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Conjoncture économique: Le climat des affaires en baisse

Conjoncture économique: Le climat des affaires en baisse


Confirmation de la dépression économique en France . Le climat des affaires se dégrade en août, atteignant un plus bas depuis avril 2021, en raison d’une détérioration de la situation conjoncturelle dans l’industrie manufacturière et les services, a annoncé jeudi l’Insee. Cet indicateur, qui synthétise l’opinion des chefs d’entreprise des principaux secteurs, s’est établi à 99, passant ainsi sous sa moyenne de longue période (100).

L’enquête de l’INSEE confirme l’indice PMI concernant la dépression économique au cours de l’été. L’indice Flash composite, qui mesure l’activité du secteur privé, s’est établi à 46,6 en août, au même niveau qu’en juillet. Il marque ainsi une nouvelle contraction de l’activité économique en France, tant dans les services que dans le secteur manufacturier

Dans l’enquête de l’INSEE, le climat «se dégrade nettement» dans l’industrie, où l’indicateur perd cinq points en un mois à 96, entraîné par une dégradation de l’opinion des chefs d’entreprises «sur les carnets de commandes et la production passée», observe l’Insee.

Dans les services, l’indicateur perd deux points et rejoint sa moyenne de longue période (100). Dans le commerce de détail, il reste quasi stable à 105 (contre 106).

Contrairement aux prévisions de la banque de France et de l’INSEE, la France est touchée par une dépression économique au cours de l’été. L’indice PMIn Flash composite, qui mesure l’activité du secteur privé, s’est établi à 46,6 en août, au même niveau qu’en juillet. Il marque ainsi une nouvelle contraction de l’activité économique en France, tant dans les services que dans le secteur manufacturier.

L’activité dans le secteur des services, secteur dominant de l’économie française, a diminué pour le troisième mois consécutif. Elle atteint même un plus bas depuis trente mois à 46,7 (contre 47,1 en juillet). La baisse de la production manufacturière, qui avait commencé l’été dernier, s’est poursuivie, avec un indice PMI provisoire à 45,8. Dans ce secteur cependant, la contraction est moindre qu’en juillet (44, révisé en légère hausse), et il s’agit d’un plus haut depuis cinq mois.

Contre toute attente, et malgré les espoirs d’amélioration de la conjoncture, les derniers résultats de l’enquête suggèrent ainsi une possible contraction du PIB au troisième trimestre », selon lui. La confiance des entreprises quant à une progression de leur activité au cours des douze prochains mois a également faibli en août, tout en se maintenant au-dessus du plus bas de 32 mois enregistré en juin.

Cette publication intervient alors que, le 9 août dernier, la Banque de France, elle, avait relevé une progression de l’activité économique française au mois de juillet, projetant une croissance « légèrement positive » au troisième trimestre. Après un deuxième trimestre marqué par une forte hausse du produit intérieur brut (PIB) de 0,5% par rapport au premier trimestre, la banque centrale, elle, estime que le PIB a progressé de 0,1% sur un mois en juillet.

Le climat des affaires : en baisse

Le climat des affaires : en baisse

Confirmation de la dépression économique en France . Le climat des affaires se dégrade en août, atteignant un plus bas depuis avril 2021, en raison d’une détérioration de la situation conjoncturelle dans l’industrie manufacturière et les services, a annoncé jeudi l’Insee. Cet indicateur, qui synthétise l’opinion des chefs d’entreprise des principaux secteurs, s’est établi à 99, passant ainsi sous sa moyenne de longue période (100).

L’enquête de l’INSEE confirme l’indice PMI concernant la dépression économique au cours de l’été. L’indice Flash composite, qui mesure l’activité du secteur privé, s’est établi à 46,6 en août, au même niveau qu’en juillet. Il marque ainsi une nouvelle contraction de l’activité économique en France, tant dans les services que dans le secteur manufacturier

Dans l’enquête de l’INSEE, le climat «se dégrade nettement» dans l’industrie, où l’indicateur perd cinq points en un mois à 96, entraîné par une dégradation de l’opinion des chefs d’entreprises «sur les carnets de commandes et la production passée», observe l’Insee.

Dans les services, l’indicateur perd deux points et rejoint sa moyenne de longue période (100). Dans le commerce de détail, il reste quasi stable à 105 (contre 106).

Contrairement aux prévisions de la banque de France et de l’INSEE, la France est touchée par une dépression économique au cours de l’été. L’indice PMIn Flash composite, qui mesure l’activité du secteur privé, s’est établi à 46,6 en août, au même niveau qu’en juillet. Il marque ainsi une nouvelle contraction de l’activité économique en France, tant dans les services que dans le secteur manufacturier.

L’activité dans le secteur des services, secteur dominant de l’économie française, a diminué pour le troisième mois consécutif. Elle atteint même un plus bas depuis trente mois à 46,7 (contre 47,1 en juillet). La baisse de la production manufacturière, qui avait commencé l’été dernier, s’est poursuivie, avec un indice PMI provisoire à 45,8. Dans ce secteur cependant, la contraction est moindre qu’en juillet (44, révisé en légère hausse), et il s’agit d’un plus haut depuis cinq mois.

Contre toute attente, et malgré les espoirs d’amélioration de la conjoncture, les derniers résultats de l’enquête suggèrent ainsi une possible contraction du PIB au troisième trimestre », selon lui. La confiance des entreprises quant à une progression de leur activité au cours des douze prochains mois a également faibli en août, tout en se maintenant au-dessus du plus bas de 32 mois enregistré en juin.

Cette publication intervient alors que, le 9 août dernier, la Banque de France, elle, avait relevé une progression de l’activité économique française au mois de juillet, projetant une croissance « légèrement positive » au troisième trimestre. Après un deuxième trimestre marqué par une forte hausse du produit intérieur brut (PIB) de 0,5% par rapport au premier trimestre, la banque centrale, elle, estime que le PIB a progressé de 0,1% sur un mois en juillet.

Environnement -Climat et enjeu de l’eau

Environnement -Climat et enjeu de l’eau

 

 

A mesure que le réchauffement se renforcera, les conséquences sur les ressources hydriques d’un modèle agricole dopé aux intrants de synthèse deviendront de plus en plus sévères, prévient Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

Bien plus que tous les épisodes de sécheresse de l’histoire récente, l’été écoulé nous a contraint à reconnaître qu’il ne fallait pas plaisanter avec l’eau. L’eau, c’est une affaire sérieuse. Elle est nécessaire partout, tout le temps, pour tout le monde et, lorsqu’elle vient à manquer, il n’existe aucun miracle technologique capable de remplacer une bonne vieille pluie.

Avec le changement climatique en cours, ces réalités s’imposeront toujours plus durement à l’Europe et au reste du monde. Elles sont aggravées par un autre constat : l’eau qui nous restera sera de plus en plus contaminée par toutes les substances résultant de nos activités, et en particulier par les quelque 60 000 tonnes de chimie de synthèse dispersées chaque année dans les campagnes par le modèle agricole dominant.

Ces derniers jours, plusieurs enquêtes journalistiques ont attiré l’attention sur ce qui est longtemps demeuré un point aveugle de la surveillance des ressources. Jusqu’à présent, cette surveillance était focalisée sur la recherche des pesticides eux-mêmes, négligeant de s’intéresser à de nombreux sous-produits de leur dégradation, c’est-à-dire leurs « métabolites ». La refonte de la directive européenne sur l’eau potable, achevée en décembre 2020, est venue lever cette ambiguïté, au prix d’une prise de conscience douloureuse. Une commune sur quatre a été concernée en 2021 par des dépassements des normes de qualité de l’eau potable selon nos confrères de Franceinfo et du magazine « Complément d’enquête », soit environ un Français sur cinq, selon les données colligées par Le Monde. Et le pire est sans doute encore à venir, de nouvelles substances devant être prochainement incluses dans les plans de surveillance.

Les administrations et les collectivités se sont retrouvées prises de court par la situation tout au long de l’année passée, parfois confrontées à des excès marqués de certains métabolites pour lesquels les données de toxicité sont lacunaires ou inexistantes. En 2021, dans la panique réglementaire qui a suivi la découverte inattendue de ces substances dans les réseaux de distribution d’eau, on a vu les mêmes dépassements de normes de qualité, pour les mêmes produits, être considérés comme bénins dans certaines régions, et entraîner des interdictions de consommation dans d’autres.

L’eau est ainsi au cœur de deux crises : l’une climatique, l’autre chimique. Avec, comme principal opérateur synergique entre les deux, notre modèle d’agriculture productiviste, qui aggrave le réchauffement tout en puisant de manière excessive dans les ressources hydriques. Selon les chiffres du ministère de la transition écologique, l’agriculture tricolore engloutit près de la moitié de l’eau consommée chaque année en France – et près de 80 % au cours des trois mois d’été. La plus grande part de cette eau est utilisée par une petite fraction d’exploitants, pour produire des céréales qui seront exportées sur les marchés internationaux, principalement pour nourrir des animaux élevés dans des bâtiments.

Avenir climat : des canicules de plus en plus fréquentes

Avenir climat : des canicules de plus en plus fréquentes

par
Cathy Clerbaux
Directrice de recherche au CNRS (LATMOS/IPSL), professeure invitée Université libre de Bruxelles, Sorbonne Université dans The conversation

Les phénomènes météorologiques locaux sont difficiles à prévoir car ils fluctuent rapidement sous l’influence de processus non linéaires et chaotiques, tandis que l’évolution du climat global sur le plus long terme repose sur des phénomènes physiques bien connus qui sont généralement prévisibles. Les prochains 12-18 mois devraient être assez exceptionnels en termes de températures, suite à un alignement de phénomènes locaux et globaux qui se combinent.

Avec mon équipe dont la spécialité est l’étude par satellites de l’évolution de l’atmosphère, j’analyse chaque jour des millions de données vues du ciel pour surveiller les températures sur terre comme sur la mer, partout autour du globe terrestre, et pour mesurer les concentrations des gaz présents dans l’atmosphère. Ces dernières semaines à partir des cartes satellites, nous avons aussi pu observer les records de chaleur qui ont été battus dans de nombreux pays, comme rapportés par les agences météorologiques et les médias.

Un marqueur important a fait les gros titres : il s’agit de l’augmentation de la température moyenne globale de 1,5 °C par rapport à l’époque préindustrielle. Une valeur repère dans l’accord de Paris sur le climat, qui a été dépassée plusieurs jours cet été. Serait-il possible que cette valeur soit également dépassée quand il s’agira de calculer la moyenne annuelle des températures globales pour l’année 2023 ?

Pour comprendre l’évolution des températures, il faut tenir compte du fait que notre climat est complexe : il dépend des interactions entre les activités humaines, l’atmosphère, la surface terrestre et la végétation, la neige et la glace, et les océans. Le système climatique évolue sous l’influence de sa propre dynamique interne, mais dépend également de facteurs externes, qu’on appelle les « forçages radiatifs », et qui sont exprimés en watts par mètres carrés (W/m2).

Le terme forçage est utilisé pour indiquer que l’équilibre radiatif de la Terre est déstabilisé, et le terme radiatif est lui convoqué car ces facteurs modifient l’équilibre entre le rayonnement solaire entrant et le rayonnement infrarouge sortant de l’atmosphère. Cet équilibre radiatif contrôle la température à différentes altitudes. Un forçage positif implique une augmentation de la température à la surface de la Terre, et à l’inverse un forçage négatif implique une diminution.

