Pour un vrai plan de relance orienté par l’Etat
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd’hui, l’urgence d’un plan de relance fléché avec des investissements portés par l’Etat
Que faire ?… Que faire à ce stade de la crise pour accélérer la récupération de l’offre et de l’emploi ? Les mesures massives de soutien à l’économie débloquées durant le confinement sont avant tout des mesures de sauvetage. En dépit de leur montant considérable, elles ont une vocation défensive. Il s’agissait d’abord de limiter les pertes des agents privés, avec l’idée qu’ils pourraient ainsi repartir du bon pied et remettre à flot rapidement toutes les capacités installées.
Le sentier de récupération s’étirera sur plus d’un an
Mais, il faut se rendre à l’évidence, ce scénario à peu de chances de se dérouler de façon spontanée. Du moins lorsque l’on met bout à bout toute l’information disponible à ce jour. Le décrochage de l’activité du premier trimestre est connu : -5,8 %. Ce qui signifie un décrochage instantané de 36% de l’activité à l’entrée en confinement. Depuis, par le truchement de la vente à distance, un fil d’activité a repris, et l’on estime que l’économie tourne actuellement 33% en deçà de son niveau normal. Imaginons un instant que par enchantement l’économie ait retrouvé subitement et intégralement son niveau normal et sa tendance dès 11 mai. Le PIB décrocherait alors de 5% en 2020 et rebondirait de 6,5% en 2020.
Tout montre cependant que nous serons loin de ce scénario idéal. Si l’on prend en compte les secteurs qui continueront à être pénalisés durablement par les mesures de protection sanitaire (le transport, l’hôtellerie-restauration, les services aux ménages), soit 10% du PIB, ou le commerce de détail dont le chiffre d’affaires demeure altéré par la contrainte de distanciation sociale, le rétablissement à 100% du PIB n’est pas concevable à brève échéance. Si l’on prend en compte les dernières enquêtes de la banque de France sur le niveau d’activité prévu fin mai, il est clair que le processus de sortie est graduel. L’enquête réalisée par Xerfi auprès de 1130 dirigeants confirme que le sentier de récupération, très progressif, s’étirera sur plus d’un an.
Un ajustement brutal sur l’emploi
Sur la base de ce constat, il serait illusoire de penser que l’emploi résistera sans la béquille du chômage partiel. D’ores et déjà, les premiers chiffres disponibles montrent que la frange la plus précaire de l’emploi (les CDD courts en fin de droit dans les services et l’intérim) a connu un ajustement extrêmement brutal dès la fin mars : 453 000 emplois ont déjà été détruits par rapport au début de l’année, 96% relevant des services marchands (hôtellerie et restauration, commerce, services aux ménages) et près des 2/3 des destructions étant le fait de l’intérim. C’est la première fois que l’ajustement de l’emploi est plus brutal dans les services que dans l’industrie. La rupture de cette première digue en entraînera d’autres et cela participe à l’impossibilité d’un retour rapide de l’économie à son niveau initial. Au rythme où s’enclenche le processus, il faut s’attendre à 900 000 destructions d’emplois d’ici la fin de l’année. Ajouté à la décote de rémunération liée au chômage partiel, cela signifie que le revenu des ménages ne sortira pas indemne de cet ajustement. Sur la base de ces constats, nous estimons que le décrochage du PIB pourrait avoisiner -9,5% en 2020, et que son rebond de 9% en 2021 ne permettra pas de recoller à la tendance.
Projet industriel et soutien (limité) à la consommation
D’où l’évocation logique d’un deuxième plan de relance, destiné à soutenir la demande pour accélérer le retour des entreprises à leurs pleines capacités et éviter que l’économie ne s’engage dans une dynamique récessive lourde pour plusieurs années. Il s’agit en fait du plan de la dernière chance pour éviter que le chômage ne sédimente en chômage longue durée, et pour limiter les destructions irréversibles de capacités qui plomberaient durablement le potentiel de croissance.
Cela étant dit, le modus operandi d’un tel plan bute sur de grosses difficultés.
- 1. La première difficulté d’un tel plan est de mordre sur les comportements d’achat des ménages, alors même que ces derniers disposent déjà d’une épargne involontaire.
- 2. La seconde difficulté est d’éviter que ce soutien ne vienne renforcer le report spontané de la dépense privée sur les biens importés. En effet, l’impossibilité de se porter sur les services ancrés sur le territoire (mobilité, tourisme, divertissement, culture, loisirs, etc.) va renforcer la tendance au report de la consommation sur les biens d’équipement ou d’aménagement de la maison où des équipements de loisir individuels.
Pour éviter ce double écueil, le soutien à la consommation doit demeurer circonscrit au soutien au revenu et à la reconversion des personnes dont l’activité est sinistrée durablement et lourdement par la crise sanitaire (les petits emplois salariés ou indépendants dans les services, les professions artistiques, etc.), dont le déclassement constitue une bombe à retardement sociale à haut risque.
Le plan de relance doit ensuite se doubler d’un projet industriel ancré sur le territoire. Il devra de la sorte être thématisé, ciblé sur des projets de développement et de reconversion ancrés sur le territoire. La relance peut être verte, numérique, accompagner le besoin de reconversion de certains services essentiels (transport collectif, restauration ou commerce) ou encore soucieuse de restaurer notre autonomie sur les secteurs stratégiques.
Mais dans tous les cas, pour être efficace, la relance devra renforcer le soutien à l’investissement par un fléchage de la demande, en adéquation avec les projets d’investissements portés par l’État.
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Suite à la crise sanitaire, la Chine est bien entendue victime du net ralentissement du commerce nationale surtout en matière d’importation. Premier pays touché par la maladie Covid-19, la Chine a vu ses exportations dans le rouge le mois dernier (-3,3% sur an), selon des chiffres publiés par les Douanes. En avril, les exportations avaient connu un rebond surprise (+3,5%), après trois mois de recul. Cette hausse avait largement été attribuée à un phénomène de rattrapage, après les difficultés rencontrées par les exportateurs au premier trimestre. Les mesures de confinement liées à l’épidémie avaient alors fortement perturbé le transport.
L’activité a depuis largement repris mais les entreprises peinent à remplir leurs carnets de commandes . Les produits médicaux, dont la Chine reste le principal fournisseur, restent très demandés à l’étranger. Le géant asiatique a exporté dans le monde 70,6 milliards de masques entre mars et mai, selon un chiffre annoncé dimanche par Pékin lors d’une conférence de presse consacrée à l’épidémie. Les analystes s’attendent toutefois à ce que la demande s’estompe à mesure que la situation sanitaire s’améliore dans le monde.
Pour leur part, les importations du géant asiatique ont de nouveau plongé en mai (-16,7% sur un an après -14,2% en avril). Il s’agit de la plus mauvaise performance depuis janvier 2016. Cette chute des importations, pour le cinquième mois consécutif, est d’ailleurs plus prononcée que les estimations d’analystes consultés par l’agence financière Bloomberg (-7,8%).
Pour la première fois de son histoire, l’économie chinoise a décroché au premier trimestre (-6,8%), sous l’effet du virus.