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Reconnaissance faciale: Risque de dérive antidémocratique

  Reconnaissance faciale:  Risque de dérive antidémocratique

 

Lucie Audibert, avocate chez Privacy International, se réjouit, dans une tribune au « Monde », de la mise en demeure, le 16 décembre 2021, de l’entreprise américaine Clearview AI par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

 

Tribune. 

 

Etes-vous au courant que toutes les photos de vous qui se trouvent sur les réseaux sociaux ou ailleurs sur le Web public peuvent être récoltées et stockées dans la base de données privée d’une compagnie que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam ? Et que cette compagnie vend l’accès à cette base de données à la police, à des gouvernements et à d’autres sociétés dans le monde ?

Ce système de surveillance de masse est le produit de l’entreprise américaine Clearview AI, dont l’existence fut révélée en janvier 2020 par une enquête du New York Times. A l’aide d’un outil automatisé parcourant le Web, Clearview récolte toutes les images détectées comme contenant des visages humains (plus de 10 milliards de photos stockées à ce jour), et permet à ses clients, grâce à son algorithme de reconnaissance faciale, d’identifier les individus apparaissant dessus. Elle stocke aussi toute information liée à ces photos, notamment le lien URL de la page où elles se trouvent – qui contient souvent des noms et autres informations personnelles. Objectif officiel : aider la police à identifier des criminels.

C’est une technologie sans précédent, qui a attiré l’attention de nombreuses autorités de protection de la vie privée autour du monde, et à raison. Le 16 décembre 2021, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mis la compagnie en demeure, lui ordonnant de supprimer toutes les photos et autres informations personnelles récoltées en France. En effet, la loi européenne sur la protection des données, en vigueur depuis 2018, nous protège contre une utilisation abusive de nos informations personnelles – telle que la récolte et la vente de nos photos sans nous en informer ni demander notre consentement. La décision de la CNIL suit de près une décision similaire prise par son homologue britannique, et d’autres en Australie et au Canada.

L’impact de ces décisions dépendra de la volonté de l’entreprise, et de celle de ses investisseurs, à reconnaître les dangers considérables de sa technologie et l’aberration qu’elle constitue dans une société démocratique et protectrice des libertés fondamentales (quand les institutions fonctionnent). Notamment car l’entreprise est installée aux Etats-Unis, où les poursuites engagées contre elle par l’Union américaine pour les libertés civiles sont limitées par le manque de loi fédérale sur la vie privée.

Mais ce désaveu massif est l’exemple d’une réponse efficace de démocraties modernes à l’innovation et la recherche du profit débridées – une réponse trop souvent absente face aux géants du Web et qu’il faut célébrer. Les technologies comme celle de Clearview menacent la notion de vie privée dans les espaces publics en ligne et hors ligne, qui n’est pas forcément intuitive mais qu’il est essentiel de protéger. En effet, cette notion nous permet de sortir de chez nous à visage découvert sans que n’importe qui, en un clic, puisse nous identifier, trouver notre nom, notre profession, les photos de nos dernières vacances ou de notre dernière participation à une manifestation.

 

La dimension globale de la climatologie

La dimension globale de la climatologie

 

Dans le« Monde », Stéphane van Damme revient sur les origines des études sur les phénomènes climatiques, qui ont permis de comprendre la climatologie globable en prenant en compte les données locales.

 

tribune

 

Alors que le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts international sur l’évolution du climat est attendu en 2022, il apparaît intéressant de revenir sur l’émergence historique de la climatologie comme science globale. Dans son Hydrogéologie, publiée en 1802, Jean-Baptiste de Lamarck s’était proposé de promouvoir un changement d’échelle : « La nature néanmoins nous offre continuellement des grands faits dont la considération est avant tout indispensable pour la bien juger, mais que l’inattention et trop souvent l’incapacité empêchent de saisir. »

Mais il souligne aussi la question des échelles et de leurs spécificités en termes de pratiques scientifiques : « (…) Dans l’étude des sciences, comme dans tout autre genre d’occupation, les hommes à petites vues ne peuvent réellement se livrer qu’à de petites choses, qu’à de petits détails, et leur nombre est toujours celui qui domine. »

Pour Lamarck, la faute en est à l’obsession pour la précision et l’exactitude : « Cet excès jette les sciences physiques cultivées de cette manière, dans un dédale de petits principes multipliés et sans bornes. » Il stigmatise ainsi les amateurs de sciences « à petites vues », les savants obsédés par « de petits faits » qui mépriseraient les « grandes idées ». Une bonne « physique terrestre », dit-il, doit donc s’appuyer sur la météorologie, ou science de l’atmosphère, sur l’hydrogéologie comme étude de la croûte externe du globe et, enfin, sur l’étude des « corps » vivants, la biologie.

Ce récit, aujourd’hui nuancé, masque la véritable bataille qui a eu lieu au XIXe siècle entre plusieurs épistémologies rivales. Dans Climate in Motion, Science, Empire and the Problem of Scale (University of Chicago Press, 2018), Deborah Cohen, professeure à l’université Yale, souligne combien les pionniers des sciences du climat dans l’empire des Habsbourg placèrent au cœur de leurs analyses la notion d’échelles pour mieux comprendre les phénomènes atmosphériques locaux comme le fœhn [vent chaud et sec des Alpes suisses et autrichiennes].

Un peu partout dans le monde du XIXe siècle, les scientifiques entreprennent de décrire des systèmes climatiques nationaux, qu’il s’agisse de Lorin Blodget dans son Climatology of the United States (1857), de Henry Francis Blanford pour l’Inde britannique, ou encore de Wladimir Köppen pour la Russie en 1895. Tous insistent sur l’ordre et la cohérence de leurs systèmes climatiques.

Que se passe-t-il dans une monarchie composite multinationale comme l’Empire austro-hongrois ? Deborah Cohen montre que la climatologie se calque sur les savoirs ethnographiques qui épousent les contours de cette diversité. En effet, si les entreprises scientifiques sont mobilisées pour donner une assise naturaliste aux fondements des Etats-nations, la revendication politique de l’empire qui consiste à « faire vivre l’unité dans la diversité » a particulièrement bénéficié de la climatologie.

 




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