, c’est que l’anticipation ce n’est pas la prophétie, mais c’est la capacité d’adaptation, la souplesse collective, la vitesse de bifurcation. Il faut travailler cela particulièrement dans les grandes villes qui sont truffées de réseaux très vulnérables. Voilà ce qu’est l’urbanisme résilient.

 

Retraites et pénibilité : agir sur la conception du travail »

Retraites et pénibilité : agir sur la conception du travail »

Une réforme qui ne prend pas en compte la pénibilité pour fixer un âge de départ ne peut être juste et équitable, pointe, dans une tribune au « Monde », un collectif de quatre ergonomes.

Tribune

 

. Equipé d’un voice-picking donneur d’ordres [système permettant la préparation de commandes guidée par reconnaissance vocale], ce travailleur d’un entrepôt, ouvrier des temps modernes, soulève huit tonnes par jour. Ce n’est pas assez. Son mal de dos ne cède pas, il doit quitter son emploi. Cette caissière, elle, ne soulève « que » cinq tonnes par jour en horaires coupés, à un rythme effréné et en souriant : c’est la règle. Lui est cadre. Il travaille tard le soir, la nuit, les fins de semaine, cherchant à faire correspondre les indicateurs de performance et les résultats de ses équipes. Ça ne colle pas toujours, il ne dort plus, le corps lâche, c’est le burn-out. Pour cette aide-soignante en gérontologie, transmettre son métier aux nouvelles devient insoutenable, sauf à transmettre du sale boulot. Pas assez de temps, pas assez d’effectifs.

Du misérabilisme ? Non, le quotidien d’un grand nombre d’actifs. Une réforme des retraites sans prendre en compte les réalités du travail, sans politique incitative pour un travail soutenable ne peut être juste et équitable. Un travail soutenable, c’est un travail qui n’expose pas à des nuisances, ne crée pas de pathologies persistantes, n’évince ni les plus vieux, ni les plus jeunes, ni ceux ayant des problèmes de santé. Un travail qui repose sur la confiance dans l’intelligence de celles et ceux qui le font. Un travail soutenable, c’est aussi celui qui assure les conditions d’un parcours professionnel durable, qui produit de la valeur économique et sociale, en plus d’en avoir aux yeux de ceux qui le font. Le chantier est certes audacieux, mais pas hors de portée.

Le taux de chômage des plus de 50 ans a triplé entre 2008 et 2019 et parmi les 60-64 ans, ceux qui perçoivent l’allocation adulte handicapé ont augmenté de 192 % depuis 2010 ; selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, 40 % des personnes interrogées disent ne pas se sentir capables de faire le même travail jusqu’à 60 ans ou jusqu’à l’âge de la retraite. La probabilité de mourir avant 60 ans chez les hommes ouvriers est deux fois plus élevée que chez les hommes cadres (13 % contre 6 %). L’espérance de vie sans incapacité entérine ces inégalités.

Agir sur les causes de ces injustices sociales, c’est agir sur la conception du travail, ce que défend l’ergonomie. Notre pays est doté d’organismes publics, d’acteurs de la prévention, de chercheurs en santé au travail, détenteurs de connaissances et de méthodes, qui ne demandent qu’à être pris au sérieux. Se priver de leurs éclairages, au-delà des apports essentiels des enquêtes nationales de la Dares, et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) paraît surréaliste.

Croissance verte: une conception restrictive de l’OCDE

Croissance verte: une conception restrictive de l’OCDE

Un texte intéressant de l’OCDE, un peu attrape tout,  et qui montre bien tout l’ambiguïté d’une organisation qui ne veut pas renoncer au concept  même de croissance classique  même si elle en reconnaît les limites . A noter surtout l’ambigüité entre les concepts de durabilité et de croissance.  

 

« La croissance verte signifie promouvoir la croissance économique et le développement tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de fournir les ressources et services environnementaux dont dépend notre bien-être.

Pour cela, elle doit catalyser l’investissement et l’innovation qui serviront d’assise à une croissance durable et susciteront de nouvelles possibilités économiques.

La croissance verte n’est pas un substitut au développement durable. Il s’agit plutôt d’une approche pratique et flexible pour réaliser des progrès concrets et mesurables sur l’ensemble de ses piliers économique et environnemental, tout en tenant pleinement compte des conséquences sociales du verdissement de la dynamique de croissance des économies. L’axe des stratégies de croissance verte est de faire en sorte que les actifs naturels puissent fournir de façon durable tout leur potentiel économique. Il s’agit notamment de fournir les services essentiels au maintien de la vie –– pureté de l’air et de l’eau, et résilience de la biodiversité nécessaire à la production d’aliments et à la santé humaine. Les actifs naturels ne sont pas indéfiniment substituables et les politiques de croissance verte tiennent compte de ce constat.

