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Les cibles de l’ État islamique au Khorassan (EIK)

Le 22 mars 2024, la Russie a subi la pire attaque terroriste sur son sol depuis une génération. Au moins 137 personnes ont été tuées par des terroristes lors d’un concert en banlieue de Moscou. L’attentat a été revendiqué par le groupe État islamique au Khorassan (EIK). Et bien que les autorités russes aient exprimé des doutes sur la réalité de cette revendication, de façon à imputer l’attaque à l’Ukraine, des responsables américains ont déclaré à l’Associated Press qu’ils pensaient que l’EIK, que l’on peut qualifier de section locale de Daech en Asie du Sud et en Asie centrale, était effectivement à l’origine de l’assaut. Au cours de ces derniers mois, l’EIK avait déjà conduit des opérations terroristes de grande ampleur dans plusieurs pays, dont l’Iran et le Pakistan.

 

 

Les chercheuses Amira Jadoon, de l’Université de Clemson, et Sara Harmouch, de l’American University, deux spécialistes qui suivent de près les activités de l’EIK – expliquent à The Conversation ce que l’attentat de Moscou nous apprend sur les forces et le programme de l’organisation.

L’EIK opère principalement dans la zone Afghanistan-Pakistan, mais est présent dans tout le « Khorassan » historique – une région qui s’étend sur des parties de l’Afghanistan et du Pakistan mais aussi de l’Iran et d’autres pays d’Asie centrale.

Créé en 2015, l’EIK vise à établir un « califat » – un système de gouvernance soumis à la plus stricte application de la charia et placé sous l’autorité de responsables religieux – dans cette région à cheval sur l’Asie du Sud et l’Asie centrale.

L’EIK partage l’idéologie de son organisation mère, le groupe État islamique, qui promeut une interprétation extrême de l’islam et considère les gouvernements laïques, ainsi que les populations civiles non musulmanes mais aussi les groupes et individus musulmans ne partageant pas sa vision de l’islam comme des cibles légitimes.

Le groupe est connu pour son extrême brutalité et pour avoir fréquemment pris pour cible des institutions gouvernementales et des civils, y compris des mosquées, des établissements d’enseignement et des espaces publics.

Après le retrait des États-Unis d’Afghanistan en 2021, les principaux objectifs de l’EIK ont été de remettre en cause la légitimité des talibans actuellement au pouvoir dans ce pays ravagé par la guerre, de s’affirmer comme le leader légitime de la communauté musulmane dans sa zone et d’apparaître comme le principal adversaire régional des régimes existants.

En outre, la transition des talibans d’un groupe insurrectionnel à une entité gouvernementale a laissé de nombreuses factions militantes afghanes sans force unificatrice – une lacune que l’EIK s’est efforcé de combler.

L’EIK présente depuis longtemps la Russie comme l’un de ses principaux adversaires. Il utilise largement un discours anti-russe dans sa propagande et s’en est déjà pris aux intérêts russes en Afghanistan, commettant notamment en 2022 un attentat-suicide contre l’ambassade de Russie à Kaboul qui a fait deux morts parmi le personnel de l’ambassade russe et de quatre passants afghans.

L’État islamique au sens large s’en prend aussi à la Russie, et cela pour plusieurs raisons. Il s’agit notamment de griefs de longue date liés aux violentes interventions passées de Moscou dans des régions à majorité musulmane comme l’Afghanistan et la Tchétchénie. De plus, les alliances de Moscou avec des régimes opposés au groupe État islamique, notamment la Syrie et l’Iran, ont fait de la Russie un adversaire majeur aux yeux de l’organisation terroriste et de ses affiliés. En particulier, la Russie est un allié clé du président syrien Bachar Al-Assad depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, et lui fournit un soutien militaire pour lui permettre de combattre divers groupes qui cherchent à le renverser, y compris l’État islamique. Cette opposition directe au groupe terroriste et à ses ambitions de califat a fait de la Russie une cible privilégiée aux yeux de l’EI en général et de l’EIK en particulier.

La coopération de la Russie avec les talibans – le principal ennemi de l’EIK en Afghanistan – ajoute une couche d’animosité supplémentaire. Le groupe État islamique considère les pays et les groupes qui s’opposent à son idéologie ou à ses objectifs militaires, y compris les acteurs qui cherchent à établir des relations avec les talibans, comme des ennemis de l’islam.