Les quatre types de forçages radiatifs dont il faut tenir compte pour expliquer les variations du climat. Fourni par l’auteur
Les forçages externes sont à la fois causés par des phénomènes naturels tels que les éruptions volcaniques et les variations du rayonnement solaire, mais également par des modifications de la composition atmosphérique imputables à l’homme (les gaz à effet de serre et les particules liés aux activités humaines). Comprendre les changements climatiques observés depuis une trentaine d’années implique de pouvoir distinguer les modifications liées aux activités humaines de celles associées aux variations naturelles du climat. Les principaux forçages qui vont intervenir et s’additionner sont :

Le forçage lié aux variations de l’activité solaire, qui entraîne des changements du rayonnement solaire qui atteint la Terre. Lorsque le Soleil est plus actif (maximum solaire), il émet davantage de rayonnement. Ce forçage est faible (de + à -0,3 W/m2) mais dure assez longtemps. Son cycle principal est d’environ 11 ans. Il trouve son origine dans les changements du champ magnétique solaire qui se caractérisent par des variations dans le nombre de taches solaires et d’autres phénomènes solaires.

Le forçage lié aux éruptions volcaniques, qui peut être très intense et est en général négatif de -1 à -5 W/m2, mais de courte durée (un à deux ans). Les éruptions volcaniques peuvent avoir un impact significatif sur le climat en raison de l’injection de grandes quantités de cendres, de gaz et de particules dans l’atmosphère.
Tous les volcans n’ont pas un impact sur le climat global, cela dépend de la taille et de la puissance de l’éruption, de l’altitude/de la latitude auxquelles les gaz et les cendres sont éjectés, ainsi que des conditions météorologiques locales. L’étude des éruptions volcaniques passées nous a appris que l’impact le plus significatif est associé à des éruptions proches de l’équateur qui injectent du SO2 haut dans l’atmosphère, par exemple le Mont Pinatubo (Philippines) en 1991. Ce gaz se transforme en gouttelettes d’acide sulfurique (H2SO4) qui constituent un écran pour la radiation solaire traversant l’atmosphère.

Le forçage lié à l’excès de gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et les chlorofluorocarbures (CFC), qui sont transparents à la lumière solaire mais absorbent une partie du rayonnement thermique émis par la surface terrestre. Au fil du temps, les activités humaines, telles que la combustion de combustibles fossiles, la déforestation et l’agriculture, ont entraîné une augmentation significative des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. L’accumulation de ces gaz à effet de serre, qui absorbent davantage de rayonnement thermique émis par la Terre et piègent plus de chaleur dans l’atmosphère, entraîne un forçage radiatif positif, estimé à +3 W/m2. Il s’agit donc du forçage le plus important car il n’est pas transitoire comme celui associé aux volcans.

Le forçage négatif lié aux aérosols d’origine anthropique et naturelle. Les aérosols sont de petites particules en suspension dans l’atmosphère qui absorbent, diffusent ou réfléchissent la lumière solaire. Elles proviennent des écosystèmes (embruns marins, sables, poussières, cendres volcaniques, aérosols biogéniques) et d’activités humaines comme la combustion de fiouls fossiles, le brûlage de la biomasse et les feux de forêt, l’élevage des animaux et l’usage d’engrais. Toutes ces particules font écran à l’insolation mais cette fois dans les basses couches de l’atmosphère. Même si les incertitudes sur le total du forçage radiatif lié à la présence d’aérosols restent élevées, les estimations actuelles indiquent un forçage radiatif total négatif de -0,5 W/m2. Sans la pollution par les aérosols, la Terre serait donc encore plus chaude qu’elle ne l’est déjà !

En plus des forçages radiatifs, il faut aussi tenir compte de la variabilité naturelle du système couplé océan-atmosphère, et en particulier du phénomène ENSO (El Niño Southern Oscillation), avec sa composante chaude El Niño et sa composante froide La Niña. Ces phénomènes sont les principaux facteurs de variation d’une année sur l’autre, dont il faut tenir compte quand on analyse la tendance à long terme au réchauffement de la surface de la mer.

Ces événements climatiques périodiques sont des phénomènes naturels, qui se caractérisent par des fluctuations de température entre l’océan et l’atmosphère dans l’océan pacifique équatorial. En général, les vents alizés soufflent d’est en ouest le long de l’équateur, poussant les eaux chaudes de la surface de l’océan Pacifique vers l’ouest, où elles s’accumulent près de l’Indonésie et de l’Australie. L’eau froide remonte alors du fond de l’océan dans l’est du Pacifique, en remplaçant l’eau chaude, ce qui entraîne des eaux relativement fraîches à la surface des côtes sud-américaines.

Lorsque le phénomène El Niño survient, les alizés faiblissent ou s’inversent, ce qui réduit leur force ou les fait souffler d’ouest en est, ce qui permet à l’eau chaude accumulée dans l’ouest du Pacifique de se déplacer vers l’est en suivant l’équateur. Le réchauffement de la surface de la mer dans l’est du Pacifique provoque alors une augmentation de plusieurs degrés de la température de l’eau, avec de vastes répercussions sur les conditions météorologiques et climatiques à l’échelle mondiale.

Ces phénomènes peuvent durer plusieurs mois ou plusieurs années, et leur intensité est variable. Ils perturbent la météo localement (plus de pluies à certains endroits, plus de sécheresses à d’autres) et influencent le climat global, en particulier lors d’évènements El Niño intenses.

Evolution des phénomènes El Niño (en rouge) et La Niña (en bleu), en mesurant les températures de surface de la mer sur une zone rectangle définie dans le Pacifique.
Evolution des phénomènes El Niño (en rouge) et La Niña (en bleu), en mesurant les températures de surface de la mer sur une zone rectangle définie dans le Pacifique. Author provided
Quelles températures pour les prochains mois ?
Reprenons un à un les différents éléments décrits ci-dessus, et regardons ce qu’il en est en ce moment :

L’activité solaire approche de son maximum, du coup l’effet de réchauffement causé par une augmentation du rayonnement solaire est plus prononcé. Ceci conduit à une légère augmentation des températures moyennes, estimée à +0,1 °C.

Au niveau de l’activité volcanique, il s’est passé un évènement complètement exceptionnel : le volcan sous-marin Hunga Tonga qui a violemment érupté en janvier 2022 a envoyé environ 150 millions de tonnes (soit l’équivalent de 60 000 piscines olympiques…) de vapeur d’eau directement dans la stratosphère, qui s’est depuis répartie tout autour de la terre. Les simulations numériques montrent que ceci contribuera à réchauffer légèrement la surface terrestre (l’eau étant un puissant gaz à effet de serre), bien qu’il soit encore difficile de dire de combien et sur quelle durée.

Les gaz à effet de serre ont continué à s’accumuler, c’est le forçage radiatif qui domine tous les autres et conduirait déjà à une augmentation moyenne de +1,5 °C s’il n’y avait pas les aérosols pour tempérer un peu (-0,3 °C).

Depuis quelques années le contenu total en aérosol a tendance à diminuer, principalement car les véhicules polluent moins (ce qui est une bonne nouvelle !), c’est particulièrement le cas en Chine, en Europe de l’Ouest et aux États-Unis. Cette année, on observe aussi un moindre transport du sable du Sahara sur l’océan, qui d’habitude fait écran à la radiation solaire, ce qui explique en partie les températures élevées mesurées dans l’atlantique nord au début de l’été.

Après trois années en régime La Niña un évènement El Niño est en train de s’installer. À ce stade on ne sait pas encore s’il sera intense (comme en 2015-2017) ou modéré, et combien de temps il durera, mais on prévoit que les températures océaniques devraient être plus élevées pendant les 12-18 prochains mois par rapport aux trois années précédentes.

Tous les paramètres réunis pour des records de chaleur

En conclusion, tous les paramètres sont réunis pour que nous battions des records de températures au cours des prochains 12-18 mois. Du coup, les 1,5 °C en moyenne globale, soit la limite la plus ambitieuse de l’accord de Paris sur le climat, pourrait être dépassés sans attendre 2030, avec les incidences sur les systèmes naturels et humains bien documentées dans le rapport spécial du GIEC 2019.

Une augmentation de 1,5 °C ne semble pas énorme, mais il faut se souvenir que 70 % de notre planète est couverte d’eau, qui a une inertie thermique supérieure à la terre et se réchauffe moins vite. De plus, le réchauffement est inégalement réparti et les hautes latitudes se réchauffent beaucoup plus vite que les tropiques, avec des pics de 4° attendus sur ces régions.

Est-on sûr que cela va se passer ? Non, mais la probabilité qu’on dépasse dès maintenant un seuil qu’on pensait atteindre entre 2025 et 2040 est importante. Comme les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, il faudrait que des phénomènes naturels soient à l’œuvre au cours des prochains mois pour contrecarrer la tendance prévue.

Par exemple si le phénomène El Niño s’avère moins puissant qu’envisagé, ou si un autre volcan envoyait du SO2 massivement dans toute l’atmosphère, alors seulement dans ce cas de figure les records de températures pourraient ne pas être battus dès maintenant. À plus long terme, l’avenir nous dira quand les fluctuations naturelles domineront les contributions anthropiques pour expliquer les variations de température, selon l’efficacité des mesures prises dans le cadre des accords internationaux pour réguler le climat.

Réchauffement de l’Atlantique et climat

Réchauffement de l’Atlantique et climat

Canicule et réchauffement de l’Atlantique

par
Peter Ditlevsen
Professor in physics of ice, climate and earth, University of Copenhagen

Susanne Ditlevsen
Professor in statistics, University of Copenhagen

dans The Conversation

Fin juillet, une étude publiée dans Nature Communications a mis en garde contre le risque d’effondrement d’un système océanique essentiel qui fait remonter les eaux chaudes dans l’Atlantique Nord. Nommée le plus souvent par son abréviation anglaise d’AMOC, la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique était déjà connue comme étant ralentie de manière inégalée depuis 1600 ans.

Ces dernières recherches envisagent son possible effondrement entre 2025 et 2095, avec une estimation centrale de 2057 si une réduction drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre n’advient pas. Ce scénario, s’il s’avère exact, pourrait entraîner un climat européen dramatiquement froid avec des conséquences dévastatrices pour la vie telle que nous la connaissons. The Conversation s’est entretenu avec le physicien Peter Ditlevsen et sa sœur, la statisticienne Susanne Ditlevsen, pour discuter de leurs résultats et des controverses qu’ils n’ont pas manqué de susciter.

Comment décririez-vous l’AMOC pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler ?

Peter Ditlevsen : l’AMOC fait partie d’une sorte de tapis roulant presque mondial qui transporte les eaux autour de la planète.

Au sud du Groenland, dans l’Atlantique Nord, nous voyons des eaux lourdes descendre et des eaux légères remonter. L’eau peut être lourde pour deux raisons. Elle peut être salée. Si l’on ajoute du sel, l’eau devient plus lourde et coule. Elle peut aussi être froide. L’eau froide est plus lourde que l’eau chaude, elle coule donc et retourne dans la partie sud de l’Atlantique.


Le mégacourant océanique de l’AMOC reste très peu connu, que ce soit par le grand public ou même par les scientifiques, avec par exemple aucune surveillance directe de l’AMOC avant 2004. Comment cela se fait-il ?

