Merkel, complice de Poutine ?
L’Allemagne s’interroge sur la responsabilité d’Angela Merkel dans l’escalade agressive de Vladimir Poutine
Quelques mois après son départ du pouvoir, l’ex-chancelière se voit reprocher d’avoir fait preuve d’un certain « laxisme » à l’égard du président russe.
( Par le correspondant du « Monde » en Allemagne)
Analyse.
Angela Merkel est de retour. Trois mois après son départ du pouvoir, l’ancienne chancelière se retrouve au cœur du débat public en Allemagne. La raison : la guerre en Ukraine, qui conduit à un réexamen sévère de sa politique à l’égard de la Russie, y compris au sein de sa famille politique.
La première à sonner la charge fut Annegret Kramp-Karrenbauer. « Après la Géorgie [en 2008] puis la Crimée et le Donbass [en 2014], nous n’avons rien fait pour véritablement dissuader Poutine », a tweeté l’ex-ministre de la défense (2019-2021), le 24 février, quelques heures après le début de l’offensive russe en Ukraine. Evoquant une « erreur historique », l’ancienne dauphine désignée de Mme Merkel n’a pas nommément mis en cause son ancienne patronne, mais l’allusion était transparente.
Depuis, d’autres dirigeants conservateurs lui ont emboîté le pas. A l’instar de Friedrich Merz, le président de l’Union chrétienne-démocrate qui, le 27 février devant le Bundestag, a qualifié de « champ de ruines la politique étrangère et de sécurité conduite par l’Allemagne et par l’Europe au cours des dernières années ». Lui non plus n’a pas eu besoin de citer Angela Merkel pour que l’on comprenne qui était, selon lui, la première responsable de ce cuisant échec.
Qu’est-il précisément reproché à l’ex-chancelière ? Les titres de deux longues enquêtes parues récemment dans la presse allemande résument assez bien les choses « Guerre en Ukraine : la culpabilité de Poutine et la contribution de Merkel » (Süddeutsche Zeitung, 18 mars) et « Le laxisme de la politique russe de Merkel comme héritage : un peu de boycott mais rien de plus » (Der Spiegel, 19 mars).
Pour certains, le péché originel remonterait au sommet de l’OTAN à Bucarest, en avril 2008. En se prononçant contre l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Alliance atlantique, position également partagée par le président français Nicolas Sarkozy, Angela Merkel aurait aiguisé les appétits expansionnistes de Vladimir Poutine. Quatre mois plus tard, la Russie attaquait la Géorgie. « Le report de la date d’adhésion [de la Géorgie à l’OTAN] a renforcé la détermination de la Russie à passer à l’action », dénonça, à l’époque, le ministre tchèque des affaires étrangères Karel Schwarzenberg, dans le Spiegel. « L’apaisement n’est pas une alternative », ajouta-t-il, sans alors imaginer que ce même reproche serait ensuite formulé à plusieurs reprises au sujet de la politique d’Angela Merkel vis-à-vis de Moscou.
Ce fut en particulier le cas en 2014-2015, après l’annexion de la Crimée par la Russie et le début de la guerre au Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Certes, l’Allemagne fit partie à l’époque des pays qui poussèrent pour que l’Union européenne impose des sanctions à la Russie. De même, Angela Merkel s’impliqua activement, aux côtés de François Hollande, pour tenter de trouver une issue au conflit dans le Donbass : ce fut le « format Normandie », nom donné au quartet Russie, Ukraine, Allemagne, France, constitué en marge du 70e anniversaire du Débarquement, en juin 2014, et qui déboucha sur les accords de Minsk, en février 2015.