En frappant des cibles russes, l’EIK cherche en partie à dissuader la Russie de s’impliquer davantage au Moyen-Orient. Mais ces attentats font également une grande publicité à sa cause et visent à inspirer ses partisans dans le monde entier. Ainsi, pour la « marque » État islamique, l’attentat de Moscou représente à la fois une vengeance à l’encontre de la Russie et une opération de communication d’ampleur mondiale. Cette approche peut s’avérer très payante, en particulier pour sa filiale d’Asie du Sud et d’Asie centrale, dans la mesure où elle peut lui apporter de nouvelles recrues, de nouveaux financements et une hausse de son influence dans la nébuleuse djihadiste.

Le simple fait que l’EIK soit associé au carnage de Moscou – que son implication y ait été directe ou indirecte – renforce la réputation du groupe. Cet épisode témoigne de son influence croissante et de sa détermination à faire sentir sa présence sur la scène mondiale.

En effet, commettre un attentat très médiatisé dans une grande ville située à des milliers de kilomètres de sa base afghane montre que l’EIK est en capacité d’étendre sa portée opérationnelle – soit directement, soit par le biais d’une collaboration avec des factions terroristes partageant les mêmes idées.

L’ampleur et la sophistication de l’attaque témoignent d’une planification, d’une coordination et de capacités d’exécution avancées, et réaffirment sans équivoque la volonté de l’EIK de se montrer toujours plus actif au niveau international.

À l’instar de l’attentat perpétré par l’EIK en Iran en janvier 2024, qui a fait plus de 100 morts, le dernier massacre en date souligne la place de l’EIK au sein du programme djihadiste mondial promu par le groupe État islamique, et contribue à élargir l’attrait de son idéologie et de sa campagne de recrutement grâce à l’attention accrue que lui portent les médias internationaux. Cela lui permet de rester un acteur politique de premier plan aux yeux de ses sympathisants en Asie du Sud et en Asie centrale, et aussi au-delà. Mais cela permet aussi de détourner l’attention de ses revers locaux. Comme son organisation mère, le groupe État islamique, l’EIK a subi, ces dernières années, des défaites militaires, des pertes de territoires et de dirigeants et une diminution de ses ressources.

Dès lors, le rôle supposément joué par l’EIK dans l’attentat de Moscou rappelle aux observateurs la persistance de la menace que représente l’organisation.

En ciblant une grande puissance comme la Russie, l’EIK vise à envoyer un message d’intimidation à tous les États participant aux opérations de lutte contre le groupe État islamique et à ébranler le sentiment de sécurité de leurs citoyens. Au-delà, sa stratégie s’inscrit dans un processus d’« internationalisation » qu’il poursuit avec une vigueur renouvelée depuis 2021 en ciblant les pays présents en Afghanistan, notamment le Pakistan, l’Inde, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, la Chine et la Russie, ce qui marque une expansion délibérée de son objectif opérationnel au-delà des frontières locales.

L’attaque de Moscou, qui fait suite à celle de janvier en Iran, suggère que l’EIK intensifie ses efforts pour exporter son combat idéologique directement sur les territoires de nations souveraines. Il s’agit d’une stratégie soigneusement calculée et susceptible de semer l’effroi dans de nombreuses capitales, comme le montrent déjà les premières réactions internationales au carnage du Crocus City Hall.

Meurtre de Thomas à Crépol : trois individus ciblés par la justice

Meurtre de Thomas à Crépol : trois individus ciblés par la justice

 Trois individus  ont été déférés devant les magistrats ce jeudi après-midi, à l’issue de leur garde à vue, d’après  parquet de Valence. Le premier des trois suspects a été mis en examen dans la soirée pour «homicide volontaire et tentatives d’homicides volontaires en bande organisée» et placé sous contrôle judiciaire.

 

Le meurtre de l’adolescent, dernier fils d’un couple de restaurateurs de la Drôme, avait par la suite suscité une vive émotion des habitants des villages avoisinants et de Romans-sur-Isère, située à une quinzaine de kilomètres de Crépol, au point de prendre une ampleur nationale pendant plusieurs semaines. Le quartier sensible de la Monnaie, à Romans, avait ensuite été pointé comme le lieu de résidence de plusieurs des membres de cette bande d’adolescents hostiles lors de la soirée. Par la suite, 9 premiers individus – dont trois mineurs – avaient été interpellés puis mis en examen pour «meurtre en bande organisée», «tentatives de meurtre» ou «violences en réunion».

