Proportionnelle: Bayrou cocufié par Macron
Le ralliement de Bayrou à Macron avait constitué l’élément fondamental de l’ascension du futur président de la république dans sa conquête de la magistrature suprême. Dit autrement sans bayrou, Macon aurait sans doute échoué . Mais il y avait un deal dans cet accord, à savoir l’engagement par Macron d’instituer une partie de proportionnelle afin notamment que le MoDem soit mieux représenté au parlement. Or dernièrement Macron a remis cette réforme dans le tiroir. De cette lettre toise mais ferme de Bayrou à Macron rappeler sa promesse concernant la proportionnelle :
. « Citoyens engagés et responsables politiques, nous vous saisissons pour vous demander de prendre en compte la nécessité et l’urgence d’une loi électorale juste », écrit le maire de Pau dans cette missive que l’Opinion s’est procurée. Et de rappeler que « cet engagement figurait explicitement dans votre programme de Président élu en 2017, comme d’ailleurs dans celui de votre prédécesseur ». C’était même l’une des conditions du ralliement du leader centriste au candidat Macron.
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Pour sa mise en place, François Bayrou esquisse deux chemins possibles : une loi simple, votée au Parlement, ou le référendum en convoquant l’article 11 de la Constitution. « Pourquoi pas le même jour que celui sur l’introduction du climat dans la Constitution ? », imagine-t-on au MoDem.
Pour ses modalités, François Bayrou imagine une proportionnelle dont le seuil serait fixé à 5 % pour décrocher des élus. La circonscription retenue pour respecter leur enracinement serait le département. Cela permettrait de respecter les délais pour que cette nouvelle règle puisse s’appliquer dès les législatives de 2022 et d’éviter ainsi les complexités et les contestations inévitables en cas de nouveau découpage.
« Créance ». Avec sa lettre, le maire de Pau voudrait obliger la classe politique à se positionner. Il a bon espoir de rallier très largement à sa cause, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen. Il lui tenait à cœur de montrer que la proportionnelle n’était pas seulement une marotte du MoDem mais qu’il s’agissait bien d’une demande transpartisane, majoritaire dans la classe politique. « On va voir qui s’exprime publiquement. S’il y a un consensus, Macron devra trancher, pousse un cadre centriste. Si le Président ne respecte pas le contrat, il crée une créance pour l’avenir ».
Au sein de l’exécutif, la position est aujourd’hui très claire au sujet de la proportionnelle. « Ce ne sera pas un projet de loi, affirme un proche du chef de l’Etat. On laisse le Parlement s’en saisir. La démarche de François Bayrou ne met pas en porte-à-faux le Président. » En clair : si une proposition de loi est déposée et adoptée, l’exécutif, qui entend rester concentré d’abord sur la crise sanitaire et économique, laissera faire. A l’Assemblée, le MoDem compte vite saisir la balle au bond pour déposer un texte. Peut-il rallier suffisamment de suffrages pour s’imposer ?
C’est donc auprès des autres partis qu’il va falloir surveiller l’impact de l’initiative de François Bayrou. Le leader du MoDem n’a pas voulu faire une liste de cosignataires sous son courrier à Emmanuel Macron. Il attend plutôt de ces derniers qu’ils soutiennent en leur nom cette initiative et adressent leur propre missive. Si la base est commune, chacun peut ainsi y apporter ses amendements.
Le maire de Pau peut d’ores et déjà compter sur le soutien de Marine Le Pen, favorable depuis toujours à la proportionnelle. Dès cet automne, François Bayrou l’avait sondée. Cet hiver, la présidente du RN pressent que l’affaire n’est pas mort-née car dans l’entourage présidentiel, certains poids lourds, en plus de François Bayrou, n’ont pas l’intention de lâcher l’affaire. « Tous les stratèges de la macronie sont pour la proportionnelle », confirme un ministre, listant le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, le député européen et conseiller politique d’Emmanuel Macron Stéphane Séjourné, ou encore le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Ralliements. Julien Bayou s’est aussi facilement rallié à la démarche de François Bayrou, l’assurant du soutien de tous les écologistes. Le secrétaire national d’EELV s’apprête à son tour à écrire à Emmanuel Macron. Mardi, le maire de Pau a longuement parlé avec Jean-Christophe Lagarde. Le président de l’UDI s’est dit prêt à soutenir son initiative, mais il amendera un point de sa lettre en précisant que le possible référendum devrait se tenir « suffisamment en amont de la présidentielle pour s’appliquer dès 2022 ».
Le patron du MoDem est aussi en contact avec Jean-Luc Mélenchon. S’il n’a pas parlé à Hervé Morin, le patron du parti Les Centristes juge qu’il n’est « pas impossible » qu’il se joigne à l’initiative si le maire de Pau l’y associe. A la tête des Radicaux, Laurent Hénart, qui avait vu François Bayrou en octobre, se dit également ouvert. Du côté du PS, les choses sont plus confuses. Si Olivier Faure est très réservé sur la proportionnelle, le centriste ne désespère pas décrocher le soutien de quelques figures socialistes.
Le temps presse. La loi interdit de modifier les règles d’un scrutin moins d’un an avant la tenue de l’élection. « Ce qu’une loi fait une autre loi peut le défaire », répond un ministre pour balayer cette contrainte calendaire. Le président du groupe MoDem à l’Assemblée, Patrick Mignola, plaide pour un texte avec un seul article, qui puisse être examiné et voté rapidement.