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Dérives sectaires: pour fuir la complexité

Dérives sectaires: pour fuir la complexité

Plus grand expert français des manipulations, des croyances et des pensées radicales, le sociologue Gérald Bronner analyse leur diffusion, qui s’étend, et leurs conséquences politiques dans La Tribune.

Une loi va définir l’emprise psychologique. Est-ce une avancée importante pour les victimes des sectes ?

GÉRARD BRONNER – Oui. On peut tomber sous le joug d’une personnalité malfaisante alors qu’on est tout à fait sain de corps et d’esprit, sans problème psychiatrique. Jusqu’ici, la législation protégeait surtout contre l’abus de faiblesse. La future loi permettra donc de répondre à des cas très fréquents de dérives sectaires. J’apporte toutefois une nuance, en amoureux de la liberté. Toute forme de séduction est fondée sur une forme d’asymétrie psychologique entre deux personnes : on admire quelqu’un, on le désire… Il ne faut pas donner à l’emprise une définition trop large, sinon de nombreuses relations sociales vont tomber sous le coup de la loi !

Les gourous sont aujourd’hui nombreux dans le domaine de la santé ou du bien-être. Par exemple, la secte dite de « yoga tantrique » vient d’être démantelée. Que se passe-t-il ?

Les sectes ont un problème général, elles constituent une offre qui doit chercher sa demande. Internet a fluidifié ce « marché » de la croyance et de l’emprise. On voit ainsi que les propositions radicales aimantent sur Internet des personnes qui ont des problèmes de santé graves et insolubles, mais aussi d’autres qui présentent des symptômes mineurs tels l’insomnie ou les maux de tête. Les gens qui en souffrent ne trouvent pas toujours de réponse dans la médecine. Ils sont des proies pour les pseudo-thérapies. Les gourous leur proposent un récit.

. On voit également des gourous qui détournent les internautes de soins dont ils pourraient bénéficier. Par exemple, aucune recherche en médecine n’a prouvé l’existence d’une hypersensibilité au champ électromagnétique. Cette affection n’existe pas. Mais certaines personnes croient qu’elles en sont atteintes. Et elles témoignent même d’une souffrance réelle, dont il ne faut pas se moquer. Les psychiatres disent que leur trouble peut être guéri. Or des influenceurs les empêchent d’aller consulter. Dans le sens inverse, il y a des épidémies d’autodiagnostic : les médecins voient arriver des cohortes de personnes se disant autistes Asperger ou atteintes de troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité [TDAH]. Parce qu’elles s’en sont convaincues sur Internet, par exemple. Par ailleurs, on constate de nombreuses dérives liées au coaching ou au développement personnel. Des individus malhonnêtes vont vendre des pseudo-médicaments ou avoir un ascendant psychologique leur permettant de commettre des abus financiers ou sexuels.

Les signalements de dérive sectaire recueillis par la Miviludes * ont augmenté de 86 % en cinq ans. Un Anglais de 17 ans vient d’être retrouvé dans l’Aude après avoir été enlevé il y a six ans par sa mère et son grand-père, membres présumés d’une secte. De quels maux souffre notre société ?

Les enquêtes sociologiques montrent que les dérives radicales ou le conspirationnisme répondent, entre autres, à l’impression de perdre la maîtrise de son environnement. Cela vaut à l’échelle de la planète : on pense que la décision politique est de plus en plus lointaine, on est dépendants d’outils technologiques dont on ignore le fonctionnement…
Autrefois, on ouvrait le capot d’une voiture pour trouver une panne, aujourd’hui personne ne sait comment réparer son ordinateur.
Quand on a un rapport magique à son environnement, on est dans un état d’incertitude. En outre, les frontières habituelles sont remises en question. Celles du genre, de la reproduction… Y compris le bien et le mal. On ne pouvait pas autrefois parler de race. Aujourd’hui, certains, à gauche, réclament que la race soit prise en compte. En sociologie, on appelle cela l’anomie, c’est-à-dire la perte des structures traditionnelles de représentation du monde. D’où la tentation pour certains de se tourner vers les pseudosciences pour réduire l’incertitude.

Une récente étude de la Fondation Descartes menée par Laurent Cordonier montre que les compétences en matière de santé sont corrélées négativement à l’adhésion aux pseudo-médecines. Cela veut dire que la mauvaise connaissance détourne du vrai savoir. YouTube et TikTok, où 20 % des informations sont fausses, sont des moyens de se renseigner pour beaucoup de monde, notamment les plus jeunes. Mais les algorithmes enferment dans l’erreur. Si l’on cherche en ligne des données sur le climat, on trouve une forte proportion de thèses climatosceptiques. Grâce aux statistiques de fréquentation des boucles sur des réseaux de type Telegram ou WhatsApp, on peut ainsi prédire une tendance à la radicalité religieuse ou politique ou la croyance à des théories conspirationnistes.

Internet et les réseaux sociaux constituent un puissant accélérateur des manipulations...

Il y a dix ans, j’avais prévenu dans un rapport remis au Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, que les mouvements sectaires allaient se développer sur le Web. Il y a des sectes qui sont géographiquement ancrées et incarnées, et d’autres qui existent sans lieu fixe en vidéo, sur les réseaux. C’est une mutation majeure. On retrouve cela dans toutes les radicalités. Dans l’islamisme radical, certains se sont regroupés autour d’une mosquée ou d’un club de sport. D’autres sont en lien uniquement sur des boucles Telegram. Et sans parler de cas dramatiques, je dirais, de manière générale, que l’immédiateté d’Internet est un vecteur commun d’instrumentalisation. Prenons par exemple les suggestions de type « il ne reste plus que quelques places à ce prix » ou « douze personnes sont en train de consulter cette page » : ces simples messages commerciaux créent un sentiment d’urgence et poussent à agir dans la précipitation…

Vous avez décrit dans vos livres la façon dont les écrans suscitaient la radicalité**. Les antagonismes en ligne correspondent-ils vraiment au quotidien de la société ?

Il faut certes distinguer la visibilité du conflit et sa réalité. Tout s’organise sur les écrans pour capter l’attention sur des sujets conflictuels. Cela ne se traduit pas forcément dans la vie quotidienne. Mais il ne faut pas croire que les idées les plus radicales, étant minoritaires, n’ont pas d’effet sur l’histoire. C’est l’inverse. Dans une démocratie, 1 % suffit à faire basculer une majorité. Les antivaccins ont empêché l’immunité collective. Les envahisseurs du Capitole étaient une poignée. Les militants qui vont à Crépol ne sont pas très nombreux. Ces minorités sont très intimidantes. Il suffit qu’une majorité de poltrons se taise pour qu’une minorité fasse la loi. Le philosophe John Stuart Mill disait que le mal n’a besoin de rien d’autre pour s’imposer que de l’apathie des gens de bien et de raison. Des mouvances aux extrêmes politiques prophétisent aujourd’hui la guerre civile ou l’insurrection. Ils essaient de susciter une prophétie autoréalisatrice. Or l’ordre social tient sur la croyance que les autres vont s’y conformer. Si l’on se met à penser que ce risque de guerre civile existe, alors la confiance s’effondrera.

* Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
** Notamment Apocalypse cognitive, PUF, 2021.

La complexité des signaux acoustiques de la parole

La complexité des signaux acoustiques de la parole

Par
auteur
Mamady Nabé
Docteur en informatique, Université Grenoble Alpes (UGA)

Déclaration d’intérêts
Mamady Nabé a reçu des financements du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Partenaires
Université Grenoble Alpes (UGA) dans The Conversation

Lorsqu’on lit la phrase « Il est parti au travail », nous distinguons clairement les différents mots qui la constituent, car ils sont séparés par un espace. Mais si, au lieu de lire, on entend la même phrase prononcée par quelqu’un, les différentes parties que l’on nomme les « unités linguistiques discrètes », comme les mots ou les syllabes, ne sont pas aussi directement et facilement accessibles. En effet, ce qui parvient à l’oreille de l’auditeur, le « signal de parole », n’est pas organisé par unités discrètes et bien distinctes, mais plutôt comme un flot continu et ininterrompu. Comment donc transformons-nous ce signal continu en des unités linguistiques distinctes ? C’est cette question, qui anime depuis plusieurs décennies nombre de travaux de recherche sur la perception de la parole, que nous abordons dans un modèle mathématique original, présenté récemment dans le journal Frontiers in Systems Neuroscience.

Dans la littérature, il existe deux grandes classes de modèles de perception de la parole. Les modèles de la première catégorie, comme TRACE, le modèle classique du domaine, considèrent que la segmentation de la parole se fait tout naturellement avec le décodage du contenu acoustique de la parole : l’auditeur peut décoder directement le flux continu de la parole à partir des informations acoustiques contenues dans le signal, en utilisant ses connaissances sur les mots et les sons. La segmentation serait alors un simple produit du décodage.

Au contraire, pour la seconde classe de modèles, il y aurait bien un processus de segmentation (avec une détection des frontières des unités linguistiques) distinct d’un autre processus opérant l’association des segments ainsi obtenus à des unités lexicales. Cette segmentation s’appuierait sur la détection d’événements marqueurs des frontières entre segments. Ces deux processus distincts travailleraient de manière intégrée pour faciliter la compréhension et le traitement du flux continu de la parole.

De tels mécanismes sont observables chez les bébés qui, bien que n’ayant pas encore développé de vocabulaire de leur langue, sont quand même capables, jusqu’à un certain point, de segmenter la parole en unités distinctes.

En ligne avec cette seconde conception de la segmentation, les développements des neurosciences dans les 15 dernières années ont conduit à de nouvelles propositions concernant les processus de segmentation du flux de parole, en lien avec les processus de synchronisation et d’oscillations neuronales. Ces processus font référence aux activités cérébrales coordonnées qui se produisent à différentes fréquences dans notre cerveau. Lorsque nous écoutons la parole, notre cerveau doit synchroniser et organiser les différentes informations acoustiques qui arrivent à nos oreilles pour former une perception cohérente du langage. Les neurones dans les aires auditives du cerveau oscillent à des fréquences spécifiques, et cette oscillation rythmique facilite la segmentation du flux de parole en unités discrètes.

Un modèle phare dans ce domaine est le modèle neurobiologique TEMPO. TEMPO se concentre sur la détection temporelle des maxima d’amplitude dans le signal de parole pour déterminer les limites entre les segments.

Cette approche s’appuie sur des données neurophysiologiques montrant que les neurones du cortex auditif sont sensibles à la structure temporelle de la parole, et plus spécialement sur le fait qu’il existe des processus de synchronisation entre les oscillations neuronales et le rythme syllabique.

Toutefois, bien que ces modèles fournissent une perspective plus fine et plus précise sur la manière dont notre cerveau analyse et traite les signaux acoustiques complexes de la parole, ils n’expliquent pas encore tous les mécanismes liés à la perception de la parole. Une question en suspens concerne le rôle des connaissances de plus haut niveau, comme les connaissances lexicales, c’est-à-dire sur les mots qu’on connaît, dans le processus de segmentation de la parole. Plus précisément, on étudie encore la manière dont ces connaissances sont transmises et combinées avec les indices extraits du signal de parole pour parvenir à une segmentation de la parole la plus robuste possible.

Supposons par exemple qu’un locuteur nommé Bob prononce la phrase « il est parti au travail » à Alice. S’il n’y a pas trop de bruit ambiant, si Bob articule bien et ne parle pas trop vite, Alice ne rencontre alors aucune difficulté pour comprendre le message véhiculé par son interlocuteur. Sans effort apparent, elle aura su que Bob a prononcé les différents mots il, E, paRti, o, tRavaj (la transcription phonétique des mots prononcés dans le système de transcription SAMPA). Dans une telle situation « idéale », un modèle qui se baserait uniquement sur les fluctuations d’amplitude du signal sans faire appel à des connaissances supplémentaires suffirait pour la segmentation.

Cependant, dans la vie de tous les jours, le signal acoustique est « pollué », par exemple par les bruits des moteurs de voitures, ou les chants des oiseaux, ou la musique du voisin à côté. Dans ces conditions, Alice aura plus de mal pour comprendre Bob lorsqu’il prononce la même phrase. Dans ce cas, il est probable qu’Alice, dans cette situation, utiliserait ses connaissances sur la langue, pour avoir une idée de ce que Bob est susceptible de prononcer ou non. Ces connaissances lui permettraient de complémenter l’information fournie par les indices acoustiques pour une segmentation plus efficace.

En effet, Alice sait de nombreuses choses sur la langue. Elle sait que les mots s’enchaînent dans des séquences syntaxiquement et sémantiquement acceptables, que les mots sont constitués de syllabes, qui sont elles-mêmes constituées de plus petites unités linguistiques. Puisqu’elle parle la même langue que Bob, elle sait même très précisément les durées « classiques » pour réaliser et produire elle-même le signal de parole. Elle connaît donc les durées attendues des syllabes, et peut ainsi se reposer sur cette information pour aider son processus de segmentation, notamment lorsqu’elle rencontre une situation difficile, comme le brouhaha. Si le bruit ambiant « suggère » des frontières syllabiques qui ne correspondent pas à ses attentes, elle pourra les ignorer ; à l’inverse, si un bruit masque une frontière effectivement produite par Bob, elle pourra la récupérer si ses prédictions en suggèrent une à cet instant-là.