Les centrales nucléaires: nouvelles cibles de guerre

Les centrales nucléaires: nouvelles cibles de guerre

L’utilisation par Vladimir Poutine des centrales ukrainiennes comme moyen d’intimidation des Occidentaux met en lumière la faiblesse des conventions internationales qui protègent ces installations civiles.( Le Monde)

 

Vladimir Poutine a un art consommé pour jouer de l’effroi qu’inspire le nucléaire, civil et militaire. Le président russe a réitéré ses menaces d’emploi de l’arme atomique, mercredi 21 septembre, trois jours après une frappe de missiles à proximité des réacteurs de la centrale de Pivdennoukraïnsk (Sud). Il avait déjà fait de celle de Zaporijia, la plus puissante d’Europe (6 000 mégawatts), occupée dès le début de la guerre par son armée, un outil d’intimidation des Occidentaux. Pour la première fois depuis le développement à grande échelle des applications civiles de l’atome, dans les années 1950, des sites se retrouvent au cœur d’un conflit armé.

Un nouveau Tchernobyl est improbable, la cuve où se produit la réaction atomique étant mieux protégée ; mais la fonte du cœur est possible en cas de coupure prolongée de l’alimentation électrique et d’un arrêt des circuits de refroidissement. A Zaporijia, la situation a été qualifiée d’« intenable » par le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le 6 septembre. Rafael Grossi réclame une « zone de protection » autour du site, jugeant que « quelque chose de vraiment, vraiment catastrophique pourrait se produire ». Sans succès jusqu’à présent. Qui peut décider une telle sanctuarisation, sinon le maître du Kremlin ?

Si les industriels, les opérateurs de centrales et les autorités de sûreté nucléaires coopèrent à travers le monde, il n’existe pas de gouvernance mondiale digne de ce nom. L’AIEA contrôle et fait des recommandations sans moyens de les imposer. Elle en réfère au Conseil de sécurité des Nations unies qui n’en a pas plus, puisque la Russie en est un des cinq membres permanents et y a droit de veto. « La sûreté nucléaire a fait énormément de progrès depuis les ­accidents de Tchernobyl et de Fukushima, a constaté M. Grossi, dans un entretien au Monde, en août. Mais, au milieu d’une guerre, elle n’est jamais absolue. » Personne ne s’était préparé à ce qu’une centrale « se retrouve au milieu d’une grande confrontation de type conventionnel ».

De longue date, les défenseurs du droit international humanitaire avaient pourtant prévu cette menace. La convention de Genève de 1949 sur la protection des civils, adaptée au fil des décennies, proscrit les agissements reprochés à Moscou. « Les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d’énergie électrique ne seront pas l’objet d’attaques, prévoit l’article 56 du protocole additionnel I de 1977même s’ils constituent des objectifs militaires, lorsqu’[elles] peuvent provoquer la libération de ces forces et, en conséquence, causer des pertes sévères dans les populations civiles. »

L’efficacité des chèques ciblés (Jean-Marc Daniel )

  L’efficacité des chèques ciblés (Jean-Marc Daniel )

Jean-Marc Daniel est professeur émérite à l’ESCP Business School explique l’efficacité des chèques ciblés dans le journal l’Opinion.

Chèque alimentaire, chèque psy, chèque énergie, éco-chèque, chèque carburant… Pourquoi le chèque est-il soudainement l’outil économique à la mode ?

Parce qu’on s’est aperçus que lorsqu’on donnait de l’argent aux individus, ils l’épargnaient. Si on relance l’économie par la consommation selon les schémas des années 1960-1970, on se retrouve avec des effets ricardiens, du nom de l’économiste Ricardo qui expliquait que les agents économiques prennent en compte dans leur décision l’évolution des dépenses publiques. La relance par la demande se retourne contre les gouvernants car les personnes prennent peur du creusement des déficits pour financer cette relance, craignent des futures hausses d’impôts et épargnent. Durant cette crise, on a constaté que les riches épargnaient plus mais aussi les revenus intermédiaires, à travers le livret A.