PD : Le premier problème est que l’océan est beaucoup moins connu que l’atmosphère. Tout d’abord parce que nous faisons des prévisions météorologiques permettant d’indiquer le temps qu’il fera demain et après-demain et qui concentrent beaucoup d’effort. De plus, concernant la prévision météorologique océanique, si nous pouvons observer très précisément la surface de l’océan, il est beaucoup plus difficile de pénétrer dans l’océan, notamment parce que nous ne pouvons pas vraiment transmettre de signaux.

En ce qui concerne précisément l’AMOC, il y a aussi une question de moyens financiers. C’est difficile et coûteux de le surveiller, il faut beaucoup de ressources, et bien qu’il y ait des missions scientifiques où l’on descend et où l’on obtient une idée instantanée de la situation, ce dont on a vraiment besoin, c’est une surveillance à long terme. C’est ce qui a été fait plus tôt pour le Pacifique en raison d’El Nino. En ce sens, nous avons beaucoup plus de données concernant le Pacifique central et tropical que l’Atlantique.

Mais ce manque de données concernant l’AMOC ne correspond pas à un manque d’intérêt de la part des scientifiques. Dès les années 1960, l’océanographe et physicien américain Henry Stommel a étudié l’AMOC et a déclaré que ce mégacourant pouvait osciller entre deux états différents. Un phénomène que nous avons depuis observé en étudiant les carottes de glace du Groenland depuis l’époque glaciaire.

À la grande surprise de tous, il s’est alors avéré que le climat glaciaire, en plus d’être bien sûr très froid, présentait ces énormes sauts climatiques entre un état froid et un état plus chaud, et la raison de ce phénomène n’était pas connue jusqu’à très récemment.

Aujourd’hui, le consensus converge vers l’idée que c’est en fait l’activation et la désactivation de l’AMOC qui est à l’origine de ce phénomène. Il s’agit de changements climatiques considérables, qui se produisent tous les quelques milliers d’années.

Et lorsque cela se produit, c’est extrêmement rapide. Bien que le passage de l’état « inactif » à l’état « actif » soit plus dramatique que l’inverse, la possibilité d’un arrêt auquel nous sommes maintenant confrontés est également très préoccupante […] Il est question d’une chute brutale de jusqu’à dix degrés en une décennie. Mais bien sûr, il faut être prudent avec les analogies, car le climat glaciaire est très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. De plus, aujourd’hui, nous sommes confrontés à un refroidissement de l’AMOC, avec en arrière-plan un réchauffement du climat. C’est un peu comme si nous conduisions une voiture et que nous appuyions en même temps sur la pédale de vitesse et sur la pédale de frein.


Votre étude a logiquement attiré l’attention des médias, qui ont parfois fait l’amalgame entre l’effondrement du Gulf Stream et l’effondrement de l’AMOC. Comment avez-vous vécu cela ?

Susanne Ditlevsen : Je pense qu’il y a deux aspects à cette question. D’une part, le grand public peut confondre le Gulf Stream et l’AMOC et, dans un certain sens, il s’agit d’une simple formulation. Il existe donc un courant qui fait remonter l’eau chaude et qui risque de s’effondrer. Que nous l’appelions AMOC ou système Gulf Stream, même si le Gulf Stream en lui-même est quelque chose de différent, cela n’a pas d’importance, ce n’est qu’une question de formulation.

Mais cette différence terminologique peut générer un malentendu très préjudiciable, car le Gulf Stream stricto sensu ne peut pas s’effondrer, puisqu’il est entraîné par le vent et la rotation de la Terre. Ainsi, lorsqu’on dit que nous avons prédit l’effondrement du Gulf Stream, ils peuvent être tentés de nous traiter d’idiots. […] Je pense qu’il est important d’expliquer que nous parlons en fait de quelque chose de différent, dont nous pensons, comme beaucoup d’autres, qu’il peut s’effondrer.

La temporalité que nous avons donnée, qui s’étend de 2025 à 2095, a également été déformée. La probabilité n’est pas du tout la même sur l’ensemble de l’intervalle. Nous estimons donc qu’il est très peu probable qu’un effondrement puisse se produire dès 2025.

Il est notoirement difficile d’estimer ce que nous appelons les « queues de distribution » dans le jargon statistique. Il s’agit des probabilités les plus faibles aux extrémités de la distribution. Cependant, l’estimation centrale, située au milieu du siècle, est celle où nous pensons que le risque d’effondrement est le plus élevé si nous continuons à émettre des gaz à effet de serre au rythme actuel.

Même si nos estimations sont incertaines, le message principal est qu’il existe un risque considérable, ou du moins sous-estimé, que cet effondrement se produise beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait.

Supposons que l’AMOC s’effondre en 2057. Comment cela se traduirait-il concrètement en Europe ?

PD : D’un point de vue climatique, l’effondrement serait probablement très rapide, c’est-à-dire qu’il s’arrêterait en quelques décennies.

Mais ce n’est pas non plus comme si une ère glaciaire se produisait en deux semaines. La région de l’Atlantique Nord et l’Europe, en particulier, se refroidiraient considérablement. L’Angleterre ressemblerait probablement au nord du Canada.

La chaleur de l’océan Pacifique qui ne serait pas transportée vers l’Atlantique Nord resterait dans les tropiques.

SD : Ce qu’il faut garder à l’esprit ici, c’est que ce dont nous parlons est très incertain. La façon dont les températures varieraient reste très incertaine, certains parlent de cinq degrés, d’autres de dix degrés, d’autres encore de plus de tempêtes, etc. Mais je pense que le message à retenir c’est que les implications seraient dévastatrices en termes de capacité à continuer à vivre comme nous le faisons aujourd’hui, et à poursuivre l’agriculture dans différents endroits. Il y aurait aussi des endroits densément peuplés où l’on ne pourrait tout simplement pas vivre.

PD : Il faut également se rappeler que nous avons du mal à faire face à des changements rapides. Historiquement, nos sociétés ont fait face aux changements en débutant de grandes migrations. Or nous savons à quel point cela est difficile pour les sociétés.

Quelles étaient vos attentes lorsque vous avez lancé ce projet ? Aviez-vous prévu ces résultats spectaculaires ?

PD : Mon but initial était de donner plus de poids à l’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), grâce à une méthodologie solide et à des observations que j’avais prévu d’ajuster par la suite. Mais il s’est avéré que nos modèles ont situé l’effondrement beaucoup plus tôt que ceux du GIEC. Évidemment, j’aurais préféré que le résultat de notre étude soit moins controversé, car nous sommes aujourd’hui attaqués de toutes parts. Mais c’est ainsi que fonctionne la science, je suppose. Et c’est aussi la raison pour laquelle Susanne s’est beaucoup impliquée, parce que l’étude nécessitait des statistiques bien meilleures que celles dont je suis capable.

SD : Nous pensons également que cette menace d’effondrement est si préoccupante que si nous avons des données indiquant un effondrement plus précoce ou même considérablement plus précoce que ce que l’on croit généralement, nous devons le faire savoir. Mais cela ne signifie pas que nos résultats sont gravés dans le marbre. Bien entendu, ce n’est pas le cas. Parce que les données sont « bruyantes » et que nous disposons de mesures indirectes. Chaque année supplémentaire qui passe et qui est étudiée nous donne plus de données, et donc la capacité de réaliser de meilleures estimations.

Ceci étant dit, gardons quand même en tête que les changements climatiques ont d’énormes répercussions sur la Terre et des conséquences beaucoup plus importantes que ce qui avait été prévu. Il suffit de regarder les phénomènes météorologiques extrêmes que nous avons connus cet été et les nouveaux records de température. Tout cela se produit plus tôt et plus fort que ce qui avait été prévu.

La science du climat, en particulier le GIEC, a en effet tendance à faire des prévisions prudentes. Prenez, par exemple, la vitesse à laquelle les glaces de l’Arctique fondent par rapport à leur pronostic selon lequel elles ne risquent rien jusqu’en 2050 au moins.

SD : Il s’agit toujours de résultats conservateurs. Et dans ce sens, on pourrait dire que c’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que cela donne un peu plus de crédibilité à notre étude parce que, bien sûr, nous ne voulions pas aller à l’encontre du GIEC, mais il s’est montré conservateur à bien des égards.

Comment la science peut-elle mieux comprendre les implications d’un point de basculement de l’AMOC ?

SD : Il est certain que nous avons besoin de plus de mesures de l’AMOC. Hélas, nous ne pouvons pas remonter dans le temps pour cela. Comme nous ne pouvons pas disposer de mesures très, très détaillées de l’époque préindustrielle, avant le réchauffement climatique, il est également difficile d’évaluer la variabilité naturelle et le comportement naturel avant le réchauffement climatique.

PD : D’une certaine manière, lorsque vous demandez ce qui est nécessaire, je dirais que c’est tout. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la modélisation. Je veux dire que ces modèles devraient au moins, dans un certain sens, reproduire ce que nous avons vu auparavant.

Certains chercheurs parviennent encore à recueillir des données passées en étudiant les sédiments. Cela ne pourrait-il pas être utile ?

PD : Oui, nous disposons d’énormes archives sédimentaires. Mais le problème est que dans le cas des échelles de temps que nous étudions, toute indication de points de basculement sera effacée. La résolution temporelle de ces enregistrements n’est tout simplement pas assez bonne.

Mais il serait évidemment incroyable que quelqu’un invente de nouveaux types de données paléo-climatiques. De temps en temps, on trouve des stalagmites et des stalactites qui semblent pouvoir être utilisées… Je pense qu’en fait ce dont nous avons vraiment besoin aujourd’hui, c’est que des jeunes chercheurs intelligents et ouverts d’esprit viennent nous rejoindre et essaient de nouvelles choses folles que les anciens pensaient impossibles.

Climat-Paris, une des villes les plus chaudes en Europe

Climat-Paris, une des villes les plus chaudes en Europe

par
Marianne Cohen
Professeure des universités en Géographie, Sorbonne Université

Laurence Eymard
Directrice de recherche CNRS émérite, chercheuse dans le domaine du climat et de l’environnement, Sorbonne Université

Romain Courault
Maître de conférences en Géographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Serge Muller
Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
dans The Conversation

En compilant des données sur plus de 800 villes européennes, une récente étude scientifique a estimé que Paris était une des villes d’Europe les plus meurtrières en cas de canicule.

Pour comprendre pourquoi, il faut se pencher sur la notion d’îlot de chaleur urbain (ICU). Un phénomène bien connu des météorologues et qui exacerbe l’augmentation locale des températures avec la multiplication des pics de chaleur en période estivale.

Or toujours selon cette étude parue dans le Lancet Planetary Earth 90 % des Parisiens étaient exposés à un îlot de chaleur urbain de forte intensité (entre 3 et 6 °C de différence) et 10 % à un îlot de chaleur urbain de très forte intensité (plus de 6 °C de différence) en 2021.

Les villes ont d’abord été construites pour protéger leurs habitants avant d’intégrer des objectifs hygiénistes. Plus récemment, le pétrole bon marché et la voiture individuelle ont favorisé la mise en place de politiques familiales et d’aménagement facilitant l’étalement urbain.

À Paris, on qualifie de canicule un épisode d’au moins 3 jours consécutifs où les températures maximales dépassent 31 °C et les températures minimales 21 °C. Celle de 2003 a constitué un évènement extrême qui a suscité une prise de conscience européenne, vu son ampleur géographique et son impact sanitaire. Depuis, les canicules se succèdent et vont encore s’amplifier d’ici à 2050, sans réelle mise en débat politique des modèles d’urbanisation sauf exception.