Dans notre article publié dans le journal scientifique « Frontiers in Systems Neuroscience », nous explorons ces différentes théories de la perception de la parole. Le modèle développé comporte un module de décodage du contenu spectral du signal parole et un module de contrôle temporel qui guide la segmentation du flux continu du signal parole. Ce module de contrôle temporel combine, de manière originale, les sources d’information provenant du signal même (en accord avec les principes des oscillations neuronales) et celles provenant des connaissances lexicales qu’a l’auditeur sur les durées des unités syllabiques et ce, que l’on soit dans un cas ou l’autre de perturbation du signal de parole (événement en trop ou événement manqué). Nous avons ainsi développé différents modèles de fusion qui permettent, soit d’éliminer des événements non pertinents dus au bruit acoustique, s’ils ne correspondent pas à des connaissances préalables cohérentes, soit de retrouver des événements manquants, grâce aux prédictions linguistiques. Les simulations avec le modèle confirment qu’utiliser les prédictions lexicales de durées des syllabes produit un système de perception plus robuste. Une variante du modèle permet de plus d’expliquer des observations comportementales obtenues dans une expérience récente, dans laquelle les durées de syllabes dans des phrases étaient manipulées, justement pour correspondre, ou non, aux durées naturellement attendues.

En conclusion, dans une situation de communication réelle, quand nous nous retrouvons dans un environnement où le signal parlé ne souffre d’aucune perturbation, se baser sur le signal seul suffit probablement à accéder aux syllabes, ainsi qu’aux mots le constituant. En revanche, lorsque ce signal est dégradé, nos travaux de modélisation expliquent comment le cerveau pourrait avoir recours à des connaissances complémentaires, comme ce que l’on sait sur les durées syllabiques habituelles qu’on produit, pour aider la perception de la parole.

Politique-La complexité de la crise favorise les tentations fascistes

Politique-La complexité de la crise favorise les tentations fascistes

Un peu partout dans le monde, y compris en Europe la sensibilité d’extrême droite progresse nettement. Parfois jusqu’à convaincre les plus radicaux de l’efficacité d’un régime autocratique voire fasciste.

 

On l’a constaté aux Etats-unis avec le syndrôme « Ttump » sur  le point de réussir d’envahissement du Capitole pour refuser le résultat des élections; maintenant, c’est au Brésil qui ajoute une crise politique à une  très grave crise économique et sociale . D’autres pays d’Amérique sont tentés. En Asie, la Chine tente d’imposer son modèle voire même de l’exporter en Afrique grâce à la corruption; En Europe , il y a une nette droitisation de l’opinion.

 

En cause, la complexité de la crise systémique qui concerne autant les champs économiques,sociaux, écologiques, technologiques que sociétaux; le monde un peu simpliste est demandeur de solutions radicales et immédiates. Ce que promettent des démagos. Contrairement à ce que l’on  peut penser la démocratie n’est jamais gagnée, c’est une sorte de combat permanent car les conditions de mise en ouvre de la démocratie sont largement critiquables. Avec ses imperfections, la démocratie est préférable à un régime qui inévitablement finit par la répression et la régression; Voir à cet égard l’exemple de la Russie et même de la Chine.

Covid: la complexité des relations hommes-animaux ?

Covid: la complexité des relations hommes-animaux  ?

 

 

Les deux questions de l’avenir des variants et de l’origine du covid sont notamment liées car elles questionnent le rapport homme-animal, qui est au cœur des réflexions sur l’environnement, de la biodiversité aux effets ou accélérateurs du changement climatique. (La tribune extrait)

Par Joël Ruet, président du Bridge Tank.

 

 

Alors que, dans un été qui n’a plus la torpeur d’antan, la rentrée se prépare lentement, celle-ci sourd déjà d’une nouvelle menace, les « variants » – nul besoin de préciser « du covid ». D’où l’importance de la virologie.

Au-delà des génomes, celle-ci s’intéresse depuis près d’un siècle à l’approche biologique systémique des espèces-hôtes des virus. Le motto de la virologie peut se résumer simplement : la raison d’être évolutionniste d’un virus, au sens darwinien, est de muter. Il est conditionné pour muter, et ainsi trouver sa voie parmi ses hôtes…L’hypothèse de l’immunité collective face au covid reste incertaine du fait de la durabilité de l’immunité post-vaccinale. Dans le cas défavorable, envisageable, de virus résistants[2], l’histoire documentée des virus par le passé donne deux familles de scénarios : la nécessité de revacciner régulièrement face à des variants très contagieux mais de moins en moins dangereux (le variant delta est 100 fois plus contagieux que le covid originel mais moins létal, même corrigé de l’effet vaccination), ou l’émergence d’un variant plus létal mais qui finira par s’éteindre après un « feu d’artifice », ayant occasionné des décès, mais ayant éliminé les autres variants, et donc l’épidémie[3].

Si prédire semble impossible, il reste, d’une part, l’observation génomique de la formation des variants significatifs (avec un nombre de mutation significatives) et, d’autre part, le travail d’expérimentation de laboratoire. Après un an et demi de pandémie, ce qui frappe est que les variants se développent bien plus vite que l’émergence très lente d’un virus pathogène.

De l’émergence de la maladie jusqu’aux variants

La discipline a cependant accumulé des consensus : ainsi le SARS-1 de 2003 n’est-il aucunement le parent du SARS-Cov-2 de la fin 2019, devenu pandémie en 2020. Par comparaison entre les collections nationales de virus conservées en laboratoires et des prélèvements nouveaux sur des animaux ou des humains, pathogènes ou non pathogènes, les virologues estiment la constante de temps d’évolution des mutations : « l’horloge biologique ». Les coronavirus mettent des décennies à évoluer vers des formes pathogènes par accumulation graduelle de mutations. Certains chercheurs mentionnent une cinquantaine d’années probables pour la formation du Sars-Cov-2 ou covid et donc de durée d’émergence de la maladie ; les épidémies viennent ainsi de loin et à bas bruit. Les mutations s’accélèrent lors du fameux « passage de la barrière des espèces ».

Le variant britannique, par exemple, présente 17 mutations significatives par rapport aux autres formes du covid. Ce nombre, important de l’aveu des spécialistes[4], fait pencher certains virologues pour l’hypothèse d’un nouveau franchissement de barrière d’espèce : de l’homme vers l’animal (domestique ou d’élevage), et, en fait, d’un double franchissement avec retour vers l’homme. Ce schéma cognitif est connu depuis longtemps, avec notamment les travaux de Charles Nicolle de l’Institut Pasteur, primés par le Nobel de 1928. C’est sans doute là où une meilleure connaissance sur l’origine de l’émergence du covid, qui procède autant de la recherche, comme on l’a vu, que de la saga politique, serait utile : au niveau du type et de la fréquence des interactions homme-animal.