Donc le chèque ciblé permet de s’assurer que les personnes consomment…

Oui, et il a un deuxième avantage dans la crise que nous traversons. Il permet à une politique de relance de cibler ses destinataires et les secteurs où intervenir. Dans une récession traditionnelle, tout le monde est touché. Mais aujourd’hui les secteurs économiques sont différemment atteints. Avec les chèques ciblés sur les secteurs où la demande se contracte, on évite le défaut des relances keynésiennes trop globales et qui n’aidaient pas les secteurs les plus pénalisés par la récession. Par exemple parce que l’Etat, en investissant dans les infrastructures avec une politique de grands travaux, favorise ses fournisseurs traditionnels, mais ce ne sont pas eux qui en ont forcément besoin.

Donc les chèques sont un bon outil ?

Je suis radicalement contre les chèques ! Il y a un débat entre économistes pour savoir si on ne manipule pas les individus avec ce type d’outils d’économie comportementale. On appelle cela le « nudge », le petit coup de pouce. Ses partisans considèrent que l’Etat ne doit pas simplement redistribuer la richesse, mais orienter les comportements pour favoriser telles activités. Avec le nudge, c’est de manière masquée et subtile, mais avec les chèques, c’est plus radical. Le problème, c’est qu’on ne sait pas si une activité est en difficulté pour des raisons conjoncturelles ou parce qu’elle est amenée à disparaître. On en a vu l’illustration avec les contradictions des aides l’année dernière : d’abord, on a donné 50 euros à toute personne souhaitant réparer son vélo, puis on a relancé le secteur automobile avec 8 milliards d’euros. A chaque fois qu’un secteur est en difficulté, sa capacité de lobbying va influencer le gouvernement, mais la capacité de ce secteur à préparer l’avenir est ignorée.

Mais dans le cas des restaurants, on peut penser qu’il y en aura toujours…

Les restaurants vont mal : est-ce que je les aide directement ou en passant par la consommation ? Utiliser des chèques, c’est sous-entendre que le consommateur doit reconnaître la nécessité d’aller au restaurant. Aux Etats-Unis, certains économistes plus ou moins libéraux commencent à dire que c’est liberticide. En outre, si on généralise les chèques ciblés, on risque de voir apparaître un marché noir parallèle des chèques, comme pour les tickets-restaurants : si je reçois 500 euros pour changer ma chaudière par exemple, je propose à quelqu’un qui veut deux chaudières de lui revendre contre 400 euros d’argent liquide. Comme le marché noir en URSS avec les tickets de rationnement. Bien sûr, avec la numérisation des chèques, ce serait plus compliqué.

Police de sécurité du quotidien : 30 quartiers ciblés sur 500 !!!

Police de sécurité du quotidien : 30 quartiers ciblés sur 500 !!!

 

 

Un nouveau nom, la « PSQ »  pour tenter de rétablir l’état de droit dans certains quartiers en pleine dérive. Mais les moyens concerneront seulement 30 zones sur 500 potentiellement concernées. Bref des moyens pas du  tout à la hauteur des enjeux. Pas étonnant la quasi-totalité des responsables gouvernementaux ou des députés ignorent les réalités sociales et sociétales de ces quartiers et n’y ont jamais résidé. Dès lors,   il ne faut guère s’étonner que ces zones de non droit aient  fourni 1500 à 2000 candidats au djihadisme  en Syrie et en Irak et que d’une façon générale l’économie de la drogue face office  de régulation là ou la puissance publique ne pénètre même plus.  Le ministre de l’Intérieur a donc annoncé que trente quartiers difficiles bénéficieront de «moyens supplémentaires» d’ici à janvier 2019 dans le cadre de cette «PSQ». Avec une volonté: ne pas ressusciter la police de proximité, cette «pol prox» devenue le symbole de l’échec de la politique sécuritaire du gouvernement Jospin et un épouvantail pour la droite. Mais, si elle affirme des principes et dégage des moyens, la PSQ recycle aussi des mesures déjà lancées. Ces derniers mois, elle a d’ailleurs suscité chez les élus et les forces de l’ordre autant d’attentes que d’interrogations.