Les vagues de chaleur représentent pourtant un danger direct pour la santé des populations, et affectent particulièrement des quartiers déjà vulnérables. Tâchons donc de comprendre d’abord pourquoi l’effet d’îlot de chaleur urbain est particulièrement néfaste en Île-de-France, avant de voir comment nous pourrions y remédier.

Toutes les surfaces artificielles génèrent de la chaleur en excédent, la température moyenne en ville étant supérieure de quelques dixièmes de degrés (bourg de petite taille) à plusieurs degrés (métropole) par rapport à celle de la campagne environnante. Par exemple, un écart de 4 °C a été observé entre le centre de Paris et les bois périphériques lors de la canicule de 2003.

Pour comprendre pourquoi, plusieurs facteurs sont à prendre en compte.

L’ICU augmente avec :

La chaleur due aux activités humaines (combustion, climatiseurs, chauffage, serveurs…).

La nature et la couleur des matériaux : béton, asphalte, tuiles et autres matériaux minéraux et synthétiques sombres qui absorbent l’énergie solaire le jour, et la réémettent la nuit (rayonnement thermique).

La hauteur et l’espacement entre les bâtiments : une forte densité de bâti piège l’air chaud et limite le refroidissement des surfaces et des murs. Les immeubles de haute taille et les extensions horizontales de la métropole provoquent un ralentissement aérodynamique, limitant l’évacuation de la chaleur.

À l’inverse, les facteurs d’atténuation sont :

Les sols naturels, la végétation et l’eau : un sol constitué de gravillons contient des poches d’air (isolantes), qui limitent l’absorption de chaleur et sa couleur claire réfléchit le rayonnement solaire. L’eau a, elle, un fort pouvoir rafraichissant, grâce à l’évaporation en surface. La végétation en bonne santé joue le même rôle, par sa transpiration. Elle peut se développer dans tous les interstices du bâti, plus facilement et durablement que des nappes d’eau.

L’ombre : les sols ombragés par les bâtiments riverains, des ombrières (structures destinées à fournir de l’ombre) ou par des arbres de haute taille accumulent moins de chaleur.

Les sols, murs et toits clairs réfléchissant la lumière du soleil. Ils emmagasinent donc moins de rayonnement que les matériaux sombres. En revanche, la réflexion du soleil peut aggraver la chaleur de l’air à proximité de la surface dans la journée.

Localement, les surfaces chaudes provoquent une dépression atmosphérique, qui favorise la circulation de l’air venant des périphéries plus fraîches (brise thermique nocturne.

De même, le relief favorise pendant la nuit la circulation de l’air vers le bas des pentes.

Les différents paramètres énoncés ci-dessus font que la Métropole du Grand Paris (MGP) présente un très fort îlot de chaleur urbain. Le tissu urbain continu autour de Paris intra muros aggrave encore plus cette situation.

Dans les quartiers périphériques où habitent les ménages les plus modestes, le bâti est mêlé à des zones industrielles et commerciales, et les températures diurnes atteignent des valeurs extrêmes dues à des revêtements imperméables et sombres prépondérants.

Au contraire, à l’ouest de Paris et dans la boucle de la Marne où vivent les ménages les plus aisés, les températures sont moindres, soit proches de la moyenne, soit plus fraîches, du fait de l’extension de zones pavillonnaires avec jardins, souvent situées à proximité de grands espaces verts.

La circulation de l’air y est également favorisée par les couloirs de fraîcheur rentrant dans la ville (air le long de la vallée de la Seine, ou venant des forêts proches sur les plateaux au Sud-Ouest). Inversement, la circulation de l’air est freinée dans le cœur de ville, dans les quartiers nord et de proches banlieues denses, par la minéralité et la hauteur des bâtiments (dont beaucoup d’immeubles sur dalle).

Certains modèles d’urbanisme, comme les cités-jardins ou les ceintures vertes, alternatives impulsées au tournant du XXe siècle pourraient être des sources d’inspiration, grâce à des surfaces plus importantes de végétation arborée, sols perméables, rivières et étangs pérennes, contribuant aussi au bien-être des habitants.

La cité jardin de Payret-Dortail au Plessis-Robinson : construite dans les années 1920, elle mêle petits collectifs et pavillons, séparés par des jardins et des rues arborées. Laurence Eymard, Fourni par l’auteur
C’est le cas pour le Grand Londres, qui en plus d’être bordé de zones humides et de grands réservoirs d’eau jouit de grands parcs et d’un réseau hydrographique accentuant la fraîcheur maritime. Du fait de son urbanisme moins dense et de sa situation légèrement plus septentrionale le Grand Londres connaît des températures bien moindres que le Grand Paris.

Comme le Grand Paris est déjà largement construit, il s’agit ici de proposer avant tout des solutions d’adaptation et d’atténuation aux canicules et autres extrêmes climatiques, le tout sans aggraver les inégalités existantes.

Un urbanisme à repenser face au changement climatique

Densifier encore fortement le tissu urbain, comme le prévoit le schéma directeur de l’Île-de-France aura pour effet d’augmenter la superficie du dôme de l’îlot de chaleur urbain, et exacerbera très probablement son intensité maximale au centre, étant donné que la circulation de l’air risque d’être bloquée en périphérie. Comme les Parisiens ont pu le vivre, notamment en 2022, le centre de la métropole deviendra invivable en période chaude. Cela conduira à une aggravation des inégalités sociales, sans résoudre les problèmes structurels de l’Île-de-France, puisque la seule issue des ménages est de partir en périphérie voire en province pour les plus chanceux.

Afin de garantir une qualité de vie satisfaisante sans accroître sa superficie et ses disparités sociales et spatiales, la piste la plus prometteuse est donc d’exploiter les sources internes de rafraîchissement et d’optimiser la circulation de l’air à toutes les échelles.

Ce qu’il faut préserver et améliorer
Les arbres existants, qu’ils soient implantés dans des espaces verts, le long d’alignements, ou dans des cités-jardins, de même que les zones perméables non recouvertes de bitume, les terrains de sport non recouverts de revêtements synthétiques, doivent être préservés, multipliés et étendus.

Le jardin du Trocadéro (Paris 16ᵉ), un espace vert à couvert végétal diversifié. Serge Muller, Fourni par l’auteur
Les zones agricoles situées à l’extérieur de la Métropole du Grand Paris pour la plupart (ex. Plateau de Saclay, Triangle de Gonesse), doivent aussi être conservées ou préservées, car les sols y sont perméables et relativement frais (hors longue période de sécheresse). À l’échelle du territoire, il est indispensable de conserver les zones de faible densité urbaine, car elles apportent une surface de sol naturel intéressante (jardins individuels ou de petits groupes d’immeubles), et un potentiel de circulation de l’air par la faible hauteur de bâti.

C’est pourtant l’inverse qui se produit dans la Métropole du Grand Paris. Les cités-jardins, du fait du vieillissement du bâti, sont menacées de destruction, alors qu’elles devraient être réhabilitées et classées, car ce modèle d’urbanisme est pertinent à la fois d’un point de vue social et bioclimatique. Les nouvelles constructions dans d’anciennes zones pavillonnaires classées comme des îlots d’habitats dans le Mode d’Occupation des Sols (Inventaire numérique de l’occupation des sols en Île-de-France établi par l’Institut Paris Région) occupent l’essentiel du terrain, les jardins étant détruits. La multiplication des infrastructures souterraines limite également les possibilités de végétalisation. Les aménagements pour les Jeux olympiques et paralympiques sont à cet égard insuffisamment vertueux.

Les projets urbains en cours de réalisation pour cette échéance ont été conçus il y a dix ans à une époque d’insouciance aujourd’hui révolue. En témoigne la récente remise à jour du Schéma directeur de la Région Île-de-France. Ces projets devraient ainsi être amendés pour réduire l’impact des vagues de chaleur (notamment prohiber les revêtements sombres des immeubles (murs, volets et toits), favoriser la circulation de l’air dans les appartements, isoler les murs par l’extérieur, espacer les immeubles et les entourer de jardins arborés de pleine terre. De même, les projections de croissance démographique et de besoins en logements de la Métropole du Grand Paris devraient être réactualisées à l’aune de l’ère post-pandémie de Covid-19, qui les a réduites.

Végétaliser certes, mais comment ?
La Métropole du Grand Paris est particulièrement dépourvue en végétation arborée, comme le montre la carte de l’Atelier parisien d’Urbanisme, mise à jour en 2021. Des compléments de plantations d’arbres sont donc hautement souhaitables, dans tous les espaces appropriés. Ces plantations devront être adaptées aux conditions climatiques des prochaines décennies. Elles pourront prendre des formes différentes et complémentaires en fonction des espaces :

Multiplication des plantations d’essences variées et adaptées le long des avenues afin d’accroître l’ombrage des chaussées et trottoirs, de constituer des corridors favorables à la circulation de la biodiversité et de favoriser des voitures moins climatisées. À l’origine, les plantations sur les grands boulevards ont été dominées par un petit nombre d’espèces. Sur 1900 arbres des Champs-Élysées, par exemple, 900 environ sont des marronniers et 560 des platanes. Ce type de monoculture n’est clairement pas à favoriser, de par le caractère d’adaptation limité de ces espèces face au dérèglement climatique, du danger que court une plantation avec seulement quelques espèces face à d’éventuelles menaces pathogènes et de la pauvreté de ce type de plantation pour la biodiversité.

Création et/ou extension de nouveaux parcs, jardins et squares urbains, sur le modèle multifonctionnel des parcs haussmanniens de Paris constituant des espaces de récréation (et de refuge, même nocturne lors des épisodes de canicules) pour les populations.

Accroissement de la végétalisation (avec l’inclusion de végétaux arbustifs et herbacés) sur les places minéralisées de la métropole, sur le modèle des plantations d’arbres réalisées à la place de la Comédie de Montpellier ou à la place de la gare de Strasbourg.

Maintien de friches spontanées, à l’image de celles qui se sont développées en bordure de la « petite ceinture parisienne ».

Création de nouvelles forêts ou de bosquets denses urbains, constituant des îlots de fraîcheur, à l’exemple des « micro-forêts Miyawaki » (de l’ordre de quelques centaines de m2) ou de projets sur des surfaces plus conséquentes (de l’ordre de l’hectare) comme celle en cours de réalisation de la place de Catalogne à Paris.

Ensemble végétal structuré avec strates arborescente, arbustive et herbacée, rue Vercingétorix (Paris 14ᵉ). Serge Muller, Fourni par l’auteur
L’ensemble de ces formations végétales, complémentaires et adaptées à chaque situation locale, contribuera à accroître l’indice global de canopée de la Métropole du Grand Paris et à tendre vers une réelle « forêt urbaine » qui constitue la meilleure adaptation possible des villes aux canicules à venir.

Il est aussi important, à l’échelle régionale, de relier ces zones végétalisées par des corridors de fraîcheur, orientés de façon à optimiser la circulation des brises dominantes arrivant des zones agricoles, forestières ou humides plus fraîches situées en périphérie.

Climat-Environnement: Pourquoi il faut fuir les villes ?

