Economie et environnement: Changer les critères de la commande publique
A l’occasion du Conseil des ministres européens de l’Economie sociale et solidaire, une quinzaine d’entrepreneurs réclament de « faire évoluer les critères de sélection de la commande publique pour privilégier l’achat local et réserver une partie des marchés aux entreprises à impact »(dans l’Opinion)
Tribune
En ouvrant la présidence française de l’Union européenne, le président de la République a appelé à construire une Europe souveraine, capable de défendre nos valeurs et nos intérêts dans le monde afin de proposer un autre modèle de société. Nous, entrepreneurs de l’économie environnementale, sociale et solidaire, répondons à cet appel et espérons que ces mots soient traduits en actes.
En effet, cet autre modèle de société est possible : nous le portons depuis des années en France. Il est temps de l’étendre hors de nos frontières pour préserver notre compétitivité et assurer une croissance économique durable et vertueuse. Notre pays n’est certes pas le seul où les entreprises sociales, solidaires représentent plus de 10% du PIB. Chaque jour, 13,6 millions de citoyens européens travaillent, comme nous, dans 2,8 millions de structures qui participent à la souveraineté industrielle, alimentaire, culturelle et énergétique. C’est sans compter l’ensemble des entreprises à impact qui se développent avec les mêmes modèles de partage chaque jour. Ces chiffres sont encourageants mais nous devons aller plus loin pour développer le nombre de ces entreprises qui constituent un véritable moteur de cohésion, de solidarité et d’innovations écologiques.
En décembre dernier, la Commission européenne a dévoilé un plan d’action pour développer l’économie sociale. Il était temps que l’Union européenne prenne en considération cette économie pour ce qu’elle est : une filière économique stratégique qui crée de la richesse et des emplois à haute valeur ajoutée, non délocalisables, dans des activités à fort impact social et environnemental.
On peut toujours voir le verre à moitié vide et regretter tout ce que ce plan ne contient pas encore. Nous voulons d’abord saluer le verre à moitié plein et considérer les solutions pratiques qu’il contient : un guichet unique pour accéder aux financements européens, un centre de compétences pour développer l’innovation sociale, un accompagnement des structures dans leur transition numérique ou encore un meilleur accès à la commande publique.
Dans nul autre pays que le nôtre, l’économie sociale, solidaire et écologique n’est aussi structurée et reconnue. Nous devons saluer le fait que la France soit le premier pays à réunir, ce 17 février, un conseil européen des ministres de l’économie sociale, à l’initiative de la ministre Olivia Grégoire, pour donner un poids et un corps politique aux orientations de la Commission. Encore faut-il que cet événement, qui sera certainement un rendez-vous institutionnel fort, se transforme en acte économique fondateur.
Si l’Union européenne et les Etats membres donnent à ce nouveau modèle économique l’envergure qu’il mérite, nous aurons les moyens de développer davantage nos activités partout en Europe et de créer des synergies pour répondre aux défis de notre siècle. Le changement climatique, les inégalités, le chômage, l’accès aux droits et la précarité ne s’arrêtent pas aux frontières françaises. Le marché unique doit faire naître des champions européens de l’impact et les préserver de la concurrence déloyale de ceux qui prospèrent sur les inégalités et aggravent la crise climatique par leurs pratiques dévastatrices.
Force est de constater que nous attendons toujours les propositions concrètes des candidats à l’élection présidentielle. Nous proposons de faire évoluer les critères de sélection de la commande publique pour privilégier l’achat local et réserver une partie des marchés publics aux entreprises à impact. La présidence française de l’Union européenne doit être une opportunité à saisir afin de changer les règles européennes et faire que les entreprises à impact partout en Europe puissent enfin bénéficier de soutien à la hauteur de leur contribution à l’intérêt général. Nous espérons y retrouver le gouvernement français avec les moyens de ses ambitions !
Simon Bernard est CEO et cofondateur de Plastic Odissey, Jean-Marc Borello fondateur du Groupe SOS, Fabien de Castilla codirecteur général d’Ares, Julie de Pimodan fondatrice de Fluicity, Pierrick de Ronne président de Biocoop, Béatrice Eastham fondatrice de Green evenements, Nicolas Froissard codirigeant du Groupe SOS,
Thibault Lamarque président de Castalie, David Lorrain fondateur de RecycLivre, Jean Moreau fondateur de Phenix, Caroline Neyron directrice générale d’Impact France, Jérôme Saddier président du Crédit coopératif et d’ESS France, Eva Sadoun fondatrice de Lita, Pierre-Emmanuel Saint-Esprit DGD de Zack (groupe Manutan) et Stéphane Vatinel fondateur de Sinny & Ooko.