Beaucoup d’encre a coulé sur une chaîne manifestement simplifiée de l’émergence initiale du Sars-cov-2 pathogène. La presse a popularisé une chaîne simple, linéaire, à un seul maillon, via le désormais célèbre pangolin, un moment soupçonné d’avoir été « le » maillon hôte du virus entre la chauve-souris réceptacle de virus « ancestraux » du covid, et le covid chez l’homme. Le virus trouvé chez ledit pangolin ayant une homologie encore trop éloignée avec le covid, les chercheurs ont envisagé d’autres pistes d’animaux, puis des chaînes plus longues, toujours linéaires, d’animaux hôtes[5]. Le modèle simple à un maillon a été recherché car il fut celui du SARS-1 et du SARS-MERS d’Arabie… mais il n’explique manifestement pas le Covid. Le consensus émergent depuis février 2021 – avec l’identification de coronavirus de chauve-souris une séquence génique à 95-96% identique à celle du covid humain – est qu’il y a une « haute probabilité d’origine par la chauve souris »[6], même si la différence génique de 5% est environ celle entre le macaque et l’homme[7]. Ce qui reste loin du 99% d’homologie trouvée en 2003 entre le coronavirus de la civette et le SARS-1.

Mais l’écosystème de transmission demeure inconnu. Le débat croît entre origine purement animale -zoonose- qu’elle soit à une ou plusieurs marches d’escalier, et origine animale mais passée par l’homme et à l’animal et à nouveau l’homme – ou « anthropo-zoonose », à la Charles Nicolle…

Anthropo-zoonose qu’il convient de totalement distinguer d’une complexe saga sur le rôle de l’institut de Virologie de Wuhan, relancée récemment par une lettre dans le journal Science, le 13 mai 2021. Les demandes renouvelées de communication entre chercheurs au niveau international tournent de fait autour du processus d’interaction entre l’homme et les virus d’origine animale, en laboratoire.

Précisons d’abord que cette relance du débat en 2021 ne porte pas sur le laboratoire dit « P4 » de haute sécurité de Wuhan, mis en place par la coopération franco-chinoise et très photogénique lors du confinement, mais sur le laboratoire qui partage son site mais en est complètement séparé sanitairement, de classification « P3 ». C’est ce laboratoire P3, et non le P4, que l’OMS demande à revoir aujourd’hui. En pratique, la classification même des laboratoires renvoie au type de pratiques que la virologie entretient avec les virus. Les laboratoires communs d’hôpitaux -classés P2- ont par définition à traiter de prélèvements sur des patients, pour analyse et diagnostic de virus, et les maladies zoonotiques émergentes y transitent nécessairement lors de leur émergence à bas bruit ; les laboratoires « P3 » concernent deux aspects supplémentaires, la culture cellulaire de virus -augmenter la taille de l’échantillon à fins d’analyse- et éventuellement la recherche génétique par « augmentations de fonctions », pour simplifier, le même processus que les mutations mais avec des altérations significatives bien moins nombreuses et originales que ne le fait la nature[8], à des fins de recherche et de vaccin. Les laboratoires P3 sont des laboratoires de recherche sur des agents classifiés en dessous de « très dangereux », c’est-à-dire très contagieux et très létal à la fois, tel Ebola, par exemple, qui lui est traité en P4, ce qui n’est pas le cas des coronavirus, traités en P2, sauf le SARS-1, le MERS, et maintenant le covid, traités en P3 selon la réglementation internationale[9].

Le P3 de Wuhan abrite ainsi pour la Chine la collection nationale de virus au sein du fameux institut de Virologie de Wuhan. La relance récente de la controverse, complexe[10], porte en réalité peu sur l’hypothèse d’« augmentation de fonctions », nom donné à la recherche pour comprendre les réactions d’un virus et préparer des traitements, mais sur la pratique de la collecte (sites, modes opératoires, contextes d’incidences pathogènes rencontrées antérieurement) d’éventuels échantillons de covid liés au contact homme-chauve-souris (ou via un écosystème plus complexe, on l’a dit). Savoir de quelles grottes par exemple ont été tirées quels échantillons, après quelles maladies éventuellement constatées chez des travailleurs en sites miniers déclassés et colonisés par des chauve-souris étant les pistes explorées par les scientifiques au cœur du débat, qui, en revanche, semble accepter l’hypothèse de la maladie ayant déjà circulé à bas bruit en Chine -voire en Europe[11].

Ce débat renvoie donc lui aussi, mais vu cette fois du laboratoire, à la question de l’interaction homme-chauve-souris en particulier et homme-animal en général. Au final, la « controverse scientifique », ou front pionnier à explorer par des expérimentations et des analyses, à ce niveau, porte sur le point focal entre la relation amont (en contact à la nature) et aval (en laboratoire) de l’homme à l’animal, ainsi que sur la relation entre animaux.

Un virus, par définition, mute : le covid mutera encore énormément, comme il l’a vraisemblablement fait depuis des décennies hors des radars ; comprendre les mutations d’hier sur des coronavirus proches, les mutations actuelles sur les variants à venir, avec une humanité qui va toujours plus loin perturber la biodiversité ou déséquilibrer les grandes masses animales par l’élevage, renvoie aux questions de notre temps de l’homme dans son macro-environnement vivant ; le virus n’en est peut être que le dérangeant révélateur infiniment petit.

 

[1] Cet article se fonde, outre les références spécifiées, sur des interviews de chercheurs, dont 3 sont consultables in extenso sur https://m.youtube.com/c/thebridgetank et notamment https://m.youtube.com/watch?v=DmjgviI2haM&t=8s. Les enjeux sociétaux sont clairement exposés dans https://theconversation.com/de-la-controverse-scientifique-au-debat-de-societe-112039

[2] Le scénario britannique actuel inquiète les spécialistes

[3] Interview, The Bridge Tank, URL cit. supra.

[4] Interview, The Bridge Tank, URL cit. supra.

[5] Open Letter 4: June 28, 2021 – https://doi.org/10.13140/RG.2.2.21927.27042/1

[6] Article scientifique collectif dans Nature - https://www.nature.com/articles/s41467-021-21240-1 et la découverte de la séquence « RaTG13 », février 2021, https://www.nature.com/articles/d41586-021-01529-3 https://theconversation.com/covid-19-why-lab-leak-theory-is-back-despite-little-new-evidence-162215-

[7] Interview, The Bridge Tank, URL cit. supra.

[8] Interview, The Bridge Tank, URL cit. supra.

[9] Interview, The Bridge Tank, URL cit. supra.

[10] Pour un exposé précis, cf. « Sept questions-clés sur les origines du SARS- CoV-2 », Le Monde, page Planète, 8 juin 2021.

[11] Le Monde, op. cit. supra.