Climat-Environnement: Pourquoi il faut fuir les villes

par
Guillaume Faburel
Professeur, chercheur à l’UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2 dans The Conversation

Notons par ailleurs que cet extrait ne traite pas des questions d’insécurité ou encore de bruit. NDLR

Vider les villes ? Voilà bien a priori une hérésie. La ville, c’est le progrès et l’émancipation. Tous les grands moments de notre civilisation y sont chevillés, des cités-États aux villes-monde et métropoles d’aujourd’hui. Pourquoi diable vouloir les vider ? Simplement parce que tous les mois à travers le monde l’équivalent d’une ville comme New York sort de terre. À moins de croire dans le solutionnisme technologique et le durabilisme des transitions, il est temps de rouvrir une option envisagée dès les années 1970 : la désurbanisation de nos sociétés. Voici peut-être l’unique solution face à la dévastation écologique. Un seul « s » sépare demeure et démesure, celui de notre propre survie. Aujourd’hui, 58 % de la population mondiale est urbaine, soit près de 4,4 milliards d’habitants (dont presque 40 % résidant aux États-Unis, en Europe et en Chine), contre 751 millions en 1950. Cette proportion est même annoncée à 70 % en 2050 par l’Organisation des Nations unies (ONU).

[…]

Avec plus de vingt millions d’habitants, Mumbaï a vu sa superficie bâtie presque doubler entre 1991 et 2018, perdant ainsi 40 % de son couvert végétal. Dhaka, dont la population de l’agglomération excède aussi vingt millions d’habitants, a vu disparaître 55 % des zones cultivées, 47 % des zones humides et 38 % du couvert végétal entre 1960 et 2005. Pendant que la superficie bâtie augmentait de 134 %.

Plus près de nous, le Grand Paris est le chantier d’aménagement le plus important de l’histoire de la capitale depuis le Second Empire (XIXe siècle), avec pas moins de deux cents kilomètres de lignes de métro supplémentaires, cent soixante kilomètres de tunnels à percer, soixante-huit gares à construire, quatre-vingt mille logements par an à sortir de terre.

En France d’ailleurs, la population urbaine a augmenté de 20 % entre 1960 et 2018, pour officiellement dépasser les 80 % de la population hexagonale en 2020, ramenés toutefois à 67 % en ne tenant plus uniquement compte de l’influence des villes mais aussi de la taille des peuplements (critère de densité des constructions). Près de la moitié vit dans l’une des vingt-deux grandes villes (dont quatre millionnaires en nombre d’habitants), à ce jour officiellement dénommées métropoles. Et, depuis ces centres métropolitains jusqu’aux couronnes périurbaines, comme dans un bon tiers des périmètres de villes moyennes et d’inter-communalités (elles-mêmes grossissantes par volontarisme réglementaire), l’urbanisation croît deux fois plus vite en surface qu’en population (et même trois fois dans les années 1990, soit annuellement la taille de Marseille, un département tous les dix ans, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en cinquante ans).

La métropolisation du monde

Les foyers premiers ainsi que le modèle principal de cette croissance sont assurés par les grandes agglomérations, au premier chef les sept villes-monde (New York, Hongkong, Londres, Paris, Tokyo, Singapour et Séoul) et leurs épigones, cent vingt métropoles internationales. Elles représentent en cumul 12 % de la population mondiale pour 48 % du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il y a donc du capital à fixer et de la « richesse » à produire… À condition de continuer à grossir. Tokyo a déjà un PIB supérieur à celui du Canada, Paris à celui de la Suisse…

Engagée depuis une quarantaine d’années dans les pays occidentaux, la métropolisation représente le stade néolibéral de l’économie mondialisée : polarisation urbaine des nouvelles activités dites postindustrielles et conversion rapide des pouvoirs métropolitains aux logiques de firme marchande.

Elle incarne l’avantage acquis ces dernières décennies par les grandes villes : articulation des fonctions de commandement (ex : directions d’entreprises) et de communication (ex : aéroports, interconnexions ferroviaires, etc.), polarisation des marchés financiers (ex : places boursières et organismes bancaires), des marchés d’emplois de « haut niveau » – que l’Insee qualifie de métropolitains depuis 2002 (conception-recherche et prestations intellectuelles, commerce interentreprises et gestion managériale, culture et loisirs) ou encore de marchés segmentés de consommation (tourisme, art, technologies…).

[…]

Or, occupant seulement 2 % de la surface de la Terre, le fait urbain décrit produit 70 % des déchets, émet 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), consomme 78 % de l’énergie et émet plus 90 % de l’ensemble des polluants émis dans l’air pour, souvenons-nous, 58 % de la population mondiale.

Pour les seuls GES, vingt-cinq des cent soixante-sept plus grandes villes du monde sont responsables de près de la moitié des émissions urbaines de CO2 – la fabrication du ciment représentant près de 10 % des émissions mondiales, en augmentation de 80 % en dix ans. À ce jour, 40 % de la population urbaine mondiale vit dans des villes où l’exposition à la chaleur extrême a triplé sur les trente-cinq dernières années.

Plusieurs mégapoles s’enfoncent annuellement de plusieurs centimètres sous le poids de la densité des matériaux de construction et du pompage des nappes phréatiques (Mexico, Téhéran, Nairobi, Djakarta…). La prévalence des maladies dites de civilisation est nettement plus importante dans les grandes villes, responsables de quarante et un millions de décès annuels à travers le monde (cancers, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, diabète et obésité, troubles psychiques et maladies mentales).

Enfin, selon le Fonds monétaire international, à l’horizon de la fin du siècle, 74 % de la population mondiale (annoncée en 2100 urbaine à 80 %) vivra des canicules mortelles plus de vingt jours par an. Un point de comparaison : la canicule de 2003 en France, 15 000 morts, en dix-huit jours. D’ailleurs, en France, les pollutions atmosphériques des grandes villes sont responsables de 50 000 morts annuellement.

Le secteur du bâtiment-travaux publics (BTP), toutes constructions confondues (mais à 90 % dans les aires définies comme urbaines), représente 46 % de la consommation énergétique, 40 % de notre production de déchets et 25 % des émissions de GES. L’autonomie alimentaire des cent premières villes est de trois jours (98 % d’alimentation importée) et Paris, par tous ses hectares nécessaires, a une empreinte écologique trois cent treize fois plus lourde que sa propre superficie.

[…]

Si l’on croise les données de nos impacts écologiques avec celles des limites planétaires, on constate que l’empreinte moyenne de chaque Français va devoir être divisée par quatre à six pour prétendre à la neutralité carbone à horizon de 2050. Pour ce faire, loin du technosolutionnisme ambiant et du durabilisme du verdissement, l’autonomie, comprise comme autosubsistance et autogestion, est le seul moyen de se figurer l’ensemble de nos pressions et de les contenir par l’autodétermination des besoins, au plus près des ressources et de leurs écosystèmes. Ceci, sans pour autant négliger nos interdépendances sociales et quelques-unes de nos libertés.

Or pour faire autonomie, toute ville devrait produire 100 % de son énergie, qui plus est renouvelable (or, à ce jour, Lyon, Bordeaux ou Rennes n’en produisent par exemple que 7 % à 8 % , non renouvelables), remettre en pleine terre entre 50 % et 60 % des sols pour la production vivrière et le respect du cycle de l’eau (à ce jour, entre 1 % et 1,5 % dans les villes labellisées Métropoles françaises), ou encore restituer aux écosystèmes au moins 15 % des sols urbanisés pour la biodiversité. Tout ceci est infaisable morphologiquement et, quoi qu’il en soit, impensable dans le cadre d’une ville devenue médiation première du capital.

Nous n’avons en fait pas d’autre choix que de nous affranchir des grandes centralités et de leurs polarités, comme certains espaces périurbains commencent à le faire ; en déconcentrant et en relocalisant, en décentralisant, sans omettre de décoloniser quelques habitudes et modes de vie.

Mais comment passer de l’ère de taire l’inconséquence de nos écologies urbaines à l’âge du faire des géographies posturbaines, sans pour autant rétrécir la société par le jeu des identités et le retour de quelques barbelés ? Quelles sont les conditions d’une désurbanisation sans perte d’altérité, et sans oublier cette fois la communauté biotique ?

Bientôt, le débranchement urbain ?

Cette autre géographie est d’ores et déjà en construction, à bas bruit. Les espaces plus ouverts, ceux des campagnes, offrent d’autres possibilités, sous condition de révision de quelques comportements, particulièrement ceux liés à nos mobilités, connectivités et divertissements. En France, cela correspond au foisonnement d’alternatives au sein des espaces dessinés par les treize mille petites villes et petites villes de proximité, bourgs et villages centre, auxquels il faut ajouter les milliers d’autres villages, hameaux et lieux-dit : néoruralités qui connaissent leur septième vague d’installation, néopaysanneries dynamiques, zones à défendre, communautés existentielles/intentionnelles, écolieux et fermes sociales…

Permaculture et autosubsistance vivrière, chantiers participatifs et autoconstruction bioclimatique, épiceries sociales ambulantes et médiathèques villageoises itinérantes, fêtes locales et savoirs vernaculaires… sont clairement ici en ligne de mire. Et l’on pourrait imaginer des foires locales aux logements, puisque près de trois millions sont vacants dans les périphéries, alors que ce secteur est prétendument en crise. Et, toute cette effervescence ne concerne pas moins de 30 % du territoire hexagonal.

Là serait la raison du débranchement urbain : cesser d’être les agents involontaires des méga-machines urbaines en recouvrant de la puissance d’agir, non plus pour faire masse contre la nature mais pour faire corps avec le vivant. Le triptyque habiter la terre, coopérer par le faire, autogérer de manière solidaire peut constituer la matrice d’une société écologique posturbaine. À condition de vider les villes, les grandes, et de cheminer enfin vers le suffisant.

Climat-Paris, une des villes les plus chaudes en Europe

Climat-Paris, une des villes les plus chaudes en Europe

par
Marianne Cohen
Professeure des universités en Géographie, Sorbonne Université

Laurence Eymard
Directrice de recherche CNRS émérite, chercheuse dans le domaine du climat et de l’environnement, Sorbonne Université

Romain Courault
Maître de conférences en Géographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Serge Muller
Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
dans The Conversation

En compilant des données sur plus de 800 villes européennes, une récente étude scientifique a estimé que Paris était une des villes d’Europe les plus meurtrières en cas de canicule.

Pour comprendre pourquoi, il faut se pencher sur la notion d’îlot de chaleur urbain (ICU). Un phénomène bien connu des météorologues et qui exacerbe l’augmentation locale des températures avec la multiplication des pics de chaleur en période estivale.

Or toujours selon cette étude parue dans le Lancet Planetary Earth 90 % des Parisiens étaient exposés à un îlot de chaleur urbain de forte intensité (entre 3 et 6 °C de différence) et 10 % à un îlot de chaleur urbain de très forte intensité (plus de 6 °C de différence) en 2021.

Les villes ont d’abord été construites pour protéger leurs habitants avant d’intégrer des objectifs hygiénistes. Plus récemment, le pétrole bon marché et la voiture individuelle ont favorisé la mise en place de politiques familiales et d’aménagement facilitant l’étalement urbain.

À Paris, on qualifie de canicule un épisode d’au moins 3 jours consécutifs où les températures maximales dépassent 31 °C et les températures minimales 21 °C. Celle de 2003 a constitué un évènement extrême qui a suscité une prise de conscience européenne, vu son ampleur géographique et son impact sanitaire. Depuis, les canicules se succèdent et vont encore s’amplifier d’ici à 2050, sans réelle mise en débat politique des modèles d’urbanisation sauf exception.

Les vagues de chaleur représentent pourtant un danger direct pour la santé des populations, et affectent particulièrement des quartiers déjà vulnérables. Tâchons donc de comprendre d’abord pourquoi l’effet d’îlot de chaleur urbain est particulièrement néfaste en Île-de-France, avant de voir comment nous pourrions y remédier.

