L’OMC dans le coma
La 12e conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, qui se tient à Genève, cherche à sauver cette institution engluée dans la crise de la mondialisation, à rebours des urgences actuelles en matière de justice économique, écologique et sociale, estime, dans une tribune au « Monde », le politiste Cédric Leterme.
Pandémie de Covid-19, catastrophes climatiques, guerre en Ukraine… Les crises se suivent et se ressemblent, en mettant à chaque fois en lumière la faillite complète de la mondialisation néolibérale. En effet, quand celle-ci n’est pas directement à l’origine de la crise, elle en aggrave les conséquences, particulièrement pour les populations et régions les plus vulnérables de la planète.
Dans ce contexte, on peut se demander ce qu’il y a à attendre de la douzième conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui se tient jusqu’au 15 juin, à Genève, après deux années de report pour cause de Covid-19.
Créée en 1994, l’OMC représente, en effet, l’une des institutions-clés de la mondialisation néolibérale. Non seulement parce que ses règles visent d’abord et avant tout à promouvoir la libéralisation commerciale (et les intérêts des multinationales qui en profitent), y compris au détriment de l’environnement, des droits des travailleurs ou encore du droit au développement des pays du Sud.
Mais aussi parce que l’OMC dispose, pour ce faire, d’une structure et d’un fonctionnement aussi efficaces que souvent considérés comme opaques. Son mécanisme de règlement des différends, par exemple, en faisait encore jusqu’à il y a peu une des rares institutions internationales dotées d’un pouvoir de contrainte lui permettant de faire respecter ses décisions. En parallèle, l’institution est aussi réputée pour être particulièrement fermée à la participation de la société civile, même à titre consultatif.
Et, pourtant, dès 2003, la mécanique s’enraye avec l’échec du « round de Doha », un nouveau cycle de négociations placé sous le signe du « développement », et dont l’objectif avoué était d’essayer de rééquilibrer quelque peu une institution jugée trop favorable aux intérêts des pays riches et de leurs entreprises.
Néanmoins, faute d’accord sur des sujets sensibles comme les échanges agricoles, l’initiative a fait long feu et l’OMC se cantonne essentiellement, depuis lors, à faire respecter les règles commerciales existantes.
Mais, désormais, même cette fonction est attaquée. Ironiquement, depuis plusieurs années les Etats-Unis se plaignent de la façon dont la Chine (et d’autres) contournerait les règles de l’OMC, si ce n’est toujours dans la lettre, du moins dans l’esprit. Cela expliquerait en grande partie, selon eux, la montée en puissance de l’économie chinoise et le déclin relatif de la position nord-américaine. Résultat : en attendant les réformes qu’elle appelle de ses vœux, Washington bloque le renouvellement des juges d’appel de l’organe de règlement des différends, qui se retrouve dès lors dans l’impossibilité de fonctionner.