Convention citoyenne climat : le choix du simplisme face à la complexité

Convention citoyenne climat : le choix du simplisme face à la complexité

La convention citoyenne pour le climat « n’a fait que reprendre des idées qui circulent dans la société, idées simplistes alors que la complexité exige précisément de ne pas s’appuyer sur ces idées-là, estime Bernard Egal, un lecteur du Monde. Aurait-on l’idée de rassembler une convention citoyenne pour régler des problèmes monétaires ou mettre au point un vaccin ? Non, et pourtant la question climatique est bien plus complexe. »

Seuls les Etats instruits par des scientifiques et munis de l’outil de la complexité peuvent définir les stratégies à mettre en place pour arriver dans quelques décennies à zéro émission de gaz à effet de serre (et non à la neutralité énergétique, car celle-ci suppose qu’on n’arrête pas les émissions mais qu’on les masque par des mécanismes de compensation).

Seuls des Etats peuvent contraindre éventuellement d’autres Etats à arrêter de brûler des forêts équatoriales. Seuls des Etats pourront œuvrer pour la baisse des températures, parallèlement au zéro émission atteint sur toute la planète, en plantant plusieurs milliards d’arbres.

Il importe de bien comprendre que la forêt ne capte le CO² que pendant un temps limité, jusqu’à un équilibre entre la mort d’une partie des arbres et la pousse de nouveaux (moins d’un siècle en zone tempérée). Après, elle devient neutre en carbone et on ne peut plus l’utiliser pour compenser des émissions de CO². Il faudra à nouveau replanter mais, à force, il n’y aura pas la place sur Terre.

En revanche, si on arrête totalement l’utilisation des énergies fossiles – et donc les émissions -, on stabilise les températures. Il ne reste alors qu’à les faire baisser en plantant ce qu’il faut de forêts et en n’y touchant plus. Les experts le préciseront, mais on est certainement autour de dizaines ou centaines de milliards d’arbres nécessaires, soit beaucoup plus que la surface des Etats-Unis.

Dans ces conditions, l’idée que chacun peut faire quelque chose dans son coin n’a aucune consistance rationnelle et doit être combattue vigoureusement, car elle détourne le regard de l’essentiel, c’est-à-dire de mesures massives au niveau au moins européen.

L’urgence fait qu’au niveau de la planète et de chaque Etat, la politique climatique (et la prise en compte des pollutions qu’elle produit) doit être placée au-dessus des politiques économiques et sociales, sauf pour les pays très pauvres bien sûr. La diminution drastique de l’utilisation des énergies fossiles n’est pas discutable. Les politiques économiques et sociales, que ce soit de la part des institutions internationales ou des Etats, ne pourront que s’adapter à la politique climatique.

Une des ornières dans lesquelles on a tendance à tomber, c’est la confusion entre climat et environnement. S’il y a certains liens entre ceux-ci, il est essentiel, pour la compréhension et la mobilisation de tous, de ne pas se tromper d’objectifs. Tout cela montre bien l’importance de l’outil de la complexité. [...] La convention citoyenne pour le climat n’est pas un Etat, elle n’est pas experte, elle ne connaît pas la complexité (le journal Le Monde l’a bien montré dans son analyse de certaines de ses propositions). De ce fait, elle n’a strictement aucune légitimité bien qu’elle se croie supérieure au parlement !

Je suis effaré, par exemple, de voir qu’elle prône les biocarburants alors que beaucoup d’agronomes s’y opposent depuis trente ans ! Effaré qu’elle parle encore de véhicules propres, alors que ceux-ci exportent de la pollution vers des pays et des gens pauvres et créent les conditions de futurs conflits géostratégiques ! Je suis vraiment très négativement surpris que dans son budget, elle ait prévu la trompeuse et fallacieuse compensation carbone (dénoncée plus haut). Même l’interdiction des terrasses chauffées, totalement inefficace, est une bêtise en période de pandémie…

Finalement, cette convention ne pouvait faire mieux, malgré l’implication remarquable de ses membres, car, vu son mode de désignation (elle est composée de représentants de catégories sociales en lieu et place d’organisations structurées pour produire des idées et de la science), elle n’a fait que reprendre des idées qui circulent dans la société, idées simplistes alors que la complexité exige précisément de ne pas s’appuyer sur ces idées-là, quitte à les retrouver éventuellement plus tard, déchargées de leur gangue simpliste.

Aurait-on l’idée de rassembler une convention citoyenne pour régler des problèmes monétaires ou mettre au point un vaccin ? Non, et pourtant la question climatique est bien plus complexe.

Cette convention a – hélas ! – encore un peu plus affaibli le parlement. Au final, on aura fait croire à 150 personnes qu’elles travaillaient pour changer le monde, alors qu’elles n’étaient que les pions d’une stratégie électorale.

Bernard Egal, Mialet (Gard)

La science face à la complexité du vivant

La science est balbutiante face à la complexité du vivant

La philosophe, Isabelle Stengers ,  considère, dans un entretien au « Monde », que la crise sanitaire a révélé l’incapacité du pouvoir politique et des « experts » à sortir de l’idéalisme de la croissance et à penser la réalité qui nous attend.

Isabelle Stengers est professeure de philosophie des sciences, retraitée de l’Université libre de Bruxelles. Après avoir longtemps étudié la construction des discours et des concepts scientifiques et les relations entre sciences et pouvoirs (L’Invention des sciences modernes, La Découverte, 1993), elle analyse les risques que l’idéal scientifico-capitaliste fait courir au vivant (Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2008) et s’engage dans un combat intellectuel pour une refondation des rapports sociaux et biologiques (Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle, La Découverte, 208 pages, 18 euros) à partir de la pensée du mathématicien britannique Alfred North Whitehead (1861-1947).

Que nous montre le coup d’arrêt provoqué par le virus sur la fragilité du système global de croissance ?

Le premier trait de l’événement pandémique est le rapport étonnant qu’il établit entre le local et le global. Bien qu’il ait partie liée avec les désordres écologiques que provoque l’exploitation tous azimuts du vivant et de son milieu, cet événement a pour point de départ une affaire hyper-locale : un être, qui n’existe que pour cette éventualité rare, rencontre un hôte accueillant, avec lequel, grâce auquel, il pourra participer à l’aventure de la vie.

Une telle rencontre est parfaitement contingente, même si les virus ne cessent de muter, c’est-à-dire d’en augmenter la probabilité. Mais elle a ouvert à celui-ci un destin étonnant, bien différent de celui de ses cousins, qui participent de manière plus ou moins pacifique à la vie de chauve-souris ou de pangolins. Ce qui, pour le virus, est l’accomplissement de sa vocation première et dernière, a réussi à susciter ce qu’a été incapable de provoquer une menace qui, elle, est globale et prévisible : celle du désastre climatique dont les signes avant-coureurs se multiplient aujourd’hui. Certes, des catastrophes se succèdent désormais, imposant le fait qu’il y a « comme un problème », mais il semble entendu que celui-ci devra se résoudre dans le respect de l’impératif de croissance. Quoi que ce soit d’autre est inconcevable. La réussite virale a pourtant provoqué l’inconcevable.