Toutes les surfaces artificielles génèrent de la chaleur en excédent, la température moyenne en ville étant supérieure de quelques dixièmes de degrés (bourg de petite taille) à plusieurs degrés (métropole) par rapport à celle de la campagne environnante. Par exemple, un écart de 4 °C a été observé entre le centre de Paris et les bois périphériques lors de la canicule de 2003.

Pour comprendre pourquoi, plusieurs facteurs sont à prendre en compte.

L’ICU augmente avec :

La chaleur due aux activités humaines (combustion, climatiseurs, chauffage, serveurs…).

La nature et la couleur des matériaux : béton, asphalte, tuiles et autres matériaux minéraux et synthétiques sombres qui absorbent l’énergie solaire le jour, et la réémettent la nuit (rayonnement thermique).

La hauteur et l’espacement entre les bâtiments : une forte densité de bâti piège l’air chaud et limite le refroidissement des surfaces et des murs. Les immeubles de haute taille et les extensions horizontales de la métropole provoquent un ralentissement aérodynamique, limitant l’évacuation de la chaleur.

À l’inverse, les facteurs d’atténuation sont :

Les sols naturels, la végétation et l’eau : un sol constitué de gravillons contient des poches d’air (isolantes), qui limitent l’absorption de chaleur et sa couleur claire réfléchit le rayonnement solaire. L’eau a, elle, un fort pouvoir rafraichissant, grâce à l’évaporation en surface. La végétation en bonne santé joue le même rôle, par sa transpiration. Elle peut se développer dans tous les interstices du bâti, plus facilement et durablement que des nappes d’eau.

L’ombre : les sols ombragés par les bâtiments riverains, des ombrières (structures destinées à fournir de l’ombre) ou par des arbres de haute taille accumulent moins de chaleur.

Les sols, murs et toits clairs réfléchissant la lumière du soleil. Ils emmagasinent donc moins de rayonnement que les matériaux sombres. En revanche, la réflexion du soleil peut aggraver la chaleur de l’air à proximité de la surface dans la journée.

Localement, les surfaces chaudes provoquent une dépression atmosphérique, qui favorise la circulation de l’air venant des périphéries plus fraîches (brise thermique nocturne.

De même, le relief favorise pendant la nuit la circulation de l’air vers le bas des pentes.

Les différents paramètres énoncés ci-dessus font que la Métropole du Grand Paris (MGP) présente un très fort îlot de chaleur urbain. Le tissu urbain continu autour de Paris intra muros aggrave encore plus cette situation.

Dans les quartiers périphériques où habitent les ménages les plus modestes, le bâti est mêlé à des zones industrielles et commerciales, et les températures diurnes atteignent des valeurs extrêmes dues à des revêtements imperméables et sombres prépondérants.

Au contraire, à l’ouest de Paris et dans la boucle de la Marne où vivent les ménages les plus aisés, les températures sont moindres, soit proches de la moyenne, soit plus fraîches, du fait de l’extension de zones pavillonnaires avec jardins, souvent situées à proximité de grands espaces verts.

La circulation de l’air y est également favorisée par les couloirs de fraîcheur rentrant dans la ville (air le long de la vallée de la Seine, ou venant des forêts proches sur les plateaux au Sud-Ouest). Inversement, la circulation de l’air est freinée dans le cœur de ville, dans les quartiers nord et de proches banlieues denses, par la minéralité et la hauteur des bâtiments (dont beaucoup d’immeubles sur dalle).

Certains modèles d’urbanisme, comme les cités-jardins ou les ceintures vertes, alternatives impulsées au tournant du XXe siècle pourraient être des sources d’inspiration, grâce à des surfaces plus importantes de végétation arborée, sols perméables, rivières et étangs pérennes, contribuant aussi au bien-être des habitants.

La cité jardin de Payret-Dortail au Plessis-Robinson : construite dans les années 1920, elle mêle petits collectifs et pavillons, séparés par des jardins et des rues arborées. Laurence Eymard, Fourni par l’auteur
C’est le cas pour le Grand Londres, qui en plus d’être bordé de zones humides et de grands réservoirs d’eau jouit de grands parcs et d’un réseau hydrographique accentuant la fraîcheur maritime. Du fait de son urbanisme moins dense et de sa situation légèrement plus septentrionale le Grand Londres connaît des températures bien moindres que le Grand Paris.

Comme le Grand Paris est déjà largement construit, il s’agit ici de proposer avant tout des solutions d’adaptation et d’atténuation aux canicules et autres extrêmes climatiques, le tout sans aggraver les inégalités existantes.

Un urbanisme à repenser face au changement climatique

Densifier encore fortement le tissu urbain, comme le prévoit le schéma directeur de l’Île-de-France aura pour effet d’augmenter la superficie du dôme de l’îlot de chaleur urbain, et exacerbera très probablement son intensité maximale au centre, étant donné que la circulation de l’air risque d’être bloquée en périphérie. Comme les Parisiens ont pu le vivre, notamment en 2022, le centre de la métropole deviendra invivable en période chaude. Cela conduira à une aggravation des inégalités sociales, sans résoudre les problèmes structurels de l’Île-de-France, puisque la seule issue des ménages est de partir en périphérie voire en province pour les plus chanceux.

Afin de garantir une qualité de vie satisfaisante sans accroître sa superficie et ses disparités sociales et spatiales, la piste la plus prometteuse est donc d’exploiter les sources internes de rafraîchissement et d’optimiser la circulation de l’air à toutes les échelles.

Ce qu’il faut préserver et améliorer
Les arbres existants, qu’ils soient implantés dans des espaces verts, le long d’alignements, ou dans des cités-jardins, de même que les zones perméables non recouvertes de bitume, les terrains de sport non recouverts de revêtements synthétiques, doivent être préservés, multipliés et étendus.

Le jardin du Trocadéro (Paris 16ᵉ), un espace vert à couvert végétal diversifié. Serge Muller, Fourni par l’auteur
Les zones agricoles situées à l’extérieur de la Métropole du Grand Paris pour la plupart (ex. Plateau de Saclay, Triangle de Gonesse), doivent aussi être conservées ou préservées, car les sols y sont perméables et relativement frais (hors longue période de sécheresse). À l’échelle du territoire, il est indispensable de conserver les zones de faible densité urbaine, car elles apportent une surface de sol naturel intéressante (jardins individuels ou de petits groupes d’immeubles), et un potentiel de circulation de l’air par la faible hauteur de bâti.

C’est pourtant l’inverse qui se produit dans la Métropole du Grand Paris. Les cités-jardins, du fait du vieillissement du bâti, sont menacées de destruction, alors qu’elles devraient être réhabilitées et classées, car ce modèle d’urbanisme est pertinent à la fois d’un point de vue social et bioclimatique. Les nouvelles constructions dans d’anciennes zones pavillonnaires classées comme des îlots d’habitats dans le Mode d’Occupation des Sols (Inventaire numérique de l’occupation des sols en Île-de-France établi par l’Institut Paris Région) occupent l’essentiel du terrain, les jardins étant détruits. La multiplication des infrastructures souterraines limite également les possibilités de végétalisation. Les aménagements pour les Jeux olympiques et paralympiques sont à cet égard insuffisamment vertueux.

Les projets urbains en cours de réalisation pour cette échéance ont été conçus il y a dix ans à une époque d’insouciance aujourd’hui révolue. En témoigne la récente remise à jour du Schéma directeur de la Région Île-de-France. Ces projets devraient ainsi être amendés pour réduire l’impact des vagues de chaleur (notamment prohiber les revêtements sombres des immeubles (murs, volets et toits), favoriser la circulation de l’air dans les appartements, isoler les murs par l’extérieur, espacer les immeubles et les entourer de jardins arborés de pleine terre. De même, les projections de croissance démographique et de besoins en logements de la Métropole du Grand Paris devraient être réactualisées à l’aune de l’ère post-pandémie de Covid-19, qui les a réduites.

Végétaliser certes, mais comment ?
La Métropole du Grand Paris est particulièrement dépourvue en végétation arborée, comme le montre la carte de l’Atelier parisien d’Urbanisme, mise à jour en 2021. Des compléments de plantations d’arbres sont donc hautement souhaitables, dans tous les espaces appropriés. Ces plantations devront être adaptées aux conditions climatiques des prochaines décennies. Elles pourront prendre des formes différentes et complémentaires en fonction des espaces :

Multiplication des plantations d’essences variées et adaptées le long des avenues afin d’accroître l’ombrage des chaussées et trottoirs, de constituer des corridors favorables à la circulation de la biodiversité et de favoriser des voitures moins climatisées. À l’origine, les plantations sur les grands boulevards ont été dominées par un petit nombre d’espèces. Sur 1900 arbres des Champs-Élysées, par exemple, 900 environ sont des marronniers et 560 des platanes. Ce type de monoculture n’est clairement pas à favoriser, de par le caractère d’adaptation limité de ces espèces face au dérèglement climatique, du danger que court une plantation avec seulement quelques espèces face à d’éventuelles menaces pathogènes et de la pauvreté de ce type de plantation pour la biodiversité.

Création et/ou extension de nouveaux parcs, jardins et squares urbains, sur le modèle multifonctionnel des parcs haussmanniens de Paris constituant des espaces de récréation (et de refuge, même nocturne lors des épisodes de canicules) pour les populations.

Accroissement de la végétalisation (avec l’inclusion de végétaux arbustifs et herbacés) sur les places minéralisées de la métropole, sur le modèle des plantations d’arbres réalisées à la place de la Comédie de Montpellier ou à la place de la gare de Strasbourg.

Maintien de friches spontanées, à l’image de celles qui se sont développées en bordure de la « petite ceinture parisienne ».

Création de nouvelles forêts ou de bosquets denses urbains, constituant des îlots de fraîcheur, à l’exemple des « micro-forêts Miyawaki » (de l’ordre de quelques centaines de m2) ou de projets sur des surfaces plus conséquentes (de l’ordre de l’hectare) comme celle en cours de réalisation de la place de Catalogne à Paris.

Ensemble végétal structuré avec strates arborescente, arbustive et herbacée, rue Vercingétorix (Paris 14ᵉ). Serge Muller, Fourni par l’auteur
L’ensemble de ces formations végétales, complémentaires et adaptées à chaque situation locale, contribuera à accroître l’indice global de canopée de la Métropole du Grand Paris et à tendre vers une réelle « forêt urbaine » qui constitue la meilleure adaptation possible des villes aux canicules à venir.

Il est aussi important, à l’échelle régionale, de relier ces zones végétalisées par des corridors de fraîcheur, orientés de façon à optimiser la circulation des brises dominantes arrivant des zones agricoles, forestières ou humides plus fraîches situées en périphérie.

Climat-Régions menacées par les températures extrêmes

Climat-Régions menacées par les températures extrêmes

par
Nicholas Leach
Postdoctoral Researcher, Climate Science, University of Oxford dans the Conversation


Au cours de l’été de 2021, le Canada a vu son record historique de chaleur être pulvérisé de près de 5 °C. Cette température maximale était alors de 49,6 °C. Plus chaud que celles jamais enregistrées en Espagne, en Turquie ou même n’importe où en Europe à l’époque. Ce record canadien a été établi à Lytton, un petit village situé à quelques heures de route de Vancouver, dans une région où l’on ne s’attendait pas vraiment à subir de telles températures.