Des dizaines de communes (Aulnay-sous-Bois, Lille, Grenoble, Toulouse, etc.) se sont portées candidates, avec bien souvent l’espoir de glaner des effectifs supplémentaires au regard des 10.000 créations de postes annoncées. Au sein des forces de l’ordre, d’aucuns craignent que les annonces ministérielles ne se limitent notamment à labelliser «PSQ» des mesures ou chantiers déjà actés, comme la forfaitisation des amendes pour consommation de cannabis. Pour les syndicats policiers, les grandes ambitions ont déjà été mises à mal par une concertation en pointillés.

Hackers : Les médias cibles privilégiées

Hackers : Les médias cibles privilégiées

Du 4 au 6 juin, La Tribune a été victime d’attaques informatiques ciblées et de grande ampleur. Du New York Times à Rue89, en passant par TV5 Monde, les cyberattaques sur les médias se sont multipliées ces dernières années. Avec des méthodes et des finalités très différentes. Pour provoquer le « crash » d’un site, il suffit parfois de quelques milliers de connexions simultanées. Le serveur, débordé, ne peut plus répondre à la demande, et le site devient inaccessible. La méthode est bien connue des hackers, les pirates du web, qui l’utilisent allègrement pour s’attaquer à leurs proies. Pendant 48 heures, du samedi 4 au lundi 6 juin, La Tribune a été l’une d’entre elles. Mais notre site a été confronté à des attaques informatiques violentes, d’une grande ampleur. Ce ne sont pas quelques milliers de fausses connexions qu’il a fallu gérer, mais jusqu’à un million par seconde au plus fort de la crise. Autrement dit, c’est comme si un million d’ordinateurs se connectaient en même temps sur latribune.fr pour faire sauter les serveurs, et donc rendre le site indisponible. Ces assauts venaient d’Asie. Ils ont entraîné des dysfonctionnements pendant tout le week-end. Mais grâce à la mise en place de nouvelles solutions techniques, l’accès au site a été progressivement rétabli lundi dans la matinée. Ce qui n’empêchait pas de nouvelles attaques de se dérouler… La Tribune n’est pas un cas isolé. Les attaques par DDoS (pour Distributed denial of service ou attaque informatique par déni de service distribué) sont de plus en plus courantes contre des médias. Elles font partie de la grande famille des attaques DNS, pour Domain Name System, qui visent à s’en prendre à un site via son nom de domaine. Concrètement, cette forme élaborée d’attaque permet d’envoyer un grand nombre de connexions simultanées vers un site pour saturer les serveurs. Très courante, cette attaque est aussi assez facile à mettre en oeuvre. Il suffit pour une personne mal intentionnée de s’offrir les services d’un botnet, c’est-à-dire d’un réseau d’ordinateurs « zombies ». Le prix, compris entre quelques centaines et quelques milliers d’euros, correspond à la durée de l’attaque et son intensité. Si les attaques DDoS sont si efficaces à court terme (avant que le hacker décide d’arrêter de payer ou que le site trouve de nouvelles solutions d’hébergement), c’est parce que tout le monde peut y participer sans s’en rendre compte. Car les botnets sont installés dans les ordinateurs via des malwares, ou logiciels malveillants, des virus que l’on « attrape » en surfant sur internet si la machine n’est pas ou mal protégée, et qui se propagent d’une machine à l’autre. Au moment choisi, les botnets s’acharnent en même temps sur une adresse IP identifiée. Généralement, l’offensive est rapide. Elle s’étale sur quelques heures « à peine », comme l’ont expérimenté l’an dernier les sites belges Le Soir et Sud info (trois heures) ou encore sept sites de grands journaux suédois le 19 mars dernier (une heure). En revanche, les attaques subies par La Tribune se sont étalées sur trois jours, sur des longues plages de douze heures à chaque fois. Cette durée et cette intensité -rares- révèlent que notre média a fait l’objet d’attaques ciblées, commanditées par quelqu’un (ou quelques-uns). Mais « on ignore toujours qui en est à l’origine et pourquoi, il n’y a pas eu de revendication », précise Thomas Loignon, le directeur Nouveaux médias du journal. Qu’a donc fait La Tribune pour subir tant d’acharnement ? « Il peut arriver qu’une attaque soit menée sans raison particulière, sans aucune logique, explique un fin connaisseur du milieu du hacking. Mais le plus souvent, les hackers veulent marquer les esprits en faisant payer aux médias des prises de position ou des articles qui leur ont déplus », ajoute-t-il. « Les médias sont des cibles privilégiées, car les hackeurs cherchent un écho », poursuit l’entreprise de sécurité WatchGuard dans ses prédictions 2016. Ainsi, plus l’objectif des cybercriminels est politique, plus l’attaque est sophistiquée et spectaculaire. Après les attentats de Charlie Hebdo par exemple, plus d’un millier de sites français (médias, associations…) avaient été victimes d’attaques revendiquées par des groupes islamistes ou anti-Charlie. Six mois plus tôt, en juillet 2014, le site Rue89 subissait également la vengeance d’un hackeur dénommé Grégory Chelli. Celui qui se présentait comme un « militant sioniste » voulait punir la sensibilité pro-palestinienne du site et dénonçait un article « mensonger » qui lui avait été consacré quelques jours auparavant. Il avait lui aussi opté pour des attaques de type déni de service. Pour éviter ce genre d’attaques informatiques, il faut que l’hébergeur du média concerné propose une solution anti-DDoS. Mais celles-ci sont chères et lourdes à installer, ce qui pénalise les « petits » médias, qui n’ont pas les moyens de s’équiper de telles solutions anti-hacking. Depuis février dernier, Google propose également à tous les médias du monde qui le souhaitent de rejoindre gratuitement son « project Shield », ou « bouclier ». Le géant californien, qui fournit une part importante du trafic des médias via son moteur de recherche, a développé une solution capable d’intercepter les connexions néfastes avant qu’elles n’atteignent le serveur. Mais certaines attaques, souvent les plus graves, relèvent avant tout d’erreurs humaines, imputables à la négligence et au manque de culture de sécurité informatique des journalistes. Cette faille est exploitée par la technique dit du « hameçonnage », ou « phishing », qui a fait ses preuves. Il s’agit tout simplement de tromper un journaliste pour l’inciter à révéler ses identifiants, en se faisant passer pour une personne de confiance. Le New York Post, le Washington Post ou encore Le Monde y ont été confrontés. L’objectif pour les hackers ? Paralyser le site, bien sûr, mais aussi en profiter pour prendre le contrôle des réseaux sociaux pour publier des messages de propagande ou des fausses informations. L’Armée électronique syrienne, un groupe de hackers pro-Assad offusqué par les « mensonges » des médias occidentaux, s’est illustrée à de nombreuses reprises depuis 2012 dans l’art du « hameçonnage ». Son principal fait d’arme est d’avoir pris, en 2013, le contrôle du fil Twitter de l’agence Associated Press, pour y annoncer que le président Obama avait été blessé dans l’explosion de deux bombes à la Maison-Blanche. Ce qui avait provoqué un vent de panique à la Bourse de New York.