 

Les politiques de croissance verte font partie intégrante des réformes structurelles nécessaires pour promouvoir une croissance robuste, plus durable et inclusive. Elles peuvent également libérer de nouveaux moteurs de croissance à travers :

  • L’amélioration de la productivité par la création d’incitations à une plus grande efficience dans l’utilisation des ressources naturelles, la réduction des déchets et de la consommation d’énergie, la libération des possibilités d’innovation et de création de valeur et l’allocation des ressources aux usages présentant la plus forte valeur ;
  • Le renforcement de la confiance des investisseurs par une plus grande prévisibilité dans la façon dont les pouvoirs publics abordent les grandes questions environnementales ;
  • L’ouverture de nouveaux marchés par une stimulation de la demande de produits, de services et de technologies écologiques ;
  • Une contribution à l’assainissement des comptes publics par une mobilisation de recettes basée sur une fiscalité verte et l’élimination des aides préjudiciables à l’environnement. Ces mesures peuvent également aider à générer ou libérer des ressources pour les programmes de lutte contre la pauvreté dans des domaines comme l’approvisionnement en eau et l’assainissement, ou d’autres investissements en faveur des populations déshéritées ;
  • La réduction des risques de chocs négatifs pour la croissance, imputables à des goulets d’étranglement au niveau des ressources, ainsi que d’impacts environnementaux préjudiciables et potentiellement irréversibles.

Les stratégies en faveur de la croissance verte doivent être adaptées aux spécificités des pays. Elles devront prendre soigneusement en considération la façon de gérer tout arbitrage potentiel et d’exploiter au mieux les synergies entre la croissance verte et la réduction de la pauvreté. Dans ce dernier domaine, il s’agit par exemple de mettre à la disposition de la population des infrastructures plus efficientes (par exemple, en matière d’énergie, d’approvisionnement en eau et de transport), de s’attaquer aux problèmes de santé associés à la dégradation de l’environnement et d’introduire des technologies efficientes de nature à réduire les coûts et accroître la productivité, tout en réduisant les pressions sur l’environnement. Vu le rôle central que jouent les actifs naturels dans les pays à faible revenu, les politiques de croissance verte peuvent atténuer la vulnérabilité face aux risques environnementaux et renforcer la sécurité des moyens d’existence des plus démunis.

Les stratégies de croissance verte reconnaissent également que le fait de privilégier le PIB comme principale mesure du progrès économique ignore de façon générale la contribution des actifs naturels à la richesse, à la santé et au bien-être. Elles doivent donc s’appuyer sur un plus large éventail de mesures du progrès, qui prennent en compte la qualité et la composition de la croissance, ainsi que la façon dont cela affecte la richesse et le bien-être des populations. »

Macron : une conception de la participation limitée au fric

Macron : une  conception de la participation limitée au fric

Macron a visiblement une conception très restrictive de la participation qui limite à l’intéressement financier pour que « tous les salariés aient leur juste part quand les choses vont mieux ». Pourtant il affirme en même temps qu’une entreprise est constituée d’une part d’actionnaires (définition juridique actuelle),  d’autre part de la valeur et de la compétence de ses salariés. Certes l’intéressement financier constitue un progrès dans l’association des salariés aux résultats des entreprises. Pour autant cette association ne saurait se limiter à la dimension monétaire quand les choses vont bien. Une vraie participation, outre l’intéressement financier, consisterait à associer les salariés à la gestion comme le souhaite la CFDT et comme cela se pratique en Allemagne par exemple. C’est précisément quand les entreprises ont des difficultés que les salariés ont besoin d’être aussi associés à la problématique de gestion pour mieux comprendre et adhérer aux évolutions conjoncturelles ou structurelles. Les salariés et les cadres sont en effet le plus souvent les plus à même d’évaluer les forces et les faiblesses de la réalité de leur outil de production et c’est en permanence qu’il convient de les associer à la gestion de l’entreprise y compris quand l’entreprise ne rencontre pas de difficultés. Pour l’instant en effet la participation se borne le plus souvent en cas de problème à annoncer de façon un peu brutale au comité d’entreprise les plans de licenciement. La participation ne saurait être limitée à l’implication des salariés quand il faut licencier ou au retour financier sur résultats. La participation implique une vision beaucoup plus large et plus active des salariés dans l’entreprise.

 




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