Il y a un contraste assez sidérant entre le désordre climatique, explicable, implacable et indifférent à ses conséquences, et le virus, prince de l’opportunisme, qui n’existe que grâce aux conséquences qu’il provoque, mais sans les expliquer. Car le virus n’explique pas les effets de la rencontre, et encore moins l’« arrêt » sinon du monde, en tout cas de tout ce que ce monde fait circuler. C’est bien plutôt ce monde qui s’est bloqué à son épreuve. Panique générale, sauf en Afrique, où les épidémies, on connaît.

 

La science est balbutiante face à la complexité du vivant

La science est balbutiante face à la complexité du vivant

La philosophe, Isabelle Stengers ,  considère, dans un entretien au « Monde », que la crise sanitaire a révélé l’incapacité du pouvoir politique et des « experts » à sortir de l’idéalisme de la croissance et à penser la réalité qui nous attend.

Isabelle Stengers est professeure de philosophie des sciences, retraitée de l’Université libre de Bruxelles. Après avoir longtemps étudié la construction des discours et des concepts scientifiques et les relations entre sciences et pouvoirs (L’Invention des sciences modernes, La Découverte, 1993), elle analyse les risques que l’idéal scientifico-capitaliste fait courir au vivant (Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2008) et s’engage dans un combat intellectuel pour une refondation des rapports sociaux et biologiques (Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle, La Découverte, 208 pages, 18 euros) à partir de la pensée du mathématicien britannique Alfred North Whitehead (1861-1947).

Que nous montre le coup d’arrêt provoqué par le virus sur la fragilité du système global de croissance ?

Le premier trait de l’événement pandémique est le rapport étonnant qu’il établit entre le local et le global. Bien qu’il ait partie liée avec les désordres écologiques que provoque l’exploitation tous azimuts du vivant et de son milieu, cet événement a pour point de départ une affaire hyper-locale : un être, qui n’existe que pour cette éventualité rare, rencontre un hôte accueillant, avec lequel, grâce auquel, il pourra participer à l’aventure de la vie.

Une telle rencontre est parfaitement contingente, même si les virus ne cessent de muter, c’est-à-dire d’en augmenter la probabilité. Mais elle a ouvert à celui-ci un destin étonnant, bien différent de celui de ses cousins, qui participent de manière plus ou moins pacifique à la vie de chauve-souris ou de pangolins. Ce qui, pour le virus, est l’accomplissement de sa vocation première et dernière, a réussi à susciter ce qu’a été incapable de provoquer une menace qui, elle, est globale et prévisible : celle du désastre climatique dont les signes avant-coureurs se multiplient aujourd’hui. Certes, des catastrophes se succèdent désormais, imposant le fait qu’il y a « comme un problème », mais il semble entendu que celui-ci devra se résoudre dans le respect de l’impératif de croissance. Quoi que ce soit d’autre est inconcevable. La réussite virale a pourtant provoqué l’inconcevable.

Il y a un contraste assez sidérant entre le désordre climatique, explicable, implacable et indifférent à ses conséquences, et le virus, prince de l’opportunisme, qui n’existe que grâce aux conséquences qu’il provoque, mais sans les expliquer. Car le virus n’explique pas les effets de la rencontre, et encore moins l’« arrêt » sinon du monde, en tout cas de tout ce que ce monde fait circuler. C’est bien plutôt ce monde qui s’est bloqué à son épreuve. Panique générale, sauf en Afrique, où les épidémies, on connaît.

 

Brexit: la complexité du Brexit sous-estimée par Boris Johnson

Brexit: la complexité du Brexit  sous-estimée par Boris Johnson

Trouver un accord commercial entre l’union économique et la Grande-Bretagne en à peine un an relève de l’utopie pour  l’économiste Sébastien Jean qui estime que Boris Johnson a complètement sous-estimé la problématique en la caricaturant.( Interview  dans l’Opinion)

Ministre du Bureau du cabinet de Boris Johnson, Michael Gove a répété, dimanche, sur la chaîne télévisée Sky que la priorité du gouvernement conservateur, désormais nanti d’une large majorité au Parlement de Westminster, était d’acter la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier. Le ministre a également assuré que Londres entendait boucler les négociations sur les futures relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE d’ici fin 2020.

Y a-t-il eu dans le passé des accords de séparation de ce type comme celui auquel devraient arriver le Royaume-Uni et l’Union européenne ?

 

Pour l’Union européenne, non, même si dans l’absolu se sont déjà produites des séparations comme celle de la Slovaquie et de la Tchéquie après l’éclatement de l’Etat fédéral. Mais aucun cas passé ne pourra servir de guide dans cette négociation. Il n’y a pas de précédent comparable. D’ailleurs, les références que l’on prend, aujourd’hui, ce sont les accords récents de l’UE comme l’accord économique commercial global (AECG ou CETA en anglais) conclu récemment avec le Canada ou ceux, plus anciens, passés avec la Suisse ou la Norvège.

Dans ce cadre, comment voyez-vous les négociations commerciales à venir, dès lors que Boris Johnson se dit pressé ?

C’est un accord qui actera des divergences mais son objet sera surtout de savoir quels sont les garanties et l’encadrement juridique que l’on se donnera pour limiter ces divergences et leurs effets. J’ai du mal à croire qu’une négociation de cette complexité puisse être bouclée dans de bonnes conditions en onze mois, sachant que l’accord qui a été le plus rapidement bouclé, à ma connaissance, a été celui conclu avec la Corée et qui a nécessité deux ans et demi de discussions. Je crains que Boris Johnson ne sous-estime la complexité de la négociation et je ne suis pas sûr que cela soit le meilleur moyen pour le Royaume-Uni d’obtenir un bon accord. Il se met en position de faiblesse en partant sur cette base et il risque de le payer assez cher. Dans ce type de négociation, c’est le plus pressé qui est contraint à faire le plus de concessions pour conclure. D’autant qu’il va se trouver confronté à des négociateurs européens excellents. Ce sont les meilleurs au monde et le Royaume-Uni ne dispose que de gens assez peu expérimentés. Ils ne partent pas avec un avantage en matière de maîtrise technique.

Sur quoi va-t-on négocier ​?