L’exemple le plus marquant d’un piratage massif reste celui, en mars 2015, des onze chaînes du groupe TV5 Monde, qui émettent dans plus de 200 pays. Pendant plusieurs heures, ce fut l’écran noir total suite à la neutralisation par des hackers de l’infrastructure informatique, suivie par la disparition de l’ensemble des messageries internes et par la publication sur les comptes Twitter et Facebook de messages de soutien à l’Etat islamique. L’attaque, inédite, a été qualifiée « d’une puissance inouïe » par la direction du groupe, créant un traumatisme encore bien vivace chez les journalistes, et la poussant à renforcer sa sécurité informatique. L’enquête préliminaire qui a suivi a dénoncé la négligence du personnel, qui laissait traîner des mots-de-passe sur des post-its à la vue de tous… Mais elle a aussi montré que les médias peuvent être les cibles d’attaques dont les enjeux les dépassent. En effet, la piste de cybercriminels russophones a été reconnue comme la plus plausible. Déjà identifiés par plusieurs entreprises de sécurité, ce groupe de hackers était réputé pour collecter des informations sur des questions de défense et de géopolitique. Ce piratage massif fait écho à celui vécu par le New York Times en janvier 2013. Le célèbre journal s’était rendu compte que des pirates surveillaient son réseau informatique depuis quatre mois, pour récupérer des mots de passe, des courriels… D’après sa propre enquête, les responsables seraient des hackers chinois, à l’affût d’informations suite à la publication d’une enquête sur le patrimoine du Premier ministre d’alors, Wen Jiabao. La Chine a catégoriquement nié toute implication.

 

(Lu dans la Tribune)




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