Lytton a pourtant connu le point culminant d’une vague de chaleur qui a frappé tout le littoral pacifique nord-ouest des États-Unis et du Canada cet été-là et qui a laissé de nombreux scientifiques sous le choc. D’un point de vue purement statistique, cela aurait dû être impossible.

Je fais partie d’une équipe de climatologues qui a cherché à savoir si cette invraisemblable vague de chaleur était unique, ou si d’autres régions avaient connu des événements aussi anormaux d’un point de vue statistique. Nous voulions également déterminer les régions les plus exposées à l’avenir et nos résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.

Suivre ces vagues de chaleur exceptionnelles est capital. D’abord parce qu’elles sont dangereuses en elles-mêmes, mais aussi parce que les pays ont tendance à ne se préparer qu’aux températures retenues comme les plus extrêmes dans la mémoire collective. Une vague de chaleur sans précédent génère donc souvent des réponses politiques visant à réduire les risques futurs de canicule.

On estime par exemple que la canicule européenne de 2003, pendant laquelle le thermomètre a atteint 47,4 °C à Alentejo au sud du Portugal et 44,1 °C dans le Gard, en France, a causé 50 000 à 70 000 décès. Bien qu’il y ait eu des vagues de chaleur plus intenses depuis en Europe, aucune n’a entraîné un nombre de décès aussi élevé, grâce aux plans de gestion mis en œuvre à la suite de l’année 2003.

L’une des questions les plus importantes à se poser lorsqu’on étudie ces vagues de chaleur extrême, comme celles qui sévit actuellement sur l’ensemble de la planète, est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant de connaître un autre événement d’une intensité similaire ?

C’est une question difficile mais heureusement, il existe une branche des statistiques, appelée théorie des valeurs extrêmes, qui permet de répondre à cette question précise en utilisant les événements passés.

Pourtant, la canicule qu’a subie le Canada en 2021 fait partie des nombreux événements récents qui ont remis en question cette méthode car cette vague de chaleur n’aurait pas dû être possible selon la théorie des valeurs extrêmes.

Cette « rupture » des statistiques est due au fait que la théorie conventionnelle des valeurs extrêmes ne tient pas compte de la combinaison spécifique de mécanismes physiques inédits que nous subissons désormais et qui était absente des événements passés archivés.

En examinant les données historiques de 1959 à 2021, nous avons constaté que 31 % de la surface terrestre avait déjà connu de telles chaleurs, statistiquement invraisemblables (bien que la vague de chaleur de l’Amérique du Nord de 2021 soit exceptionnelle même parmi ces événements). Ces régions sont réparties sur l’ensemble du globe, sans schéma spatial clair.

Une vague de chaleur exceptionnelle en septembre 2022 a fondre les calottes glaciaires du Groenland pendant un mois de plus que d’habitude. muratart/Shutterstock
Nous avons également tiré des conclusions similaires en analysant les données des « grands ensemble » produites par les modèles climatiques, qui impliquent de nombreuses simulations par ordinateurs du climat à l’échelle mondiale. Ces modélisations nous sont extrêmement utiles, car la durée effective de ce « registre historique » simulé est beaucoup plus grande et produit donc beaucoup plus d’exemples d’événements rares.

Cependant, si cette analyse des événements les plus exceptionnels est intéressante et met en garde contre l’utilisation d’approches purement statistiques pour évaluer les vagues de chaleur extrêmes, les conclusions les plus importantes de notre travail proviennent de l’autre extrémité du spectre : les régions qui n’ont pas connu d’événements particulièrement extrêmes.

Nous avons identifié un certain nombre de régions, là encore réparties sur l’ensemble du globe, qui n’ont pas connu de chaleur particulièrement extrême au cours des six dernières décennies (par rapport à leur climat « attendu »). Par conséquent, ces régions sont plus susceptibles de connaître un événement record dans un avenir proche. Et comme elles n’ont pas l’expérience d’une telle anomalie et qu’elles sont moins incitées à s’y préparer, elles peuvent être particulièrement touchées par une vague de chaleur record.

Les facteurs socio-économiques, notamment la taille de la population, la croissance démographique et le niveau de développement, exacerberont ces impacts. C’est pourquoi nous tenons compte des projections démographiques et de développement économique dans notre évaluation des régions les plus exposées au niveau mondial.

L’Amérique centrale n’a pas encore été touchée par une vague de chaleur vraiment sévère.
Ces régions à risque comprennent notamment l’Afghanistan, plusieurs pays d’Amérique centrale et l’Extrême-Orient russe. Cette liste peut surprendre, car ce ne sont pas les pays auxquels on pense généralement lorsqu’on évoque les effets du dérèglement climatique sur la chaleur extrême, comme l’Inde ou le golfe Persique. Mais ces derniers pays ont récemment connu de graves vagues de chaleur et font donc déjà ce qu’ils peuvent pour se préparer.

L’Europe centrale et plusieurs provinces chinoises, y compris la région de Pékin, semblent également vulnérables si l’on tient compte du caractère extrême des données et de la taille de la population, mais en tant que régions plus développées, elles sont susceptibles d’avoir déjà mis en place des plans visant à atténuer les effets graves.

Dans l’ensemble, nos travaux soulèvent deux points importants :

Premièrement, des vagues de chaleur statistiquement invraisemblables peuvent se produire n’importe où sur la Terre, et nous devons être très prudents lorsque nous utilisons les seules données historiques pour estimer la vague de chaleur « maximale » possible. Les décideurs politiques du monde entier doivent donc se préparer à des vagues de chaleur exceptionnelles qui seraient jugées invraisemblables sur la base des relevés actuels.

La deuxième raison est qu’il existe un certain nombre de régions dont le record historique n’est pas exceptionnel et donc plus susceptible d’être battu. Ces régions ont eu de la chance jusqu’à présent, mais elles risquent d’être moins bien préparées à une vague de chaleur sans précédent dans un avenir proche. Il donc est particulièrement important que ces régions anticipent des températures anormalement chaudes.

Climat etSanté -Progression des virus exotiques

Climat et Santé -Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Climat-Progression des virus exotiques

Climat-Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Climat- les graves conséquences du réchauffement des mers

Climat- les graves conséquences du réchauffement des mers

Depuis la mi-mars 2023, le mercure à la surface des océans grimpe à des niveaux inégalés en 40 ans de surveillance par satellite, et l’impact néfaste de cette surchauffe se ressent dans le monde entier.

par Annalisa Bracco
Professor of Ocean and Climate Dynamics, Georgia Institute of Technology dans the Conversation

La mer du Japon est plus chaude de 4 degrés Celsius par rapport à la moyenne. La mousson indienne, produit du fort contraste thermique entre les terres et les mers, a été bien plus tardive que prévu.

L’Espagne, la France, l’Angleterre et l’ensemble de la péninsule scandinave ont enregistré des niveaux de précipitations très inférieurs à la normale, probablement en raison d’une vague de chaleur marine exceptionnelle dans l’est de l’Atlantique Nord. Les températures à la surface de la mer y ont été supérieures à la moyenne de 1 à 3 °C depuis la côte africaine jusqu’à l’Islande.

Et sur le continent européen, la vague de chaleur est actuellement insoutenable, tandis que l’on bat tous les records.

Que se passe-t-il donc ?

El Niño est en partie responsable. Ce phénomène climatique, qui se développe actuellement dans l’océan Pacifique équatorial, se caractérise par des eaux chaudes dans le centre et l’est du Pacifique, ce qui atténue généralement l’alizé, un vent régulier des tropiques. Cet affaiblissement des vents peut affecter à son tour les océans et les terres du monde entier.

Mais d’autres forces agissent sur la température des océans.

À la base de tout, il y a le réchauffement climatique, et la hausse des températures à la surface des continents comme des océans depuis plusieurs décennies du fait des activités humaines augmentant les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Le graphique montre les températures de surface de la mer ces 22 dernières années. L’année 2023 est nettement supérieure aux années précédentes
Les températures de surface de la mer sont nettement supérieures à la moyenne depuis le début de la surveillance par satellite. La ligne noire épaisse correspond à 2023. La ligne orange correspond à 2022. La moyenne 1982-2011 correspond à la ligne médiane en pointillés. ClimateReanalyzer.org/NOAA
La planète sort également de trois années consécutives marquées par La Niña, le phénomène météorologique inverse d’El Niño, et donc caractérisé par des eaux plus froides qui remontent dans le Pacifique équatorial. La Niña a un effet refroidissant à l’échelle mondiale qui contribue à maintenir les températures de surface de la mer à un niveau raisonnable, mais qui peut aussi masquer le réchauffement climatique. Lorsque cet effet de refroidissement s’arrête, la chaleur devient alors de plus en plus évidente.

La banquise arctique était également anormalement basse en mai et au début du mois de juin, un autre facteur aggravant pour le mercure des océans. Car la fonte des glaces peut augmenter la température de l’eau, du fait des eaux profondes absorbant le rayonnement solaire que la glace blanche renvoyait jusque-là dans l’espace.

Tous ces phénomènes ont des effets cascades visibles dans le monde entier.

Les effets de la chaleur hors norme de l’Atlantique

Au début du mois de juin 2023, je me suis rendue pendant deux semaines au centre pour le climat NORCE à Bergen, en Norvège, pour y rencontrer d’autres océanographes. Les courants chauds et les vents anormalement doux de l’est de l’Atlantique Nord rendaient anormalement chaude cette période de l’année, où l’on voit normalement des pluies abondantes deux jours sur trois.

À lire aussi : Sécheresses historiques : que nous enseignent les archives ?

L’ensemble du secteur agricole norvégien se prépare désormais à une sécheresse aussi grave que celle de 2018, où les rendements ont été inférieurs de 40 % par rapport à la normale. Notre train de Bergen à Oslo a eu un retard de deux heures car les freins d’un wagon avaient surchauffé et que les températures de 32 °C à l’approche de la capitale étaient trop élevées pour leur permettre de refroidir.

De nombreux scientifiques ont émis des hypothèses sur les causes des températures anormalement élevées dans l’est de l’Atlantique Nord, et plusieurs études sont en cours.

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

L’affaiblissement des vents a rendu particulièrement faible l’anticyclone des Açores, un système de haute pression semi-permanent au-dessus de l’Atlantique qui influe sur les conditions météorologiques en Europe. De ce fait, il y avait moins de poussière du Sahara au-dessus de l’océan au printemps, aggravant ainsi potentiellement la quantité de rayonnement solaire sur l’eau. Autre facteur possible aggravrant la chaleur des océans : la diminution des émissions d’origine humaine d’aérosols (particules fines en suspension dans l’air) en Europe et aux États-Unis au cours des dernières années. Si cette baisse a permis d’améliorer la qualité de l’air, elle s’accompagne d’une réduction – encore peu documentée – de l’effet de refroidissement de ces aérosols.

Une mousson tardive en Asie du Sud

Dans l’océan Indien, El Niño a tendance à provoquer un réchauffement de l’eau en avril et en mai, ce qui peut freiner la mousson indienne dont l’importance est cruciale pour diverses activités.

C’est sans doute ce qui s’est passé avec une mousson beaucoup plus faible que la normale de la mi-mai à la mi-juin 2023. Ce phénomène risque de devenir un problème majeur pour une grande partie de l’Asie du Sud, où la plupart des cultures sont encore irriguées par les eaux de pluie et donc fortement dépendantes de la mousson d’été.