Cela va être un accord entre voisins immédiats, c’est-à-dire de bon voisinage. Ce qui le différencie des accords noués avec des partenaires distants. Les enjeux globaux sont clairs en termes d’intérêts offensifs et défensifs de ce type de négociation. L’Union européenne va mettre l’accent sur l’industrie et l’agriculture et le Royaume-Uni sur les services financiers même s’il y a des secteurs comme la chimie et la pharmacie où les Britanniques sont très compétitifs. L’Union sera aussi soucieuse d’obtenir des garanties sur le fait que le Royaume-Uni ne se lance pas dans une stratégie de dumping fiscal ou social. Il y a quand même un contexte spécifique pour l’industrie, en partie là où il y a des chaînes de valeur compliquées déjà en place comme dans l’automobile et l’aéronautique avec beaucoup d’allers-retours des deux côtés de la Manche. Là, le problème c’est que, même avec zéro droits de douane, il faudra des contrôles en douane parce qu’il faudra respecter les règles d’origine, s’assurer de la conformité aux réglementations techniques de l’UE sans parler de la perception de la TVA. On n’aura jamais la même fluidité que précédemment. Il va y avoir des créneaux où le Royaume-Uni aura du mal à rester performant.

C’est-à-dire ​?

Quand on négocie un accord, on négocie autour d’opportunités possibles. Si on y arrive, les agents économiques vont investir pour s’en saisir, c’est-à-dire adapter leurs produits, faire du marketing, trouver des distributeurs et des clients etc. Aujourd’hui, ces flux commerciaux existent déjà. Du coup, ce qui va être très coûteux cela va être de voir supprimées ces opportunités dont ces agents économiques jouissaient jusque-là. Ils ont fait ces investissements dans la connaissance du marché, les réseaux etc. Ils ont des coûts fixes et cela va être douloureux car les changements qui vont se produire vont se faire vers le bas et déboucher sur des pertes.

La pêche est un atout dans les mains britanniques…

C’est effectivement un dossier extrêmement sensible sur lequel le Royaume-Uni va se trouver en position de force. Cela va être un élément important de cette négociation. Cela peut faire partie de ces dossiers qui ne seront tranchés qu’à la fin parce qu’il y a une énorme pression politique autour de cela.

Boris Johnson peut aussi claquer la porte purement et simplement et opter pour un Brexit dur…

Il peut jouer cette carte politiquement mais il ne sera pas en position de force pour le faire. Il a beaucoup à perdre. Les Européens aussi, mais beaucoup moins que le Royaume-Uni. Boris Johnson risque de s’affronter à une bonne partie des acteurs économiques britanniques qui seront vent debout contre une telle attitude. Ce serait très dangereux d’organiser un choc qui pourrait être très négatif pour une grande partie du tissu économique du Royaume-Uni.

Un accord commercial rapide avec les Etats-Unis comme le promet Donald Trump est-il faisable ​?

C’est la même problématique qu’avec l’Union européenne mais en pire ​! Les Etats-Unis vont être un partenaire très mal commode. On voit bien comment fonctionne l’administration Trump. Elle sera prête à offrir aux Britanniques un accord très limité dans son périmètre en échange de baisse des barrières douanières comme elle l’a fait avec le Japon. Ce peut être négociable assez rapidement. Mais les Américains essaieront d’exploiter au maximum la position de faiblesse du Royaume-Uni. Est-ce que Boris Johnson va pouvoir résister aux pressions de Washington sur la question de l’ouverture du marché des médicaments et assurer une protection minimale à son agriculture ​? Il y a des différences significatives dans l’approche des priorités commerciales que les Britanniques risquent de payer cher à la fin des négociations avec les Etats-Unis. Ce sont des négociations où il y a des rapports de force et Boris Johnson se met dans des positions qui ne seront pas forcément faciles à gérer.

Sébastien Jean est directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

 

Crise économique, sociale et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

Crise économique, sociale et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

 

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise. Une crise, économique, sociétale, environnementale et culturelle. Une sorte de crise systémique où les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejette dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. D’où le développement parallèlement de formes  de populisme et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ceci étant, cela se nourrit aussi des dysfonctionnements et de l’anarchie des marchés qui souffrent d’un manque évident de régulation non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise.

Crise économique et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

Crise économique et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

 

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise. Une crise, économique, sociétale, environnementale et culturelle. Une sorte de crise systémique où les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejette dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. D’où le développement parallèlement de formes  de populisme et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ceci étant, cela se nourrit aussi des dysfonctionnements et de l’anarchie des marchés qui souffrent d’un manque évident de régulation non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise.

Crise économique et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

Crise économique et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

 

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise. Une crise, économique, sociétale, environnementale et culturelle. Une sorte de crise systémique ou les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée  même si certaines découvertes d’un champ peuvent profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  son contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valables d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à la position d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neuro végétatives ou des cancers. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. D’où le développement parallèlement de formes  de populisme et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ceci étant, cela se nourrit aussi des dysfonctionnements et de l’anarchie des marchés qui souffrent d’un manque évident de régulation non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise.

Terrorisme Londres: accepter la complexité des facteurs explicatifs

Terrorisme Londres: accepter la complexité des facteurs explicatifs

 

 

 

 

Le dernier attentat de Londres  va faire ré-émerger certaines  analyses contradictoires à propos du terrorisme. Il faut d’abord convenir que les facteurs explicatifs sont nombreux et complexes ( cela vaut pour bien d’autres phénomènes qui affectent nos sociétés). Il faut convenir  qu’aucun pays n’est réellement à l’abri. On ne peut donc réduire l’analyse à quelques slogans ou quelques explications réductrices, encore moins se soumettre aux thèses déclinistes qui constituent une démission de la pensée. Un des premiers éléments d’explication provient du déni général de la montée de l’intégrisme dans de nombreux quartiers depuis 30 ou 40 ans, cela souvent avec la complicité tacite, voire active, d’élus locaux qui ont acheté la paix sociale contre le développement d’un  communautarisme qui a nourri l’intégrisme , un communautarisme accepté voire encouragé en Grande-Bretagne  Mais comme indiqué, les responsabilités sont multiples, celle des pouvoirs publics locaux comme centraux . Parmi ces facteurs explicatifs, la déstabilisation de plusieurs pays du Proche-Orient par les pays occidentaux pour des motifs économiques et/ou politiques pas toujours très honorables (pour le pétrole en particulier).Au plan local en France notamment,  on a multiplié des plans banlieues se résumant à la réfection de locaux et la création de zones sportives ou « culturelles » pour occuper des populations désœuvrées. En cause aussi,  la responsabilité de parents qui ont abandonné leur autorité sur les enfants. Responsable aussi le système éducatif où le gardiennage se substitue souvent aux programmes scolaires. Complices aussi les autorités qui ont laissé s’installer des zones de non-droit et une économie parallèle qui régule la vie économique mais aussi sociétale. La justice aussi trop bienveillante à l’égard des pratiques délictuelles. Les prisons également complètement inadaptées à la réinsertion et véritables centres de formation de toutes les délinquances. La crise enfin qui a contribué à déstabiliser encore un peu davantage des zones économiquement déjà défavorisées et à la main-d’œuvre pas ou mal formée. Ces éléments et bien d’autres encore ont agi de manière systémique pour favoriser l’émergence de populations hors-la-loi et même de terroristes. Pour autant la pauvreté qui caractérise ces quartiers où le chômage atteint parfois  50 % des jeunes ne saurait en aucun cas donner la moindre légitimité à la violence et en particulier à celle qui s’exprime à travers le terrorisme. La France a déjà connu des périodes de disette et de pauvreté mais jamais cette situation sociale n’a donné lieu à tel rejet des valeurs républicaines et à une telle agressivité. La ghettoïsation évoquée à propos de ces quartiers est un concept particulièrement erroné ; en effet ; au départ la population était relativement mixte ensuite compte tenu du climat particulièrement délétère, les couches moyennes françaises ou étrangères, musulmanes ou pas, ont fui ces quartiers et ont été remplacées par des populations qui ont contribué à renforcer le caractère communautariste de ces zones. Il faudra des années  voire une ou deux générations pour gérer ces situations ;  avant cela, encore faudrait-il être capable de faire une analyse pertinente de la problématique. Or la plupart de ceux qui s’expriment sur le sujet ignorent tout des conditions de vie dans ces quartiers, ils n’ont jamais résidé dans ces HLM qui cumulent toutes les nuisances d’une proximité anarchique. Au plan international, il faut aussi admettre que nombre de grands pays ont largement soutenu des factions terroristes pour des motifs d’influence ou d’intérêt économique.  D’autres éléments encore pourraient être pris en compte pour comprendre une crise complexe, profonde, durable qui montre notamment certaines fragilités, certaines défaillances de nos démocraties et un manque de solidarité face aux enjeux internationaux. 