L’Inde a connu des températures étouffantes en mai et juin 2023. Shutterstock
L’océan Indien a également connu cette année un cyclone intense et lent dans la mer d’Oman, ce qui a privé les terres d’humidité et de précipitations pendant des semaines. Des études suggèrent que lorsque les eaux se réchauffent, les tempêtes ralentissent, gagnent en force et attirent ainsi l’humidité en leur cœur. Une série d’effets qui, à terme, peut priver d’eau les masses terrestres environnantes, et augmenter ainsi le risque de sécheresse, d’incendies de forêt comme de vagues de chaleur marines.

En Amérique la saison des ouragans en suspens
Dans l’Atlantique, l’affaiblissement des alizés dû à El Niño a tendance à freiner l’activité des ouragans, mais les températures chaudes de l’Atlantique peuvent contrebalancer cela en donnant un coup de fouet à ces tempêtes. Il reste donc à voir si, en persistant ou non l’automne, la chaleur océanique pourra l’emporter ou pas sur les effets d’El Niño.

Les vagues de chaleur marine peuvent également avoir des répercussions considérables sur les écosystèmes marins, en blanchissant les récifs coralliens et en provoquant ainsi la mort ou le déplacement des espèces entières qui y vivent. Or les poissons dépendant des écosystèmes coralliens nourrissent un milliard de personnes dans le monde.

Les récifs des îles Galápagos et ceux situés le long des côtes de la Colombie, du Panama et de l’Équateur, par exemple, sont déjà menacés de blanchiment et de disparition par le phénomène El Niño de cette année. Sous d’autres latitudes, en mer du Japon et en Méditerranée on constate également une perte de biodiversité au profit d’espèces invasives (les méduses géantes en Asie et les poissons-lions en Méditerranée) qui peuvent prospérer dans des eaux plus chaudes.

Ces types de risques augmentent

Le printemps 2023 a été hors norme, avec plusieurs événements météorologiques chaotiques accompagnant la formation d’El Niño et des températures exceptionnellement chaudes dans de nombreuses eaux du monde. Ce type de phénomènes et le réchauffement global des océans comme de l’atmosphère s’autoalimentent.

Pour diminuer ces risques, il faudrait mondialement réduire le réchauffement de base en limitant les émissions excessives de gaz à effet de serre, comme les combustibles fossiles, et évoluer vers une planète neutre en carbone. Les populations devront également s’adapter à un climat qui se réchauffe et dans lequel les événements extrêmes sont plus probables, et apprendre à en atténuer l’impact.

Climat juillet 2023: le plus chaud de la planète

Climat juillet 2023: le plus chaud de la planète


49°C en Tunisie, 48 °C en Algérie, en Sardaigne et en Grèce, 47°C en Sicile, et même 53°C dans la vallée de la mort en Californie… Après juin, ce mois de juillet aligne de (tristes) records de température. Selon une analyse de l’observatoire européen sur le changement climatique Copernicus publiée ce jeudi 27 juillet, il serait ainsi en passe de devenir le plus chaud jamais enregistré sur la planète.

juillet 2023 s’annonce comme le mois le plus chaud jamais enregistré, tous mois confondus. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le service européen sur le changement climatique Copernicus qualifient ce classement de « quasi certain », dans une déclaration publiée jeudi 27 juillet. Les données définitives seront disponibles le 8 août.

Le climatologue allemand Karsten Haustein, professeur à l’université de Leipzig, parle même de « certitude », à cinq jours de la fin du mois. « On est tellement au-dessus des courbes que, quoi qu’il arrive, ce record sera battu », assure le scientifique, qui publie également une analyse jeudi. Selon ses données, les températures de juillet 2023 dépasseront de 0,2 °C le précédent record de juillet 2019 et s’avéreront plus élevées d’environ 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle – une première pendant l’été de l’hémisphère Nord, lorsque la planète est la plus chaude.

CLIMAT: le début de « L’ÈRE DE L’ÉBULLITION » ( ONU)

CLIMAT: le début de « L’ÈRE DE L’ÉBULLITION » ( ONU)

« Le changement climatique est là. Il est terrifiant. Et c’est juste le début. L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale », a déclaré le patron de l’ONU, Antonio Guterres.
« pour les scientifiques, c’est sans équivoque: les humains sont responsables », a-t-il insisté, notant que « la seule surprise est la vitesse du changement ».

« Les conséquences sont claires et tragiques: des enfants emportés par les pluies de mousson, des familles qui fuient les flammes, des travailleurs qui s’évanouissent sous la chaleur brûlante ».
Face à ce constat catastrophique, le secrétaire général de l’ONU a répété ses appels incessants à agir radicalement et de façon urgente, s’en prenant aussi une nouvelle fois au secteur des énergies fossiles.

« L’air est irrespirable, la chaleur est insoutenable. Et les niveaux de profits des énergies fossiles et l’inaction climatique sont inacceptables », a-t-il martelé. « Les dirigeants doivent diriger. Assez d’hésitation. Assez d’excuses. Assez d’attente que les autres bougent en premier ».

Antonio Guterres, qui accueillera à New York en septembre un sommet pour l’ambition climatique, appelle notamment les pays développés à s’engager à atteindre la neutralité carbone le plus près possible de 2040 et les économies émergentes le plus près possible de 2050.

Climat- Réchauffement des mers: les conséquences

Climat- Réchauffement des mers: les conséquences

Depuis la mi-mars 2023, le mercure à la surface des océans grimpe à des niveaux inégalés en 40 ans de surveillance par satellite, et l’impact néfaste de cette surchauffe se ressent dans le monde entier.

par Annalisa Bracco
Professor of Ocean and Climate Dynamics, Georgia Institute of Technology dans the Conversation

La mer du Japon est plus chaude de 4 degrés Celsius par rapport à la moyenne. La mousson indienne, produit du fort contraste thermique entre les terres et les mers, a été bien plus tardive que prévu.

L’Espagne, la France, l’Angleterre et l’ensemble de la péninsule scandinave ont enregistré des niveaux de précipitations très inférieurs à la normale, probablement en raison d’une vague de chaleur marine exceptionnelle dans l’est de l’Atlantique Nord. Les températures à la surface de la mer y ont été supérieures à la moyenne de 1 à 3 °C depuis la côte africaine jusqu’à l’Islande.

Et sur le continent européen, la vague de chaleur est actuellement insoutenable, tandis que l’on bat tous les records.

Que se passe-t-il donc ?

El Niño est en partie responsable. Ce phénomène climatique, qui se développe actuellement dans l’océan Pacifique équatorial, se caractérise par des eaux chaudes dans le centre et l’est du Pacifique, ce qui atténue généralement l’alizé, un vent régulier des tropiques. Cet affaiblissement des vents peut affecter à son tour les océans et les terres du monde entier.

Mais d’autres forces agissent sur la température des océans.

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Le graphique montre les températures de surface de la mer ces 22 dernières années. L’année 2023 est nettement supérieure aux années précédentes
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La banquise arctique était également anormalement basse en mai et au début du mois de juin, un autre facteur aggravant pour le mercure des océans. Car la fonte des glaces peut augmenter la température de l’eau, du fait des eaux profondes absorbant le rayonnement solaire que la glace blanche renvoyait jusque-là dans l’espace.

Tous ces phénomènes ont des effets cascades visibles dans le monde entier.

Les effets de la chaleur hors norme de l’Atlantique

Au début du mois de juin 2023, je me suis rendue pendant deux semaines au centre pour le climat NORCE à Bergen, en Norvège, pour y rencontrer d’autres océanographes. Les courants chauds et les vents anormalement doux de l’est de l’Atlantique Nord rendaient anormalement chaude cette période de l’année, où l’on voit normalement des pluies abondantes deux jours sur trois.

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De nombreux scientifiques ont émis des hypothèses sur les causes des températures anormalement élevées dans l’est de l’Atlantique Nord, et plusieurs études sont en cours.

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

L’affaiblissement des vents a rendu particulièrement faible l’anticyclone des Açores, un système de haute pression semi-permanent au-dessus de l’Atlantique qui influe sur les conditions météorologiques en Europe. De ce fait, il y avait moins de poussière du Sahara au-dessus de l’océan au printemps, aggravant ainsi potentiellement la quantité de rayonnement solaire sur l’eau. Autre facteur possible aggravrant la chaleur des océans : la diminution des émissions d’origine humaine d’aérosols (particules fines en suspension dans l’air) en Europe et aux États-Unis au cours des dernières années. Si cette baisse a permis d’améliorer la qualité de l’air, elle s’accompagne d’une réduction – encore peu documentée – de l’effet de refroidissement de ces aérosols.

Une mousson tardive en Asie du Sud

Dans l’océan Indien, El Niño a tendance à provoquer un réchauffement de l’eau en avril et en mai, ce qui peut freiner la mousson indienne dont l’importance est cruciale pour diverses activités.

C’est sans doute ce qui s’est passé avec une mousson beaucoup plus faible que la normale de la mi-mai à la mi-juin 2023. Ce phénomène risque de devenir un problème majeur pour une grande partie de l’Asie du Sud, où la plupart des cultures sont encore irriguées par les eaux de pluie et donc fortement dépendantes de la mousson d’été.

L’Inde a connu des températures étouffantes en mai et juin 2023. Shutterstock
L’océan Indien a également connu cette année un cyclone intense et lent dans la mer d’Oman, ce qui a privé les terres d’humidité et de précipitations pendant des semaines. Des études suggèrent que lorsque les eaux se réchauffent, les tempêtes ralentissent, gagnent en force et attirent ainsi l’humidité en leur cœur. Une série d’effets qui, à terme, peut priver d’eau les masses terrestres environnantes, et augmenter ainsi le risque de sécheresse, d’incendies de forêt comme de vagues de chaleur marines.

En Amérique la saison des ouragans en suspens
Dans l’Atlantique, l’affaiblissement des alizés dû à El Niño a tendance à freiner l’activité des ouragans, mais les températures chaudes de l’Atlantique peuvent contrebalancer cela en donnant un coup de fouet à ces tempêtes. Il reste donc à voir si, en persistant ou non l’automne, la chaleur océanique pourra l’emporter ou pas sur les effets d’El Niño.

Les vagues de chaleur marine peuvent également avoir des répercussions considérables sur les écosystèmes marins, en blanchissant les récifs coralliens et en provoquant ainsi la mort ou le déplacement des espèces entières qui y vivent. Or les poissons dépendant des écosystèmes coralliens nourrissent un milliard de personnes dans le monde.

Les récifs des îles Galápagos et ceux situés le long des côtes de la Colombie, du Panama et de l’Équateur, par exemple, sont déjà menacés de blanchiment et de disparition par le phénomène El Niño de cette année. Sous d’autres latitudes, en mer du Japon et en Méditerranée on constate également une perte de biodiversité au profit d’espèces invasives (les méduses géantes en Asie et les poissons-lions en Méditerranée) qui peuvent prospérer dans des eaux plus chaudes.

Ces types de risques augmentent

Le printemps 2023 a été hors norme, avec plusieurs événements météorologiques chaotiques accompagnant la formation d’El Niño et des températures exceptionnellement chaudes dans de nombreuses eaux du monde. Ce type de phénomènes et le réchauffement global des océans comme de l’atmosphère s’autoalimentent.

Pour diminuer ces risques, il faudrait mondialement réduire le réchauffement de base en limitant les émissions excessives de gaz à effet de serre, comme les combustibles fossiles, et évoluer vers une planète neutre en carbone. Les populations devront également s’adapter à un climat qui se réchauffe et dans lequel les événements extrêmes sont plus probables, et apprendre à en atténuer l’impact.

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