Terrorisme Manchester: accepter la complexité des facteurs explicatifs

Terrorisme Manchester: accepter la complexité des facteurs explicatifs

 

 

 

 

Le dernier attentat de Manchester va faire ré-émerger les analyse contradictoires à propos du terrorisme. Il faut d’abord convenir que les facteurs explicatifs sont nombreux et complexes. Aussi qu’aucun pays n’est réellement à l’abri. On ne peut donc réduire l’analyse à quelques slogans ou quelques explications réductrices. Un des premiers éléments d’explication provient du déni général de la montée de l’intégrisme dans de nombreux quartiers depuis 30 ou 40 ans, cela souvent avec la complicité tacite, voire active, d’élus locaux qui ont acheté la paix sociale contre le développement d’un  communautarisme qui a nourri l’intégrisme , un communautarisme accepté voir encouragé en Grande-Bretagne  Mais comme indiqué, les responsabilités sont multiples, celle des pouvoirs publics locaux comme centraux . Parmi ces facteurs explicatifs la déstabilisation de plusieurs pays du Proche-Orient par les pays occidentaux pour des motifs pas toujours très honorables (pour le pétrole en particulier). Au plan local en France notamment,  on a multiplié des plans banlieues se résumant à la réfection de locaux et la création de zones sportives ou « culturelles » pour occuper des populations désœuvrées. En cause aussi la responsabilité de parents qui ont abandonné leur autorité sur les enfants. Responsable aussi le système éducatif où le gardiennage se substitue souvent aux programmes scolaires. Complices aussi les autorités qui ont laissé s’installer des zones de non-droit et une économie parallèle qui régule la vie économique mais aussi sociétale. La justice aussi trop bienveillante à l’égard des pratiques délictuelles. La crise enfin qui a contribué à déstabiliser encore un peu davantage des zones économiquement déjà défavorisées et à la main-d’œuvre pas ou mal formée. Ces éléments et bien d’autres encore ont agi de manière systémique pour favoriser l’émergence de populations hors-la-loi et même de terroristes. Pour autant la pauvreté qui caractérise ces quartiers où le chômage atteint assez souvent 50 % des jeunes ne saurait en aucun cas donner la moindre légitimité à la violence et en particulier à celle qui s’exprime à travers le terrorisme. La France a déjà connu des périodes de disette et de pauvreté mais jamais cette situation sociale n’a donné lieu à tel rejet des valeurs républicaines et à une telle agressivité. La ghettoïsation évoquée à propos de ces quartiers est un concept particulièrement erroné ; en effet ; au départ la population était relativement mixte ensuite compte tenu du climat particulièrement délétère, les couches moyennes françaises ou étrangères, musulmanes ou pas, ont fui ces quartiers et ont été remplacées par des populations qui ont contribué à renforcer le caractère communautariste de ces zones. Il faudra des années  voire une ou deux générations pour gérer ces situations ;  avant cela, encore faudrait-il être capable de faire une analyse pertinente de la problématique. Or la plupart de ceux qui s’expriment sur le sujet ignorent tout des conditions de vie dans ces quartiers, il ne réside pas dans ses HLM qui cumulent toutes les nuisances d’une proximité anarchique. Au plan international, il faut aussi admettre que nombre de grands pays ont largement soutenu des factions terroristes pour des motifs d’influence ou d’intérêt économique.

Macron–Le Pen le choix entre la contrainte de la complexité ou la facilité du simplisme

Macron–Le Pen le choix entre la contrainte de la complexité ou la facilité du simplisme

 

 

Il est clair qu’en France où la formation économique est indigente (la France figure en dernière position dans un classement européen sur cette thématique)  la problématique de la complexité ne constitue pas un argument très vendeur sur le plan électoral. Du coup, les formules simplistes de Marine Le Pen parviennent à persuader les électeurs les plus perdus intellectuellement et économiquement. On passe d’ailleurs facilement du simplisme au caricatural en proposant une sorte de mur fiscal pour imposer tout ce qui vient de l’étranger en s’inspirant au passage d’une taxe à 35 % qui existerait aux États-Unis, ce qui est totalement faux et pas même inscrit dans le projet fiscal de Trump. Comme s’il n’y avait pas de mesures de rétorsion à attendre pour les produits exportés. C’est évidemment ne rien comprendre à l’évolution des processus de production et d’échange. Si la France présente un déficit de croissance et d’emploi elle doit surtout à son manque de compétitivité et de productivité. Bien entendu promettre de travailler moins, de gagner plus sans se préoccuper des équilibres financiers publics et privés est plus facile que d’expliquer la complexité des mutations en cours et la nécessité d’engager des réformes structurelles pour redresser le pays. Le programme de Marine Le Pen se réduit essentiellement à des slogans : « Il faut, il faut, il faut….. » Sans autre explication que des arguments invraisemblables comme le retour au franc, la sortie de l’Europe, la fermeture des frontières ou l’interdiction des importations. Marine Le  Pen  instrumentalise la misère sociale et l’ignorance. Une recette politique qui a toujours réussi aux apprentis sorciers mais pas au progrès et à la paix.




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